Agroécologie, pour une agriculture durable dans le monde rural
malagasy.
Auteur : Zarasoa Jean Noël RANDRIANJAFY - 30/03/2005
Le développement de l'agriculture en milieu rural malagasy exige des
stratégies et méthodes permettant aussi bien d'augmenter le
rendement de production, végétale et animale, que de préserver
l'équilibre de l'écosystème. La dégradation des bassins versants
(BV), les phénomènes d'érosion des sols, la tendance à la diminution
de la productivité due à la baisse de fertilité ainsi que les fortes
inondations aggravent la pauvreté de la population humaine. Dans ce
sens, l'"agroécologie" peut y apporter des éléments de réponse, car
il s'agit d'un domaine scientifique qui étudie les interactions
existant entre l'environnement et l’agriculture, afin d'identifier
les facteurs de pérennisation, et d'initier l’application de
techniques adaptées aux contextes locaux.
Abstract
The agricultural development in malagasy rural environment requires
strategies and methods which allow to increase the efficiency of
plant as of animal production and to preserve the ecosystem
stability. The BV areas degradation, the soils erosion phenomena,
the productivity decreasing trend due to the fertility drop fall as
well as the important flooding aggravate the human population
poverty. In this way, “agroecology" can bring responses elements, as
it concerns a scientific field that studies the existing
interactions between environment and agriculture, in order to
identify the perpetuation factors and to initiate the local contexts
adapted techniques implementation.
Mots clés : agroécologie, agriculture, environnement, écologie et
ressources naturelles.
INTRODUCTION
Le présent document a pour objectifs, d'une part, d'apporter des
précisions conceptuelles en ce qui concerne l'agroécologie et
l'agriculture écologique et, d'autre part, de montrer qu'à
Madagascar, il existe des pratiques de type traditionnel pouvant
être valorisées dans le développement durable de l'agriculture. Pour
ce faire, la première partie de ce document sera consacrée à la
définition des termes clés souvent utilisés dans ce domaine
scientifique, la seconde partie, à l'annonce des problèmes de la
production agricole que l'agroécologie puisse atténuer à travers ses
principes de base. Des recommandations seront avancées pour
contribuer à la valorisation des acquis et connaissances
traditionnelles malagasy sur la gestion des ressources naturelles.
En effet, ces ressources qui font l'objet d'exploitation agricole,
peuvent se régénérer et se reproduire d'une façon pérenne.
1 – CONCEPT AGROECOLOGIQUE
Afin d'éviter d'éventuels malentendus, nous avons jugé utile de
préciser préalablement la signification des mots-clés : agriculture,
environnement, écologie et ressources naturelles, qui seront
utilisés dans les différentes parties de ce document.
1.1 – Signification des mots clés
Le mot "agriculture" désigne "l'exploitation du sol conduite par
l'homme en vue d'obtenir des produits, animaux ou végétaux, utiles à
son alimentation ou à son industrie. L'agriculture est l'ensemble
des travaux qui modifient le milieu naturel pour produire les
végétaux et les animaux utiles à l'homme. L'agriculture est donc à
la fois : transformation du milieu et adaptation à certaines de ces
potentialités". (SEGUY, L., 1994)
"Le terme « environnement », l'ensemble des éléments qui
conditionnent et déterminent l'activité humaine, notamment :
l'entourage biologique (hommes, flore, faune), l'entourage physique
(équilibre biologique, climat, sol), l'entourage socioculturel
(patrimoine naturel ou culturel, organisation sociale) et les
interactions qui existent entre ces différents éléments". C’est une
définition donnée par la Charte de l'Environnement Malagasy (1998)
qui, à travers la politique de développement du pays, se soucie de
la conservation des ressources naturelles et de la lutte contre la
pauvreté de la population.
Le terme "écologie" est utilisé dans ce travail avec son sens défini
par HAECKEL (1866) qui était traduit par BOUCHÉ, M., (1990) comme
étant "une science globale des relations des organismes avec leur
monde extérieur environnant dans lequel sont inclus, au sens large,
toutes les conditions d'existence ; c'est une science visant à une
compréhension générale, intégrée, totale des relations de tout
organisme ou groupe d'organismes avec l'ensemble des éléments
environnant ceux-ci".
Les "ressources naturelles" sont les éléments du milieu physique que
les hommes et les sociétés utilisent (et dans lesquels ils puisent)
pour satisfaire directement ou indirectement leurs besoins
alimentaires, domestiques et monétaires. Ce sont les ressources
végétales et animales, l'eau sous toutes ses formes, le sol et
l'air. Les ressources naturelles sont aussi qualifiées par les
auteurs comme le "capital écologique" (MERCOIRET, R., M., & al.,
1994).
1.2 - Agroécologie
L’«agroécologie » ou «écologie agricole » est un domaine
scientifique relativement nouveau qui étudie les interactions
existant entre l’agriculture et l'environnement en adoptant
l’approche écologique. La finalité de l'agroécologie est de faire
augmenter la productivité agricole tout en préservant l’équilibre de
l’écosystème, d’initier l’application de techniques adaptées au
changement des conditions locales en valorisant au maximum les
ressources naturelles renouvelables du milieu. Le type d’agriculture
pratiqué à partir de cette vision est désigné par le terme
«agriculture écologique ». De nombreuses définitions et termes
techniques ont été proposés dans les publications scientifiques pour
faire comprendre l'agriculture écologique.
Citons en exemples : agriculture durable, «sustainable agriculture
», agriculture soutenue, agriculture pérenne, agriculture de
conservation, agriculture alternative, agriculture adaptée au site,
agriculture reproductible, agriculture écologique, agriculture
viable, agriculture respectueuse de l'environnement, agriculture
organique, etc... On n'a pas mentionné "l'agriculture biologique",
car là, il s'agirait d'un autre domaine propre que nous discuterons
plus loin dans ce document. En réalité, ces termes ne s’excluent pas
et désignent une même perception qui n'est autre que l'«agriculture
écologique ». La science qui étudie cette forme d'agriculture est
l'agroécologie.
Les définitions ci-après sont retenues parmi tant d’autres
puisqu’elles permettent de comprendre plus facilement la
signification de l’«agroécologie » et les pratiques y afférentes.
- « L’agriculture écologique fait référence à des formes
d’exploitation des sols qui dépendent essentiellement ou presque
exclusivement des ressources locales pour obtenir une productivité
soutenue » (KOTSHI, J., et al., 1990).
- « L’agriculture durable est une agriculture qui répondrait aux
besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs » (FAO, 1990).
- « L’agroécologie ou écologie agricole est une discipline
scientifique qui aborde l’étude de l’agriculture d’un point de vue
écologique » (ALTIERI, 1983).
- « L’agriculture écologique est une pratique visant à obtenir une
productivité élevée et durable tout en préservant et rentabilisant
l’équilibre de l’écosystème d’un site donné » (GTZ, 1987).
En tant que science, l'agroécologie, n'est ni du domaine propre de
l'écologie, ni de celui de l'agriculture. Elle est considérée comme
l'interface entre les diverses disciplines et les intervenants qui
contribuent à l'amélioration de la production agricole tout en bien
gérant les ressources naturelles. La complémentarité, ou la
synergie, de toute intervention (multisectorielle) en milieu rural
est de rigueur, si on voudrait viser un développement durable.
Il semble qu'une certaine nuance existe entre "agriculture
écologique" et "agriculture biologique", il s'agit de deux
disciplines différentes. L'"agriculture écologique" ressort du
domaine de l'écologie et l'"agriculture biologique", de celui de la
biologie. L'inter-relation entre ces deux disciplines suscite encore
beaucoup de discussions entre les techniciens, les producteurs et
les consommateurs.
Sur le marché, les produits agricoles, végétaux ou animaux, n’ayant
jamais subi, ni d'un traitement chimique (herbicide, insecticide,
fongicide ou autres intrants de synthèse), ni d'une modification
génétique, sont qualifiés de "produits Bio" ou "produits
biologiques". Les substances chimiques de synthèse utilisées dans
l’agriculture sont désignées par le terme "agrotoxines", car elles
sont souvent nuisibles aussi bien à la santé humaine qu'à
l'équilibre de l'écosystème. Il en est de même pour la
commercialisation des êtres, végétaux et animaux, trans-géniques ou
OGM (Organisme Génétiquement Modifié).
Il est, cependant, fortement possible de fournir des "produits Bio"
tout en pratiquant une agriculture écologique. «De l’agriculture
écologique à l’agriculture biologique, il n’y a qu’un pas à franchir
: la certification» ACACIA (1996).
2 - PROBLÉMATIQUE A MADAGASCAR
Madagascar, avec 590 000 Km² de superficie, ne renferme que 15 à 20%
d'espace favorable à l'agriculture de type paysannal. Ce sont les
bonnes terres, arables, faciles à aménager, remplissant les
conditions naturelles idéales aux activités culturales et d’élevage
(plaines, plateaux fertiles et bas fonds humides). Les 80 à 85%
restants de cette superficie sont des espaces difficilement
aménageables dont des plans d’eau, des marécages, des rocailles, des
"tanety" latéritique à pente trop forte, etc.). (Conférence /CNCD,
1985).
L'accessibilité des agriculteurs aux bonnes terres est également
limitée par des paramètres connexes comme l'insécurité foncière,
l'enclavement faute d'infrastructures socioéconomiques (route,
éducation, santé, eau potable, etc.) ainsi que l'insécurité des
hommes et de ses biens.
Cependant, l’économie du pays est en majeure partie basée sur
l’agriculture, aussi bien pour la consommation nationale que pour
l’exportation. Il faut reconnaître que, partout dans le monde,
l'agriculture est une spéculation économique à haut risque. Elle
dépend de facteurs naturels versatiles et imprévisibles comme le
climat (cyclone, inondation, sécheresse, etc.), le cataclysme
naturel (prolifération de maladies et d'insectes prédateurs des
cultures …) etc. Les principaux facteurs de régulation de
l'agriculture sont les facteurs édaphiques et hydriques, ceux-ci
pourraient devenir limitant et même dégradant à travers
l'inadéquation des techniques d'exploitation adoptées.
Dans les années 50, au moment où Madagascar n’avait que 5-6 millions
d’habitants, cette faible superficie agricultivable du pays était
largement suffisante pour satisfaire les besoins de la population.
Suite à la croissance démographique galopante, ainsi qu'à la
dégradation des sols, Madagascar se trouve actuellement devant un
problème majeur pour son développement agricole ; et sachant encore
que 80 à 85% de la population malagasy sont des agriculteurs vivant
en milieu rural.
Un document publié par l'Institut de Recherches Agronomiques
Tropicales (IRAT, 1962) a mentionné qu'avant 1960, les sols de
"tanety" de Madagascar pouvaient produire en moyenne 18 t/ha de
maniocs (Manihot aesculenta var. H.34 et H.35) ainsi que 3 t/ha
d'arachides (Arachis hypogea var. Valencia 247). Ce rendement n'est
plus que de 4 à 5 t/ha pour le manioc (Conférence/CNCD, 1985) et de
1 à 1,5 t/ha pour l'arachide (RANDRIAMAMPIANINA, J. A., 2001). Ces
chiffres montrent une tendance à la diminution de la productivité
due à la baisse de fertilité et au déséquilibre de l'écosystème.
D'après la FAO (1990), "la dégradation de l'environnement est
étroitement liée à la pauvreté et elle est provoquée par la
surpopulation". L'insuffisance de produits alimentaires et le manque
d'argent pour les familles paysannes se traduisent par des pressions
considérables sur les ressources naturelles. Ces ressources sont
souvent utilisées et considérées comme des solutions d'urgence.
En effet, le Gouvernement malagasy a évoqué, dans un rapport relatif
à la politique d'ajustement structurel (PRIMATURE, 2000), que le
développement à Madagascar est caractérisé par l'augmentation
constante de la pauvreté de la population. Entre 1970 et 1995, le
revenu réel par habitant a diminué de plus de 40% de telle sorte que
plus de 70% des malagasy vivent en dessous du seuil de pauvreté.
La vitesse de croissance de la population a augmenté d’une façon
considérable de 1,9% en 1975 à 2,8% en 1993 à laquelle l’effectif de
population a passé de 7 604 000 à 12 421 000 . Si cette situation ne
change pas, la population malagasy atteindra le nombre de 27 000 000
en 2015 puis 51 000 000 en 2030, soit 4 fois plus élevé qu’en 1993
(KOFFI KOFFI, P., 1995). Des informations relatives à l'évolution de
la situation démographique de Madagascar, depuis la période
pré-coloniale, sont données dans le Tableau 1. Depuis longtemps
déjà, le pays a accusé un manque d’espace agricultivable et une
insuffisance alimentaire.
Tableau 1 : Évolution de la situation démographique de madagascar.
(Source : KOFFI KOFFI, P., 1995)
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Période pré-coloniale (1650 à 1896).
1650 : 500 000 h (nombre d'habitants)
1900 : 2 200 000 h
Période coloniale (1896 à 1960).
1950 : 4 500 000 h : < 1% de Taux de croissance de la population
Période post-coloniale (après 1960).
1966 : 6 200 000 h
1975 : 7 604 000 h : 1,9% de Taux de croissance de la population
1984 : 9 607 000 h : 2,6% de Taux de croissance de la population
1993 : 12 421 000 h : 2,8% de Taux de croissance de la population
Projections démographiques de 1993 à 2030.
1993 – 2000 : 15 791 000 h : 3,4% de Taux de croissance de la
population
2000 – 2015 : 27 213 000 h : 3,7% de Taux de croissance de la
population :
2015 – 2030 : 51 056 000 h : 4,4% de Taux de croissance de la
population
Hypothèses sur les possibilités démographiques.
A l’horizon 2030, le nombre de la population malagasy serait de 51
056 000,
soit 3,8 fois plus élevée qu'en 1993, si aucune mesure ne sera prise
pour réduire
cette vitesse de croissance.
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Face cette problématique, l'agroécologie peut apporter des éléments
de solutions à travers ses concepts de base : préserver l’équilibre
de l’écosystème tout en faisant augmenter la productivité agricole
et valoriser au maximum les ressources naturelles renouvelables du
milieu en initiant l’application de techniques adaptées au
changement des conditions locales.
3 - AGROECOLOGIE EN ZONES TROPICALES
Les paysans et les techniciens des pays tropicaux ont constaté, vers
les années 60, que les ressources naturelles se dégradent d'une
façon accélérée. Les impacts négatifs qui en découleraient peuvent
se présenter sous différentes formes telles que :
- la disparition des couvertures végétales des bassins versants
entraînant la dénudation des sols, la modification du régime
hydrique, le changement du climat régional, les fortes inondations
des zones basses, etc.;
- la dégradation physique des sols se traduisant par l'érosion,
l'ensablement et la destruction d’infrastructures économiques
(barrage, digues, canaux d’irrigation, ponts et chaussées, ports
fluviaux et maritimes,...), etc. ;
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