L`étrange trouble de Martha Rheiner L`étrange trouble de

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L'étrange
trouble de
Martha Rheiner
L'étrange
trouble de
Martha Rheiner
Marcella Bissonnet
Marcella Bissonnet
3.54 500544
----------------------------INFORMATION----------------------------
Couverture : Classique
[Roman (134x204)]
NB Pages : 22 pages
- Tranche : 2 mm + nb pages x 0,07 mm) = 3.54
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L’étrange trouble de Martha Rheiner
Marcella Bissonnet
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Le docteur Ziegler enleva ses lunettes à la triste
monture d’écaille noire. Après les avoir
soigneusement nettoyées avec une peau de chamois, il
les posa délicatement sur son bureau, puis poussant
un long soupir, il se frotta les yeux comme pour lever
un voile. Des troubles de la vision avaient commencé
à l’atteindre alors qu’il était encore un étudiant à la
fac de médecine de Vienne. Au fil du temps sa vue
avait sensiblement baissé et sans ses verres le monde
autour s’était peu à peu estompé, ce qui aurait é
dramatique pour un peintre ou un chirurgien, mais il
avait heureusement choisi la psychiatrie une
spécialité qui n’exige pas une grande acuité visuelle
et donc il ne se sentait nullement handicapé. Et le
voici aujourd’hui psy de grande renommée, un des
meilleurs, sinon le meilleur de sa ville. Son cabinet
privé prospérait, les gens y affluaient venant aussi de
l’étranger. Et il n’était pas inhabituel de devoir
attendre six mois, voire plus, pour une première
consultation. Ne fût-ce que pour entendre s’adresser
un bonjour, comment ça va ou autres stéréotypes,
certains anciens patients insistaient pour revenir
même quand ils étaient complètement rétablis. Dans
un univers de plus en plus virtuel, établir un bon
contact avec un praticien doué d’une remarquable
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capacité d’écoute valait certainement les 500 euros
facturés de l’heure. La psychiatrie n’était pas une
mauvaise profession, au contraire, elle était bien
rentable pour Ziegler à qui la nature avait octroyé une
voix aussi douce qu’une berceuse, sexy aux oreilles
féminines, apaisante à celles des angoissés par la
cacophonie existentielle.
D’un gabarit imposant, il ne passait pas inaperçu.
Jadis couronné d’une abondante chevelure rousse, son
crâne légèrement carré s’était progressivement
dégarni et malgré l’usage de lotions capillaires, il
n’arborait désormais qu’un duvet grisonnant. La
chute de cheveux était cependant compensée par une
épaisse moustache en croc ayant conservé sa couleur
d’origine, et qu’il taillait régulièrement avec le plus
grand soin.
Bien qu’il eût dépassé la cinquantaine, Ziegler ne
s’était jamais marié. La seule idée de partager un lit,
une salle de bain ou une cuisine avec une autre
personne et pis si de sexe féminin le mettait dans
tous ses états. Les plongées dans les tréfonds de l’âme
humaine l’avaient plus que jamais convaincu qu’il
valait mieux garder sa propre intimité que de la
partager. Pour se protéger d’éventuels engagements
émotionnels avec les patients, il avait développé une
sorte de carapace qui l’aidait à se tenir le plus
possible sur son quant-à-soi, malgré sa voix et sa
compétence qui ne cessaient d’attirer la foule qui
emplissait chaque jour ouvrable la salle d’attente du
cabinet.
Dans sa jeunesse, il lui était arrivé de se sentir
attiré par le regard magnétique de quelques jolies
filles, mais il avait toujours été très adroit pour les
laisser tomber aussitôt qu’elles tentaient de lui mettre
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le grappin dessus. Une fois seulement, à dix-sept ans,
il avait éprouvé un vague sentiment pour une jeune
femme répondant au nom de Délia qui l’avait initié
aux mystères du sexe. Sa mauvaise haleine mit un
terme précoce à leur relation.
Puis, arrivé à la trentaine, il fit la connaissance
d’une femme plus âgée que lui et loin d’être attirante ;
cependant, elle devint sa maîtresse régulière et
accepta, sans chercher à s’immiscer dans la vie privée
de cet amant singulier, une entente limitée à des
relations sexuelles hebdomadaires, d’habitude le
vendredi soir. Ziegler avait toujours considéré le sexe
au même titre qu’une activité physique telle que se
nourrir, dormir, déféquer, et menait sa vie en accord
avec cette déontologie. Curieusement, cette liaison
privée de couleur et d’émotion, mais d’effet lénitif se
révéla stable et durable à la suite de journées
consacrées aux soins de conflits psychiques le plus
souvent aberrants.
C’était un vendredi et Ziegler avait été débordé de
travail toute la journée. Mme Charikoski, une
richissime cliente d’origine polonaise avait exigé une
séance de deux heures, et devant son refus, avait
proposé de doubler le tarif habituel. Il avait enfin cédé
et pendant deux heures interminables il dut supporter
les diatribes enflammées de sa cliente ainsi que le
récit de nombreuses relations adultérines suivies de
ses multiples repentances. Déjà à mi-séance, il en
avait par-dessus la tête. Si Mme Charikoski pouvait
seulement accepter que son seul attrait résidait dans la
situation sociale et le pouvoir politique de son époux !
De plus, afin de s’épargner la vue d’une verrue
pileuse lui défigurant le menton, à chaque séance,
Ziegler enlevait ses lunettes dès que la patiente
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