AGRÉGATION DE PHILOSOPHIE

publicité
MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE, DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
ET DE LA RECHERCHE
Direction des personnels enseignants
AGRÉGATION
DE
PHILOSOPHIE
CONCOURS INTERNE ET CAERPA
Rapport de Monsieur Vincent CARRAUD
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie
Président du jury
2004
CENTRE NATIONAL DE DOCUMENTATION PEDAGOGIQUE
LES RAPPORTS DES JURYS DE CONCOURS SONT
ÉTABLIS SOUS LA RESPONSABILITÉ DES PRÉSIDENTS DE JURYS
SOMMAIRE
Sommaire...............................................................................................................page 3
COMPOSITION DU JURY .........................................................................................page 4
NOTE SUR LA NATURE DES EPREUVES ....................................................................page 5
Écrit ......................................................................................................................page 6
Première composition.............................................................................................page 7
Deuxième composition...........................................................................................page 17
Oral .......................................................................................................................page 22
Leçon .....................................................................................................................page 23
Explication.............................................................................................................page 27
Conclusion ............................................................................................................page 31
Annexes.................................................................................................................page 32
Données statistiques ...............................................................................................page 32
Agrégation Interne .................................................................................................page 32
CAERPA ...............................................................................................................page 36
Réglementation ......................................................................................................page 40
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Sommaire - Page 3/42
COMPOSITION DU JURY
M. Vincent CARRAUD,
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, Président.
M. Jean-Louis POIRIER,
Inspecteur Général de l’Education Nationale, Vice-président.
M. Alain LASALLE,
Inspecteur d’académie - Inspecteur pédagogique régional de l’Académie de Bordeaux,
Secrétaire administratif du jury.
M. Stéphane CHAUVIER,
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie.
Mme Nathalie CHOUCHAN,
Professeur de Lettres 2ème année au lycée Fénelon de Paris.
Mme Claudie LAVAUD,
Professeur à l’Université de Bordeaux III.
Mme Martine LUCCHESI,
Professeur de Lettres 1ère année au Lycée Fénelon de Paris.
Mme Catherine MALABOU,
Maître de Conférences à l’Université de Paris X – Nanterre.
M. Paul MATHIAS,
Professeur de Lettres 1ère année au Lycée Henri IV de Paris.
M. Gilles OLIVO,
Maître de conférences à l’IUFM de Caen.
Agrégation interne de philosophie et CAERPA -Composition du jury - Page 4/42
NOTE SUR LA NATURE DES EPREUVES
Les nouvelles modalités des épreuves de l’agrégation interne de philosophie ont été
mises en pratique pour la première fois lors de la session 2004. Rappelons-en les termes,
parus au JO n° 297 du 21 décembre 2002, et précisons l’esprit dans lequel le jury les a
appliqués — pour ce qui concerne le déroulement de cette session, nous renvoyons aux
rapports qui suivent. Les épreuves d’admissibilité, c’est-à-dire l’écrit, comprennent deux
compositions de philosophie. La première composition est une explication de texte. « Le
candidat a le choix entre deux textes qui se rapportent à une même notion du programme de
philosophie en vigueur dans les classes terminales ». Cette disposition n’impose pas au jury
de choisir les textes d’auteurs figurant au programme de philosophie en vigueur dans les
classes terminales. Ainsi en 2004, puisque la notion était l’histoire, un texte d’un historien
contemporain eût pu être proposé à l’explication des candidats. A l’avenir, le jury ne se
sentira pas tenu de choisir deux textes d’auteurs issus du programme de terminale, en
particulier quand la notion retenue requiert une culture non philosophique.
La seconde composition est une dissertation. Explication dans le premier cas,
dissertation dans le second : les exercices ainsi nommés ne surprendront aucun des candidats,
qui les font faire eux-mêmes dans leurs classes. Ils allient la simplicité de l’exigence à la
difficulté de sa réalisation : rendre raison d’un texte, répondre à une question ou traiter un
sujet de façon argumentée.
Les deux épreuves d’admission, toutes deux orales, comprennent une leçon et une
explication de texte (il n’y a plus d’explication de texte sur programme). La leçon est
identique à ce qu’elle était dans les anciennes modalités du concours. L’explication porte sur
« un texte français ou en français ou traduit en français tiré d’ un auteur figurant au
programme de philosophie en vigueur dans les classes terminales ». Elle dure trente minutes
au plus, et elle est suivie d’un entretien avec le jury de vingt minutes. Les questions posées
aux candidats par les membres du jury partent toutes ou du texte expliqué lui-même — elles
visent alors à l’élucidation de tel ou tel passage par le candidat ou encore à la résolution de
telle ou telle difficulté —, ou de ce que le candidat en a dit — elles visent alors à amener le
candidat à corriger une faute, à lui faire préciser sa pensée, à lui demander de compléter ou
d’approfondir son analyse. Aucune question extérieure au texte proposé et à ce que le
candidat a cru bon de mobiliser pour en rendre compte n’est donc posée. Rappelons enfin que
l’entretien doit aussi « permettre au candidat, en dégageant le sens et la portée du texte, de
montrer en quoi et comment il pourrait contribuer à l’étude de notions inscrites au programme
des classes terminales ». Lors de la session 2004, seize extraits au total ont été proposés à
l’ensemble des candidats, chaque candidat ayant le choix entre deux de ces seize textes (voir
le rapport de l’explication). C’est dire que le jury a pu entendre plusieurs explications d’un
même texte : l’évaluation s’en est trouvée d’autant plus nette et plus aisée. Les prochaines
sessions de l’oral pourront cependant utiliser une autre méthode.
Au total, le jury s’est félicité des nouvelles modalités des épreuves de l’agrégation
interne : pour les candidats, elles apportent aux exigences requises plus de clarté ; pour le
jury, elles permettent une meilleure évaluation des candidats.
Agrégation interne de philosophie et CAERPA- Note sur la nature des épreuves - Page 5/42
ÉCRIT
634 candidats se sont inscrits aux épreuves d’admissibilité communes à l’agrégation
interne et au Caerpa, 540 au titre de l’agrégation, 94 à celui du Caerpa, soit un nombre
comparable aux années antérieures (524 et 104 en 2002, 527 et 91 en 2003). 459 inscrits ont
effectivement participé au concours, c’est-à-dire ont rendu les deux copies (les copies
blanches étant décomptées) : 384 au tire de l’agrégation et 75 au titre du Caerpa pour 19
postes offerts à l’agrégation interne et 4 au Caerpa, soit un nombre de postes identique à celui
de 2003. 31 candidats ont été admissibles au titre de l’agrégation, dont 30 présents, et 7 au
titre du Caerpa. Tous les postes ouverts ont été pourvus.
Le concours a vu sa moyenne générale d’écrit progresser (6,11 / 20), et la barre
d’admissibilité s’est trouvée naturellement fixée à 10 / 20 pour l’agrégation et à 9,5 / 20 pour
le Caerpa, ce qui marque une nette amélioration par rapport aux années antérieures. Sans
doute cela tient-il aux nouvelles modalités des épreuves, qui permettent aux candidats une
préparation mieux définie et plus précise (voir la note de la page précédente). Le jury s’en
réjouit et en attend la confirmation à la session 2005.
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 6/42
PREMIÈRE COMPOSITION
SESSION DE 2004
concours interne
de recrutement de professeurs agrégés
et concours d’accès à l’échelle de rémunération
section : philosophie
composition de philosophie :
explication de texte
Durée : 6 h 30
Le candidat a le choix entre les deux textes suivants :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 7/42
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 8/42
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 9/42
Première composition de philosophie :
Explication de texte
L’épreuve d’explication de texte du concours présente la caractéristique singulière
d’être une épreuve sur programme, non pas toutefois sur un auteur ou une œuvre, mais sur
une notion ou un groupe de notions. Il appartient donc aux candidats de mettre en rapport un
savoir acquis sur une notion et l’ensemble des problèmes philosophiques qu’elle est censée
soulever, et un extrait de texte dont il faut bien reconnaître par avance et qu’il fait écho d’une
façon ou d’une autre à un tel ensemble de problèmes, et qu’il n’a pas été écrit à cet effet, c'està-dire dans le but exclusif de répondre à des exigences techniques et à un ciblage notionnel
arbitraire. Cette exigence particulière, d’avoir en même temps à rendre compte d’un texte
dans la singularité de sa procédure, et de le rapporter à une problématique qui excède peu ou
prou ses limites, est une des difficultés majeures qu’il convient de surmonter.
Beaucoup de candidats ont de fait été gênés par les contraintes techniques de l’épreuve.
Assez souvent en effet, les textes de Marx et Engels ou de Foucault ont servi de support à des
développements thématiques sur la question de l’histoire : sa logique, la nécessité supposée
régner parmi les événements, ou bien la question de l’histoire des sciences, parfois par
extension de l’épistémologie elle-même — sans qu’on puisse vraiment reconnaître dans ces
développements une relation précise, c'est-à-dire autre que simplement thématique, entre les
exposés et les textes sur lesquels ils se fondaient. Dans cet ordre d’idées, les candidats ont été
assez nombreux à avoir insisté, avec une pesanteur très machinale, sur la distinction des
termes allemands Geschichte et Historie, ou bien encore sur les thèmes du « sens de
l’histoire » ou de « la place de l’homme et de la liberté » dans l’élément du déterminisme
historique. Or il doit être bien clair que, même dans le contexte d’un programme notionnel,
l’épreuve d’explication de texte reste une épreuve d’explication de texte. Cela signifie avant
tout qu’un extrait de texte ne doit pas être considéré comme une simple occasion de faire
connaître l’étendue plus ou moins vaste des lectures que l’on a faites autour du thème auquel
il se rattache. Il est au contraire capital de pénétrer la logique propre de son argument, en
s’efforçant de mettre au jour aussi bien les notions clés qu’il met en œuvre, que les enjeux
problématiques qui sont les siens. Il faut donc se rendre à cette évidence qu’il y a une
singularité des textes, et que c’est elle, et elle seule, qui doit constituer le centre nerveux du
commentaire conduit sous la forme d’une « composition de philosophie ».
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler à cet égard que tout texte commande une double
opération : la mise en évidence de sa structure argumentative, par un souci attentif aux
opérateurs discursifs qui le scandent ; et une clarification de son contenu conceptuel, par un
travail de définition et d’approfondissement étroitement dépendant des choix terminologiques
qu’il exprime. Il faut donc s’interdire ces procédés associatifs relativement dilatoires, qui
consistent tantôt à rattacher l’argument de référence à des auteurs auxquels il fait penser —
Marx et Engels paraissent impliquer Bossuet ou Kant et Foucault nécessiter Bachelard ou
Duby — ; tantôt à réduite l’argument de référence à des schèmes démonstratifs simplistes et
comme « préfabriqués » — causalisme contre finalisme, matérialisme contre idéalisme,
liberté contre déterminisme, etc. De même, il faut s’interdire une description purement
anecdotique et souvent très scolaire d’un texte et de sa structure argumentative : le texte n’est
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 10/42
pas fait de « parties », son argument comporte des moments diversement opératoires ; ses
moments ne sont pas juxtaposés comme autant de « parties » et selon une nécessité toute
rhétorique, mais un mouvement démonstratif résulte de certaines articulations conceptuelles
et méthodologiques. Il est d’ailleurs regrettable d’avoir à constater que la logique
argumentative des deux textes proposés ait été si fréquemment réduite au constat qu’ils
comportaient deux « parties » successives, déduites quant à leur logique du fait qu’ils se
composaient l’un et l’autre de deux paragraphes.
Les difficultés liées au texte de Marx et Engels et celles que suscitait le texte de
Foucault n’étaient cependant pas les mêmes.
Le texte de Marx et Engels
Un nombre massif de candidats ayant choisi de commenter l’extrait proposé de
L’idéologie allemande se sont laissés tromper par sa structure typographique faite de deux
paragraphes juxtaposés, et ont cru déceler en ceux-ci les deux étapes d’un argument qui,
reposant sur une définition arbitraire de l’histoire, aurait simplement recouvert une sorte
d’« approfondissement » ou d’« illustration » de cette définition. C’était rester inattentif au
fait que si Marx et Engels définissent l’histoire en référence aux processus effectifs qu’elle
déploie, ce n’est pas exactement dans le but de montrer que « l’histoire se transforme en
histoire mondiale », mais dans celui de d é m o n t r e r que ce « changement » est
« empiriquement démontrable ». Ce qui doit conduire à reconnaître que le véritable objet du
texte n’est pas tant l’histoire elle-même que son intelligibilité, et que l’essentiel gît non dans
la succession de ses époques, mais dans l’inéluctabilité et la régularité de ses mécanismes de
production.
Une lecture attentive du texte permet en vérité de déceler qu’à partir d’une certaine
définition de l’histoire comme « succession des générations », Marx et Engels déploient leur
argument sous la forme d’un syllogisme :
— aveugle à sa réalité concrète, une conception spéculative de l’histoire idéalise et
unifie normativement la suite de ses périodes ;
— or, l’histoire n’est que sa propre transformation processuelle en une histoire
mondiale ;
— donc, la mondialisation des processus historiques est elle-même un processus
empiriquement démontrable.
Constatant donc une analogie entre la succession vitale des générations et l’extension
quasi organique des sphères nationales en une histoire mondiale, on peut déduire de la
description logique du texte de Marx et Engels qu’il ne se résume pas en une définition
matérialiste de l’histoire, qu’il comporte assurément, mais qu’il touche à la science historique
elle-même et au postulat de son exactitude, par conséquent à la prévisibilité des événements
historiques et à leur disponibilité pratique et politique — ce que certains candidats ont du
reste fort bien perçu, lorsqu’ils ont démontré que la lecture de l’extrait proposé de L’idéologie
allemande coïncidait avec une conception non pas narrative mais « scientifique » de
l’historiographie, dont le véritable objet paraît être un déterminisme causal parfaitement
intelligible. Manière de dire que le souci de ces candidats n’aura pas été de livrer une réplique
plus ou moins laudative de leur texte, mais de faire apparaître sa coïncidence propre avec
certains problèmes fondamentaux liés au concept même de l’histoire.
Le texte de Marx et Engels a par ailleurs donné lieu à une erreur de lecture et à une
erreur de méthode assez typiques. La première a concerné le concept de « mondialisation »,
qu’on ne trouve évidemment pas dans le texte et qui est d’emblée apparu comme un
anachronisme abusivement convoqué pour caractériser les transformations modernes et
contemporaines de l’histoire. C’est que, plutôt que d’expliquer ce que peut être un « fait
historique mondial », beaucoup ont considéré tantôt a) le caractère d’irréfutable évidence de
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 11/42
l’idée de « mondialisation » ; tantôt b) que Marx et Engels avaient anticipé les phénomènes
économiques et sociaux dont nous sommes témoins du fait de l’actualité mondiale — sous
l’effet dans les deux cas d’une véritable illusion rhétorique rétrospective. Pour ce qui
concerne deuxièmement une fréquente erreur de méthode, elle aura concerné les incessantes
digressions doxographiques qu’on a cru pouvoir justifier du fait de la critique des idéalismes
que comportait le texte de référence. Le premier paragraphe aura ainsi souvent donné lieu à
des développements pléthoriques sur les différents représentants de la philosophie allemande,
au premier rang desquels Hegel, suivi de près par Kant et, pour ce qui est de la simple
mention nominale qui en a été faite, de Bauer ou de Stirner. Où il faut voir non une procédure
explicative dûment assumée, mais plutôt des procédés de remplissage et par voie de
conséquence de simples mais inefficaces techniques de fuite.
Le texte de Foucault
La difficulté du passage extrait de L’archéologie du savoir était différente, et
paradoxalement elle a été aggravée par une connaissance incertaine et pourtant réelle que les
candidats avaient de Foucault et qu’ils mobilisaient dans leur commentaire. Beaucoup ont en
effet interprété le texte, soit dans sa totalité, soit dans ses parties, comme une caractérisation
de l’archéologie. À partir de ce postulat, ils ont le plus souvent considéré que les « deux
rôles » de l’histoire des idées formaient les deux couches superposées d’une même approche
de l’archéologie, progressivement approfondie ; ou bien, assez fréquemment aussi, ils ont
pensé que Foucault rejetait un premier rôle « négatif » de l’histoire des idées, puis en
dégageait un second « positif » sous la forme de l’archéologie proprement dite.
Cette lecture dénote une double faute. Premièrement, elle suppose une représentation
extrêmement schématique de la structure argumentative du texte, qui a d’ailleurs souvent
coïncidé avec un amalgame entre l’idée d’« histoire des idées » et l’« histoire » ou bien
encore l’« épistémologie ». L’amalgame a généralement été justifié par un recours assez
approximatif à l’historiographie contemporaine ou bien à une certaine vulgate bachelardienne.
Dénué d’originalité, le texte de Foucault aurait donc dû être replié sur une structure
élémentaire et des thématiques banalisées. Mais deuxièmement, assimiler le passage proposé à
une théorie, même résumée, de l’archéologie, constituait une audace assez inexplicable.
Mutatis mutandis, c’est comme si un commentateur aux prises avec tel passage du Théétète
évoquant Protagoras allait assimiler le platonisme au protagorisme ; ou bien comme si tel
autre, commentant « l’antithétique de la raison pure », allait confondre l’idéalisme
dogmatique et sa critique kantienne. Car il faut bien admettre, en l’occurrence, que Foucault
n’emploie nulle part, dans le texte proposé, le terme d’« archéologie ». Et à supposer qu’on ne
connaisse pas le détail de sa pensée — ce qui ne saurait avoir en soi rien de répréhensible —
on devait pour le moins s’étonner de ce qu’un passage de L’Archéologie du savoir ayant à
« caractériser » l’archéologie usât d’une périphrase comme celle d’« histoire des idées » pour
le faire, afin de conclure de surcroît qu’elle est indéfinissable ! Une lecture attentive et
prudente, de ce fait que le mot d’archéologie est manquant, aurait pu et dû faire l’hypothèse
que son thème est bien celui de « l’histoire des idées », et qu’il recouvrait des enjeux propres
et non pas assimilables à des thématiques préconçues. De fait, certains candidats ont raison de
montrer que le véritable enjeu de la distinction entre les deux « rôles » que Foucault reconnaît
à l’histoire des idées, et ainsi entre une histoire des profondeurs idéologiques et une histoire
des champs disciplinaires, réside dans la « valeur » qu’on doit pouvoir attribuer à une
discipline dont la caractérisation littéraire et floue porte à croire qu’elle est diffuse et
inconsistante.
Or, renonçant en effet à une définition de « l’histoire des idées » et entreprenant de
comprendre celle-ci à partir de ses « deux rôles », il faut bien reconnaître que Foucault paraît
dresser un tableau extrêmement plat des possibilités théoriques inscrites dans une telle
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 12/42
prétendue « discipline ». Sans ironie aucune, la difficulté de l’argument consistait dès lors en
ceci qu’il ne formait pas à proprement parler un argument, mais simplement un catalogue
descriptif de quelques caractéristiques méthodologiques rassemblées de manièr e
apparemment contingente sous la notion d’« histoire des idées ». Formellement en effet,
Foucault semble mettre en place une alternative, qui est de concevoir l’histoire des idées soit
comme une discipline décrivant le rapport des savoirs à des non-savoirs, soit comme une
discipline décrivant la transversalité des savoirs et les interférences à partir desquelles ils
parviennent peut-être à former quelque chose comme l’unité synthétique d’une science. En
quoi le texte de Foucault ne donnait pas immédiatement prise à une identification théorique
précise, mais attirait plutôt dans les remous d’une rhétorique élégante et incertaine rythmée en
termes de « philosophies d’ombre », de « pensée insidieuse », de « style d’analyse », de « jeu
des échanges et des intermédiaires » — autant d’expressions qui prêtaient le flanc à des
paraphrases pastiches et des commentaires « à la manière de ».
Les candidats ne se sont malheureusement pas posé la question de savoir ce que pouvait
sérieusement désigner cette position théorique de l’historien des « à-côtés », ou cette
discipline « des commencements et des fins », qui en prétendant montrer quand s’inaugure et
quand s’effondre une grande œuvre, prétend du même coup assumer sa grandeur et sa
dimension héroïque ou paradigmatique. Telle copie a pu évoquer la mémoire de Plutarque, et
avec raison, ou bien encore les écrits contemporains de Philippe Ariès. Ce fut
malheureusement un simple incident de parcours, une association à la fois lumineuse et
laissée à l’abandon, inexploitée et donc stérile. Car la défense et illustration de l’archéologie,
à laquelle se sont résumés la plupart des commentaires consacrés au texte de Foucault, n’ont
jamais fait apparaître les présupposés d’une histoire des idées intéressée par les « marges », ni
qu’ils pouvaient avoir partie liée avec une certaine vision de la « culture », conçue alors
comme cette posture intellectuelle censée discerner les grandes choses parmi les petites,
reconnaître la dette du grand à l’égard du petit, enfin remettre chaque production, chaque
prestation artistique, philosophique ou littéraire, à la place que lui assigne consciencieusement
et méticuleusement l’histoire monumentale des idées. Bien des candidats ont voulu voir une
inspiration nietzschéenne au texte de Foucault ; peut-être avaient-ils raison, mais ce n’est pas
parce que Foucault y fait un éloge de l’archéologie, c’est parce qu’il stigmatise le confort
intellectuel d’une taxinomie idéologique bien-pensante, celle qui oppose l’incontestable à
l’insidieux, les systèmes aux thématismes, la vraie pensée aux béquilles qu’elle finit par
rejeter avec condescendance. Cette histoire des idées qui « raconte » les représentations
anonymes de l’humanité est une histoire de la curiosité, mais aussi de la discrimination
axiologique entre les grands et les petits maîtres, c’est aussi une de ces histoires qui, quand
elle en a fini avec les grands figures de la pensée ou des arts, va s’épuiser scrupuleusement
dans le culte des littératures secondaires, pour s’enfler de son originalité tout en se mettant en
état de dénoncer la secondarité du secondaire, et se hisser ainsi sur une position de surplomb
idéologique institutionnellement confortable. Commençant avec une filiation à Victor
Brochard, cette histoire des idées semblerait bien devoir finir dans le cabinet des curiosités de
Bouvard et Pécuchet, ou au mieux dans la rhétorique d’une Verdurin, peut-être d’un Swann
— à mille lieues de l’archéologie foucaldienne. D’où l’on peut, en retour, s’expliquer que
l’histoire des idées soit si difficile à « caractériser » (définir ou bien seulement décrire ?),
puisqu’elle ne désigne pas tant une discipline académique qu’une attitude mondaine, un
aristocratisme de salon, et qu’elle dénote une représentation non pas disciplinaire mais plutôt
cultivée des savoirs et de leur évolution sociale.
Le sérieux institutionnel de l’histoire des idées se reconnaît peut-être mieux à son
second « rôle », qui est de « prendre en charge [des] champ[s] historique[s] » ou bien de tenir
lieu de « discipline des interférences ». Mais cela suppose encore une fois que soient
distingués des disciplines constituées et leurs champs propres — or qu’est-ce qui permet de
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 13/42
les constituer, précisément, et comment cette consolidation a-t-elle lieu ? — , et qu’il soit
possible de décrire sur un mode normatif leurs « échanges » et les « intermédiaires » qu’ils
requièrent — mais selon quel principe normatif décidera-t-on du bon ou du mauvais emploi
du théorème de Gödel en philosophie ou en politique, et quels seront les outils linguistiques
ou conceptuels de son intermédiation ? On pourra toujours admettre, naïvement, que la
distinction des disciplines résultera des découvertes scientifiques et des progrès de la vérité ;
ou bien qu’elle est affaire institutionnelle, et résulte de l’organisation politique, économique,
et sociale de la recherche, et ne concerne dès lors pas seulement ces disciplines elles-mêmes
mais la « culture » dans laquelle elles sont inscrites. Il faut dès lors à nouveau, par un effet de
surplomb, ériger la « culture » en « vrai » critère des représentations savantes et de l’histoire
des idées qui les concerne, tout en sachant que ce concept de la culture et des « possibilités »
qu’elle renfermerait reste une solution instable au problème de la multiplicité des disciplines
et de leurs relations réciproques.
Pourtant « l’histoire des idées se donne pour tâche de traverser les disciplines
existantes ». S’il fallait donc prendre un tel postulat à la lettre, il faudrait aussi assumer de
poser l’alternative suivante :
— Faire le choix d’investir toutes les disciplines pour étudier leurs rapports, avec la
certitude cependant de ne jamais pouvoir appréhender l’une quelconque d’entre elles au
point de vue de sa spécialisation : parlons de mathématiques, il suffit pour cela de savoir
que 7 plus 5 font 12, ou que 2 fois 2 font 4. S’agit-il de physique ? On saura bien rendre
vaguement compte de ce principe cardinal de la physique contemporaine selon lequel la
science est « indéterministe ». Veut-on se faire philosophe de l’histoire ? La traversée
de Iéna par Napoléon fera l’affaire. Sociologue ? Le suicide est une « chose ».
Anthropologue ? Le don est un « système de prestations totales ». Autant dire, à ce
compte, que l’histoire des idées équivaut à prétendre faire le voyage du Danemark en
promenant le bout de sa plume sur une mappemonde — ou bien alors l’histoire
authentique des idées s’est évanouie au XVIe siècle avec la disparition des derniers
humanistes.
— Faire le choix de renoncer à l’investissement disciplinaire approfondi afin de sauver
l’histoire des idées en montrant quelles sont les relations qu’entretiennent certains
savoirs identifiés avec d’autres savoirs identifiés. Nombre de candidats ont perçu un
souci, de la part de Foucault, de défendre une « interdisciplinarité » des études
historiques contemporaines. Si cependant l’histoire des idées devait passer par cette
voie détournée, pour s’assumer comme une description interdisciplinaire des savoirs, ce
devrait être au titre du plus grand commun diviseur des disciplines qu’elle aurait à
investir, et à condition donc d’avoir les moyens épistémiques de les relier
rigoureusement les unes aux autres, parce que c’est précisément ce qui les traverse
toutes qui les donnerait à penser ensemble. On rencontrerait alors une figure de
l’histoire des idées qui confinerait à cet encyclopédisme savant dont Cassirer et
Panofsky, Bachelard ou Koyré , peuvent être considérés comme des figures
emblématiques. Mais une fois encore il ne saurait s’agir d’archéologie, dont l’idée serait
dénuée de sens si elle devait simplement consister à reprendre dans une rhétorique
modernisée une méthode et des objectifs qui lui auraient été antérieurs d’une
cinquantaine d’années.
C’est donc que « l’histoire des idées » que Foucault rapporte à ses deux fonctions, dont
on peut faire l’hypothèse que l’une est essentiellement sociale ou mondaine, et l’autre savante
ou institutionnelle, ne recouvre pratiquement pas le concept original d’une « archéologie ».
Sans doute n’y a-t-il pas lieu de dénoncer trop sévèrement l’erreur d’interprétation qui fut
presque systématiquement commise et qui a consisté à identifier la pensée de Foucault aux
« écoles » de l’entre-deux guerres, non par comparaison de leurs enseignements, mais par une
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 14/42
confusion que favorisait la rhétorique foucaldienne. Mais on peut aussi regretter que la lecture
du texte ait tant manqué de distance critique, et qu’elle ait à ce point été l’occasion pour
beaucoup soit de faire simplement savoir que l’école de Annales était connue, que Braudel ou
Duby étaient des noms que l’on gardait en mémoire, et qu’en somme la thématique historique
suffisait à rendre compte d’à peu près n’importe quelle démarche théorique, celle de Foucault
en valant bien à cet égard une autre de même facture ; soit d’entreprendre une paraphrase
laudative du texte de L’archéologie du savoir, dont personne ne saurait apparemment
contester la vérité, la pertinence, la profondeur, mais dont chacun voudrait au contraire faire
apparaître, rétrospectivement, l’irréductible évidence.
Ce qu’on peut en somme regretter, c’est la hâte avec laquelle beaucoup de candidats
prétendent identifier des positions théoriques qu’ils connaissent manifestement peu ou mal, et
corrélativement cataloguer les auteurs et leurs arguments. Ce qui révèle du reste une difficulté
très réelle contre laquelle doivent se garder les candidats, et qui est d’instruire une explication
à partir d’un corpus plus ou moins vaste de connaissances, soit historiques (la diversité des
systèmes philosophiques convoqués), soit notionnelles (la diversité des problématiques
convoquées). Or la mesure d’une mise en coïncidence des savoirs et du texte auquel on est
confronté ne peut pas être donnée a priori, elle exige comme toute œuvre originale de la
perspicacité et du jugement — et un commentaire de texte est une œuvre originale, et
s’apparente à ce titre à l’exercice de la dissertation sur une notion ou un groupe de notions.
S’il est permis dans ce contexte de donner des conseils de méthode, qu’ils se limitent à
des évidences : un commentaire ne peut être une simple restitution, sur le mode de la
paraphrase, du texte de référence ; il ne peut pas plus être l’exposé résumé de son argument,
suivi d’une série d’appréciations extérieures dont la tonalité devrait être plus ou moins
didactique, comme s’il s’agissait alors de replacer le commentaire dans le contexte d’une
leçon prononcée en classe devant des élèves ; il ne peut s’appuyer sur la thématique du texte
pour en extraire une ou plusieurs notions qui feront alors, et par ailleurs, l’objet de
d éveloppements autonomes et arbitraires. Un texte est un argument, il dép l o i e
méthodiquement une thèse qu’il faut parvenir à mettre au jour, et dont il convient de mesurer
la portée théorique : il travaille des notions et construit leurs relations réciproques.
Bien des candidats à l’agrégation de philosophie le savent, et parmi eux certains ont su
se distinguer dans l’épreuve de commentaire. Tel parce qu’il a su lire dans l’extrait de
L’archéologie du savoir la proximité d’une certaine conception de l’histoire des idées et
d’une remise en question des fondements classiques de la connaissance, ou bien encore la
rupture qu’elle permet de consommer avec une conception « causaliste » de l’histoire ; tel
autre parce qu’il aura su établir un lien original entre une idée apparemment passe-partout de
Marx et Engels, que « l’histoire n’est rien que la succession des générations », et une
conception pertinente de la temporalité historique et de l’événementialité de l’événement. En
quoi l’on peut observer un véritable travail d’interprétation, et non pas seulement le souci de
restituer dans une fidélité un peu servile une leçon supposément attendue sur le
« matérialisme dialectique » ou bien le « postmodernisme » foucaldien.
Les meilleurs commentaires ont été ceux qui ont témoigné d’une conception critique de
la lecture, chargée non pas de rendre un hommage appuyé aux auteurs, non pas de mettre à la
hauteur de l’éloge académique l’éblouissante lumière de leur vérité, mais de déployer les
présupposés en même temps que les postulats de deux découpes textuelles inévitablement
arbitraires dans deux ouvrages eux-mêmes arbitrairement choisis. Assumer cet arbitraire, le
rabattre sur l’idée qu’il recouvre néanmoins une nécessité théorique, et que les arguments
qu’il privilégie ont un sens et une portée, c’est la condition souvent remplie par les candidats
d’une lecture des textes de référence sérieuse, méthodique et féconde,.
On terminera par une remarque toute formelle, mais qui n’est pas dénuée d’importance.
Les membres du Jury ont été unanimement sensibles à la qualité de la langue française, et non
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 15/42
pas seulement à la rigueur démonstrative des exposés. Il faut l’entendre de la correction
syntaxique et orthographique, et de la propriété du style et de la rhétorique académique. Sur
ces différents plans, ils n’ont jamais hésité à sanctionner, parfois rudement, les prestations de
candidats dont le laisser-aller et la dysorthographie ont paru inadmissibles de la part de
personnels actifs de l’enseignement public ou privé.
Rapport rédigé par M. Paul Mathias à partir des observations des correcteurs
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 16/42
DEUXIÈME COMPOSITION
SESSION DE 2004
concours interne
de recrutement de professeurs agrégés
et concours d’accès à l’échelle de rémunération
section : philosophie
composition de philosophie : dissertation
Durée : 7 heures
Le langage est-il un instrument ?
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 17/42
Seconde composition de philosophie :
dissertation
Les sujets de la seconde composition de l’agrégation interne de philosophie ont
toujours porté sur des notions appartenant au programme de philosophie des classes
terminales. La session 2004 a inauguré une légère réforme de l’épreuve puisque, désormais,
l’une des notions du programme de philosophie des classes terminales est chaque année
explicitement inscrite au programme de la seconde composition de l’agrégation interne. Les
candidats pourront donc se préparer de manière plus précise, plus focalisée à cette épreuve,
en réfléchissant par avance aux problèmes philosophiques dont la notion mise au programme
peut être le foyer et en élargissant et approfondissant leur connaissance des doctrines et des
faits associés à cette notion. Le sujet lui-même pourra dès lors ne pas reprendre
nécessairement dans son énoncé le mot ou les mots qui constituent la notion.
Les candidats de la session de 2004 ont, dans l’ensemble, effectué le travail de
préparation que l’on pouvait raisonnablement attendre d’eux pour une telle épreuve. Même
si les extraits de textes philosophiques figurant dans les recueils commerciaux destinés aux
classes terminales ont à nouveau joué un rôle non négligeable dans l’orientation de la
réflexion des candidats, de nombreuses copies ont manifesté une culture plus riche et plus
diversifiée que celle que l’on pouvait trouver dans les copies des sessions antérieures. C’est
là sans aucun doute un effet direct de la réforme de l’épreuve dont, à n’en pas douter, tous
les candidats, même ceux qui n’ont pas été admis au concours, pourront profiter et faire
profiter leurs classes.
Pourtant, comme le tableau des notes le révèle, les résultats obtenus à cette épreuve
par les candidats ont été très médiocres. Il y a sans doute à cela des explications d’ordre
général. En premier lieu, l’épreuve de la dissertation, même si elle est encadrée par un
programme, reste une épreuve plus très discriminante, parce qu’il est sans doute plus
difficile de bâtir une réflexion propre que de comprendre celle des autres. En second lieu, la
notation d’un concours de recrutement possède un caractère particulier qu’il importe de
rappeler. Il s’agit moins d’attribuer à chaque copie une valeur absolue que d’opérer un
classement en instituant des écarts propres à engendrer un ordre aussi strict que possible.
Chaque copie est donc lue par rapport à d’autres et la tâche des correcteurs est moins
d’attribuer à la copie sa valeur intrinsèque que de mesurer l’écart entre sa valeur et celle des
autres copies. Il peut alors se faire que dans cette attention aux différences, certaines qualités
communes à un grand nombre de copies soient comme neutralisées par rapport à des défauts
plus discriminants. De là vient qu’un 5 ou un 6, par exemple, sont un 5 ou un 6 dans le
concours, c’est-à-dire mesurent un écart par rapport à d’autres copies, et non quelque valeur
philosophique intrinsèque.
Reste que l’échelle des notes permet de créer des écarts à diverses hauteurs de cette
échelle, de sorte que la faiblesse de la moyenne globale de cette session (pourtant supérieure
à celle de la session 2003) reflète aussi quelque chose d’une faiblesse moyenne intrinsèque
des copies. S’agissant du sujet que les candidats avaient à traiter, la cause particulière de
cette médiocrité générale tient à ce qu’on pourrait appeler le tropisme normatif de
l’intelligence de beaucoup de candidats. Aucun candidat n’a été décontenancé par le sujet, la
problématique sous-jacente étant des plus classiques sur ce thème. Mais il y avait, dans le
sujet, un mot, celui d’« instrument », qui a produit sur l’esprit de nombre de candidats un
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 18/42
effet tout à fait désastreux, altérant presque systématiquement leurs capacités d’analyse et de
jugement. La question posée demandait si le langage était un instrument. Elle ne spécifiait
pas la finalité de l’instrument, elle demandait seulement si le langage entrait dans la classe
des instruments. La question était donc une question de fait, une question théorétique : le
langage est-il d’une nature telle qu’il puisse légitimement être classé parmi les instruments, à
charge éventuellement de spécifier la sorte d’instrument qu’il pourrait se révéler être ? Mais
beaucoup de candidats n’ont pas compris la question comme une question théorétique, une
question que l’on aborde sans rire, ni pleurer, en ayant simplement en vue la compréhension
de l’essence du langage. Ils ont plutôt compris qu’on leur demandait si le langage pouvait
être traité d’instrument, comme on traite quelqu’un de menteur ou d’imposteur. De
nombreux candidats étaient en effet persuadés que le mot « instrument », s’il est sans doute
associé à un concept, véhiculait aussi une connotation infamante. Un instrument, ont-ils
pensé, c’est quelque chose qui sert à atteindre une fin. C’est donc un moyen. Or un moyen a
moins de valeur qu’une fin. Donc dire que le langage est un instrument, c’est dire qu’il est
quelque chose qui n’a qu’une valeur relative, subordonnée, voire négligeable. Or n’est-ce
pas manquer de respect au langage que de le traiter ainsi d’instrument ? Le langage n’est-il
pas une chose plus noble ? Tel est ce que nous avons appelé « tropisme normatif » : une
propension à voir des valeurs derrière chaque mot ou à surdéterminer les connotations
normatives que l’usage attache à certains mots. Or cette propension altère évidemment le
jugement : si l’on attache une connotation infamante à un mot, on aura fatalement tendance,
par préjugé, à vouloir épargner à un objet estimé qu’on lui prédique un tel terme. Nombre de
candidats se sont donc posé le problème suivant : comment faire pour laver le langage de
l’opprobre constitué par une telle qualification ?
Or la question posée n’invitait nullement à sauver l’« honneur » du langage. Elle visait
l’essence du langage. La question qui était posée donnait seulement au candidat un moyen
de s’introduire dans cette problématique. On ne demandait pas, directement et radicalement :
« quel est le mode d’être du langage ? », mais on demandait si le langage participait du
mode d’être des instruments. Il s’agissait donc de caractériser le mode d’être du langage à
partir du mode d’être des instruments, soit par assimilation, soit par différenciation.
Si le jugement de nombre de candidats fut donc dès le départ faussé par une manière
de moralisme déplacé, un certain nombre de défauts, plus directement liés à l’analyse du
sujet lui-même, sont venus s’ajouter à ce déplacement initial de la perspective.
Il y avait d’abord, à la simple lecture du sujet, deux difficultés préalables à résoudre.
La première concernait le concept de langage lui-même. Beaucoup de candidats avaient lu le
cours de Saussure ou des extraits de ce cours, et connaissaient par conséquent la distinction
entre langage, langue et parole. Mais pouvait-on s’en tenir à ces distinctions ? Si, en suivant
Saussure, on entendait le concept de langage, distingué de la langue et de la parole, comme
une faculté naturelle, la question posée devenait un non-sens, car une faculté n’est pas plus
un instrument que Jules César n’est un nombre pair. Mais le langage peut-il être distingué
des langues qui, selon Saussure, en sont la manifestation, sinon par une simple distinction de
raison ? Peut-on dire d’un enfant qui vient de naître qu’il possède le langage, quoiqu’il ne
maîtrise encore aucune langue ou système de signes, conventionnels ou naturels ? De même,
une créature qui ne serait capable d’aucun acte individuel de parole pourrait-elle être dite
posséder le langage ? Il n’y avait pas donc pas lieu, sauf à en produire une justification
circonstanciée, de reproduire dans le contexte d’une réflexion philosophique sur l’essence du
langage les distinctions de raison que le linguiste peut juger utile à sa science. Il y avait
certes à produire une définition du langage, mais cette définition devait être telle qu’elle
préservât le sens de la question et n’obligeât pas, pour y répondre, à en changer le sujet, par
exemple en expliquant que si le langage était un instrument, la parole n’en était pas un : là
où il n’y a que des distinctions de raison, il ne peut y avoir de différence d’essence. On
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 19/42
devait donc s’en tenir à une approche plus concrète, préservant l’unité de la chose.
Demander si le langage est un instrument, ce n’est certes pas demander si la langue est un
instrument, ni si la parole est un instrument, mais ce n’est pas non plus viser autre chose, qui
serait réellement distinct de la langue que l’on parle et des actes de parole que l’on produit.
C’est interroger l’unité concrète d’une compétence, associée à la maîtrise d’une langue et
qui se manifeste par des actes singuliers de parole. Il fallait alors identifier ce qui, dans cette
unité complexe du langage en tant que disposition acquise à la parole, pouvait motiver le
rapprochement avec le statut des instruments.
L’autre difficulté préalable concernait, non pas tant le concept d’instrument, qui était
bien plutôt le cœur même du problème à traiter, que l’alternative que la question invitait
logiquement à envisager. Demander si le langage est un instrument, c’est ouvrir la
possibilité qu’il n’en soit pas un. Mais il allait de soi qu’on ne pouvait se borner à trancher le
problème au moyen d’un jugement négatif qui, en l’espèce, aurait joué le rôle d’un jugement
indéfini, d’un jugement qui, comme le dit Kant, place le prédicat « dans la sphère d’un
concept qui se trouve hors de la sphère d’un autre » (Logique, AK IX, 104). Si en effet l’on
ne sait pas ce que c’est, positivement, que n’être pas un instrument, alors conclure que le
langage n’est pas un instrument revient à conclure qu’il est un non-instrument, ce qui, on
l’avouera, n’est pas une réponse des plus précises. Il fallait donc se soucier, dès la mise en
œuvre de la problématique, de travailler cette alternative muette vers laquelle la question
invitait à tourner son regard : quel pourrait être le mode d’être du langage si d’aventure il
apparaissait qu’il ne pouvait être assimilé à celui des instruments ? Le langage pourrait-il,
dans ce cas, tomber sous une autre catégorie ou bien fallait-il renoncer à penser son mode
d’être par assimilation à une catégorie plus générale ? Toutes ces questions devaient être
préparées dans l’élaboration de la problématique et tenues en réserve, selon la manière dont
l’enquête effectivement conduite finirait par se développer. Or rares, très rares furent les
candidats qui, après avoir conduit leur enquête de façon à montrer que le langage n’était pas
un instrument, ont été en mesure de déterminer avec précision sous quel autre concept il
convenait de le faire tomber, ou, simplement de poser une telle question.
Si la problématique d’ensemble fut donc souvent mal appréciée et conceptuellement
mal préparée, le traitement même du problème a plus d’une fois laissé les correcteurs
perplexes. Le pivot de la réflexion était constitué par l’analyse du concept d’instrument.
Cette analyse ne devait pas prendre des proportions démesurées, au point, comme cela est
arrivé à certains candidats, de transformer le sujet en une discussion de la notion
d’instrument elle-même. Mais il était au moins nécessaire de fixer avec précision le sens de
cette notion, afin de rendre possible une réponse univoque à la question posée. Quelques
candidats ont essayé de faire une différence entre un instrument et un outil, plus rarement
entre un instrument et un organe. La plupart semblent cependant avoir été convaincus qu’un
instrument ne pouvait entretenir qu’une relation externe avec l’activité dont il est
l’instrument. Quelques candidats ont appuyé leur analyse du concept d’instrument sur
l’exemple des instruments de musique. Mais, étrangement, la plupart ont paru penser qu’un
instrument de musique, par exemple un violon, entretenait une relation externe avec le type
de musique qu’il permet de produire. Mais on peut pourtant légitimement se demander si les
hommes avaient l’idée de la musique pour violon avant de disposer de violons ou de tout
instrument de la même famille, a fortiori s’ils pourraient produire de la musique de violon
dans le cas où tous les violons de la terre viendraient à disparaître. C’était donc clairement se
faciliter la tâche à bon compte que de penser l’instrument par analogie avec, disons, le
marteau et de voir dans l’instrument un complexe matériel, fabriqué intentionnellement pour
faciliter l’exécution d’une activité préexistant à l’instrument.
C’est pourtant cette analyse rapide du concept d’instrument qui a servi à beaucoup de
canevas général pour construire leur propos. Dans une première partie, ils expliquaient que
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 20/42
le langage pouvait être perçu comme un instrument pour communiquer ses pensées ou
manipuler l’esprit des autres. Mais dans une seconde partie, ils expliquaient que le langage
ne pouvait pas être un instrument car, selon la formule fameuse de Hegel, « c’est dans les
mots que nous pensons ». Leur raisonnement avait donc la forme d’un enthymème dont la
prémisse cachée était que pour pouvoir qualifier le langage d’instrument, il eût fallu que le
langage entretînt une relation externe avec la pensée qu’il permet d’articuler. Mais suffisaitil de rejeter la conception lockienne du langage comme moyen de communication des idées,
pour en avoir fini avec une compréhension instrumentaliste du langage ? Un violon cesse-t-il
d’être vu comme un instrument dès lors qu’on se rend compte qu’il rend possible ce dont il
est l’instrument ?
En réalité, tous les problèmes étaient liés : la connotation infamante associée au mot
« instrument » ne disposait guère à s’en faire un concept plus nuancé que celui qui le pensait
par analogie avec un marteau. L’imprécision dans le concept de langage faisait que tantôt,
sous le nom de langage, on ne parlait que de la langue, tantôt on parlait de la parole, ce qui
conduisait des candidats à dire dans un premier temps que le langage était un instrument,
dans un second qu’il n’en était pas un, pereat cohaerentia. Enfin, l’absence d’une réflexion
sur ce que pouvait signifier, pour le langage, que de ne pas être un instrument, ne disposait
guère à complexifier le propos et à échapper à un plan binaire, pro et contra.
Les candidats les plus avisés furent donc ceux qui cherchèrent à échapper à ces
alternatives tranchées, en même temps que ceux qui furent capables de regarder avec une
calme indifférence le concept d’instrument. Le langage est-il un instrument que nous
pouvons modifier, améliorer, manipuler en fonction de certaines fins que nous nous
assignons ? La réponse était évidemment en un sens positive, parce que le langage possède
une dimension méta-linguistique qui nous permet, du sein même du langage, de réfléchir sur
la langue que nous employons, de la modifier au point par exemple de créer de toutes pièces
des langues soit graphiques, soit orales, en fonction de diverses fins. Mais parce que le
langage ne peut être modifié et transformé intentionnellement que du sein même du langage,
il y avait également un sens à dire, comme Wilhelm von Humboldt, que le langage, pris dans
son unité indissoluble avec la langue maternelle qui le détermine, n’est pas un « ouvrage fait
[ergon], mais une activité en train de se faire [energeia] » (Introduction à l’œuvre sur le
Kavi, trad. fr., Paris, Seuil, 1974, p. 183). Il n’était donc pas nécessaire, pour penser le
langage autrement que comme un instrument, de faire appel à la mythologie de la langue
parlant toute seule (« ce n’est pas l’homme qui parle, mais la langue qui parle en lui »), a
fortiori d’expliquer que le « vrai » langage était celui des poètes (les contradictions
performatives n’effrayant pas certains candidats) ou encore que le langage était l’origine du
monde lui-même (le concept d’idéalisme linguistique étant, semble-t-il, absent de l’esprit
des candidats que cette solution tentait). Il suffisait de restituer le contexte global donnant
sens au concept d’instrument, celui de la poiesis, mais aussi celui de la praxis, et de montrer
que la mise en œuvre ou en actes de parole du langage ne pouvait être entièrement assimilée
ni à une poiesis ni même à une praxis. En particulier, il ne suffisait pas d’opposer la praxis
linguistique (l’expression) et la poiesis rhétorique ou communicationnelle. Car même si c’est
dans les mots que nous pensons, cela n’implique pas que les mots ne sont pas un instrument
pour penser. En réalité, si le langage n’est pas un instrument, c’est parce que ce qu’il rend
possible, la pensée humaine, la pensée solitaire autant que partagée, n’est pas elle-même une
activité, une praxis, que nous pouvons décider d’exercer, comme on se décide à faire du
violon ou à jouer aux échecs. On pouvait donc conclure que l’être du langage était identique
à celui de la pensée et que seules les capacités réflexives ou méta-logiques de la pensée
expliquaient que le langage puisse aussi servir de cadre à sa propre manipulation.
Rapport rédigé par M. Stéphane Chauvier à partir des observations des correcteurs
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Écrit - Page 21/42
ORAL
31 candidats ont été admissibles au titre de l’agrégation (dont 30 présents), et 7 au titre
du Caerpa. 4 candidates ont été admissibles, toutes 4 au titre de l’agrégation interne, et donc
34 candidats, déséquilibre nettement accentué par rapport aux années antérieures. L’âge des
candidats variait de 55 ans à 31 ans : on observera, afin d’encourager le plus grand nombre
des collègues qui préparent ces concours, que les 4 candidats les plus âgés comme les 3 plus
jeunes ont été admis.
Parmi les 38 candidats admissibles à l’agrégation interne, tous étaient certifiés, et
parmi ceux qui se présentaient au Caerpa, tous étaient titulaires d’une maîtrise.
Leçon
Modalités de l’épreuve
Le temps de préparation est de cinq heures, le temps de passage de quarante minutes
au maximum. Le candidat tire au sort un billet comportant deux sujets relevant toujours du
programme de philosophie de la terminale littéraire. Il dispose d’un quart d’heure pour
indiquer le sujet qu’il traitera. Pour la préparation de sa leçon, il dispose en libre accès des
ouvrages de la bibliothèque du concours. Parmi eux se trouvent les grands textes
philosophiques classiques et contemporains, certains essais et des dictionnaires de langue.
Sont toutefois exclus les encyclopédies, les anthologies thématiques et les ouvrages de
vulgarisation. Il peut aussi demander, au cours de la première heure, l’emprunt de quelques
ouvrages de la bibliothèque de la Sorbonne.
Eléments d’explication des notes
L’épreuve de leçon est sans conteste une épreuve difficile, comme en témoigne l’écart
qu’il a bien fallu constater entre les notes d’écrit obtenues par la plupart des admissibles et
celles de l’oral, souvent beaucoup plus basses. Ainsi vingt candidats ont obtenu moins de la
moyenne, et une quinzaine des notes très faibles.
La notation n’est pas arbitraire. La leçon est un exercice. A ce titre, elle obéit, comme
n’importe quel autre type d’exercice, à des règles très précises. Les notes obtenues reflètent le
respect ou le non-respect de ces règles, qui consistent à la fois en impératifs méthodologiques
et en exigences culturelles. Les unes ne peuvent bien entendu se concevoir sans les autres. On
imagine mal une leçon parfaite d’un point de vue rhétorique mais vide de toute référence à
des textes philosophiques majeurs. A l’inverse, on ne conçoit pas que des références bien
maîtrisées soient exposées dans le plus complet désordre. Le jury ne juge pas une
hypothétique valeur absolue du candidat, il ne juge pas davantage ses « idées » ni le choix des
références. Son but premier n’est jamais d’éliminer. Il évalue une prestation en fonction des
critères rappelés à l’instant pour établir finalement un classement.
Comment comprendre plus précisément la répartition des notes ?
Les notes les plus basses s’expliquent toutes par ce qu’il faut bien appeler une
incompréhension du sujet posé. Telle candidate ayant eu à traiter de la question « Y a-t-il des
notions communes ? » ne propose aucune définition du terme central de son sujet et
développe un propos général sur la question du langage et sur la possibilité ou l’impossibilité
de communiquer ou d’être compris. Tel autre candidat, ayant à réfléchir sur « Quel est l’objet
de la physique ? », dévie immédiatement et parle longuement de la sociologie en perdant de
vue la question posée. Un troisième, ayant à traiter du « mauvais goût », oublie « mauvais » et
ne parle que du (bon) goût. Dans l’ensemble, les notes inférieures ou égales à 5 sont dues aux
graves défauts de méthode que sont la mutilation ou le détournement du sujet, l’indigence des
références ou des exemples, enfin et surtout l’absence d’une analyse conceptuelle minimale.
Les notes qui se tiennent entre 6 et 8 sanctionnent un effort certes plus poussé mais
encore insuffisant. Soit que la leçon se limite à un exercice rhétorique vide de contenu, soit
que le candidat juxtapose les doctrines en les réduisant à des stéréotypes. On peut évoquer au
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Oral - Page 23/42
titre du premier type les leçons qui, étant consacrées au « mensonge », à la « consolation », au
« vraisemblable » ou à « La douleur des autres », n’ont pris aucun exemple concret. Lors de la
leçon sur « Peut-on expliquer une œuvre d’art ? », le candidat n’a pas déterminé le sens du
mot « expliquer » et n’a fourni aucune analyse d’œuvre précise. « Le vrai fait-il l’objet d’une
décision ? » pourrait valoir comme exemple du second type d’exercice. Le candidat a traité,
de manière très générale, de la vieille confrontation entre Platon et les sophistes ; la
problématique du rapport entre entendement et volonté n’a pas même été évoquée. Quant à
« Peut-on penser la plus grande perfection ? », le jury est resté dans l’attente d’une explication
et d’une définition préalables de l’intitulé du sujet, à commencer par le concept de perfection
lui-même.
Proposer un plan en parties équilibrées et tenir son temps ne sont pas des opérations
suffisantes pour donner consistance à un sujet. La justification du parcours ne se fait pas
seulement dans l’introduction, mais constamment. Chaque thèse doit être d’abord exposée
comme un problème, puis démontrée, puis discutée. Les leçons qui, même de manière parfois
malhabile, ont fait l’effort d’affronter courageusement le sujet ont obtenu une note supérieure
ou égale à 8/20. Et lorsque cet effort s’est accompagné d’une démarche progressive, bien
informée (c’est-à-dire s’appuyant à la fois sur des références philosophiques et des exemples
concrets empruntés à d’autres domaines d’expérience), elles ont vite atteint ou dépassé la
moyenne.
L’essentiel du travail de la leçon consiste bien, on le voit, dans la capacité à analyser
son sujet et à faire l’épreuve de la déduction immanente d’une problématique. Les notes qui
se situent de 10 à 13 correspondent à des leçons qui ont fait montre de ces capacités. Les
bonnes leçons, qui se situent entre 13 et 15, puis les très bonnes, témoignent de l’aptitude des
candidats à être précis dans le choix et le développement des références, à faire varier les
aspects de l’analyse ou du traitement du problème, à développer fermement une conclusion,
enfin à proposer une réponse claire. Parmi les bonnes leçons, citons « L’État est-il l’ennemi
de la liberté ? » : le candidat a fait dialoguer la conception platonicienne de l’Etat avec les
théories modernes du contrat puis avec la pensée contemporaine de la justice. Il a su maintenir
un bon niveau argumentatif tout en exemplifiant constamment sa démarche. Un très bon
exercice a été consacré à « Peut-on se passer du concept d’être ? ». Le candidat a d’abord
étudié les différents sens de ce possible « évitement » ; sur le plan du langage, sur le plan
logique, sur le plan ontologique enfin. Tout au long, il a interrogé la persistance de la
structure prédicative pour finir, en convoquant Whitehead (Procès et réalité), par reconnaître
que cette structure n’est pas adéquate et qu’il faut renoncer à sa fausse simplicité. Peut-être,
conclut la leçon après un long et original passage sur le sens de la répétition comme substitut
possible de l’être dans la pensée de Deleuze, si nous ne pouvons pas nous passer du concept
d’être, nous pouvons tout au moins le remanier, en créer une autre forme. Citons enfin la
remarquable leçon consacrée à « Peut-on comprendre un texte mieux que son auteur ? » qui a
donné lieu à un exposé à la fois rigoureux et brillant.
Remarques et conseils
Il faut insister fortement sur le fait que la pratique de l’enseignement — puisque le
jury a à juger ici des enseignants en exercice — n’est pas en soi une préparation suffisante à la
leçon. Toute l’année, les candidats doivent s’entraîner spécifiquement à cette épreuve, qui
exige un haut niveau d’argumentation, de problématisation et d’exemplification et la maîtrise
d’une réflexion capable de se justifier elle-même à chaque moment du parcours.
Les candidats doivent prononcer leur leçon en public en s’inquiétant d’être à la fois
présents à leur propos et soucieux de la rigueur méthodologique. Le temps de préparation ne
doit pas être consacré à la rédaction intégrale de la leçon (qui n’est pas une dissertation !)
mais à l’élaboration d’une recherche ordonnée servant de cadre global à l’exposé. Le jury
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Oral - Page 24/42
conseille de laisser une place à l’improvisation, c’est-à-dire, en fait, à la présence d’esprit.
Trop de leçons sont ennuyeuses, longues et sans vitalité car trop écrites.
Il peut être utile de faire quelques remarques concernant le choix des sujets. Les sujets
sont différents par la forme — question ou notion(s) —, par le domaine considéré, enfin par
leur caractère plus ou moins classique. « Une religion sans Dieu a-t-elle un sens ? », « Peut-on
penser la plus grande perfection ? » sont des questions très classiques ; « La douleur des
autres » ou « L’ennui » sont moins traditionnels. Or les candidats ne doivent jamais être
guidés par la crainte dans le choix du sujet. Parfois, ils évitent le sujet plus traditionnel en
pensant que l’autre sujet ne nécessite pas de compétences particulières. A l’inverse, il arrive
que les candidats se réfugient derrière l’aspect plus traditionnel d’une question et refusent de
prendre des risques, ce qui se retourne le plus souvent contre eux. L’apparente prudence dans
le choix et le traitement des sujets s’avère être bien souvent une réelle imprudence. Le choix
du sujet ne doit être dicté que par des raisons philosophiques positives, jamais par évitement.
La leçon suppose d’interroger un problème en lui-même et pour lui-même, ce qui
condamne d’entrée de jeu l’extériorité historique. L’introduction est précisément consacrée à
la position du problème, elle montre pourquoi il se pose, elle construit un questionnement et
annonce la forme que l’on va donner à sa résolution ou à sa preuve. D’où l’importance de
l’analyse du sujet, qui doit prendre au moins une heure lors de la préparation. Là encore, il
faut éviter les stratégies d’appréhension et de peur qui se trahissent immédiatement et ne
peuvent qu’induire dans le jury un sentiment défavorable. La suite de la leçon doit faire
surgir, par étapes, à partir des définitions conceptuelles que l’on aura posées au début, le sens
du sujet que l’on choisit de privilégier à tel ou tel moment et sur lequel on va faire porter le
poids de l’argumentation. La conclusion doit être ferme et claire, assurée là encore, non
timide ou fuyante.
En un mot, il faut avoir confiance. Des années de pratiques de l’enseignement, une
culture entretenue, renouvelée, une curiosité minimale dans les domaines scientifique et
artistique doivent pourvoir éviter aux candidats d’avoir à se retrancher dans des
problématiques étriquées ou des discours tout faits. Les meilleures leçons l’ont prouvé.
Le jury, encore une fois, ne guette pas les défauts mais se montre au contraire attentif
à toutes les promesses. Il n’oublie pas la difficulté et le risque attachés à l’exposition publique
d’une pensée. On peut penser que les raisons pour lesquelles un candidat s’intéresse à un
problème sont partagées par ceux qui l’écoutent. Jury et candidats, en un mot, forment une
communauté qui demeure par principe libre et accueillante dans ses exigences mêmes.
Rapport rédigé par Mme Catherine Malabou
à partir des observations des membres des deux commissions
Liste des sujets (cette liste restitue les couples de sujets proposés aux candidats ; apparaît en
premier le sujet choisi)
Peut-on penser la plus grande perfection ? / La violence de l’Etat
Le vrai fait-il l’objet d’une décision ? / L’inquiétude
Le vraisemblable / La compétence fonde-t-elle l’autorité politique ?
Quel est l’objet de la physique ? / La nouveauté
La tradition / Les sciences pensent-elles leurs fondements ?
A quoi sert de douter ? / La proportion
L’aliénation / Une imitation peut-elle être parfaite ?
Peut-on comprendre un texte mieux que son auteur ? / Liberté et vérité
La douleur des autres / L’ordre et la mesure
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Oral - Page 25/42
La propriété / Le témoignage des sens
Tout admet-il des degrés ? / L’ennui
L’art vise-t-il nécessairement le beau ? / La précision
La curiosité / La fraternité a-t-elle un sens politique ?
Qu’est-ce qu’une communauté politique ? / Identité et ipséité
Peut-on penser le faux ? / La charité
Une religion sans Dieu a-t-elle un sens ? / Exister
Le droit de résistance / La conversation
Le mensonge / Est-on propriétaire de son corps ?
La consolation / Les États ont-ils pour fin d’assurer la paix ?
Y a-t-il des notions communes ? / L’anomalie
La censure / L’autonomie
La patience / Peut-on concilier le droit à la liberté et l’égalité des droits ?
La politique échappe-t-elle à l’exigence de vérité ? / Les choses
Le mauvais goût / Pourquoi obéir aux lois ?
La création / Se moquer de la morale
Un objet technique peut-il être beau ? / Raisonner et argumenter
Le droit de punir / Estimer
Peut-on expliquer une œuvre d’art ? / La considération
L’infini / Qu’est-ce qu’un tableau ?
L’État est-il l’ennemi de la liberté ? / L’harmonie
Peut-on se passer du concept d’être ? / Le despotisme
L’objet scientifique / La vertu
Le désir de vérité / Le corps est-il un tout ?
La haine de la vérité / Les limites du pouvoir
La réalité / Qu’est-ce qu’un chef d’œuvre ?
L’amitié / Peut-on tout attendre de l’État ?
L’amour de soi / L’art donne-t-il nécessairement lieu à des œuvres ?
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Oral - Page 26/42
Explication
Modalités de l’épreuve
Les dispositions officielles qui régissent l’épreuve sont les suivantes : « Explication
d’un texte français ou en français ou traduit en français tiré d’un auteur figurant au
programme de philosophie en vigueur dans les classes terminales. L’explication est suivie
d’un entretien avec le jury, qui doit en particulier permettre au candidat, en dégageant le sens
et la portée du texte, de montrer en quoi et comment il pourrait contribuer à l’étude de notions
inscrites au programme des classes terminales (durée de la préparation : deux heures trente
minutes ; durée de l’épreuve : cinquante minutes [explication : trente minutes ; entretien :
vingt minutes]) ».
En pratique, deux textes d’objets et d’époques différents, couplés par avance sur un
billet, sont proposés à chaque candidat, qui doit faire savoir dans le premier quart d’heure
quel texte il a choisi d’expliquer. Dans la mesure du possible, le candidat dispose du texte à
expliquer dans l’ouvrage duquel il est tiré — et parfois dans l’œuvre complète de l’auteur, ou
dans un volume de celle-ci. Pendant la préparation, le candidat a accès à la bibliothèque du
concours disponible pour la leçon et aux dictionnaires de langue qu’elle comprend.
Lors de la session 2004, seize textes, couplés deux à deux, ont été proposés à
l’ensemble des candidats (voir la note sur la nature des épreuves p. 4). On en trouvera la liste
à la fin de ce rapport. Les prochaines sessions de l’oral pourront cependant utiliser une autre
méthode ou revenir à une liste globale composée de deux fois plus de textes que de candidats.
L’explication
L’objet spécifique de cette épreuve se laisse très simplement définir : il s’agit de
comprendre et d’exposer le mouvement de pensée qu’un texte déploie, les étapes de sa
construction et son argumentation, les enjeux philosophiques auxquels il se rapporte et qu’il
vient éclairer. Cette épreuve se rapproche beaucoup de l’explication de textes telle qu’elle est
pratiquée en classe par les professeurs de philosophie, à ceci près qu’ici l’explication ne se
trouve pas prise dans le mouvement d’un cours.
L’épreuve se déroule en deux temps : un exposé du candidat qui dispose de 30 minutes
au maximum, suivi d’un entretien avec le jury – qui n’excède pas 20 minutes – sur la base de
l’explication qui lui a été proposée. Par commodité, le rapport suit cette chronologie : il sera
d’abord question de l’exposé lui-même, puis, dans un second temps de l’entretien. On
rappellera, même si cela va de soi, que le but d’un rapport est d’aider les candidats à mieux
comprendre ce que l’on attend d’eux, selon quels critères ils seront évalués, et de quelle
manière ils peuvent ajuster leur préparation, pour gagner en efficacité. Les exemples retenus
ici le sont exclusivement à cette fin.
Les candidats ont à choisir entre deux textes. C’est déjà l’occasion d’exercer son
jugement, et la chose n’est pas toujours aisée. On a pu avoir l’impression, au vu de certaines
prestations, que les candidats auraient peut-être gagné à inverser leur choix : par exemple, à
choisir d’expliquer le texte d’un auteur a priori moins connu, mais dont la conceptualité
aurait été finalement mieux maîtrisée. Mais il n’y a pas en la matière de règle générale : il faut
essayer de discerner, en se gardant des décisions hâtives, quel est le texte dont on pourra
rendre le plus complètement et le plus précisément compte.
Le candidat a aussi le choix de lire ou de ne pas lire à voix haute le texte dont il
engage l’explication. Une lecture préalable est utile en ce qu’elle permet de ne pas
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Oral - Page 27/42
interrompre, ensuite, l’explication. Mais il peut arriver que le texte proposé soit long — tel
extrait du Phédon de Platon, par exemple —, la lecture devient alors un handicap pour le
candidat qui ne dispose plus de tout le temps nécessaire à l’explication. Il est judicieux dans
ce cas de faire le choix d’une lecture plus sélective, et de prendre appui sur une analyse très
précise de la progression d’ensemble du texte.
Il arrive parfois – c’est heureusement peu fréquent – que l’ignorance dans laquelle
certains candidats sont des textes fondamentaux les place d’emblée dans une situation très
délicate. Le jury n’attend pas des candidats une érudition impeccable. Mais il tient compte de
cette exactitude des connaissances et de cette rigueur de réflexion qui indispensables à
l’enseignement de la philosophie. On attend des candidats qu’ils expliquent un texte de
manière pertinente et précise. Ce qui requiert : de dégager le problème soulevé par le texte et
la façon dont il y est traité ; de bien déterminer ses enjeux ; de distinguer les étapes de sa
construction et de son argumentation ; mais aussi de se rendre attentif au mouvement et à la
singularité d’un texte, qui, bien qu’extrait d’une œuvre et se rapportant à une philosophie,
constitue un moment de pensée doté d’une certaine autonomie, et déployant ses moyens
propres. Rien de plus, en fait, que ce qui est requis par une véritable lecture et qui en ressort.
Considérées sous cet angle, les explications entendues par le jury laissent paraître un
certain nombre de défauts majeurs. Il est d’autant plus important de se préparer à une telle
épreuve, et de se placer dans les conditions intellectuelles – attention, réflexion – que
requièrent la lecture et l’explication d’un texte philosophique. Ce qui est à la portée des
professeurs parce qu’ils bénéficient de l’expérience de la préparation et de la conduite d’un
cours qui inclut, régulièrement, des explications de textes.
On a trop souvent l’impression que les candidats ne lisent simplement pas le texte,
qu’ils en sont séparés par un écran opaque ou déformant. Comme si un certain excès de
« savoir », ou plutôt certaines habitudes discursives, devenaient à ce moment un obstacle.
Sans doute l’urgence et la tension d’une préparation en temps limité augmentent-elles le
risque d’un tel brouillage. Trop souvent on se replie sur ce qu’on a l’habitude de lire ou de
dire, alors qu’il faudrait justement résister à une telle facilité. On ne peut qu’être étonné
d’entendre de très longues introductions d’histoire des idées, de la part de candidats qui sont
parfois savants et qui, du coup, diffèrent l’explication proprement dite du texte, au point de la
rendre finalement squelettique.
Dans le mouvement même de l’explication, la connaissance générale et vague – si
toutefois on peut parler ici de connaissance – de certains concepts majeurs d’une philosophie,
non seulement ne peut suffire, mais peut même devenir rapidement une entrave à la lecture du
texte. Tout simplement parce que le texte alors n’est pas lu pour lui-même, mais compris – ou
plutôt « pré-compris » – en fonction d’éléments supposés appartenir à la « doctrine » de
l’auteur. Ainsi, expliquant un extrait des Essais, le candidat cherche absolument à « sauver »
Montaigne du scepticisme et se trouve, pour cette raison même, dans l’incapacité de
comprendre la fin du texte qui contredit son hypothèse de lecture. Ou encore, tel paragraphe
de Par-delà bien et mal est lu à partir de l’idée générale (présupposée) que Nietzsche opère
une critique de la métaphysique et, de ce fait, procède à une démystification du libre arbitre.
Ce qui le conduit à passer à côté du propos, certes complexe, d’un texte analysant la nature de
la volonté. Bien sûr, Nietzsche critique la métaphysique : mais de quelle manière ? au moyen
de quels emprunts et de quels détournements de quels concepts métaphysiques
fondamentaux ?
On remarque aussi dans de nombreuses explications une hiérarchisation implicite
entre ce qui compte et ce qui ne compte pas, qui se traduit par la négligence d’éléments qui
éclairent pourtant le propos de l’auteur et sont autant d’appuis pour la compréhension
d’ensemble d’un passage : le titre éventuel du texte, l’usage qu’il fait de certains exemples ;
ou d’autres éléments encore, arbitrairement jugés triviaux. Un candidat ayant choisi un extrait
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Oral - Page 28/42
de l’Ethique — Partie II, prop. 47, scolie — n’est pas en mesure d’expliquer que c’est
l’exemple d’un lapsus que prend Spinoza pour caractériser le mécanisme de l’erreur : « ayant
entendu quelqu’un crier naguère que sa maison s’était envolée sur la poule du voisin, je n’ai
pas cru qu’il fût dans l’erreur, parce que sa pensée me semblait assez claire ». Ou encore, dans
une explication d’un extrait des Esquisses pyrrhoniennes, portant sur la fin du scepticisme et
la manière de parvenir à la tranquillité de l’âme, le candidat néglige à la fois le sens du terme
« fortuitement » et l’exemple pris par Sextus Empiricus : celui du peintre Apelle qui, ne
parvenant pas à imiter l’écume du cheval, finit par jeter son éponge, qui produit —
« fortuitement » — l’effet recherché. C’est bien de cette manière qu’il faut penser l’obtention
de la tranquillité de l’âme.
Le souci d’une lecture à la fois pertinente et cohérente fait aussi parfois défaut. Il n’est
certes pas interdit de rapprocher le texte d’un philosophe de celui d’un autre auteur. Mais il
faut alors éviter de faire appel à des concepts étrangers à la problématique du texte. Il est ainsi
arrivé que l’on se réfère à la notion kantienne d’insociable sociabilité, pour rendre compte
d’un extrait de la Métaphysique α, 1. Le propos d’Aristote est alors lu à travers cette référence
à la fécondité du conflit, qui manque ici de pertinence.
Pour remédier à ces différents défauts, il faudrait adopter la démarche exactement
inverse : faire preuve de la plus grande attention à ce qui est réellement écrit, quitte à mettre
en question une certaine vulgate ; apercevoir, y compris dans des textes canoniques, qu’il n’y
a pas de doctrine univoque, mais qu’on se heurte à des difficultés dans l’ordre même de la
pensée, qui ne se laissent pas aisément dépasser. L’explication du texte ne doit donc pas
consister en un aplatissement artificiel mais au contraire en une mise en relief de ce qui pose
problème. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui fait la fécondité de ces textes philosophiques ?
L’entretien
L’épreuve d’explication comporte, dans un second temps, un entretien avec le jury.
Cet entretien doit permettre au candidat de revenir sur son explication, de la rectifier parfois
ou de la préciser afin de l’approfondir. Le jury questionne dans plusieurs directions, dont
aucune n’est décidée à l’avance : c’est le texte expliqué et l’exposé du candidat qui servent
seuls de points de départ. Il peut s’agir de demander des compléments ou des précisions
relatifs à des points qui ont été oubliés ou qui restent trop vagues. Il peut aussi s’agir de
suggérer des rectifications dans les cas, plus ou moins manifestes, où le jury considère que le
candidat a commis un contresens. Il arrive parfois que le candidat ait l’impression d’avoir
déjà dit au cours de l’explication ce que le jury lui demande : il ne doit pas s’en agacer, mais
plutôt considérer qu’on l’invite à reformuler son propos initial. Il est important d’aborder cet
entretien dans un esprit d’ouverture et de mobilité, en veillant toutefois à éviter la
versatilité — d’autant que les conditions de fatigue et d’inquiétude du concours inclinent
plutôt les candidats soit à s’enfermer dans leurs premières explications, qu’ils répètent sans
distance, soit à abandonner immédiatement, dès la première question du jury, l’hypothèse de
lecture qui est la leur. Il importe tout autant enfin de ne pas spéculer sur les intentions
supposées du jury, et de répondre sans détour aux questions proposées.
Les notes les plus mauvaises s’expliquent par un grave contresens auquel aucune
rectification n’est apportée dans l’entretien, ou par une compréhension beaucoup trop
sommaire ou lacunaire — ce qui renvoie bien sûr à la question du choix du texte effectué par
le candidat. Les notes médiocres correspondent à des paraphrases plus ou moins plates et
superficielles, plus ou moins éclairantes quant au contenu et à la progression du texte. Les
meilleurs exposés sont ceux qui affrontent effectivement la difficulté d’un texte et réussissent
à mettre en évidence la teneur et l’importance philosophiques de son propos. Si les très
bonnes explications furent rares, le jury en a entendu plusieurs de bonne tenue, qui
témoignaient à la fois d’une ample culture philosophique et d’une perspicacité bienvenue.
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Oral - Page 29/42
Rappelons enfin que le jury juge une prestation singulière déterminée dans le temps et
portant sur un objet précis et non la personne même d’un candidat.
Rapport établi par Mme Nathalie Chouchan
à partir des observations des membres des deux commissions
Textes sur lesquels le jury a interrogé
(1) Platon, Phédon, 97 c – 99 a3, trad. L. Robin, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, I,
pp.825-827, de « Sur ce, voilà qu’un jour j’entendis » à « elle décide d’infliger ».
(2) Platon, Le Politique, 294 c – 295 d, trad. L. Robin, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade,
II, pp.400-401, de « Puisque justement la loi n’est pas le procédé de gouvernement » à « les
lois, des entraves pour lui-même ».
(3) Aristote, Métaphysique, a, 1, du début à 981 a 7, trad. J. Tricot, Vrin.
(4) Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, I, 12, §§ 25-29, jusqu’à « comme l’ombre
suit un corps », trad. P. Pellegrin, Seuil, coll. Essais.
(5) Saint Augustin, Confessions, l.XIII, IX, trad. J. Trabucco, Classiques Garnier, t.II, pp.317319.
(6) Montaigne, Essais, II, 14, « Comment notre esprit s’empêche soi-même ».
(7) Hobbes, Léviathan, II, 30, trad. F. Tricaud, Sirey, pp.357-358, du début à « être assez forts
pour cela ».
(8) Descartes, Dioptrique, IV, de « Et si, pour ne nous éloigner que le moins qu’il est possible
des opinions déjà reçues » à « et non point comment elles ont en soi leur ressemblance ».
(9) Descartes, Passions de l’âme, a. 79 et 80.
(10) Spinoza, Ethique, II, scolie de la prop. XLVII, trad. C. Appuhn.
(11) Kant, Critique de la raison pure, « De l’idéal en général », trad. A. Tremesaygues et B.
Pacaud, PUF, pp.413-414, de « Ce que j’appelle idéal » à « simple fiction ».
(12) Kant, Critique de la raison pure, Analytique des concepts, § 16, B 131-133, trad. A.
Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, pp.110-111, du début à jusqu’à « sous la supposition de
quelque unité synthétique ».
(13) Hegel, La phénoménologie de l’esprit, Préface, III, trad. J. Hyppolite, Aubier, t. I, pp.4142, de « Il pourrait paraître nécessaire d’indiquer au début » à « l’Un également mort ».
(14) Hegel, La phénoménologie de l’esprit, A, I, La certitude sensible, I, trad. J. Hyppolite,
Aubier, t. I, pp.83-84, de « Nous avons donc à considérer l’objet pour voir » à « un être
sensible que nous visons ». .
(15) Nietzsche, Par delà le bien et le mal, I, § 19, trad. G. Bianquis, Aubier, pp.49-50, de « La
volonté m’apparaît avant tout comme une chose complexe » à « c’est sa volonté qui a
triomphé des résistances ».
(16) Husserl, Méditations cartésiennes, 2 e Méditation, § 19, trad. G. Peiffer et E. Levinas,
Vrin, pp.38-39, de « Ceci désigne un nouveau trait essentiel de l’intentionalité » à « il est
précisément ce qui constitue “l’horizon” ».
Couplages proposés aux candidats (les textes qui ont été choisis sont en caractères gras)
2 et 13 ; 1 et 14 ; 4 et 10 ; 6 et 15 ; 5 et 9 ; 3 et 16 ; 6 et 12 ; 4 et 12 ; 5 et 10 ; 1 et 15 ; 2 et 8 ;
16 et 8 ; 14 et 6 ; 11 et 4 ; 15 et 3 ; 15 et 4 ; 11 et 4 ; 16 et 7 ; 14 et 3 ; 12 et 1 ; 9 et 14 ; 12 et
2 ; 7 et 16 ; 13 et 10 ; 8 et 3 ; 2 et 13 ; 8 et 1 ; 13 et 9 ; 11 et 6 ; 7 et 2 ; 16 et 10 ; 8 et 13 ; 5 et
12 ; 5 et 13 ; 6 et 3 ; 2 et 11 ; 2 et 14.
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - Oral - Page 30/42
CONCLUSION
Comme l’indique son nom, l’Agrégation interne est un concours de promotion
interne. Les nouveaux professeurs agrégés sont pour la plupart, des professeurs d’expérience.
En devenant agrégés, ils accèdent, bien sûr à des conditions de travail meilleures. Mais ce que
nous souhaitons aux nouveaux professeurs agrégés, c’est que, confirmés par leur succès au
concours, ils en tirent profit pour confirmer leur succès même : qu’ils s’approprient de plus en
plus la discipline qu’ils enseignent et qu’ils retrouvent, dans leurs classes le plaisir et l’ardeur
des débutants. L’agrégation atteste une maîtrise de la discipline qui demande à être
constamment exercée et renouvelée.
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - CONCLUSION - Page 31/42
ANNEXES
DONNÉES STATISTIQUES
AGRÉGATION INTERNE
ADMISSIBILITÉ :
Répartition des notes :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 32/42
Distribution par académies :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 33/42
ADMISSION :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 34/42
Répartition des notes :
Leçon de philosophie :
Explication de texte :
Distribution par académies :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 35/42
CAERPA
ADMISSIBILITÉ :
Répartition des notes :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 36/42
Distribution par académies :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 37/42
ADMISSION :
Leçon de philosophie :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 38/42
Explication de texte :
Moyennes :
Distribution par académies :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 39/42
RÉGLEMENTATION :
1- Organisation :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 40/42
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 41/42
2- Programmes :
Agrégation interne de philosophie et CAERPA - ANNEXES - Page 42/42
Téléchargement