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progressive, « la méthode analytique, en tant qu’opposée à la synthétique (...).»
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Enfin, l’analyse
devient une analytique. Et, comment ne pas citer, alors, cette déclaration si célèbre de Kant ?
« Le nom orgueilleux d’une ontologie (...) doit faire la place au nom modeste d’une simple
analytique ( bloß Analytik ) de l’entendement pur. »
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Le der Analytik, de l’analytique transcendantale, ne se confond, donc, pas avec le die Analysis, de
l’analyse des notions. Bref, le concept d’analyse recouvre chez Kant des réalités différentes. Or,
cette thèse soutient la position suivante : les Meditationes de cognitione, Veritate et Ideis de Leibniz
constituent une des sources vives du concept kantien d’analyse. Le procédé leibnizien d’analyse des
notions, développé ensuite par Wolff, permet de retracer l’émergence d’une bloß Analytik. Au-delà
des ruptures critiques, Kant maintient, ainsi, l’idéal d’une pensée non pas simplement claire (
Descartes ), mais également distincte ( Leibniz ). Car, « c’est le rôle de la synthèse de rendre l’objet
distinct, c’est celui de l’analyse de rendre le concept distinct. »
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Au sein du déplacement sémantique
que Kant fait subir à la notion d’analyse, du die analysis au der Analytik, il convient de remarquer
un invariant : un idéal de distinction hérité de Leibniz. En définitive, nous nous proposons, donc, de
soutenir la thèse suivante : le sens fondamental de la notion kantienne d’analyse est d’origine
leibnizien. Il est possible d’en identifier avec précision la source : les Meditationes de 1684.
Une telle position nous oblige à préciser le rapport de Kant à Leibniz. Le Discours de
Métaphysique, vraisemblablement inconnu de Wolff et de Kant, et sa doctrine du praedicatum inest
subjecto ne constituent pas, comme une tradition interprétative tenace issue de Couturat a l’habitude
de le présenter, l’une des origines de la distinction kantienne des jugements en analytiques et
synthétiques. En d’autres termes, la distinction kantienne de l’analytique et du synthétique n’est pas
le rejet d’une conception analytique de la vérité héritée de Leibniz. Pour deux raisons, d’une part
Leibniz n’a jamais soutenu un tel fondement logique de sa métaphysique, d’autre part, si Kant forge
une distinction entre les jugements analytiques et les jugements synthétiques, c’est afin de s’élever
contre l’impasse de la méthode dogmatique des wolffiens qui confondent mathématiques et
philosophique. La célèbre déclaration de la préface à la seconde édition qui loue la « méthode
rigoureuse du célèbre Wolff »
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ne saurait effacer la critique de celle-ci dans la Théorie
transcendantale de la méthode. Les tentatives récentes des études wolffiennes pour réduire la
fracture kantienne, paraissent, donc, conduire non seulement à ignorer l’inventio kantienne, mais
également à dénaturer le sens de la pensée wolffienne.
4
Kant, Ak, IV, 277, édition F. Alquié, Paris, Gallimard, 1985, T. II, p. 43.
5
Kant, Ak, III, 207, A 247 / B 303, édition F. Alquié, 1985, T. I, p. 977.
6
Kant, AK, IX, 64 , édition Guillermit, Paris, Vrin, 1982, p. 71
7
Kant, Ak, III, 22, B XXX VI, édition F. Alquié, T. I, p. 752.