MATRICE Edito Avril 2015 - LGA investissement associé

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L’édito
2 AVRIL 2015
« Faites-moi un chèque ! »
On rapporte un épisode fameux. Lors d’un
dîner mondain, à l’évidence fort ennuyeux,
Sacha Guitry se fait interpeller par l’un des
convives : « Cher Maître, vous qui êtes si
spirituel et dont c’est le métier de l’être,
faîtes-nous donc rire un peu ! ». Et Guitry de
rétorquer : « Vous qui êtes banquier, faitesmoi un chèque ! ».
Toute répartie gardée, le professionnel de la
gestion d’actifs est bien souvent confronté,
lui aussi, à l’esprit interrogateur de ses
contemporains : « Alors dites-moi, vous qui
êtes un spécialiste de la bourse, le marché, il
va monter ou baisser ? »
Les gens ont de ces préoccupations.
« Les deux Mon Colonel ! ».
En effet, à cette sempiternelle question dont
on exige toujours de lui une réponse
convaincue, l’homme de marché, plein de
sagesse, ne se démonte pas : « Le marché va
baisser et monter, ou le contraire, puis
baisser de nouveau et monter encore, ou
l’inverse, puis alternera ainsi, sans répit, les
phases de hausse et de baisse, car tel est son
destin. ». Et paf ! Ça c’est envoyé. Et puis qui
peut dire le contraire ?
L’objectif de ce petit échange fictif est
d’illustrer de manière détournée que, pardelà les fondamentaux, les activités de
marché sont régies par des phénomènes
comportementaux hélas pas toujours
prévisibles. Si la hausse peut nourrir la hausse
(effets de flux, mimétisme, caractère
moutonnier des épargnants, programmes
d’intervention automatisés qui accentuent
les tendances..), un marché durablement
haussier
génère
paradoxalement
les
conditions de son propre fléchissement et de
son changement de tendance, à mesure que
le mouvement s’installe et se renforce. Car
les investisseurs initiaux seront d’autant plus
enclins à alléger leurs positions, en prévision
du retournement jugé inévitable, qu’ils ont
déjà bien gagné leur vie, contribuant ce
faisant à initier le retournement en question.
Une dynamique boursière, quelle qu’elle soit,
porte en elle les ferments de son
essoufflement, du simple fait de cette
psychologie élémentaire de l’investisseur qui
pousse les premiers entrants à cristalliser au
plus tôt les gains acquis. Tout cela pour dire
quoi ?
Que depuis bientôt trois mois, le marché
s’apprécie continuellement, sans la moindre
respiration,
ce
qui,
forcément,
psychologiquement
et
statistiquement,
ravive le spectre d’une correction et nous
place dans une situation inconfortable. A la
lumière de ce qui vient d’être dit, la mise aux
abris devient une tentation compréhensible.
C’est ainsi que certaines maisons de gestion
ont indiqué récemment avoir commencé à
réduire la voilure en termes d’exposition aux
marchés d’actions. Le paradoxe est qu’elles
entreprennent un tel mouvement non pas
parce que les fondamentaux le commandent
(au contraire, tous les indicateurs valident la
pertinence de la classe d’actifs actions) mais
précisément en raison de cette fameuse
psychologie qui, au vu de la hausse
enregistrée, les incitent inconsciemment à
une prudence de court terme.
La dynamique haussière résistera-t-elle ou
succombera-t-elle
aux
inclinaisons
prudentielles des intervenants ? Comment
savoir à partir de quel moment une actualité
jusque-là inoffensive peut se transformer en
catalyseur baissier donnant le signal du
retournement ? Pour l’heure, les indices ont
démontré une capacité de résistance à toute
épreuve. Les occasions de vaciller n’ont pas
manqué. Nous avons déjà eu, dans ces
colonnes, l’occasion d’évoquer l’Ukraine (ce
n’est pas fini) et la Grèce (ça continue). On
peut désormais ajouter le Yémen (ça
commence) comme facteur de déstabilisation
potentiel.
Entre temps, le FOMC du 18 mars n’aura
finalement pas apporté les éclaircissements
attendus. Quel sera le timing du relèvement
des taux directeurs ? Quel sera le rythme de
réduction du bilan de la Fed (tapering) ? A
dessein ou pas, celle-ci ménage le suspense
en ouvrant d’un côté la porte à un
relèvement de ses taux dès le mois de juin
(suppression du terme « patience » du
communiqué) mais en cherchant, de l’autre,
à repousser les anticipations d’une action.
Savamment entretenu, ce flou aurait en
d’autre temps profondément contrarié les
intervenants. Il semble au contraire et
paradoxalement nous préserver un peu
mieux d’un fort mouvement correctif
boursier. Explications.
Le statu quo monétaire américain agit en
quelque sorte comme un gage de
préservation des taux européens sur des
niveaux historiquement bas, phénomène
dont profitent évidemment les marchés
d’actions du Vieux Continent. L’ancrage
induit du mouvement baissier sur l’eurodollar conduit ainsi à des perspectives de
dégradation de la dynamique de croissance
et des profits outre-Atlantique, ce qui
explique, justifie et conforte la préférence
pour les bourses européennes. Ceci d’autant
plus que le QE européen (dont Mario Draghi
vient de défendre la faisabilité) a aussi pour
corolaire de susciter un effet d’éviction des
investisseurs institutionnels des marchés de
taux au profit des marchés d’actions,
lesquels, mécaniquement, bénéficient de ce
fait d’une revalorisation relative.
Il est vrai que, par opposition, la croissance
bénéficiaire des sociétés européennes devrait
pour sa part dépasser les 13% cette année.
Certes, les PER européens se sont renchéris à
16X les résultats anticipés de 2015. Un niveau
culminant depuis 2002 qui, à l’aune des
réflexions abordées précédemment, aurait de
quoi réfréner bien des velléités. Pour autant,
la cherté relative d’un actif, qui, soit dit en
passant, n’a jamais constitué un déterminant
immédiat de marché, l’est d’autant moins
aujourd’hui, s’agissant des actions, que le
niveau inédit de taux bas contribue à
bouleverser de manière radicale toutes les
normes en vigueur en matière de
valorisation.
Joseph Alfonsi
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