Force de type Stokes subie par une particule sphérique en fluide rhéofluidifiant ou rhéoépaississant A. DESPEYROUX1, A. AMBARI1, A. BEN RICHOU1,2 1 Arts et Métiers ParisTech, EMT, 2, bd du Ronceray, BP 93525, 49035 Angers cedex 01, France 2 EMET – Faculté des Sciences et Techniques de Beni-Mellal – BP 523 – Maroc [email protected] ; [email protected] ; [email protected] Introduction Le transport des suspensions de particules solides est présent dans de nombreux procédés industriels (injection de microsphères dans les thermodurcissables…) aussi bien que biologiques (écoulement sanguin…) [1]. Beaucoup de ces fluides porteurs industriels présentent des comportements non newtoniens rhéofluidifiants ou rhéoépaississants pouvant être décrits par des lois de type Ostwald (en absence de gradients élongationnels élevés, la viscoélasticité sera négligeable). Dans ces conditions, nous sommes confrontés à la connaissance de la force subie par une particule sphérique dans le cas d’un tel fluide. Il est à noter que contrairement au cas du fluide newtonien où cette force hydrodynamique a été calculée par Stokes en 1850 [2], il est très difficile d’obtenir une solution analytique de ce même problème pour des fluides en loi de puissance. En effet, ce problème n’a jamais eu à ce jour une solution définitive. Les seuls résultats obtenus sont numériques ou semi-analytiques utilisant le principe de dissipation minimale. Cette dernière approche nécessite l’introduction préalable d’une fonction de courant qui souvent ne vérifie pas l’équation de conservation de la quantité de mouvement et ne se réduit pas à celle du fluide newtonien lorsque l’indice de fluidité n = 1 . Dans cette communication, nous donnons une solution numérique et une comparaison avec une solution semi-analytique basée sur la méthode variationnelle citée ci-dessus. La comparaison de nos calculs numériques avec une approche asymptotique nous permet de confirmer pour la première fois l’exactitude de notre solution. Formulation et résolution du problème Notre objectif est de déterminer la force subie par une particule sphérique de rayon a se déplaçant à la vitesse constante U dans l’axe d’un tube de rayon b rempli d’un fluide d’Ostwald dont la loi de comportement est décrite par : σ = − pδ + 2m(2 DII )( n −1) 2 D où σ contraintes, ( r r t D = (1 2 ) ∇ u + ∇ u ( ) déformations où DII = tr D 2 ) est le tenseur des le tenseur taux de est son second invariant, p la pression, m la consistance ( Pa.s n ) , n l’indice de r fluidité, et u la vitesse de l’écoulement. Cette loi décrit un comportement rhéofluidifiant ou ( pour n < 1) rhéoépaississant ( pour n > 1) de viscosité apparente ηa = m ( 2 DII ) ( n −1) nombres 2 . Cet écoulement s’effectuant à des de modérés Re n = ρU 2−n Reynolds ( 2a ) n généralisés m , nous sommes amenés à résoudre en régime thermique isotherme les équations de conservation de la masse et de la quantité de mouvement suivantes : ur r ⎧∇.u = 0 ⎪ r ur r ur ur ⎨ ⎪⎩ ρ ∂ t u + u.∇ u = −∇ p + ∇. η a D Ces équations ont été résolues sous forme adimensionnelle par l’utilisation de la longueur, de la vitesse, de la pression et du temps caractéristiques respectifs suivants : lc = a , ( ( )) U c = U , pc = m (U a ) n ( et tc = ρ a 2 ) ( m (U a ) ) . Dans n −1 ces conditions, la force hydrodynamique subie par la sphère peut s’écrire sous la forme : F ( n, k ) = 6π m (U 2a ) où n −1 aU λ ( n, k ) λ ( n, k ) = λ ( n, k = 0 ) λ+ ( n, k ) avec (1) λ ( n, k = 0 ) correspondant au facteur multiplicatif dans le cas d’un milieu infini. λ+ ( n, k ) peut être considéré comme le facteur de correction de la force subie par la sphère en milieu confiné. Celui-ci dépend du confinement k = a b et de la loi de comportement du fluide par le biais de n (couplage non linéaire). Dans tous les cas, nous sommes confrontés à la difficulté de la détermination de ce facteur multiplicatif λ ( n, k = 0 ) . Vu la difficulté d’obtention d’une solution analytique hors du régime asymptotique, nous avons opté pour une résolution numérique. Le calcul de λ ( n, k ) a été obtenu en résolvant les équations dynamiques en formulation fonction de courant ψ et de la vorticité ω , écrites dans un système de coordonnées curvilignes orthogonales épousant parfaitement le contour de la sphère et les parois cylindriques du tube. Cette technique est bien décrite dans [3]. Ce calcul numérique a permis d’une part d’améliorer les résultats précédemment obtenus par les différents auteurs [4] pour k ≤ 0.5 et d’autre part d’étendre les calculs aux forts confinements jusqu’au régime de lubrification : 10 −6 ≤ k ≤ 0.99 . Il est à rappeler que la construction du maillage a été traitée par l’utilisation de la méthode des singularités [5]. Celle-ci consiste en la détermination des équipotentielles et des lignes de courant de l’écoulement d’un fluide parfait incompressible et irrotationnel, dans ___________________________________________________________________________________________________ 211 9ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech cette même configuration géométrique. Le maillage fourni par ces équipotentielles et ces lignes de courant est utilisé en tant que transformation conforme numérique pour la génération d’un maillage orthogonal de notre géométrie. Sur celui-ci, les techniques (A.D.I.) et (S.O.R.) [6] sont appliquées pour calculer les fonctions de ψ et ω de l’écoulement visqueux. Le critère de convergence est assuré par la condition suivante : (λ ( k ) − λ ( k )) i +1 i λ i +1 ( k ) < 10 −6 Afin de vérifier la précision de nos calculs numériques, nous avons comparé nos résultats avec ceux obtenus à l’aide du code de type volumes finis FLUENT. L’algorithme SIMPLE a été utilisé avec un schéma du second ordre sur un maillage structuré en adoptant le même critère de convergence utilisé précédemment. Dans tous les cas, nous avons pu calculer numériquement les contributions séparées des forces réduites de pression et de viscosité avec λ p ( n, k ) λv ( n, k ) λ p ( n, k ) + λv ( n, k ) = λ ( n, k ) . Résultats et discussion En milieu illimité, le facteur λ ( n, k = 0 ) est défini par la relation (1). Nous avons utilisé le théorème de dissipation minimale d’énergie qui continue de s’appliquer aux fluides non newtoniens dont la viscosité apparente ne dépend que du second invariant du tenseur taux de déformation [7]. Contrairement aux autres auteurs qui ont utilisé par le passé cette technique [8, 9], nous avons introduit la fonction de s 3s U 2 2 ⎡ 3⎛a⎞ n 1⎛a⎞ n⎤ r sin θ ⎢1 − ⎜ ⎟ + ⎜ ⎟ ⎥ 2 2⎝ r ⎠ ⎥ ⎢⎣ 2 ⎝ r ⎠ ⎦ Dans celle-ci, nous avons utilisé le paramètre s pour optimiser la solution au travers une minimisation de l’énergie dissipée via cette variable. L’autre avantage est que cette fonction de courant permet de retrouver celle du cas newtonien pour n = 1 . Par ailleurs, nous avons calculé Figure 1 : Evolution du facteur de correction de la force de traînée subie par une sphère en milieu infini en fluide d’Ostwald : la courbe en trait continu correspond au calcul variationnel. Cependant, sur la figure 2, nous avons comparé nos résultats numériques avec ceux obtenus numériquement par différentes méthodes [4, 10, 11]. Celle-ci montre que dans le cas rhéofluidifiant, nos résultats numériques sont parfaitement confondus avec ceux de Missirlis et al. [4] et s’approchent de ceux de Gu et Tanner [10]. Dans le cas rhéoépaississant, le seul résultat disponible dans la littérature est celui de Tripathi et al. [11] ; mais comme ces calculs ont été effectués à des Reynolds non suffisamment faibles pour éliminer les effets d’inertie, les valeurs obtenues surestiment la valeur de λ ( n, k = 0 ) comme le montre la figure 1. courant suivante : ψ = numériquement le facteur λ ( n, k ) pour des confinements k de plus en plus faibles, et pour différents indices 0 ≤ n ≤ 2 . Comme on peut le voir sur la figure 1, l’estimation de λ ( n, k = 0 ) est d’autant plus sensible au nombre de Reynolds que l’indice n tend vers la valeur 2. En effet, dans le cas des fluides rhéoépaississants ( n > 1) , l’inertie apparaît pour des Reynolds généralisés de l’ordre de Ren = 10−12 dans le cas où n est très proche de 2. Finalement, en prenant soin de réduire fortement le nombre de Reynolds et le confinement, nous avons pu obtenir une courbe limite qui décrit parfaitement la valeur de λ ( n, k = 0 ) . Cette courbe limite se confond parfaitement avec celle obtenue par la méthode variationnelle décrite cidessus pour 0.7 ≤ n ≤ 2 . Par contre, dans le cas des fluides rhéofluidifiants, pour n < 0.7 , nos résultats numériques s’écartent des résultats obtenus par la méthode de dissipation minimale d’énergie. Figure 2 : Comparaison de nos résultats numériques avec ceux obtenus par les autres chercheurs. Sur la figure 3, nous avons reporté la composante de pression λ p ( n, k ) et la composante de viscosité λv ( n, k ) du facteur de correction de la force de traînée λ ( n, k = 0 ) . La courbe d’évolution de la composante de viscosité conduit à une valeur de λν ( n, k ) ≈ π 12 pour n = 0 . Cette valeur est exactement celle que nous pouvons calculer analytiquement dans le cas où n = 0 qui correspond à la situation d’un fluide de contrainte constante partout. Ce ___________________________________________________________________________________________________ 9ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech 212 dernier résultat nous encourage à affirmer que nos calculs numériques, quoique différents des résultats obtenus par la méthode variationnelle ( pour 0 ≤ n ≤ 0.7 ) , sont exacts. avec nos propres calculs asymptotiques obtenus en régime de lubrification, prouve de façon incontestable la validité de nos résultats numériques dans le cas des différents confinements, et a posteriori la validité de l’estimation du facteur de correction en milieu infini. Conclusion Par l’utilisation d’une méthode numérique que nous avons déjà utilisée avec succès dans le cas newtonien, et vérifiée à l’aide d’un code de calcul de type volumes finis, nous avons réussi à obtenir des résultats numériques précis du problème de la détermination de la force de traînée subie par une sphère se déplaçant uniformément dans un fluide d’Ostwald. La comparaison de nos résultats avec ceux obtenus par une technique variationnelle à partir d’une fonction de courant que nous avons introduite, nous a montré que cette technique permettait d’obtenir de bons résultats pour 0.7 ≤ n ≤ 2 . La comparaison avec succès de nos résultats numériques en confinement avec ceux que nous avons obtenus asymptotiquement en régime de lubrification, nous permet d’affirmer que nous avons réussi à obtenir pour la première fois la bonne solution à ce problème longtemps posé et dont les nombreux résultats dans la littérature restent souvent contradictoires ou manquent de précision. Figure 3 : Evolution des composantes visqueuse et de pression du facteur de correction de la force de traînée subie par une sphère en milieu infini dans un fluide d’Ostwald. Figure 4 : Evolution asymptotique du facteur de correction de la force de traînée subie par une sphère en fonction de son confinement dans un fluide en loi de puissance. Malgré toutes ces preuves sur la validité de nos calculs, nous avons étudié l’influence du confinement de la particule pour différents indices de fluidité 0 ≤ n ≤ 1.6 . En effet, sur la figure 4, nous avons reporté nos résultats numériques du coefficient de correction dû au confinement, normalisé par celui obtenu précédemment dans le cas du milieu infini, en fonction de la distance réduite à la paroi du tube. La parfaite concordance de nos résultats numériques Références [1] Clift, R., Grace, J. J. & Weber, M. E. 1978 Bubbles, Drops and Particles. Ed. Academic press [2] Stokes, C.G. 1850. Trans. Cambridge Phil. Soc. 9, 8 [3] Ben Richou, A., Ambari, A. and Naciri, J. K 2003 Correction factor of the Stokes force undergone by a sphere in the axis of a cylinder in uniform and Poiseuille flows. Eur. Phys. J. Appl. 24, 153-165 [4] Missirlis, K. A., Assimacopoulos, D., Mitsoulis, E. and Chhabra, R. P. 2001 Wall effects for motion of spheres in power-law fluids. J. Non-Newt. 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