PARTIE I CONTEXTE DE LA CLASSIFICATION ÉCOLOGIQUE DES TERRES DU NOUVEAU-BRUNSWICK …où l’histoire et la logique de la CET du Nouveau-Brunswick sont définies, et où sont présentés les faits et les concepts scientifiques qui aideront au lecteur à interpréter la partie II... Notre Patrimoine du Paysage 5 6 Chapitre 1 : Un paysage dynamique Une vallée abrupte est couverte avec une luxuriante forêt mixte de conifères et de feuillus qui obscurcit le ruisseau traversant la partie septentrionale du Nouveau-Brunswick. Chapitre 1 Un paysage dynamique Le paysage du Nouveau-Brunswick présente un mélange dynamique de traits contrastants qui lui confèrent un caractère unique au Canada. Au nord s’élève le mont Carleton, le point le plus élevé des Maritimes. Au sud, les plus grandes marées au monde se déferlent dans la baie de Fundy. Entre les montagnes et la mer, se trouvent des rivières impétueuses, des lacs scintillants, de vastes milieux humides, des forêts odorantes bordées de champs et de vasières chatoyantes de vie aviaire. Les habitants humains du Nouveau-Brunswick vivent sous l’influence directe et indirecte du paysage depuis de nombreux siècles. Les Autochtones et les immigrants européens ont préféré habiter les zones côtières abritées et les vallées riveraines, plutôt que les hautes terres balayées par les vents. Des hameaux agricoles ont vu le jour dans des zones pourvues de terres arables, tandis que de petits villages miniers et forestiers ont pris naissance dans les secteurs riches en matière ligneuse et en minerai. Les principaux réseaux fluviaux du Nouveau-Brunswick ont servi d’autoroutes pour canots et navires à vapeur, et les ingénieurs ont conçu leurs routes et leurs chemins de fer selon les modelés du Notre Patrimoine du Paysage 7 terrain, dont la topographie reflétait la géologie sous-jacente. La plupart d’entre nous savent que des perturbations répétées telles que les feux et les insectes comme la tordeuse des bourgeons de l’épinette ont une incidence importante sur la distribution des espèces animales et végétales au Nouveau-Brunswick. Nous ne savons pas tous, par contre, que le paysage du NouveauBrunswick—ses variétés [de types] de roches, ses sols, l’apparence du terrain ainsi que les climats régionaux et locaux—ont une influence non moins importante concernant la distribution des espèces. Du fait, il peut être dit que le paysage du NouveauBrunswick a déterminé qui vit où et pourquoi. Cela vaut non seulement pour les populations humaines, mais également pour la myriade d’espèces de la faune et de la flore provinciales. Ainsi, la végétation de sous-étage qui enrichit les forêts boréales du mont Carleton, par exemple, est très différente de celle qui se trouve sur les berges paisibles et fertiles du cours inférieur du fleuve SaintJean. La faune aviaire qui se trouve le long du littoral de la baie de Fundy est nettement distincte de celle qui fréquente les rives du Grand Lac. Autre point intéressant, il a été suggéré, au moins pour les humains, que le paysage ne fait pas que déterminer qui habite où; il a aussi un effet profond sur qui nous sommes. Quoi qu’il en soit, une appréciation du territoire qui l’entoure permet généralement à quelqu’un de se sentir plus lié à l’endroit qu’il ou elle considère comme son chez-soi. Tout aussi important, être conscient du paysage—de sa diversité biologique, de la fragilité de son habitat, de l’interdépendance de ses éléments—peut nous aider à prendre des décisions éclairées en matière d’utilisation du territoire et de conservation dans nos collectivités respectives. Car somme toute, si le paysage a eu une influence sur notre développement socioéconomique, les activités humaines ont, elles aussi, eu un impact significatif sur le paysage. Depuis les années 1950, la population du Nouveau-Brunswick a augmenté par quarante-cinq pour cent : il s’ensuit que la relation de réciprocité qui existe entre la préservation des paysages et l’aménagement du territoire nous met au défi, aujourd’hui plus que jamais. Le besoin de l’intendance En 1968, la mission Apollo 8 transmettait aux téléspectateurs médusés du monde entier les premières photographies de Terre 8 Chapitre 1 : Un paysage dynamique prise à partir de l’espace. Ces premières images de notre fragile planète obtenues à partir de l’espace aidèrent à susciter en nous le besoin d’être des intendants efficaces. L’astronaute canadienne Roberta Bondar a également formulé quelques réflexions par rapport à son expérience du spectacle de la terre à bord de la navette spatiale en janvier 1992 : « J’ai l’impression que chaque membre de l’équipage vit et revit le spectacle de la Terre d’une façon tout à fait personnelle, certains étant plus touchés que d’autres sur le plan spirituel ou intellectuel par le contraste entre le noir de l’univers et le pastel brillant de la Terre. Plusieurs questions vous viennent à l’esprit une fois que la fébrilité de la préparation de la mission et votre manière de pensée terrienne vous ont quittées, et que vous êtes confrontés au fait qu’il n’y a rien d’autre autour de vous que le vide intersidéral froid, noir, et inhospitalier. » Pour la plupart d’entres nous, le fait de voir la biosphère de l’extérieur a eu un impact considérable sur notre perception de la valeur et de la rareté de la vie telle que nous la connaissons, voire de la fragilité de la planète tout entière. Comme Mme Bondar le précise dans son ouvrage intitulé « Touching the Earth », cette vision à partir de l’espace a aidé à mettre en lumière les changements que l’être humain a apportés à la biosphère au cours des trente dernières années. Il va par ailleurs de soi que le règlement des questions d’intendance, de décision en matière de l’utilisation du territoire et d’autres problèmes relatifs à la durabilité exige davantage que de bonnes intentions ou des valeurs ésotériques. Les problèmes cités en avant demandent des données concrètes qui peuvent servir à définir les écosystèmes de façon à mieux comprendre et préserver les processus écologiques. Car c’est grâce à ces processus que la terre crée la possibilité de la vie—la nôtre et celle des quelques 30 000 autres espèces animales et végétales avec qui nous partageons la province du Nouveau-Brunswick. Ensemble, les facteurs comme le climat, le sol et l’évolution des paysages Notre Patrimoine Du Paysage La terre comme vu de l'orbite lunaire par l’équipage d'Apollo 8, le jour de Noël en 1968. Photo avec l’aimable autorisation de la NASA. 9 influencent la composition d’un écosystème pour ce qui est de quels genres d’espèces y habitent. Autrement dit, nous devons connaître qui ou quoi habite où, et pourquoi ils y habitent, de manière à pouvoir prévoir, atténuer et mieux gérer les effets des diverses activités reliées à l’exploitation forestière, minière et agricole, au développement des collectivités et de l’industrie, au tourisme et aux loisirs. Qu’est-ce que la classification écologique des terres ? Un système de classification écologique des terres, ou CET, est une façon de reconnaître et de décrire des écosystèmes aux diverses échelles spatiales—des zones écologiques immenses qui couvrent une grande portion du continent, jusqu’aux microsites très petits et localisés. La CET utilise les caractéristiques de l’environnement physique incluant la température, la précipitation, la topographie, les types de sol et les autres aspects biophysiques. La raison d’être de la CET est la division et la catégorisation des écosystèmes en divisions similaires et différentes à diverses échelles. La CET peut produire de l’information qui améliorera les prédictions et les analyses des phénomènes qui sont en rapport avec la foresterie, la conservation, l’aménagement de la faune et des plantes sauvages, et les autres décisions au sujet de l’utilisation du territoire, que ceux qui sont disponibles par l’observation toute simple des plantes et des animaux en isolation. Les scientifiques utilisent parfois le terme « écosystème » en référence à un milieu biotique ou à une communauté d’espèces, sans tenir compte du contexte biophysique ou géographique. Dans ce document, ce modèle de formation est inversé, et la priorité est donnée aux caractéristiques physiques persistantes dans les délinéations des écosystèmes. Cette formation, racinée dans la géographie et la description de la terre, l’air, et l’eau qui sont toutes relativement fixes, évite les désavantages concomitants avec les descriptions d’écosystèmes qui comptent sur les plantes et les animaux mobiles et dynamiques. Considéré dans cette manière, le concept des écosystèmes devient plus concret et plus utile—du point de vue des opérations—pour divers objectifs. L’écologiste canadien réputé Stan Rowe considère l’écosystème de façon théorique similaire comme « un gigantesque terrarium ou aquarium où toutes les formes de vie et l’ensemble des activités humaines sont inscrits dans le temps et l’espace. » 10 Chapitre 1 : Un paysage dynamique À la lumière de cette nouvelle perception de la Terre et de ses écosystèmes comme parties interdépendantes d’une entité plus grande, comment les Néo-Brunswickois affronteront-ils les difficultés environnementales auxquelles ils sont confrontés ? De plus en plus, la nouvelle génération d’agriculteurs, de pêcheurs, de travailleurs forestiers, de professionnels et de citoyens saisit cette représentation de leur chez-soi comme une image bien fondée, basée sur un écosystème local. Pendant que tous ces individus renouvellent leur vocation d’intendants environnementaux, ils sentent la nécessité à savoir de plus au sujet du patrimoine de leur paysage. Ce document a l’intention d’aider ces individus dans leur quête pour cette connaissance. Un paysage typique au nord du NouveauBrunswick : pourquoi est-il dominé par les forêts de conifères ? La classification écologique des terres peut fournir la perspicacité aux telles questions. Notre Patrimoine Du Paysage 11 12 Chapitre 1 : Un paysage dynamique