Le monde du travail et son impact sur la vie
des personnes me questionnent en tant
qu’artiste et en tant que citoyen. La
découverte du documentaire de Nora
Philippe a été un un choc car il montre la
représentation d’une envie de certains à
exercer leur travail du mieux possible dans
un contexte absurde. Cela montre avec les
moyens narratifs du cinéma l’effet miroir
entre ceux qui se démènent au travail et
ceux, de l’autre côté du guichet qui
espèrent désespérément en avoir un. Les
situations et le climat dans les antennes de
pôle emploi que j’ai fréquenté à titre
personnel m’ont souvent semblé théâtrales.
Après avoir visionné ce documentaire, il
m‘a paru évident qu’il fallait mettre cela en
scène, pour proposer au public la version
de cette entreprise capable de créer des
rêves et tant de désespérance. Montrer
aussi ces employés, pris dans un
engrenage infernal, tentant avec ce qui leur
reste de motivation de s’en sortir ensemble.
Dans la forme, il est important de montrer
l’attente inconfortable, les profils humains
différents et l’intimité exposée, le circuit à
emprunter, la pression qui s’alourdie au fur
et à mesure, la souveraineté de
l’informatique, l’omniprésence du papier et
le poids des procédures. Le décor sera
unique et constitué de pans semi-
transparents répartis comme des cloisons
suggérant une fragilité. Il y aura des écrans
d’ordinateurs, un photocopieur et une
imprimante en fonctionnement qui
participeront à l’ambiance lumineuse et
sonore.
Pôle emploi est en perpétuelle réinvention
aux dires de son actuel directeur général.
Le personnage d’un directeur d’agence
sera présent à une table de répétition de
spectacle au deuxième rang dans la salle
où il se trouvera à côté de son assistant
(rôles endossés par le metteur en scène et
l’éclairagiste). Un micro diffusera leurs
échanges et un vidéo-projecteur montrera
leur écran en direct en révélant les données
personnelles des demandeurs d’emploi et
les procédures complexes à suivre. Ils
provoqueront d’ailleurs un bug qui fera
sauter les plombs et déclenchera un coup
instant la reproduction de la procédure
d’urgence du Théâtre. Les 25 à 30
personnages qui évoluent dans cet espace
ne seront pas des archétypes. Le travail en
a m o n t c o n s i s t e r a à d é v e l o p p e r
énormément ces personnages pour obtenir
beaucoup de nuances.
Les changements de costumes se feront au
plateau derrière un pan et les déplacements
seront codés différemment pour les
demandeurs et les conseillers. Il y aura un
espace de"pause pour les salariés de
l’agence dans lequel on verra un contraste
dans l’énergie de leur corps et dans leur
vocabulaire. L’ambiance sonore
intermittente et dissonante ira grandissante
et sera composée en répétition,
probablement sur une base de valse.
Mathieu Béguier