Septembre 2013 Lettre d’informations www.couplan.com n°17 François Couplan Balade du moment… Les Labiées du soleil… En vous promenant dans la nature, il vous est certainement arrivé de froisser une feuille entre vos doigts pour la sentir. Et je suis sûr que vous vous êtes souvent émerveillés de l'odeur agréable que percevaient vos narines. Car les plantes aromatiques, riches en essence aromatique ne sont pas rares dans notre flore. Dans le Midi surtout : rien que le nom de « Provence » évoque, en plus du soleil, des bouffées d'appétissants parfums. Les herbes de Provence sont à la base de l'arsenal condimentaire de notre cuisine. Toutes se rencontrent chez nous à l'état sauvage, et bien d'autres encore. C'est avant tout de la grande famille des Labiées dont il s'agit, aujourd’hui nommées « Lamiacées ». À leur tête, le thym (Thymus vulgaris) et le romarin (Rosmarinus officinalis), si connus et tellement cultivés qu'il est inutile de les décrire. Puis la sauge Rosmarinus officinalis Thymus vulgaris officinale (Salvia officinalis) qui donne, à l'état sauvage, de petites feuilles grises très odorantes, bien supérieures à celles des plantes cultivées. Cette remarque est vraie pour la plupart des Labiées aromatiques du Midi : lorsqu'elles poussent dans leurs garrigues rocailleuses et ensoleillées ce ne sont que de petites plantes rabougries, mais leur arôme est d'une grande finesse, alors que si on les cultive dans la bonne terre profonde d'un jardin où l'arrosage ne leur manque pas, les plantes grandissent au détriment de leur parfum. Les feuilles de sauge ou de romarin prennent même une odeur peu agréable à l'état frais, et il est alors préférable de les utiliser séchées. L'hysope (Hyssopus officinalis) et la sarriette des montagnes (Satureja montana), autres sous-arbrisseaux méditerranéens extrêmement odorants connaissent eux aussi une certaine dégénérescence lorsqu'on les cultive. Ce sont tous deux d'excellentes plantes condimentaires, douées de qualités ornementales appréciables grâce à une superbe floraison bleu vif chez l'hysope, blanc pur chez la sarriette. Ne quittons pas le Midi sans parler de la lavande, loin de n’être qu'une plante de parfumerie puisqu'on peut fort bien en aromatiser des crèmes, des flans ou d'autres desserts. Il en existe plusieurs espèces dans notre flore : la lavande aspic (Lavandula latifolia) qui pousse en dessous de 600 m d'altitude et la lavande vraie (Lavandula angustifolia), de 400 m à 1 800 m. La seconde est beaucoup plus fine que la première, et son parfum s'affine encore à Satureja montana Lavandula angustifolia Lavandula stoechas mesure que l'on monte. Ne parlons pas du lavandin, hybride largement cultivé à des Lavandula latifolia fins industrielles, dont l'odeur est grossière comparée à celle de la lavande vraie. Quant à la lavande stoechade (Lavandula stoechas), surnommée « lavande papillon » du fait de son toupet de bractées colorées, elle ne pousse que sur terrain siliceux à proximité du littoral. Son odeur est assez forte, et il est rare qu'on l'utilise. D'autres Labiées aromatiques se rencontrent aussi hors de la région méditerranéenne. L'origan (Origanum vulgare) par exemple est commun au bord des chemins de la plupart de nos régions. Il est bien joli avec son bouquet de fleurs roses, mais il déçoit un peu car il ne parfume pas autant les mets que son odeur aromatique laisserait présager. C'est bien dommage. En tout cas, il ne faut jamais le faire cuire. On en prépare toutefois un excellent pesto et un agréable « thé solaire » en laissant macérer ses inflorescences pendant quatre à six heures dans un bocal rempli d'eau et exposé au soleil. Le breuvage est d'une finesse remarquable. Le serpolet (Thymus serpyllum), cousin germain du thym, est une petite plante rampante aux feuilles minuscules et aux boules de fleurs roses ou violettes qui pousse un peu partout en Europe. C'est un bon condiment, moins Origanum vulgare puissant que son célèbre cousin bien sûr mais très délicat. Il sera facile de lui trouver une foule d'usages, par exemple un pesto original et parfumé. Et ces belles feuilles vert clair, délicatement dentées sur les bords, ces jolies fleurs blanches que butinent les abeilles. Froissons une feuille. Une telle odeur citronnée, pas d'erreur possible, dénote la mélisse (Melissa officinalis). On la nomme parfois « citronnelle », mais c’est à tort car la véritable citronnelle, bien différente, est une graminée tropicale. En tout cas la mélisse parfume délicieusement desserts et boissons. Mentha aquatica Mentha suaveolens Quant aux menthes, le problème est plus délicat. Il en existe huit espèces dans notre flore, de qualité inégale. Les meilleures à mon goût sont la menthe des champs (Mentha arvensis), dont l'odeur est empreinte d’une finesse toute spéciale, et la menthe pouliot (Mentha pulegium), Mentha arvensis Mentha sylvestris plus puissante mais moins délicate. La menthe aquatique (Mentha aquatica) est également très agréable et dégage une impression de fraîcheur due au menthol. Au bas de la liste, je placerais la menthe sylvestre (Mentha longifolia), aux feuilles allongées grisâtres et la menthe à feuilles rondes (Mentha suaveolens), peut-être pourtant les plus répandues. De ces deux dernières espèces, on peut néanmoins préparer de bons thés solaires. Toutes les menthes affectionnent les lieux humides. En plus de tous leurs bienfaits, les Labiées présentent l'avantage d'être faciles à reconnaître avec leurs tiges carrées, leurs feuilles opposées et décalées de 90° à chaque « étage », et leurs fleurs à deux lèvres, sauf chez les menthes, où elles sont presque régulières. Toutes ces plantes sont douées de vertus médicinales : elles sont stimulantes, digestives, antispasmodiques, sédatives parfois (thym, mélisse, lavande, serpolet), plus rarement expectorantes (thym, hysope) et presque toujours antiseptiques. Ah, les merveilleuses Labiées ! C’est bientôt ... ! Week-end de gastronomie sauvage : il reste encore quelques places à notre atelier de gastronomie sauvage en région parisienne qui aura lieu le week-end des 21 et 22 septembre dans la forêt de Compiègne, à 1 heure de Paris. Ce sera l’occasion de découvrir la flore de la fin de l’été, de remplir vos herbiers et de cueillir en compagnie de François Couplan des plantes savoureuses pour préparer d’étonnants repas « sauvages ». ! Balade botanique au Bois de Boulogne : notre prochaine sortie-découverte botanique au Bois de Boulogne aura lieu le vendredi 04 octobre. ! Et plusieurs activités en Suisse : journées plantes en Suisse. Pour tous rense ignements sur le s stages : france.bre il@couplan. com ! Formation du Collège Pratique d’Ethnobotanique Nous allons commencer à prendre les inscriptions pour la préformation préalable à la nouvelle session du Collège Pratique d’Ethnobotanique qui commencera en septembre 2014. Elle vous permettra de mieux connaître les plantes par l'observation en utilisant tous vos sens, d’acquérir le vocabulaire pour les décrire, d’en découvrir les utilisations, de pratiquer cueillette et cuisine, d’explorer les multiples facettes des relations entre l’homme et les végétaux et de vous sentir plus à l’aise dans l’étonnant monde des plantes. La préformation n’est pas obligatoire pour suivre la formation de trois ans au Collège Pratique d’Ethnobotanique. Elle est cependant vivement recommandée, car nous avons constaté qu’elle permettait aux personnes qui la suivent de prendre beaucoup d’avance dans le programme de la formation. Elle permet en effet : • D’acquérir des bases de botanique, en particulier le vocabulaire nécessaire à l’identification et à la compréhension des plantes. • D’apprendre à travailler seul d’une façon efficace et de progresser rapidement dans l’approche des végétaux et de la nature. • D’ouvrir son champ de vision sur les relations entre l’homme et les plantes. La préformation s’effectue chez vous, à votre rythme. Elle consiste à aller observer les plantes sur le terrain et à remplir des fiches où vous ferez part de vos observations détaillées au professeur qui vous suivra. Il vous renverra votre fiche avec ses annotations qui vous guideront dans votre découverte du monde végétal. Il sera à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Vos progrès seront fonction de votre assiduité et de votre rythme de travail. Il vous sera également demandé de dessiner les plantes que vous souhaitez étudier, ce qui vous permettra de développer un sens aigu de l’observation. Sans prétendre à réaliser des œuvres d’art, chacun en est tout à fait capable et les résultats en terme d’efficacité sont surprenants ! Vous serez également invités à partager vos découvertes avec votre entourage, vos amis, votre famille, et à en faire le compte-rendu. Ainsi pourrez-vous déjà vous familiariser avec l’animation de groupes. Nous vous demanderons aussi de réaliser des plats à base de plantes sauvages, que les recettes que vous utilisez soient les vôtres ou proviennent d’ailleurs. Vous nous ferez part des résultats et sans doute pourrons-nous vous apporter des conseils pour les améliorer. Nous vous proposerons aussi des lectures et vous demanderons de nous faire le compterendu de celles qui vous paraîtront les plus intéressantes. Nous vous soumettrons également des sujets de réflexion et lirons vos commentaires. Ils pourront vous servir de base pour préparer l’une des discussions proposées au cours de la formation. Cette préformation est réservée aux personnes qui s’inscrivent à la formation. Il faut donc pour cela : • Nous avoir renvoyé le questionnaire rempli (disponible ici). • Avoir déjà suivi un stage avec François Couplan ou s’engager à en suivre un avant le début de la formation (septembre 2014). • Avoir pris un premier contact, par téléphone ou en personne, avec François Couplan pour en parler. Pour tous détails complémentaires, contactez nous à l’adresse suivante : [email protected] Le coin des livres … Les familles de plantes à fleurs d’Europe Botanique systématique et utilitaire, de Philippe Martin aux Presses Universitaires de Namur Les diverses espèces de plantes peuplant la planète sont regroupées dans un certain nombre de familles selon leur degré de parenté. Cela se traduit souvent par des similitudes d’aspect et de propriétés. Pour s’y retrouver du mieux possible dans le vaste monde végétal qui nous entoure, il est utile de savoir placer les plantes dans leurs familles, ce qui se fait souvent de façon (presque) évidente et se révèle parfois un peu ardu. Cet ouvrage œuvre donc dans ce sens en détaillant plus de cent familles de plantes communes dans nos pays. Le texte donne des indications générales sur la systématique de la famille (nombre de genres et d’espèces), la morphologie caractéristique de ses membres, la formule florale – repère souvent très intéressant à connaître –, les familles voisines et quelques usages. La page de gauche présente des illustrations de certains membres de la famille. Si le livre ne se lit pas comme un roman, ce qui n’est pas son but, il donne des indications claires et précises qui permettront au lecteur motivé de mieux connaître les plantes qu’il rencontre dans la nature et de faciliter ainsi leur identification et leur classification. J’ai particulièrement aimé les quatre pages d’introduction, très explicites, sur les classifications et la description de la structure florale. L’auteur a choisi de ne pas suivre la nouvelle classification « APG », mais il mentionne les changements intervenus dans les dernières années. Personnellement, je regrette l’emploi des termes « archaïques » et « évoluées » pour qualifier certains groupes (dicotylédones, monocotylédones, eudicotylédones), ce qui me paraît donner une fausse idée de l’« évolution » et favoriser une certaine subjectivité chez les public dont on voit souvent les méfaits dans le fait de provolégier certaines plantes plutôt que d’autres. Mais cela est une vaste question dont je vous parlerai un de ces jours dans cette lettre d’informations. Bonne lecture et belles découvertes végétales. Plante du moment… La consoude (Symphy tum offi cinale) Une amie de l'humidité Ça et là dans les prairies humides, au bord des fossés, voire dans les haies fraîches se dressent les grosses touffes de la consoude. Ses longues feuilles pointues sont couvertes de fines nervures en réseau et de courts poils raides qui les rendent rugueuses au toucher. De robustes tiges portent à leur extrémité de jolis bouquets de fleurs en forme de tube, variant du jaune pâle au rose et au violet. La sole végétale Les très jeunes feuilles de consoude peuvent être ajoutées aux salades. Plus tard, elles sont trop rêches et sont meilleures cuites. Leur texture mucilagineuse permet d'en épaissir les soupes, mais elles sont particulièrement bonnes sous forme de « filets » au goût de sole, que l'on cuit à la poêle dans une pâte à crêpes. Les feuilles peuvent s'utiliser jusqu'à la fin de la saison. Une racine médicinale L'épaisse racine charnue était jadis tenue en grande estime pour ses vertus cicatrisantes. On l'appliquait fraîche, râpée, sur les plaies, les brûlures et les fractures. La consoude « consolide » en effet les os brisés, d'où son nom. Toxique ou non ? Comme plusieurs autres plantes, la consoude renferme des alcaloïdes qui peuvent à long terme causer de graves problèmes hépatiques. Il est donc judicieux de faire une consommation modérée de ses feuilles, ce qui tombe d’ailleurs sous le sens. Pour le jardin La plante est de plus en plus appréciée dans les jardins car ses feuilles compostées donnent un humus de grande qualité. Recette Filets de consoude (Pour 4 personnes) Pâte à frire : 200 g de farine mi-blanche, 1/4 l de bière, 1 pincée de sel 28 feuilles de consoude, 100 g de fromage de chèvre mou, 150 g de graisse végétale, Jus d'1 citron, 1 pincée de sel • Préparez une pâte à frire assez liquide avec la farine et la bière. Salez-la. • Sélectionnez de belles feuilles de consoude à peu près de même taille. Tartinez en une face de fromage de chèvre mou et collez-les deux à deux du côté enduit. • Trempez chaque couple de feuilles dans la pâte à frire puis déposez-les dans une poêle graissée très chaude. Faites dorer des deux côtés et dégustez chaud avec un filet de citron Bon appétit ! Amicalement, François Couplan Nous vous souhaitons une belle fin d’été Si vous souhaitez vous inscrire à cette lettre d'information gratuite, allez sur notre site : www.couplan.com Textes : François Couplan Photos : François Couplan, France Breil, Mise en page : France Breil Relecture : France Breil, F. Couplan Toute reproduction interdite sans autorisation