PROCÉDÉS DE POLING BASÉS SUR LE PIEGEAGE D’ÉLECTRONS
Raphael BLUM1, Quiming LIU1, Sylvain CARLEVATO1, Bertrand POUMELLEC1, Christian
HAUT2, Guy BLAISE3, Robert CORTES4, Alexandre KUDLINSKI5, Gilbert MARTINELLI5
1 Laboratoire de Physico-Chimie de l’Etat Solide (LPCES), UMR CNRS-UPS 8648, Université Paris
Sud, 91405 ORSAY
2 Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux (ICMMO), Université Paris Sud, 91405 ORSAY
3 Laboratoire de Physique des Solides (LPS), UMR 8502, Université Paris Sud, 91405 ORSAY
4 Laboratoire de Physique de la Matière Condensée (PMC), UMR CNRS-X 7643, Ecole
Polytechnique, 91128 PALAISEAU
5 Laboratoire de PHysique des Lasers Atomes et Molécules (PHLAM), UMR CNRS-USTL 8523,
Université des Sciences et Technologies de Lille, 59655 VILLENEUVE D’ASCQ
RESUME
Parallèlement au procédé classique de poling thermique qui procède par migration
ionique, d’autres procédés alternatifs permettent également de générer des propriétés
optiques non-linéaires du second ordre au sein de verres massifs, et ce par un tout autre
mécanisme : le déplacement et le piégeage d’électrons. Les électrons peuvent ainsi être
implantés (poling par faisceau d’électrons ou e-beam-poling) dans le matériau, ou bien
simplement déplacé en son sein (poling UV, γ, ou par rayons X)
MOTS-CLEFS : Optique Non-linéaire du second ordre, Poling, électrons
1. INTRODUCTION
Suite à la découverte du poling thermique [1] permettant d’induire des propriétés optiques non-
linéaires d’ordre deux au sein de verres de silice], le sujet a suscité un vif intérêt en raison de son
potentiel comme procédé directe et économique de fabrication de composants optiques “actifs”, tels
routeurs ou interrupteurs, aisément adaptables sur les réseaux actuels de télécommunication. Le
procédé dit “thermique”, consiste a exposé l’échantillon traité à l’action simultanée d’une source
modérée de chauffage (~300°C) et d’un champ électrique externe intense (1 à 10 V.µm-1). Il est
désormais admis que les propriétés optiques particulières découlant de ce traitement résultent de la
migration d’espèces cationiques au sein du matériau donnant naissance à un intense champ électrique
interne EBI [2] . Le couplage de ce champ interne avec la susceptibilité non linéaire du 3ème ordre
donne naissance à une susceptibilité non-linéaire du second ordre effective : χ(2)
eff = 3 EBI*χ(3). Pour
mémoire, rappelons qu’un verre est macroscopiquement centrosymétrique et que par conséquent toute
propriété optique d’ordre pair y est formellement interdite. D’autres travaux ont montré qu’il était
possible d’atteindre des résultats similaires par d’autres procédés de poling substituant au chauffage
une sources UV[3], γ [4] ou encore un faisceau électronique [5]. Toutes ces techniques alternatives
procèdent par un mécanisme de formation de charge d’espace interne bien différent de la migration
cationique décrite précédemment, il s’agit ici, de déplacer sous champ et de piéger des électrons et/ou
des trous rendus mobiles par la source externe d’excitation. La plupart de ces techniques, à l’instar du
poling thermique, mettent en œuvre un intense champ électrique externe imposé au travers de
l’échantillon au moyen d’électrodes de polarisation. Le poling par faisceau d’électrons au moyen d’un
canon à électrons (microscope électronique à balayage) constitue une exception notable, les électrons
étant directement implantés au cœur du matériau cible, les électrodes sont superflues.
Après avoir introduits les défauts formés (paires électrons-trous, pièges,…) sous irradiation
externe, et leur importance pour la formation d’une charge d’espace stable, nous détaillerons cette
technique de poling “sans électrodes”. Nous soulignerons par ailleurs que cette technique, à l’aide
d’un microscope électronique spécialement adapté permet également de tester la stabilité du champ
interne stocké dans l’échantillon et donc l’aptitude de ce dernier à être ou non un bon candidat au
poling.
Dans un second temps, nous développerons brièvement les autres méthodes de poling “avec
électrodes” en insistant sur la structuration du champ interne inscrit par poling par contrôle des
paramètres de la source d’excitation externe.
2. DEFAUTS ELECTRONIQUES CREES SOUS IRRADIATION
Les propriétés optiques résultant du poling sont attribuées à deux types de défauts :
- les défauts paramagnétiques formés sous irradiation, du type Si-E’ (un atome de Silicium
portant un électron non-apparié), Ge-E’ ou tout autre espèce ayant pour précurseur une
entité diamagnétique ayant perdu ou gagné un électron. Ces défauts vont engendrer une
augmentation de la susceptibilité non-linéaire du 3ème ordre χ(3).
- la création de paires électrons-trous. Sous l’influence du champ externe appliqué les
électrons et les trous migrent en sens inverse à des vitesses différents. Après suppression
de la source d’excitation extérieure la mobilité des paires chutent, les électrons et les trous
se retrouvent piégés et forment deux zones de charges opposées entre lesquelles subsistent
un intense champ interne.
- les électrons secondaires issu de la perte d’énergie du faisceau d’excitation au sein de la
cible. Ils laissent en s’échappant une contre charge positive fixe.
3. POLING SANS ELECTRODES
Les premières tentatives de poling par bombardement électronique remontent à 1994 [5], Kazansky
and al. montrent alors qu’il est possible d’atteindre des valeurs de χ(2) de l’ordre de 0.7 pm.V-1 (contre
1 pm.V-1 en poling thermique classique [1]).
Un des aspects importants et propre du poling par faisceau d’électrons est qu’il permet un parfait
contrôle de la charge implantée. En effet, l’absence d’électrodes permet de s’absoudre de tout
phénomène d’injection, non-quantifiable. De plus, l’irradiation étant très locale, il est très aisé
d’induire une non-linéarité a structure périodique (pour la réalisation de réseau et de dispositifs à
accord de phase) par programmation du faisceau électronique en évitant la réalisation d’électrodes de
formes complexes et technologiquement coûteuses. Par ailleurs, la technique permet une structuration
perpendiculaire à la surface de l’échantillon, la profondeur d’implantation de la charge étant
directement liée à l’énergie des électrons incidents. Ceux-ci, interagissant avec le matériaux perdent
leur énergie en produisant des paires électrons-trous mobiles qui seront à l’origine de la charge
d’espace créée et des électrons secondaires (électrons ionisés depuis leur niveau d’origine).
A l’aide d’un microscope électronique spécialement adapté pour mesurer le rendement d’émission
électronique secondaire δ (rapport entre le courant émis et le courant incident), on peut évaluer
l’aptitude d’un échantillon à être polé ou non. Une fois le matériau chargé, δ est en général proche de
1, son évolution temporelle nous indique si le matériau stocke la charge ou si il est conducteur et se
décharge rapidement. La figure 1 illustre ce phénomène : après une série de 3 irradiations espacées de
5 et 10 minutes respectivement, un bon isolant (Figure 1a) garde un rendement d’émission secondaire
IDECR H:Ge(1 at%):SiO2
25000 V, UPS 325k, 228 microns
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
0,0E+00 5,0E+06 1,0E+07 1,5E+07 2,0E+07 2,5E+07 3,0E+07 3,5E+07 4,0E+07
Dose (pC/cm2)
Delta
Tir1 5000pC 10s
Tir2 5000pC 10s
Tir3 5000pC 10s
arrêt 5min arrêt 10min
Charges stables
IDECR H:Ge(3,8 at%):SiO2
25000 V, UPS 314e, 228 microns
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
0,0E+00 5,0E+06 1,0E+07 1,5E+07 2,0E+07 2,5E+07 3,0E+07 3,5E+07 4,0E+0
7
Dose (pC)
Delta
Tir5 5000pC 10s
Tir6 5000pC 10s
Tir7 5000pC 10s
arrêt 5min
arrêt 10min
b) a)
Charge
s non stables
Figure 1 : rendement d’émission secondaire de deux échantillons de silices dopés en Ge soumis à 3 tirs électroniques de 5000
pC espacés respectivement de 5 et 10 minutes. a) cas d’un bon isolant, b) cas d’un mauvais isolant.
proche de 1, alors qu’un mauvais isolant (Figure 1b) voit ce rendement diminuer fortement.
4. POLING AVEC ELECTRODES
A la différence du bombardement électronique, le poling par irradiation γ ou UV peuvent être réalisés
dans des conditions normales de pression et non sous vide poussé, mais nécessitent des électrodes de
polarisation afin de faire migrer sous champ les paires électrons-trous générées par l’irradiation.
Bien que les processus soient strictement identiques, les résultats diffèrent fortement : le poling UV a
donner des résultats exceptionnels (χ(2)~ 10 pm.V-1 [3]) qui à ce jour restent partiellement inexpliqués
alors que le rayonnement γ se révèle inutile au poling même s’il n’est utilisé que comme prétraitement.
En effet le rayonnement est tellement énergétique, que des défauts d’énergies très diverses sont
excités, et il subsiste constamment un courant de fuite qui empêche tout stockage d’une charge.
Le poling UV peut donc s’avérer très efficace, mais il implique la présence d’un élément chimique
particulier dans la composition du matériau. Cet élément absorbant plus efficacement le rayonnement
incident que le reste du matériau va être à l’origine de l’apparitions d’une zone de mobilité
électronique différente. C’est en jouant sur ces différences de mobilité que l’on va stocker sous champ
externe une charge permanente. Il est également souhaitable, si l’on recherche une bonne stabilité dans
le temps de la charge stockée d’éliminer les électrons piégés dans des puits peu profond par un recuit
approprié.
CONCLUSION
Il est intéressant de noter que les divers processus de poling électronique, mettant en jeux les mêmes
mécanismes, aboutissent à des résultats très différents. Les efficacités non-linéaires atteintes sont assez
proches de celles obtenues par poling thermique classique (χ(2)~ 1 pm.V-1) sauf cas particulier de
certaines fibres germanosilicatés polés UV : d33=10 pm.V-1 [3].
Les différents mécanismes impliqués dans la formation et le stockage d’une charge d’espace
permanente n’ayant pas encore été totalement explicités, leur intérêt ne réside tant pas dans leur
efficacité, mais dans la flexibilité permise par le traitement afin de dessiner des dispositifs optiques
aux formes complexes (guide planaire bidimensionnel ou réseau d’accord de phase par exemple). Il
suffit à cette fin de jouer sur les paramètres de l’exposition au faisceau d’irradiation : par
bombardement électronique, ajustement de l’énergie et grande résolution de la zone irradiée ; en UV,
utilisation d’un masque, texturation chimique du matériau cible pour que certaines zones absorbent
préférentiellement.
REMERCIEMENTS
Ce travail a bénéficié du soutien de la communauté européenne au travers du contrat GLAMOROUS
(GLAss Modulators ROUteurs and Switches) référence IST 2000-28366
REFERENCES
[1] R.A. Myers, N. Mukherjee, S.R.J. Brueck, Opt. Lett. 16 (1991), 1732-1734
[2] Une review sur le poling est proposé par : Y. Quiquempois, P. Niay, M. Douay, B. Poumellec, ,
Current Opinion Sol. St. Mat. Sc. 7 (2003), 89-95
[3] T. Fujiwara, D. Wong, Y. Zhao, S. Fleming, S. Poole, M.Sceats, Electrooptic modulation in
germanosilicate fiber with UV excited poling, Electr. Lett. 31 (1995), 573-575
[4] K. Tanaka, K. Kashima, K. Hirao, N. Soga, A. Mito, H. Nasu, Effect of γ-irradiation on Optical
Second Harmonic Intensity of poled silica glass, Jpn. J. Appl. Phys., Vol. 34 (1995), 173-174
[5] P.G. Kazansky, L. Dong, P:S:J: Russell, High 2nd Order Nonlinearities in poled silicate fibers,
Opt. Lett. 19 (1994), 701-703
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