CHAPITRE 1 DÉFINITION DE LA SÉLECTION NATURELLE De nos jours, lorsqu’on aborde le sujet de l’évolution, on pense spontanément à Charles Darwin (1809-1882). C’est en effet lui qui, vers le milieu du XIXe siècle, a expliqué une fois pour toutes comment les diverses formes vivantes s’étaient constituées. Il s’était basé sur des observations faites au cours de longs voyages autour du monde à bord du Beagle du 27 décembre 1831 au 2 octobre 1836, en particulier sur les tortues, les lézards, les oiseaux (pinsons) des îles Galápagos au large de l’Équateur. Il étudia systématiquement les phénomènes relatifs à la diversité du monde vivant : l’adaptation, la distribution, le déplacement des animaux, l’extinction des espèces, l’origine des îles volcaniques, la formation des récifs de corail, etc. Théoricien par excellence de l’évolution biologique, Darwin en formula le mécanisme dans L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle (1859). Selon lui, les facteurs climatiques, la compétition avec d’autres espèces, etc., expliquent la formation de nouvelles espèces. Cette sélection naturelle opère par petites variations brusques et spontanées. Ne survivent que les formes les mieux adaptées à l’environnement et à ses transformations. G2680_Ba_Chap1et2_EP3.indd 5 10-11-23 11:56 6 Critique des théories de l’évolution, de « races » et de racisme Les pressions sélectives permettent donc à certaines variétés de l’espèce de survivre tandis que les autres entrent en processus d’extinction. Mais Darwin élucide davantage ce mécanisme dans la définition suivante qu’il donne à la notion de sélection naturelle : On peut se demander comment il se fait que les variétés que j’ai appelées espèces naissantes ont fini par se convertir en espèces vraies et distinctes, lesquelles, dans la plupart des cas, diffèrent évidemment beaucoup les unes des autres que les variétés d’une même espèce ; comment se forment ces groupes d’espèces, qui constituent ce qu’on appelle des genres distincts, et qui diffèrent les uns des autres du même genre ? Tous ces effets découlent d’une même cause : la lutte pour l’existence. Grâce à cette lutte, les variations quelque faibles qu’elles soient et de quelque cause qu’elles proviennent, tendent à préserver les individus d’une espèce et se transmettent ordinairement à leur descendance, pourvu qu’elles soient utiles à ces individus dans leurs rapports infiniment complexes avec les autres êtres organisés et avec les conditions physiques de la vie. Les descendants auront eux aussi en vertu de ce fait, une plus grande chance de persister ; car, sur les individus d’une espèce quelconque qui naît périodiquement, un bien petit nombre peut survivre. J’ai donné à ce principe, en vertu duquel une variation si insignifiante qu’elle soit, se conserve et se perpétue, si elle est utile, le nom de sélection naturelle, pour indiquer les rapports de cette sélection avec celle que l’homme peut accomplir. Mais l’expression qu’emploie souvent M. Herbert Spencer : « la persistance du plus apte », est plus exacte et quelquefois tout aussi commode. Nous avons vu que grâce à la sélection naturelle, l’homme peut obtenir de grands résultats et adapter les êtres organisés à ses besoins, en accumulant les variations légères mais utiles, qui lui sont fournies par la nature. Mais la sélection naturelle est une puissance toujours prête à l’action ; puissance aussi supérieure aux faibles efforts de l’homme que les ouvrages de la nature sont supérieurs à ceux de l’art (Darwin, 1989, p. 107). Ce mécanisme qui a toujours affecté la vie dans l’intégralité de son processus depuis ses origines jusqu’à son degré actuel de diversification est la loi fondamentale de l’évolution biologique des êtres vivants. Mais quoique riche en perspectives scientifiques et théoriques, cette définition ne serait à même de rendre compte de la valeur et de la portée de la rupture épistémologique de la théorie de la sélection naturelle que par rapport à son contexte historique antérieur et contemporain, qui a influé sur toute la polémique idéologique qu’elle a suscitée dès son émergence. Mais il faut noter que cette polémique existait bien avant Darwin déjà et de façon marquante dans le cheminement historique et idéologique des différentes écoles de pensée contradictoires sur l’origine de l’homme et des diverses espèces vivantes. G2680_Ba_Chap1et2_EP3.indd 6 10-11-23 11:56 CHAPITRE 2 APERÇU HISTORIQUE DES IDÉES ET COURANTS DE PENSÉE CONTRADICTOIRES SUR L’ORIGINE DE LA VIE La théorie de la sélection naturelle de Darwin (1859) est née à une époque où l’essentiel des expressions philosophiques, religieuses, scientifiques et politiques, était polarisé par la question fondamentale de l’origine de la vie par la Création ou par l’Évolution. En effet, quand ils tentaient de répondre à cette question, les penseurs de différentes époques de l’histoire se divisaient en deux principaux courants idéologiques contradictoires : le créationnisme et l’évolutionnisme. Si le premier pose le postulat de la création pure et simple de l’homme et de la vie, le second, au contraire, soutient que le monde, la vie, dans leur diversité minérale, végétale, animale (et humaine) n’ont pas été créés mais se sont transformés au cours d’une longue évolution physique et biologique allant du simple au complexe, de l’unicellulaire au multicellulaire. G2680_Ba_Chap1et2_EP3.indd 7 10-11-23 11:56