La police administrative et ses contraintes

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Vincent Ramelot – janvier 2008
LA POLICE ADMINISTRATIVE ET SES CONTRAINTES
INTRODUCTION
Les incivilités1, et la lutte que les autorités communales entendent leur opposer, constituent, à
plusieurs égards, une véritable bouteille à encre.
D’abord parce que le Législateur, pour introduire dans la loi des dispositions permettant à la
commune de lutter contre les troubles de l’ordre public (nommés, en 1999, des « dérangements
publics » puis, quelques années plus tard, des « incivilités »), dut s’y reprendre à plusieurs reprises :
une première fois par la loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes,
une deuxième fois par celle du 17 juin 2004 modifiant la nouvelle loi communale (qu’on ne saurait
dissocier de la loi du 7 mai 2004 modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse
et la nouvelle loi communale), une troisième fois enfin2 par la loi du 20 juillet 2005 portant des
dispositions diverses3.
Ensuite parce qu’on ne compte plus les commentaires, pas toujours élogieux4, qui ont
accompagné la mise en place de cette réforme5.
Enfin parce qu’à chaque modification légale, tel ou tel acteur de la scène politique s’exclamait
« Enfin la commune pourra lutter contre les actes de malpropreté… ».
La lutte contre les « incivilités » ne constitue cependant qu’un aspect de ce qu’on appelle la
police administrative générale, qui constitue depuis toujours une mission essentielle de la commune.
Le présent dossier reprend l’essentiel à savoir sur la mise en œuvre de la police administrative
générale par les autorités communales.
1
Encore que ce terme relève davantage du langage journalistique que juridique : le lecteur consciencieux serait
bien en peine de trouver la moindre loi ou le moindre arrêté consacrant formellement le mot « incivilité ».
2
Mais nous ne pourrions jurer qu’il s’agit de la dernière…
3
Également appelée, de manière fort évocatrice, « loi de réparation » – cf. T. VAN DEN HENDE, « Le champ
d’application et la procédure relative aux amendes administratives communales », in Vigiles, 2005/4, p. 112..
4
L’auteur de la présente avoue d’ailleurs avoir fait partie des critiques les plus acerbes…
5
Nous citerons, parmi les contribution les plus éclairantes : M. BOES, « De Wet Gemeentelijke Administratieve
Sancties », in T. Gem., 2000, 2, pp 115-147 ; id., « Gemeentelijke administratieve sancties anno 2005 », Bb&b,
2005, 3, pp. 242-254 ; S. MEIJLAERS (dir.), « Gemeentelijke administratieve sancties. Hoe overlast
aanpakken ? », Bruxelles, VVSG/Politeia, 2001, 108 p. ; C. MOLITOR, « La loi du 13 mai 1999 relative aux
sanctions administratives dans les communes et les pouvoirs de police des autorités communales », in Rev. Dr.
Comm., mars 2001, pp. 150-173 ; A. COENEN & al., Les amendes administratives, Vanden Broele, Bruges,
2006, 239 p.
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I.
DEFINITION DE LA POLICE ADMINISTRATIVE
La police administrative est l’ensemble des pouvoirs accordés par ou en vertu de la loi aux
autorités administratives et qui permettent à celles-ci d’imposer, en vue d’assurer l’ordre public, des
limites aux droits et libertés des individus6. Il s’agit d’une police essentiellement préventive, qui
s’exerce :
1° soit par règlements des autorités administratives7,
2° soit par décisions particulières d’interdiction, d’injonction ou d’autorisation (les mesures de
police juridiques de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police – en abrégé LFP),
3° soit par la coercition, pour prévenir ou faire cesser un désordre8.
Par opposition à cette police administrative que l’on peut qualifier grossièrement de
« préventive », existe la police judiciaire, qualifiée de « répressive », puisqu’elle a pour objet, selon
l’article 15 de la LFP, « 1° de rechercher les crimes, les délits et les contraventions, d’en rassembler
les preuves, d’en donner connaissance aux autorités compétentes (…) ; 2° de rechercher les personnes
dont l’arrestation est prévue par la loi (…) ».
A. La police administrative générale
1)
-
Définition
La police administrative générale est le maintien (ou le rétablissement) de l’ordre public,
défini à l’article 135, § 2, alinéa 1er, de la Nouvelle loi communale (en abrégé NLC) comme se
composant de la sécurité publique, la tranquillité publique, la salubrité publique et la propreté
publique. L’article 135, § 2, alinéa 2, NLC donne une série de sept « postes » de police,
comprenant chacun des exemples.
Les quatre9 composantes de l’ordre public sont :
-
-
-
la sécurité publique, c’est-à-dire l’absence de dangers ou d’entraves à la circulation sur la voie
publique ; quelques exemples : illumination, enlèvement des encombrements, démolition ou
réparation des immeubles menaçant ruine, interdiction de rien exposer aux fenêtres qui puisse
nuire par sa chute, maintien du bon ordre dans les endroits où se tiennent des assemblées, tels
que foires, marchés, églises et autres lieux publics, etc. ;
la tranquillité publique, c’est-à-dire le caractère paisible et non excessivement bruyant de la
voie publique et de ses abords ; quelques exemples : répression des rixes et disputes
accompagnées d’ameutement dans les rues, tumulte excité dans les lieux d’assemblée
publique, bruits et attroupements nocturnes troublant le repos des habitants, etc. ;
la propreté publique (… mais doit-elle vraiment être définie ?) ;
la salubrité publique, c’est-à-dire l’absence de maladies contagieuses et la lutte contre la
mauvaise hygiène des lieux publics ; quelques exemples : prévenir et mettre fin aux fléaux
calamiteux tels qu’épidémies et épizooties, etc.
6
J. Dembour, « Droit administratif », cité par M-A. FLAMME, « Droit administratif », t. II, Bruxelles, Bruylant,
1989, p. 1103.
7
Ou de certaines personnes privées, telles que les ordres professionnels.
8
M-A. FLAMME, op. cit., pp. 1103-1105.
9
Bizarrement, l’article 128 de la loi provinciale charge le gouverneur de province du maintien dans sa province
de l’ordre public, « à savoir la tranquillité, la sûreté et la salubrité publiques ».
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Le trouble (ou la menace de trouble) doivent être publics, ce qui ne signifie pas
nécessairement qu’ils doivent se produire sur la voie publique ; il suffit qu’ils se concrétisent ou qu’ils
aient des conséquences sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public pour que l’action
communale trouve un fondement. En revanche, une menace, même très grave, n’ayant aucune
incidence sur la voie publique, n’entre pas dans le champ de la police administrative générale.
Exemple : un logement malpropre en intérieur d’îlot, qui ne menace que la santé des habitants ou des
visiteurs, sans que les causes ou les conséquences de l’insalubrité se répandent à l’extérieur, ne
constitue pas un trouble de l’ordre public et ne devrait pas donner lieu à l’intervention du bourgmestre
sur la base de l’article 135, § 2, alinéa 2, NLC.
Un arrêt relatif au caractère public du trouble :
CE, arrêt n° 139.082 du 11 janvier 2005, Desplanques c/ commune et bourgmestre de Brunehaut
(suspension)
Les faits :
-
Un propriétaire a aménagé sans permis d’urbanisme une annexe destinée originellement à
servir de buanderie et utilisée actuellement comme cuisine et salle de bain ;
Les fumées émanant du poêle à bois utilisé incommodent des voisins, qui portent plainte ;
La commune intervient d’abord comme médiatrice, puis le bourgmestre intervient comme
autorité de police pour faire cesser le trouble.
La mesure contestée : l’arrêté de police du bourgmestre ordonnant des mesures visant à restaurer la
salubrité et la tranquillité publique.
Griefs : (entre autres) violation de l’article 135 de la Nouvelle loi communale ,vu l’absence de
caractère public du trouble. « S’il s’agit d’un simple litige de voisinage, la commune dépasse
manifestement ses compétences en vertu des articles 133 et 135 de la loi communale puisque les
litiges de voisinage ressortent (sic) exclusivement de la compétence du juge de paix sur (la) base des
articles 591 et suivants du code judiciaire ; […] la cheminée est située dans sa propriété privée et
"les rues, lieux et édifices publics ne sont nullement concernés par les fumées émanant de la
cheminée litigieuse" » ;
Position du Conseil d’État : un litige de voisinage peut aussi revêtir le caractère d’un trouble de
l’ordre public si les circonstances sont réunies. Et le lieu d’origine du trouble n’est pas déterminant
dans le caractère du trouble, dès lors que ce trouble est ressenti dans le voisinage – ce qui est attesté
par des constats de police.
Conséquence : rejet de la demande de suspension.
Un autre critère d’appréciation du caractère public du trouble pourrait être trouvé dans le
nombre de personnes réellement affectées par le comportement dénoncé. Peut-il y avoir un trouble de
l’ordre public si une seule personne est effectivement atteinte ? Le Conseil d’État a eu l’occasion de
répondre à cette question, et il l’a fait de manière affirmative. Ce n’est pas le nombre de personnes
réellement atteintes qui importe, mais l’effet (même potentiel) que le comportement peut avoir sur le
milieu environnant.
Un arrêt relatif au nombre requis de victimes du trouble :
CE, arrêt n° 72.141 du 3 mars 1998, N.V. Entreprises c/ ville de Hasselt (annulation)
Les faits :
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-
le requérant exploite une discothèque ;
un premier rapport de police indique que le bâtiment n’est pas adéquat pour y exploiter une
discothèque, à la suite de quoi elle est fermée ;
un riverain demande au bourgmestre d’intervenir pour empêcher le tapage que risque de
causer la réouverture de la discothèque ;
la discothèque ouvre quand même et cause divers tapages nocturnes et dépassements des
normes de bruit ;
le bourgmestre ordonne de fermer la discothèque.
La mesure contestée : l’arrêté de police du bourgmestre interdisant d’exploiter la discothèque durant
trois semaines, fondé sur les articles 133 et 135 NLC.
Griefs : (entre autres) absence de fondement légal. L’arrêté invoque des « plaintes de tiers » alors
qu’il n’y a, à cent mètres à la ronde, qu’un seul lieu d’habitation, avec un seul habitant, et que d’autre
part il y a dans les environs d’autres discothèques (certaines bien plus grandes et plus bruyantes que
celle du requérant), ce qui fait que le quartier n’est pas vraiment un quartier d’habitation mais plutôt
un quartier consacré à l’Horeca (secteur à l’égard duquel le plaignant semble bien plus tolérant).
Réponse de la commune : le rapport de police indique bien que l’habitabilité du quartier est
compromise par les activités bruyantes de la discothèque, et qu’il s’agit bien d’un trouble de la
tranquillité publique, pour la prévention desquels le bourgmestre est bien compétent.
Position du Conseil d’État : l’article 135 NLC (combiné à l’article 133) habilite le bourgmestre à
intervenir pour sauvegarder ou rétablir l’ordre public – et donc adopter une mesure administrative à
l’égard d’une discothèque qui trouble la tranquillité publique – indépendamment du nombre de
personnes effectivement touchées par ce (risque de) trouble. L’adoption d’une telle mesure est
subordonnée à la constatation d’un trouble (ou d’une menace de trouble) effective pour le voisinage ;
le bourgmestre doit donc vérifier si le problème menace l’habitabilité du voisinage. Ce n’est donc pas
parce qu’il n’y a qu’une seule personne touchée que le trouble n’est pas public. Cela dit, dans la
présente, le dossier administratif se base presque exclusivement sur les plaintes de l’habitant, sans
qu’on puisse en conclure s’il s’agit effectivement d’un trouble de la tranquillité publique ou juste de
la plainte d’un voisin qui ne supporte pas des bruits qui pour autant ne dépasseraient pas, par
hypothèse, une gêne objectivement acceptable.
Conséquence : annulation de l’arrêté.
Le trouble peut être potentiel et non encore réalisé, à la condition bien entendu qu’il ne soit
pas simplement éventuel. Exemple : un bourgmestre a fait, dans les années 80’, évacuer les habitants
d’une rue parce qu’un terril la jouxtant menaçait de s’effondrer.
Un arrêt relatif à un trouble potentiel de l’ordre public :
CE, arrêt n° 124.565 du 23 octobre 2003, Maquet c/ Gouverneur de la Province de Liège
(annulation)
Les faits :
-
Le requérant disposait jusqu’en 1991 d’une licence d’armurier et de permis de détention
d’armes ;
Ses armes sont saisies en 1993 et il fait l’objet d’une mesure de collocation de mars 1993 à
décembre 1994 ;
En 1996, il demande de pouvoir récupérer ses licence et permis ;
En 1999, son ex-épouse signale au gouverneur de province qu’il fait l’objet de poursuites
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pénales (ce qui est confirmé par le parquet).
La mesure contestée : l’arrêté du Gouverneur de province du 9 août 2000 interdisant la détention
d’armes à feu.
Griefs : défaut de fondement de la décision attaquée.
Réplique du gouverneur : « la décision attaquée est justifiée par les éléments de fait rapportés par le
procureur du Roi et qui sont étrangers à l’issue de l’instance pénale ou même à leur qualification
pénale ; [il] ajoute que “la notion d’ordre public, qui constitue le critère décisif permettant de
justifier l’appréciation du Gouverneur, doit être interprétée dans le sens large” et que “l’atteinte à la
sécurité publique (...) peut s’être déjà produite antérieurement sans que le requérant soit
nécessairement à même, à la date de la décision de retrait des autorisations, de reproduire ce
comportement” ».
Position du Conseil d’État : le fait que la mesure de police soit exercée à titre préventif ne constitue
pas un problème juridique en soi. « Comme toute loi de police administrative, la loi du 3 janvier 1933
relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions habilite les
autorités compétentes à prendre des mesures préventives tendant à éviter des troubles de l’ordre
public avant qu’ils ne surviennent ; qu’à cet égard, il n’est nullement requis qu’une condamnation ait
été prononcée par une juridiction pour que des autorisations de détention d’armes à feu soient
retirées ; qu’une possibilité d’atteinte à l’ordre public suffit, en vertu de l’article 6, § 1er, alinéa 3, de
la loi du 3 janvier 1933, pour que la partie adverse suspende ou retire une autorisation de détention
d’armes ».
Conséquence : rejet du moyen (mais annulation de l’arrêté pour d’autres motifs).
2)
Ordre matériel ou ordre moral ?10
Tant la définition générale de l’ordre public que les sept postes de l’article 135, § 2, alinéa 2,
NLC permettent de conclure que l’ordre public dont il est question ici est exclusivement d’ordre
matériel ; le Conseil d’État a d’ailleurs développé une jurisprudence constante rejetant la possibilité de
réglementer les atteintes à l’ordre moral, sauf :
-
-
à titre accessoire, c’est-à-dire lorsque le désordre moral débouche ou provoque un désordre
matériel ; une mesure de police peut exceptionnellement viser une situation de désordre moral
lorsque celui-ci s’extériorise ou risque de dégénérer en des désordres matériels peu ou pas
susceptibles d’être prévenus par d’autres moyens que par des restrictions aux droits et libertés
dont la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales garantissent le respect11 ; exemple : la consommation excessive
d’alcool est un désordre moral mais si elle cause des bagarres, des tapages, etc., elle débouche
sur un désordre matériel ;
dans certaines circonstances précises ; certaines lois, d’interprétation stricte, attribuent à la
commune des compétences en matière de préservation de l’ordre moral ; par exemple l’article
121 NLC qui stipule que des règlements complémentaires de la loi du 21 août 1948
10
Cf. F. LAMBOTTE, M. MULLER & V. RAMELOT, « Les pouvoirs de police des communes », in Rev. Droit
comm., 2004/4, pp. 64-65.
11
P. LAMBERT (dir.) et les références citées, Manuel de droit communal, t. Ier, Nemesis et Bruylant, 1998, p.
162 ; en ce sens : C.E., arrêt n° 50.082 du 8 novembre 1994, GIKO ; cf. aussi C. MOLITOR, « Mesures de
police et sanctions administratives au niveau communal », Trait d’Union – Bruxelles, 2003/05, p. 6.
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supprimant la réglementation officielle de la prostitution peuvent être arrêtés par les conseils
communaux, s’ils ont pour objet d’assurer la moralité ou la tranquillité publique12.
Au plan de l’exécution, un bourgmestre ne peut pas adopter une mesure de police motivée par
le souci de mettre fin à une situation touchant à la moralité publique – par exemple fermer une
discothèque au simple motif qu’elle est fréquentée par des mineurs ou qu’elle est le lieu de
consommation de drogue ou d’alcool13.
La notion de « dérangement public », introduite à l’article 135, § 2, alinéa 2, 7°, NLC en 1999,
a donné lieu çà et là à des interrogations quant à savoir si elle constituait une possibilité nouvelle
d’intervenir dans le champ de l’ordre moral. Ces questions n’ont finalement pas trouvé d’écho, de telle
sorte qu’il ne fait plus guère de doutes aujourd’hui qu’il faille comprendre le dérangement public
comme une atteinte d’intensité moindre à l’une des composantes de l’ordre public14. C’est à cette
conclusion qu’est aussi arrivé le ministre de l’Intérieur dans la circulaire OOP 30 : « On peut
considérer les dérangements publics comme des formes légères de troubles à la tranquillité, à la
sécurité, à la salubrité et à la propreté publique » – des formes légères de troubles à l’un des
composants matériels15 de l’ordre public, donc.
Fondamentalement, pourquoi refuser aux communes d’intervenir dans le champ de l’ordre
public au sens moral ? Parce qu’une commune est une autorité administrative et qu’un acte
administratif, même réglementaire, ne peut pas réglementer l’exercice des libertés publiques que de
manière incidente.
Un arrêt relatif à la réglementation de l’exercice d’une liberté publique :
CE, arrêt n° 80.282 du 18 mai 1999, Van Der Vinck, Lecompte e.a. c/ ville d’Anvers (annulation)
Les faits :
-
-
la ville d’Anvers adopte un règlement obligeant toute personne souhaitant distribuer des
imprimés sur la voie publique à en demander l’autorisation au bourgmestre au moins quinze
jours à l’avance (pour les imprimés à caractère non commercial, la simple déclaration un jour
à l’avance est requise) ;
le but de ces mesures est de garantir la sécurité et la propreté publiques ;
certains annonceurs introduisent un recours en annulation.
La mesure contestée : le règlement de police du 12 février 1990 du conseil communal d’Anvers
concernant la distribution de dépliants, de pamphlets et d’imprimés sur la voie publique.
Griefs : violation des libertés d’expression et de presse, garanties par la Constitution et les Traités
européens.
Position du Conseil d’État : même si la Constitution n’interdit pas formellement – pas plus qu’elle ne
les autorise – d’adopter des mesures préventives (c’est-à-dire des « mesures qui imposent certaines
conditions ou formalités auxquelles il faut satisfaire avant que de pouvoir exercer effectivement le
12
Cf. C.E., arrêt n° 91.890 du 22 décembre 2000, « La Cour des Miracles » et crts c/ Ville de Seraing. Pour
d’autres exemples d’application légale de cette disposition, voyez C.E. n° 29.031 du 16 décembre 1987 et n°
32.495 du 4 juillet 1989, asbl Le centre de recherche-action et de consultation en sexo-criminologie.
13
Circulaire ministérielle OOP 30 du 2 mai 2001 relative à l’exécution de la loi du 13 mai 1999 relative aux
sanctions administratives dans les communes, Monit., 23 mai ; CE, arrêt n° 53.398 du 19 mai 1995, s.p.r.l. XMANIA c/ bourgmestre de la commune de Wuustwezel.
14
C. MOLITOR, loc. cit., p. 7.
15
Cf. C. MOLITOR, « La loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes et les
pouvoirs de police des autorités communales », in Revue de Droit communal, 2001/3, p. 160.
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droit concerné »)16 pour l’exercice de ces deux libertés, on ne peut séparer ces libertés des autres
libertés constitutionnelles que sont les liberté d’opinion, liberté d’association, etc., pour lesquelles les
mesures préventives sont formellement interdites17. « Considérant que les autorités compétentes sont
assurément habilitées à subordonner l’exercice de libertés garanties par la Constitution à certaines
conditions, pour autant que celles-ci ne revêtent pas le caractère de mesures préventives ; que, sur ce
point, il peut être fait référence à l’article 10 de la C.E.D.H. qui dispose au sujet de la liberté
d’expression que les mesures en question doivent être prévues par la loi et qu’elles sont nécessaires,
dans une société démocratique, pour préserver certains intérêts supérieurs » ». Donc, ce qui vaut
pour les unes valant également pour les autres, un règlement communal ne peut pas soumettre
l’exercice de libertés publiques à autorisation, mais uniquement prévoir des conditions d’exercice
n’ayant aucun caractère préventif. Dans le cas concret, rien ne permet d’établir de rapport direct et
logique entre l’obligation d’obtenir l’autorisation de distribuer des imprimés et le but annoncé de la
mesure (la lutte contre les actes de malpropreté) : il s’agit d’une mesure purement préventive
d’autorisation. Ce raisonnement peut être tenu tant pour la distribution d’imprimés à caractère
commercial que pour celle d’imprimés non-commerciaux, même si la mesure imposée dans le cas
d’espèce (une simple obligation de déclaration la veille) est nettement plus douce.
En revanche, ne violent en aucune manière la Constitution les dispositions d’un règlement communal
imposant aux distributeurs d’imprimés de ramasser ceux qui seraient jetés par terre, voire de se faire
accompagner d’une personne chargée de le faire pour lui, ou interdisant d’apposer des imprimés sur
le pare-brise des véhicules : ces mesures sont proportionnelles au but poursuivi et n’ont aucun
caractère préventif.
Conséquence : annulation partielle du règlement.
Une autre affaire permet d’illustrer la grande difficulté qu’ont les communes d’intervenir en
vue de préserver l’ordre public moral, même indirectement. Il s’agit de l’arrêt du CE.
Un arrêt relatif à la préservation de l’ordre public moral :
CE, arrêt n° 83.940 du 7 décembre 1999, sprl Ramses c/ commune de Vilvorde (suspension)
Les faits :
-
-
-
la réglementation régionale relative aux permis d’environnement est modifiée de telle sorte
que les luna-parks, qui auparavant étaient soumis à permis à partir de trois appareils
automatiques, ne doivent plus, à l’heure actuelle, détenir un permis que s’ils exploitent plus
de trente appareils de jeu ;
la commune a dès lors moins de possibilités d’imposer individuellement des conditions aux
luna-parks afin de « réglementer l’exploitation dans le respect du voisinage » et de « limiter
les nuisances causées à celui-ci » ;
en conséquence, la commune de Vilvorde instaure dans son règlement général de police une
interdiction d’accès aux luna-parks pour les mineurs célibataires non accompagnés ainsi
qu’une heure de fermeture à partir de 20 heures et de 21 heures le vendredi.
La mesure contestée : la délibération du 5 juillet 1999 du conseil communal de Vilvorde, qui adapte
l’article 9.5. du chapitre IX du règlement général de police de la ville de Vilvorde (« Théâtres,
cinémas, cirques, salles omnisports, piscines et luna-parks ») en instaurant une interdiction d’accès
aux luna-parks pour les mineurs célibataires non accompagnés ainsi qu’une heure de fermeture à
partir de 20h00 et de 21h00 le vendredi.
16
P. ROSSEEL, « Distribution de tracts et liberté d’expression », in Journal de la police, 2001/12, p. 9.
A l’exception bien entendu de l’exercice du droit de se rassembler en plein air – article 26, alinéa 2, de la
Constitution.
17
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Griefs : (entre autres) violation de l’article 26 de la Constitution et de l’article 15.1 de la Convention
relative aux droits de l’enfant18.
Réplique de la commune : la liberté de réunion concerne les rassemblements à caractère sérieux
(réunions politiques, philosophiques, etc.) mais ne peut pas être invoquée pour les rassemblements de
pur divertissement, tels que ceux se déroulent dans les luna-parks.
Position du Conseil d’État :
-
-
-
-
-
l’article 26 de la Constitution, qui se concrétise pour les mineurs par l’article 15 de la
Convention relative aux droits de l’enfant, garantit fondamentalement aux Belges le droit de
s’assembler pacifiquement et sans armes ; la liberté de réunion concerne tant les
rassemblements à caractère sérieux que ceux à vocation de divertissement ; les mineurs ont
donc, par principe, le droit de se réunir dans des luna-parks ;
l’équilibre entre la liberté du commerce ou la liberté de réunion – liberté qui octroie
également aux mineurs le droit d’entrer, non accompagnés, dans un luna-park – et la
compétence du conseil communal de lutter, au moyen d’une mesure préventive, contre les
troubles de l’ordre ou le dérangement public dans la commune, est atteint si la mesure de
police s’avère utile et efficace pour combattre les troubles de l’ordre public, tels que
l’administration peut les évaluer concrètement à ce moment et si elle s’avère être adaptée à la
gravité de la menace qui pèse sur la commune, en ce sens qu’il existe un lien de
proportionnalité entre la limitation de la liberté et les troubles de l’ordre qui doivent être
combattus ;
la commune, en traduisant, sans préciser de fondement concret, une crainte ou une
présomption en une interdiction pour l’ensemble de la ville d’admettre dans les luna-parks
des mineurs non accompagnés, s’est ménagé la possibilité de ne plus devoir, par la suite,
prendre position à l’égard de troubles de l’ordre concrets qui requièrent de ses organes une
appréciation spécifique, ce qui, compte tenu de la restriction de liberté qu’impliquent les
règlements de police, ne se justifie pas ;
la commune ne parvient pas à démontrer pourquoi il convient, en vue de préserver l’ordre
public, interdire en général l’accès aux luna-parks pour un certain groupe de mineurs, à savoir
les mineurs célibataires non accompagnés ni à démontrer de quelle façon l’interdiction
d’accorder l’accès aux luna-parks pour les personnes de moins de dix-huit ans non
accompagnées bénéficiera à l’ordre public dans la ville ;
en conséquence, le moyen est fondé.
Conséquence : suspension de la disposition.
B. Les polices administratives
A côté de la police générale, on trouve diverses polices spéciales, dont les règles plus précises
sont déterminées par des textes particuliers. C’est le cas, notamment, de la police du logement, dont
l’organisation et le fonctionnement sont déterminés par le Code du Logement.
18
« Les États parties reconnaissent les droits de l’enfant à la liberté d’association et à la liberté de réunion
pacifique ».
Art. 15.2 : « L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi
et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté
publique ou de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés
d’autrui ».
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Quels sont les rapports entre la police administrative générale et les polices administratives
spéciales ?
Suivant le Conseil d’Etat, une réglementation fédérale ou régionale formant un régime de
police spéciale détaillé et complet enlève implicitement tout pouvoir réglementaire aux communes
dans le domaine couvert par ce régime spécial19. Le Règlement général pour la protection du travail
(R.G.P.T.) constitue l’exemple parfait de ce type de régime20. Dans la pratique toutefois, il est parfois
difficile de déterminer si l’intention du législateur était bien d’exclure toute compétence communale.
Dans les cas où la norme supérieure ne prévoit pas expressément la possibilité d’intervention
complémentaire des autorités communales21, il conviendra de s’en référer aux travaux préparatoires du
régime de police spécial pour vérifier la volonté du législateur.
La commune détient simultanément des pouvoirs de police générale et des pouvoirs de police
spéciale. Elle peut les exercer cumulativement. Ainsi, si le bourgmestre peut expulser des locataires en
application du Code bruxellois du Logement, il peut en même temps prendre un arrêté de police pour
empêcher le passage à proximité du bâtiment. La commune peut agir sur la base de l’article 135 NLC
chaque fois que la situation présente un trouble (ou un risque de trouble) pour l’ordre public qui n’a
pas été prévu dans le cadre de la réglementation spéciale, et que cette action n’est pas contraire aux
règles prévues par cette réglementation22.
Un arrêt relatif au cumul des polices :
CE, arrêt n° 50.242 du 16 novembre 1994, Huberty c/ bourgmestre et ville de Bruxelles
(annulation)
Les faits :
-
-
-
Divers problèmes de sécurité constatés par le SAMU et les pompiers dans un hôtel-restaurant
brasserie exploité par le requérant en 1990 et 1992 ;
Le 8 décembre 1992 : un avis favorable à l’exploitation de l’hôtel est remis par ces services,
sous réserve de travaux à effectuer dans les 5 ans ;
Le 28 décembre 1992 : l’attestation de sécurité est délivrée par le bourgmestre, sous les
réserves visées ;
Le 29 avril 1993 : l’autorisation d’exploiter l’hôtel est délivrée par le commissaire au
tourisme de la Communauté française ;
Le 10 novembre 1993 : un nouveau rapport du service d’incendie à la suite d’une visite des
lieux indique que l’hôtel ne répond pas à certaines prescriptions ni aux normes de sécurité
contre l’incendie ;
Le 19 novembre 1993 : le capitaine des pompiers écrit dans sa lettre d’accompagnement du
rapport du 10 novembre que l’hôtel présente des risques inacceptables et qu’il est quasiimpossible de réaliser les travaux prescrits ;
Le 10 janvier 1994 : arrêté du bourgmestre ordonnant la fermeture de l’hôtel.
La mesure contestée : l’arrêté du bourgmestre interdisant la poursuite de l’exploitation de
l’établissement et soumettant la réouverture à trois conditions, motivé par 135, § 2, alinéa 2, 5°,
NLC23.
19
Voyez notamment C.E. n° 106.211 du 30 avril 2002, Algoet, A.P.M., 2002, p. 106, et la jurisprudence citée par
M. BOVERIE, « Le permis de location », Mouvement communal, 1996, p. 157, note 22.
20
Dans ce sens, voyez C.E. n° 8.744 du 12 juillet 1961, Van Bael ; C.E. n° 14.637 du 30 mars 1971, Van
Limberghen ; C.E. n° 19.314du 6 décembre 1978, Agglomération bruxelloise.
21
Cette possibilité est par exemple expressément prévue par le Code de la Route.
22
Dans le même sens, voyez P. BLONDIAU et al., Les missions du bourgmestre – Guide pratique, Union des
Villes et Communes de Wallonie a.s.b.l., Namur, 1999, p. 108.
23
Le soin de prévenir, par les précautions convenables, et celui de faire cesser par la distribution des secours
nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies et les épizooties.
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Vincent Ramelot – janvier 2008
Griefs : (entre autres) incompétence de l’auteur de l’acte. Le bourgmestre ne peut pas interdire
l’exploitation d’un immeuble destiné à l’hôtellerie parce que la matière est confiée au commissaire au
tourisme, en vertu du décret de la Communauté française du 9 novembre 1990 relatif aux conditions
d’exploitation des établissements d’hébergement et des établissements et de l’arrêté de l’Exécutif de
la Communauté française du 24 décembre 1990 déterminant les conditions d’exploitation, la
procédure d’obtention et de retrait de l’autorisation d’exploitation, la classification et le modèle de
l’écusson des établissements hôteliers.
Réplique du bourgmestre : « La compétence des autorités communales n’a pas été "mise en veilleuse"
par le décret du 9 novembre 1990, puisque, suivant le commentaire des articles de ce décret, alors en
projet, il "ne porte pas préjudice aux compétences du pouvoir municipal de "faire jouir les habitants
des avantages d’une bonne police (...)" (Conseil de la Communauté française, 158 (1989-1990) – n°
1)" ».
Position du Conseil d’État : « Considérant que la loi du 19 février 1963 et l’arrêté royal du 17 juillet
1964 [qui sont encore en vigueur à Bruxelles étant donné que les établissements hôteliers ne se
rattachent, de par leurs activités, ni exclusivement à la Communauté française, ni exclusivement à la
Communauté flamande] instaurent un système d’autorisation et fixent notamment des normes
auxquelles les établissements hôteliers doivent répondre ; qu’est ainsi organisée une police
administrative spécifique à ces établissements ; Considérant, toutefois, que si, de ce fait, les
communes ne peuvent régler la matière ou autoriser l’exploitation d’un établissement, retirer une
autorisation ou accorder des dérogations, elles peuvent, dans cette limite, exercer les pouvoirs dont
elles sont investies par la loi ; qu’à cet égard, il faut tenir compte de ce qu’en vertu de l’article 3,
alinéa 3, de l’arrêté royal du 17 juillet 1964, l’autorisation qu’il prévoit "n’est valable que pour
l’établissement hôtelier pour lequel elle est délivrée" ; qu’ainsi, le bourgmestre peut, si un danger
apparaît dans un tel établissement, notamment du fait d’un risque d’incendie, mettre en oeuvre ses
pouvoirs de police ; […] Considérant que cette mesure ne constitue pas un retrait de l’autorisation
d’exploiter l’hôtel "Le Gascogne", mais une interdiction générale d’exploiter un hôtel dans
l’immeuble[…], tant que le service d’incendie compétent n’aura pas constaté que les lieux satisfont
aux exigences de la sécurité en matière d’incendie ; que cette mesure a été dictée par des raisons
touchant à l’ordre et la sécurité publics et plus précisément par les constatations contenues dans le
rapport des services d’incendie compétents et les considérations émises par leur chef qui a estimé
que la "situation présent(ait) des risques inacceptables" et que les travaux nécessaires, pour les faire
disparaître, ne pourraient "pratiquement pas se réaliser" ; Considérant que, ce faisant, le
bourgmestre est resté dans les limites de ses attributions de police ».
Conséquence : rejet du moyen (mais annulation pour d’autres raisons).
Les autorités communales ne peuvent en revanche confondre les deux types de polices. Le
Conseil d’État veille à ce que la commune se réfère explicitement à la seule Nouvelle loi communale
lorsqu’elle adopte une mesure de police et reste dans le cadre de son habilitation quand elle se prévaut
d’une police spéciale24.
Un arrêt relatif à la confusion des polices :
CE, arrêt n° 139.837 du 26 janvier 2005, Leroy c/ bourgmestre et commune de Frameries
(suspension)
Les faits :
-
24
La requérante habite dans un immeuble manifestement en piteux état (déchets entreposés
dans le jardin, linteau de la porte avant menaçant de s’effondrer, corniche instable, humidité,
Pour plus de détails sur la motivation des arrêtés de police, voyez infra.
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Vincent Ramelot – janvier 2008
-
installation électrique non-conforme,…) ;
Une longue procédure s’ensuit (premier arrêté suspendu puis retiré, échange de
correspondances, rendez-vous pas honorés,…) ;
Finalement, le bourgmestre adopte le 8 septembre 2004 un arrêté déclarant le logement de la
requérante insalubre, améliorable et inhabitable.
La mesure contestée : l’arrêté de police du bourgmestre du 8 septembre 2004 d’inhabitabilité de son
logement (basée sur NLC 133-135 et les articles 5 à 8 du Code wallon du logement).
Griefs : (entre autres) violation des articles 133, alinéa 2, et 135, § 2, NLC et des articles 5 à 8 du
Code wallon du logement. « [À] supposer même que leur immeuble puisse être considéré comme
insalubre, il n’est certainement pas inhabitable dès lors qu’il n’est pas établi que les critères
d’insalubrité relevés par la commune mettraient en péril la santé ou la sécurité des habitants et dès
lors que le rapport de visite précise qu’il s’agit d’un logement insalubre améliorable mais non pas
d’un logement "fonctionnel" inadapté entraînant l’expulsion des occupants ».
Position du Conseil d’État : l’arrêté prend deux fondements distincts, à savoir la NLC et le Code
wallon du logement, soient deux polices administratives différentes, qui utilisent toutes deux le terme
d’insalubrité mais dans des sens et en visant des situations différents, avec en conséquence des
régimes juridiques différents. « En fondant sur les articles 133 et 135 de la nouvelle loi communale
un arrêté d’inhabitabilité d’un logement qu’il considère comme étant "insalubre, améliorable et
inhabitable" parce que ce logement ne satisfait pas à des critères ou à des normes qui sont, en
réalité, définis par le Code wallon du logement ou en vertu de celui-ci, le bourgmestre confond deux
polices administratives distinctes […] ; dès lors qu’il n’est ni établi ni même soutenu que le logement
litigieux, en raison des caractéristiques que l’arrêté attaqué énumère, devrait être qualifié
d’insalubre non seulement au sens du Code wallon du logement mais aussi au sens de l’article 135, §
2, de la nouvelle loi communale, l’arrêté viole cette dernière disposition ».
Conséquence : suspension de l’arrêté.
Enfin, le choix de la police ne doit pas être reflété uniquement par la base légale invoquée,
mais aussi par la finalité assignée à la mesure de police. Lorsqu’il agit dans le cadre de la police
administrative générale, le bourgmestre ne doit avoir comme préoccupation principale que le maintien
ou le rétablissement de l’ordre public.
Un arrêt relatif à la confusion dans les finalités de la mesure de police :
CE, arrêt n° 153.079 du 21 décembre 2005, Martin c/ bourgmestre et commune de GrezDoiceau (annulation)
Les faits :
-
Une pollution, émanant de la propriété de la requérante, s’écoule dans un ruisseau attenant à
cette propriété nommé « le Pisselet » ;
Les fonctionnaires de la D.P.E25. demandent à la requérante de prendre les contacts avec son
assurance et de prendre les mesures indiquées pour mettre fin à la pollution ;
Le bourgmestre intervient lui aussi et adopte un arrêté de police enjoignant à la requérante de
réaliser les travaux nécessaires à l’arrêt de l’écoulement d’hydrocarbures, à défaut de quoi les
services communaux y procèderont aux frais, risques et périls de la madame.
La mesure contestée : l’arrêté du bourgmestre enjoignant de réaliser des travaux, basé sur les articles
133, 134 et 135 NLC.
25
Division de la police de l’environnement de la Région wallonne.
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Vincent Ramelot – janvier 2008
Griefs : (entre autres) incompétence de l’auteur de l’acte et excès de pouvoir. Ce n’est pas au
bourgmestre d’adopter ce genre de décision mais à l’autorité régionale, en l’occurrence le
gouvernement de la Région wallonne.
Réplique du bourgmestre : l’arrêté ne se fonde pas sur l’article 43 du décret du 7 octobre 1985 sur la
protection des eaux de surface mais sur l’article 134, § 1er, NLC. « Le pouvoir de police générale qui
a été conféré [aux communes] par le législateur fédéral, dans la nouvelle loi communale, ne peut être
écarté par une police spéciale adoptée par le législateur régional […]. [D’après l’arrêt n°107.824 du
13 juin 2002, MATHIEU], une habilitation spécifique (pour admettre l’intervention complémentaire
de la police générale) n’est pas requise si la mesure de police générale, attribuée aux communes par
l’article 135 de la nouvelle loi communale, peut se justifier par la nécessité de sauvegarder un aspect
de l’ordre public général qui n’est pas couvert par la police spéciale en question, fût-elle complète
dans son champ d’application ».
Position du Conseil d’État : Certes, « le bourgmestre peut adopter des mesures de police soit lorsqu’il
y est habilité par une police spéciale, soit en vertu de ses pouvoirs de police générale, lesquels
trouvent leur fondement dans les articles 133 à 135 de la nouvelle loi communale ; » mais « si une
application concurrente des polices administratives spéciale et générale peut être organisée par le
législateur, celui-ci peut mettre en place une police administrative spéciale qui constitue un corps de
règles suffisamment complètes et détaillées, excluant dans ce cas l’exercice de la police
administrative générale ; que, toutefois, la police administrative générale n’est exclue que dans la
mesure régie par la police spéciale en application de l’adage « Exceptio strictae interpretationis » ».
Pour déterminer dans quel cadre le bourgmestre intervient, il faut déterminer quel était le but de son
action ; en l’occurrence, le bourgmestre avait pour but non pas de mettre fin à un trouble de l’ordre
public mais à mettre fin à la pollution du cours d’eau. Témoin, « l’arrêté attaqué se donne un double
fondement, d’une part, les articles 133, alinéa 2, 134, § 1er et 135, § 2, de la nouvelle loi communale
et, d’autre part, l’article 2 de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la
pollution, et les articles 7, 2°, et 49, 3°, du décret régional wallon du 7 octobre 1985 sur la protection
des eaux de surface contre la pollution ; qu’en l’espèce, il ressort du dispositif et de la motivation de
la décision entreprise que le bourgmestre a voulu mettre fin à la pollution de la rivière et qu’il a pris
ainsi en ordre principal une mesure environnementale de protection des eaux de surface ; que sa
lettre du 1er septembre 1997 à la requérante, lui enjoignant d’exécuter l’arrêté attaqué sous peine
d’une action fondée sur la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d’action en matière de
protection de l’environnement, le confirme encore ».
Conséquence : annulation de l’arrêté.
En résumé, la compétence des communes sous l’angle de la police administrative générale est
admise
-
II.
quand il y a un trouble ou une menace de trouble de l’ordre public non prévu par une
réglementation spéciale et
lorsque l’action communale n’est pas contraire aux règles d’une police spéciale ou exclue
(implicitement ou explicitement) par ces règles.
LES ACTEURS DE LA POLICE ADMINISTRATIVE
Le principe : dualité de branches, pluralité d’acteurs
La police administrative générale se décline en un volet normatif, général, et un volet
répressif, individuel. Cependant chacun de ces volets fait intervenir plusieurs acteurs, soit pour
l’adoption des instruments dans lesquels ils prennent corps, soit pour leur mise en œuvre pratique.
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Vincent Ramelot – janvier 2008
Les ordonnances de police sont en règle adoptées par le conseil communal, mais le
bourgmestre et le collège des bourgmestre échevins peuvent, chacun dans un cas précis, exercer
également cette compétence.
Les arrêtés de police sont adoptés par le bourgmestre mais dans deux cas le collège des
bourgmestre et échevins est associé à leur adoption. Dans un cas spécifique encore, c’est le collège et
non le bourgmestre qui adopte l’arrêté de police.
1. Le conseil communal
A. Le conseil fait les ordonnances de police
Les ordonnances de police constituent le volet normatif de la police administrative générale.
Elles sont adoptées par le conseil communal26, sur proposition du collège des bourgmestre et échevins.
Il s’agit du pouvoir d’adopter des règles de comportement générales et abstraites, fixant des
obligations de comportement telles qu’injonctions et interdictions, ayant pour but de prévenir des
atteintes à l’ordre public, applicables à tous les citoyens ou à certaines catégories de citoyens
indéterminés pour une durée non limitée dans le temps27. L’objet matériel des ordonnances de police
est la police administrative générale, telle que définie plus haut : réglementation de l’utilisation
privative de la voie publique, lutte contre les nuisances sonores, prévention des atteintes à la propreté
publique, etc.
Réglementer, c’est prescrire ou interdire des comportements, mais c’est aussi, logiquement,
attacher des sanctions à la violation desdites prescriptions. Lorsqu’il adopte un règlement de police, le
conseil communal (et cette règle vaut aussi pour le bourgmestre agissant sur la base de l’article 134
NLC – cf. infra) attache à la violation des nouvelles dispositions les sanctions prévues par l’article
119bis NLC, c’est-à-dire des sanctions pénales ou des sanctions administratives (art. 119bis, §§ 1er et
s.).
On rappelle la définition de la sanction donnée par le Conseil d’Etat : « [U]ne sanction
consiste en une mesure désavantageuse, d’ordre moral ou matériel, prononcée à l’égard d’une
personne physique ou morale, dont l’objet premier est d’exprimer officiellement la réprobation de
l’autorité à l’égard d’un comportement que cette personne a eu et qu’elle juge répréhensible ».28 Elle
se distingue en cela de l’arrêté de police du bourgmestre qui est une mesure ponctuelle de prohibition,
d’injonction, etc. visant à garantir le maintien ou le rétablissement de l’ordre public (cf. infra). Elle se
distingue aussi d’autres mesures que le conseil communal pourrait adopter pour mettre en œuvre
certaines aspects de sa politique, comme les taxes ou les redevances29.
1)
Les sanctions pénales
Les sanctions pénales, sanctions traditionnelles des règlements communaux, peuvent prendre
la forme de l’amende pénale de maximum 125 euros (art. 38 du Code pénal) ; bien qu’on y pense
26
Art. 119, alinéa 1er, NLC.
Un règlement peut toutefois régler des situations périodiques, comme interdire l’utilisation des pétards à
l’occasion des fêtes de fin d’année.
28
C.E., arrêt n° 101.503 du 5 décembre 2001, S.A. TVI / Conseil supérieur de l’audiovisuel et Communauté
française, in J.L.M.B., 2002/10, p. 407.
29
Pour plus de développements sur ces deux mesures, cf. E. WILLEMART, « Taxes et redevances
communales : les limites constitutionnelles », Trait d’Union – Bruxelles, 2003/04, pp. 4-9.
27
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Vincent Ramelot – janvier 2008
moins, elles peuvent également prendre la forme d’une peine d’emprisonnement d’un à sept jours (art.
28 du même Code), voire de la peine de travail ou de la confiscation spéciale (art. 7 du Code pénal).
2)
Les sanctions administratives
Les sanctions administratives ont été introduites dans la Nouvelle loi communale par la loi du
13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes30. Elles ont fait l’objet de
nombreux commentaires31 ; nous n’y reviendrons donc que brièvement.
Les sanctions administratives communales sont limitativement énumérées par l’article 119bis
NLC ; le conseil communal ne peut en aucun cas faire œuvre originale et créer de nouvelles sanctions :
seul le législateur peut adopter (ou permettre aux communes d’adopter) un système de sanctions
administratives32.
Le conseil communal peut frapper les infractions à ses règlements des sanctions suivantes :
1° l’amende administrative d’un montant maximal de 247,89 euros ;
2° la suspension administrative d’une autorisation ;
3° le retrait administratif d’une autorisation ;
4° la fermeture administrative d’un établissement accessible au public.
B. Dans certains cas, le conseil confirme les ordonnances de police du bourgmestre.
(cf. infra)
2. Le bourgmestre
Le bourgmestre est un officier de police administrative33 34, et peut donc exercer les
compétences telles qu’arrestation administrative, etc. – ce dont dans les faits il se garde bien.
Il est également – et surtout – autorité de police, c’est-à-dire une « autorité désignée par ou en
vertu de la loi pour prendre des mesures de police juridiques, et pour exécuter des mesures de police
ou les faire exécuter par les services de police »35.
30
Monit., 10 juin.
Citons quelques-uns des commentaires les plus éclairants : M. BOES, « De Wet Gemeentelijke
Administratieve Sancties », in Tijdschrift voor Gemeenterecht, Story-Scientia, 2000, 2, pp. 115-147 ; C.
MOLITOR, « La loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes et les pouvoirs de
police des autorités communales », loc. cit., pp. 150-173 ; A. MASSET, « La loi du 13 mai 1999 relative aux
sanctions administratives dans les communes, in Le point sur le droit pénal, CUP, 2000, p. 209-267 ; S.
MEIJLAERS (sous la direction de), « Gemeentelijke administratieve sancties. Hoe overlast aanpakken ? »,
Bruxelles, VVSG/Politeia, 2001, 108 p.
32
Cf. A. COENEN, « La loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes », in
Mouv. Comm., 1999/11-12, p. 549 ; voyez aussi C.E., arrêt n° 7225 du 22 septembre 1959, Lahaye c.
bourgmestre de la commune de Ramskapelle, in R.A.C.E., 1959.
33
Article 4 LFP.
34
Rappelons que le bourgmestre a perdu le 1er janvier 2001, avec l’entrée en vigueur de la loi du 7 décembre
1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, sa qualité d’officier de police judiciaire
auxiliaire que lui accordait l’article 11 du Code d’instruction criminelle.
35
Art. 3, 2°, LFP.
31
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Vincent Ramelot – janvier 2008
A. Le bourgmestre adopte des arrêtés de police
L’arrêté de police est en quelque sorte le pain quotidien de l’édile. L’article 133, alinéa 2,
NLC dispose que le bourgmestre est légalement chargé « de l’exécution des lois, décrets,
ordonnances, règlements et arrêtés de police ». Il intervient donc dans tous les cas où une disposition
supérieure le charge d’une mission spécifique. Par exemple, les articles 11 et suivants de la loi du 30
juillet 1979 relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi qu’à l’assurance obligatoire
de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances lui confient la compétence de fermer des
établissements ouverts au public qui ne répondent pas aux mesures de sécurité prescrites en vertu de la
loi, l’habilitent à rechercher et à constater les infractions aux dispositions de la loi, etc. (cf. infra).
Un arrêté de police est un acte non pas réglementaire mais individuel, c’est-à-dire une mesure
ponctuelle « de prohibition, d’injonction, d’autorisation, de dispense ou même toute mesure d’office
visant à garantir la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques, et ne pouvant s’appliquer qu’à
une personne, à un groupe de personne ou à un cas déterminé ».36
L’arrêté de police se distingue de l’ordonnance de police non seulement par sa différence de
nature mais aussi par ceci :
-
seule l’ordonnance est soumise au contrôle de tutelle ;
seul l’arrêté doit faire l’objet d’une motivation formelle au sens de la loi du 29 juillet 1991
relative à la motivation formelle des actes administratifs ;
leurs modes de communication sont différents (l’affichage pour le règlement, la notification
pour l’arrêté – voyez infra).
1)
La compétence « ordinaire » du bourgmestre : les arrêtés de police générale
L’article 133, alinéa 2, qui charge le bourgmestre de l’exécution des lois et arrêtés de police,
est rédigé en termes très généraux ; c’est de l’exécution de toutes les dispositions légales ou
réglementaires relatives à la police que le bourgmestre est chargé. La première de ces lois de police
n’est-elle pas l’article 135, § 2, NLC ? En effet, celui-ci investit la commune (et donc aussi son
bourgmestre) de la mission « de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment
de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics »
(alinéa 1er). C’est donc en se basant formellement sur l’article 133 et matériellement sur l’article 135, §
2, que le bourgmestre adopte des arrêtés de police destinés à maintenir ou rétablir l’ordre public.37
« L’exercice de ce pouvoir de police administrative n’est pas subordonné à l’existence d’un
règlement général, provincial ou communal préalable. Et cela se comprend parfaitement. L’absence
de règlement préalable ne peut avoir pour effet d’empêcher l’exécution [des articles 133, alinéa 2, et
135, § 2, de la Nouvelle loi communale] ».38
Quels types de mesures le bourgmestre peut-il adopter ?39
L’article 135, § 2, NLC ne stipule aucune règle quant au type de mesures que peut adopter le
bourgmestre. Celles-ci relèvent donc fortement de son pouvoir d’appréciation.
36
M. HERBIET, G. CUSTERS, « Vade-mecum de la fonction de bourgmestre », Liège, La Charte, mai 2001, p.
II. 22. Voyez aussi ROBERT J., « Police administrative : compétence respective du bourgmestre et du conseil
communal », in Mouv. Comm., 1999/02, pp. 115-117.
37
S. VAN GARSSE, « De administratieve politiebevoegdheid van de burgemeester », in T.B.P., 2001/3, pp. 142
et 143.
38
J. Dembour, « Droit administratif », cité par J-M. LEBOUTTE, op. cit., p. 54.
39
Cf. J-M. LEBOUTTE, op. cit., pp. 54 et s.
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Vincent Ramelot – janvier 2008
Il peut agir par voie d’injonction ou de prohibition ; il peut accorder des autorisations ou des
dispenses40 ; il peut recourir à des mesures d’office (faire prendre par des agents de la force publique
ou par des fonctionnaires communaux les mesures nécessaires pour assurer l’exécution matérielle des
dispositions de police administrative ordonnées).
À variété de cas, variété de mesures ! Il est vain et inepte de prétendre dresser une liste
exhaustive des mesures qu’un bourgmestre peut prendre pour faire face à un trouble ou une menace de
troubles de l’ordre public ; on n’en donnera ici qu’un infime aperçu et renverra le lecteur avide
d’autres exemples à la jurisprudence du Conseil d’Etat…
Un bourgmestre peut par exemple41 :
-
-
ordonner l’étançonnement ou la démolition, totale ou partielle, d’un immeuble menaçant
ruine ;
déclarer un immeuble insalubre et ordonner que les mesures nécessaires pour sauvegarder la
salubrité publique soient adoptées, ces mesures pouvant elles-mêmes connaître une grande
variété de nuances selon que le logement est améliorable ou non améliorable ;
interdire, aux fins de maintenir la propreté publique ou la commodité du passage, la
distribution de tracts et d’imprimés publicitaires ou l’organisation de collectes ;
ordonner l’évacuation des habitations d’une rue jouxtant un terril menaçant de s’affaisser ;
imposer une heure de fermeture à un débit de boissons, une discothèque, etc., voire fermer
l’établissement si nécessaire ;
réduire ou interdire l’accès à un engin de foire dont il estime qu’il ne garantit pas la sécurité
publique ;
imposer le port de la laisse ou de la muselière à un chien agressif ou enclin à mordre, voire en
imposer l’éloignement du territoire communal.
Description de la procédure idéale
La décision d’adopter une mesure de police – mesure grave, limitative des libertés
individuelles, comme on l’a vu – ne peut se faire à la légère ; elle doit reposer sur l’appréciation la plus
éclairée de la situation et prescrire les mesures les plus aptes à prévenir ou résoudre le désordre.
Sommairement, on peut établir une procédure standard d’intervention du bourgmestre42 :
1° constater le trouble (ou la menace de trouble) à l’ordre public, personnellement ou, le plus
souvent, sur la base d’un rapport établi par le service compétent ;
2° contacter ensuite (par lettre recommandée en général) la personne concernée afin de trouver
une solution à l’amiable au problème ;
3° en cas d’échec, donner ordre à la personne concernée, par le biais d’un arrêté de police, de
prendre les mesures prescrites pour prévenir ou mettre fin au trouble dans un délai déterminé ;
le bourgmestre indiquera qu’à défaut pour la personne visée de s’être conformée aux
instructions, la commune se réserve le droit d’y procéder elle-même43, aux frais, risques et
périls du contrevenant, et au besoin par la force ;
4° en cas de défaut d’exécution dans les délais, prévenir la personne44 que les services
communaux (ou autres) procéderont à l’exécution forcée ;
40
À condition toutefois qu’une loi, une ordonnance ou un règlement prévoie la possibilité d’accorder l’une ou
l’autre.
41
Voyez notamment M. HERBIET et G. CUSTERS, op. cit., pp. II/73 et s.
42
J-M. LEBOUTTE, « L’exercice, par le bourgmestre, de ses pouvoirs de police administrative générale,
appliqués aux logements insalubres », in Mouv. comm., 1990/6-7, p. 233 ; N. FRASELLE, « Troubles à l’ordre
public », in Mouv. comm., 2003/11, p. 428.
43
Via ses ouvriers communaux, la police locale ou une entreprise désignée à cet effet.
44
Ici aussi par la voie de la lettre recommandée à la poste.
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5° envoyer la facture et, à défaut de paiement, poursuivre le contrevenant devant une
juridiction civile.
Ce canevas général s’affine en fonction de la situation à laquelle est confronté le bourgmestre.
Celui-ci peut ordonner des mesures intermédiaires (par exemple : ordonner des travaux
d’assainissement d’un logement insalubre) ou temporaires (par exemple : décréter l’inhabitabilité
provisoire du logement), de la satisfaction desquelles dépendra la suite de la procédure. Autre cas de
figure : une situation où l’urgence est telle qu’elle commande de prendre la mesure juridique (l’arrêté
de police) et la mesure matérielle (la destruction de l’immeuble, l’interdiction d’accès,…)
immédiatement.
À qui incombent les frais ?
Nous venons de voir que des travaux sont parfois ordonnés par le bourgmestre. Lorsque ces
travaux sont effectués par le propriétaire des lieux ou par le responsable du trouble, et hors les cas où
l’administration aurait commis une faute pouvant donner lieu à une indemnisation, les frais lui
incombent.
Lorsqu’en revanche le bourgmestre procède à l’exécution forcée de la mesure, il n’est pas
toujours admis à se faire rembourser auprès du responsable du trouble. Pourtant, les frais qu’il doit
engager constituent un dommage causé par la faute du particulier… ce qui si on lit l’article 1382 du
code civil devrait entraîner la réparation dudit dommage. Cependant, la Cour de cassation estime que
dans ce cas de figure, la commune n’est en règle pas recevable à réclamer le remboursement des
travaux parce que le lien de causalité entre la faute du tiers et le dommage de la commune est rompu
par une cause propre, à savoir l’obligation légale de la commune d’assurer le maintien de l’ordre
public45. La commune ne fait qu’exécuter ses obligations légales, ce qui exclut que les frais soient à la
charge du particulier. Il est possible d’écarter cette théorie de la cause étrangère en établissant que
l’intervention de la commune n’est que secondaire par rapport à celle qui incombe à l’auteur du
dommage… mais encore faut-il pouvoir l’établir !46
La visite des lieux
Lorsque la mesure envisagée concerne un immeuble, une visite des lieux s’impose souvent
pour apprécier son état. Dès lors se pose une question : le consentement de l’occupant des lieux est-il
indispensable à la visite du bourgmestre ? La réponse est controversée ; résumons la controverse en
relevant que :
-
-
une partie (minoritaire) de la doctrine47 répond par l’affirmative, en appuyant leur thèse sur
l’article 148 du Code pénal qui punit d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une
amende de vingt-six francs à deux cents francs « [t]out fonctionnaire de l’ordre administratif
(…) qui, agissant en cette qualité, se sera introduit dans le domicile d’un habitant contre le
gré de celui-ci, hors les cas prévus et sans les formalités prescrites par la loi » ;
d’autres auteurs48 considèrent en revanche qu’un tel consentement n’est pas formellement
requis ; en effet, si le bourgmestre, en vertu de l’article 135, § 2, NLC, peut adopter des arrêtés
prescrivant des mesures lourdes de conséquences telles que l’inaccessibilité, l’inhabitabilité et
même la destruction de l’immeuble, et ce même contre la volonté de l’occupant ou du
propriétaire, il peut a fortiori pénétrer dans l’immeuble sans recueillir le consentement de
45
Cf. Cass., 13 avril 1988, LENGLEZ et Déchets industriels / Commune de Manage et ELOY, J.T., 1988, pp.
649-656 + conclusions Janssens de Bisthoven. Voyez aussi N. FRASELLE, loc. cit., p. 428.
46
Cf. S. BOLLEN, « Responsabilité – Rupture du lien de causalité », Mouv. Comm., 1999-4, p. 197.
47
Par exemple, P. BLONDIAU et al., op. cit., pp. 52 et 53.
48
F. HAUMONT, B. PAQUES et M. SCHOLASSE, « Les immeubles délabrés », Fondation Roi Baudouin,
1986, pp. 35-41.
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l’intéressé49 ; de plus, interdire au bourgmestre de pénétrer dans un immeuble suspect en
l’absence du consentement de l’occupant « aurait pour conséquence de placer le bourgmestre
dans l’impossibilité d’accomplir sa mission de police »50, ce qui compromettrait gravement
l’équilibre des intérêts : « [l]’intérêt d’un citoyen ne peut justifier qu’on lui reconnaisse le
droit de mettre en péril la communauté ou l’ordre public »51. Selon ces auteurs, les mesures
ordonnées par le bourgmestre dans le cadre de l’article 135 de la Nouvelle loi communale font
partie des « cas prévus [par la loi] » de l’article 148 CP.
2)
Les polices spéciales
Rappel : c’est l’article 133, alinéa 2, NLC qui charge le bourgmestre « de l’exécution des lois,
décrets, ordonnances, règlements et arrêtés de police ». Il intervient donc dans tous les cas où une
disposition supérieure le charge d’une mission spécifique.
Dans la plupart des cas, ce sont les lois spécifiques organisant les polices spéciales qui font
intervenir le bourgmestre dans la procédure. Nous en verrons quelques exemples. Mais la Nouvelle loi
communale elle-même organise deux polices administratives spéciales, en ses articles 134ter et
134quater.
a. Les polices spéciales prévues par la NLC
a) L’article 134ter NLC
« Le bourgmestre peut, dans le cas où tout retard causerait un dommage sérieux, prononcer
une fermeture provisoire d’un établissement ou la suspension temporaire d’une autorisation lorsque
les conditions d’exploitation de l’établissement ou de la permission ne sont pas respectées et après
que le contrevenant ait fait valoir ses moyens de défense, sauf lorsque la compétence de prendre ces
mesures, en cas d’extrême urgence, a été confiée à une autre autorité par une réglementation
particulière.
Ces mesures cesseront immédiatement d’avoir effet si elles ne sont confirmées par le collège
des bourgmestre et échevins à sa plus prochaine réunion.
Aussi bien la fermeture que la suspension ne peuvent excéder un délai de trois mois. La
décision du bourgmestre est levée de droit à l’échéance de ce délai ».
Les éléments de la disposition :
1. un établissement ;
2. la violation des conditions d’exploitation ou de l’autorisation/permission de cet
établissement ;
3. le risque de dommages sérieux en cas de retard/l’extrême urgence ;
4. un pouvoir de fermeture ou de retrait uniquement ;
5. l’obligation d’entendre le contrevenant ;
6. une fermeture de maximum trois mois ;
7. une décision à confirmer par le collège.
Il s’agit d’une entorse au principe selon lequel le collège n’a aucune compétence en matière de
maintien de l’ordre (sauf quelques exceptions légales)52.
49
F. HAUMONT, B. PAQUES et M. SCHOLASSE, op. cit., p. 36.
F. HAUMONT, B. PAQUES et M. SCHOLASSE, op. cit., p. 36.
51
Idem, p. 38.
52
J. ASTAES & al., « College van burgemeester en schepenen – Bevoegdheden », Bruges, Die Keure, coll.
Recht in de gemeenten, 2003, p. 253.
50
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Quelle est la nature de la mesure adoptée par le bourgmestre ?
Dès l’entrée en vigueur de ce nouvel article 134ter NLC, les commentateurs ont hésité entre
deux hypothèses : soit l’article 134ter crée une sanction spécifique, appliquée par le bourgmestre en
cas d’urgence (en devançant en quelque sorte le collège des bourgmestre et échevins), ce qui est
prouvé entre autres par l’audition obligatoire de l’intéressé53 ; soit il crée une nouvelle mesure de
police spéciale pour le bourgmestre, mais pas une sanction.
(L’enjeu d’un tel débat se résume pas à une énième querelle sur le sexe des anges ; si la
mesure est une sanction administrative, elle doit faire l’objet d’une procédure qui, même réduite en
raison de l’urgence, devrait être un peu plus étoffée que ce que prévoit l’article 134ter. Des garanties
devraient également être offertes au contrevenant (audition, consultation du dossier, droit de se faire
assister ou représenter,…). Enfin, il n’est pas sûr que les exigences de légalité des infractions soient
bien rencontrées par la disposition de l’article 134ter NLC).
Il semble plus ou moins établi maintenant que la mesure adoptée par le bourgmestre est bien
une mesure de police, et pas une sanction… ce qui signifie que la personne qui en fait l’objet pourrait
aussi être sanctionnée par le collège (ou par une autre autorité).
L’audition de l’intéressé
Il est de règle qu’une autorité administrative doit entendre la personne à l’égard de laquelle on
s’apprête à prendre un acte administratif (l’adage « audi alteram partem » – cf. infra) – devoir qui
ressortit aux principes généraux de bonne administration. Néanmoins, il arrive que les circonstances
soient telles qu’elles commandent de passer outre le devoir d’audition (en cas d’urgence par exemple).
En revanche, lorsque l’audition est prévue par la disposition légale (ce qui est le cas), elle a le
caractère non plus de principe de bonne administration mais de formalité substantielle, dont l’omission
est de nature à vicier l’acte administratif.
Donc, même en cas d’urgence – et cela quand bien même l’urgence devrait être « extrême »
ou « impérieuse », comme le laisse penser la disposition légale – le bourgmestre ne pourra pas faire
l’impasse sur l’étape de l’audition de l’intéressé.
Un exemple d’application de l’article 134ter NLC
Nous verrons qu’en vertu de l’article 11 de la loi du 30 juillet 1979 relative à la prévention des
incendies et des explosions ainsi qu’à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces
mêmes circonstances, le bourgmestre peut ordonner la fermeture provisoire de l’établissement qui ne
répond pas aux mesures de sécurité prescrites en vertu de la loi. Par ailleurs, il doit être averti de la
prise d’assurance, la modification, la résiliation, etc. d’un contrat d’assurance en responsabilité civile,
obligatoire pour les établissements habituellement accessibles au public qui sont déterminés par le Roi
(art. 8bis).
Question : est-ce que le bourgmestre peut se prévaloir de l’article 11 de la loi pour fermer un
établissement qui n’est pas couvert par l’assurance obligatoire ? Réponse : non ! La réouverture de
l’établissement ne sera autorisée que si les aménagements ou les transformations requis ont été
exécutés (art. 11, alinéa 2) ; or la liste de ces mesures de sécurité ne comprend pas l’obligation de la
prise d’une assurance. De plus, les termes « aménagements » et « transformations » peuvent
difficilement être appliqués à la prise (ou au défaut) d’une assurance. La fermeture de l’établissement
53
Cf. par exemple C. MOLITOR, « La loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les
communes et les pouvoirs de police des autorités communales », loc. cit., pp. 163-168 ; I. LEYSEN, « La liberté
de danser : les mesures de police administrative à l’égard des bals et salles de danse », A.P.T., 1999/4, p. 259.
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prévue par la loi du 30 juillet 1979 ne peut donc pas, à notre sens, trouver à s’appliquer dans le cas
présent.
MAIS le bourgmestre pourrait se baser sur l’article 134ter NLC (à supposer que les autres
conditions, telles l’urgence et le risque de dommage sérieux, sont rencontrées), pour fermer
l’établissement qui n’aurait pas souscrit à une police d’assurance en responsabilité. En effet, l’art. 10,
§ 1er, alinéa 1er, de la loi du 30 juillet 1979 dispose que « [les] infractions aux dispositions de la
présente loi […] sont punies d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de vingtsix francs à mille francs, ou d’une de ces peines seulement […] », tandis qu’en vertu de son § 2, « [en]
cas de condamnation, le juge peut ordonner la fermeture de l’établissement pour une durée d’un mois
à un an ». Le défaut d’assurance constitue donc la violation d’une des conditions d’exploitation de cet
établissement ; et la compétence de fermer cet établissement en extrême urgence n’est pas confiée à
une tierce autorité (par hypothèse, le juge ne statue pas dans l’urgence).
Il nous semble donc que le bourgmestre serait habilité à adopter une mesure de police – la
fermeture de l’établissement pour une durée qui ne peut pas dépasser trois mois – basée sur l’art.
134ter NLC et motivée non pas par le maintien ou le rétablissement de l’ordre public, mais par la
violation d’une condition d’exploitation de l’établissement (la souscription d’une assurance en
responsabilité civile).
b) L’article 134quater NLC
« Si l’ordre public autour d’un établissement accessible au public est troublé par des
comportements survenant dans cet établissement, le bourgmestre peut décider de fermer cet
établissement pour la durée qu’il détermine.
Ces mesures cesseront immédiatement d’avoir effet si elles ne sont confirmées par le collège
des bourgmestre et échevins à sa plus prochaine réunion.
La fermeture ne peut excéder un délai de trois mois. La décision du bourgmestre est levée à
l’échéance de ce délai ».
Les éléments de la disposition :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
un établissement accessible au public ;
des « comportements » survenant dans cet établissement ;
des troubles survenant à l’extérieur de l’établissement ;
un pouvoir de fermeture uniquement ;
une fermeture de maximum trois mois ;
une décision à confirmer par le collège.
Il s’agit ici aussi d’une entorse au principe selon lequel le collège n’a aucune compétence en
matière de maintien de l’ordre.
Les conditions d’application
Les deux éléments centraux de la disposition sont les suivantes :
1. L’ordre public doit être troublé autour de l’établissement.
2. La cause du trouble de l’ordre public doit être des comportements survenant dans
l’établissement.
La source des troubles doit se trouver dans l’établissement, même si les conséquences se font
sentir à l’extérieur. En revanche, si la source se trouve à l’extérieur de l’établissement, l’article
134quater ne doit pas trouver à s’appliquer. Toute la difficulté est donc d’établir le juste rapport causal
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entre l’établissement, l’activité identifiée comme étant la source des troubles et le lieu où ces troubles
se produisent.
Il faut donc un lien de cause à effet entre les activités et le trouble. La simple coïncidence des
deux éléments ne devrait pas suffire pour conclure à l’application de l’article 134quater : le
bourgmestre doit démontrer que les activités causent le trouble. Mais dans le même temps, les
activités ne troublent pas elles-mêmes l’ordre public dans l’établissement !
À cet égard, un arrêt du Conseil d’État est venu, très tôt, faciliter la tâche du bourgmestre en
acceptant de faire application de l’article là où, a priori, on ne l’attendait pas…54
Un arrêt relatif au champ d’application ratione loci de l’article 134quater NLC :
CE, arrêt n° 85.022 du 1er février 2000, Van Trappen c/ bourgmestre et ville de Bruxelles
(suspension)
Les faits :
-
-
Le requérant exploite un hôtel de rendez-vous dans une petite rue du centre de Bruxelles ;
Une enquête administrative et une enquête policière établissent que la présence de prostituées
dans les rues du quartier est à la source de nombreux troubles de la tranquillité et de la santé
publiques et d’infractions à la réglementation du roulage et du stationnement ;
Le bourgmestre prend un arrêté de fermeture de l’hôtel le 17 janvier 2000.
La mesure contestée : l’arrêté du bourgmestre ordonnant la fermeture de l’établissement pour une
durée de trois mois, motivé par l’article 134quater NLC.
Griefs : erreur dans le fondement de l’acte. L’article 134quater n’est pas applicable en l’espèce, parce
que les troubles constatés ne trouvent pas leur source dans l’établissement mais en-dehors de celui-ci,
de sorte que la situation ne rencontre pas les exigences posées par le prescrit légal
Position du Conseil d’État : il faut interpréter les termes « comportements survenant dans cet
établissement », de manière large, en se basant entre autres sur les travaux parlementaires de la loi du
13 mai 1999 : « Het optreden van de burgemeester tegen ordeverstoring in een buurt [is] niet
afhankelijk van de voorwaarde dat binnenin een inrichting ordeverstorende gedragingen gebeuren of
illegale daden worden gesteld die zich dan op de openbare weg voortzetten, maar dat voor dat
optreden wel vereist is dat de ordeverstoring in de buurt verbonden is met […] gedragingen in een
inrichting zodat door het sluiten van die inrichting de wanorde in de buurt ophoudt of substantieel
afneemt ».
Conséquence : rejet de la demande de suspension.
Que penser de cet arrêt ?
Il est indubitable que lesdits troubles n’auraient pas lieu si l’hôtel ne louait pas ses chambres à
l’heure mais à la journée, ou tout au moins s’il refusait strictement l’accès aux prostituées. Reste
néanmoins à démontrer le lien de causalité, et surtout à prouver que les troubles trouvent leur source
dans des comportements « survenant dans cet établissement ».
Il est vrai que c’est le comportement des prostituées et de leurs clients à l’extérieur de l’hôtel
qui est la cause desdits troubles. Mais on ne peut pas non plus ignorer le rapport étroit unissant les
prostituées et les hôtels dans lesquels elles exercent leur métier ; c’est à cause de l’utilisation des
54
C.E., arrêt n° 84.551, Van Trappen, cité par BOES M., loc. cit., p. 140.
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chambres par les prostituées que l’ordre public est troublé à l’extérieur des hôtels ; et que donc, c’est –
indirectement – l’exploitation de la prostitution par les propriétaires des hôtels qui entraîne les troubles
à l’extérieur des établissements.
b. Les polices spéciales prévues par des lois particulières
Nombre de lois font intervenir le bourgmestre pour leur mise en œuvre – parfois à titre
accessoire, parfois à titre principal. Dans le cadre des polices spéciales, le bourgmestre jouit d’une
moins grande autonomie que dans le cadre de la police administrative générale : certaines lois, en
effet, « cadenassent » son intervention, de telle sorte que sa marge de manœuvre, tant en ce qui
concerne ses moyens que la procédure à suivre, est assez limitée.
a) La loi du 30 juillet 1979 relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi
qu’à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances
L’article 5 de la loi du 30 juillet 1979 charge le bourgmestre de contrôler, sur rapport du
service d’incendie territorialement compétent, l’exécution des mesures de sécurité prescrites en vertu
de la loi. Ces mesures de sécurité sont fixées par l’arrêté royal du 7 juillet 1994 fixant les normes de
base en matière de prévention contre l’incendie et l’explosion, auxquelles les bâtiments nouveaux
doivent satisfaire (Monit., 26 avril 1995) : implantation et chemins d’accès, compartimentage,
prescriptions relatives à certains types de construction, dispositifs d’annonce, d’alerte, d’alarme et
moyens d’extinction des incendies, etc. – bref des mesures matérielles, structurelles de sécurité55.
L’article 11 de la même loi permet au bourgmestre de fermer un établissement habituellement
accessible au public si celui-ci ne répond pas aux mesures de sécurité prescrites en vertu de la loi
(article 11). La réouverture de l’établissement ne sera autorisée que si les aménagements ou les
transformations requis ont été exécutés (art. 11, alinéa 2).
Le bourgmestre peut donc adopter un arrêté de police, fondé sur l’article 133, alinéa 2, NLC et
sur l’article 11 de la loi du 30 juillet 1979 relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi
qu’à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances, décrétant la
fermeture de l’établissement et motivé par le défaut de respect d’une ou de plus sieurs mesures de
sécurité prescrites en vertu de la loi.
b) Le Code bruxellois du logement
En vertu de l’article 13 du Code, porté par l’ordonnance du 17 juillet 2003 portant le Code
bruxellois du logement, le Service d’inspection régionale peut interdire au bailleur de continuer à
mettre en location ou de louer ou de faire occuper le logement dont il aura jugé qu’il n’est pas ou plus
conforme aux exigences de sécurité, de salubrité et d’équipement visées à l’article 4 du Code
bruxellois du logement56.
En vertu de l’article 14 du Code, le bourgmestre veille à l’exécution de l’interdiction de
continuer à mettre le logement en location ou de louer celui-ci ou de le faire occuper ; cela signifie que
le bourgmestre pourrait être amené par exemple à adopter un arrêté de police, fondé sur l’article 133,
alinéa 2, NLC et sur l’article 14 du Code bruxellois du logement, ordonnant l’expulsion des habitants,
l’occultation des ouvertures de l’immeuble, etc.
55
Notons qu’en vertu de l’article 4 de la loi, les conseils communaux peuvent adopter des règlements relatifs à la
prévention des incendies et des explosions ou compléter les prescriptions des règlements généraux.
56
Normes minimales relatives à la stabilité du bâtiment, l’électricité, le gaz, le chauffage et les égouts ; normes
minimales relatives à l’humidité, à la toxicité des matériaux, aux parasites, à l’éclairage, à la ventilation, ainsi
qu’à la configuration du logement, quant à sa surface minimale, la hauteur de ses pièces et l’accès du logement ;
normes minimales relatives à l’eau froide, l’eau chaude, les installations sanitaires, l’installation électrique, le
chauffage, ainsi que le prééquipement requis permettant l’installation d’équipements de cuisson des aliments Ces
normes sont déterminées par le Gouvernement – qui peut aussi en fixer d’autres.
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c) Les établissements suspectés de trafic de stupéfiants
On sait maintenant qu’un bourgmestre ne peut pas se baser sur les articles 134quater ni 135 de
la Nouvelle loi communale pour fermer un établissement au simple motif qu’y serait consommée ou
vendue de la drogue. En effet, les faits touchant à l’aspect moral de l’ordre public restent exclus de la
police administrative générale.
C’est pour remédier à cette impossibilité que le législateur a accordé au bourgmestre une
compétence de police spéciale pour lutter contre les établissements (lieux privés accessibles au public)
dans lesquels se commettent des « activités illégales (…) qui concernent la vente, la livraison ou la
facilitation de la consommation de substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes,
désinfectantes ou antiseptiques ou de substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances
stupéfiantes et psychotropes ».
Pour ce faire, un article 9bis a été inséré dans la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des
substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des
substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes57.
Les conditions d’intervention du bourgmestre sont les suivantes :
1. des indices sérieux d’activités illégales qui concernent la vente, la livraison ou la
facilitation de la consommation de substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, etc. ;
2. des activités compromettant la sécurité et la tranquillité publiques ;
3. des activités qui se déroulent à plusieurs reprises ;
4. la concertation préalable avec les autorités judiciaires ;
5. l’obligation d’entendre préalablement le responsable de l’établissement dans ses moyens
de défense.
Si ces conditions sont réunies, le bourgmestre peut fermer l’établissement pour une durée qu’il
détermine mais qui ne peut excéder six mois. De plus, sa décision doit être confirmée par le collège
des bourgmestre et échevins à sa prochaine réunion, à défaut de quoi elle cesse de produire ses effets.
La mesure peut être prolongée pour une même période58 si de nouveaux faits y sont constatés,
après avis favorable du conseil communal. Par hypothèse, ces faits ne peuvent s’y produire qu’après
l’échéance de la période de fermeture.
L’article 9bis commence par les termes « Sous réserve des compétences des instances
judiciaires et sans préjudice des articles 134ter et quater de la nouvelle loi communale… », ce qui
signifie que l’arrêté de police ne fait pas obstacle à d’éventuelles poursuites pénales. En revanche,
nous ne voyons pas bien comment le bourgmestre pourrait adopter un arrêté de fermeture pour cause
de consommation de drogue et dans le même temps adopter une autre mesure de fermeture pour des
raisons tirées de l’ordre public (d’autant que cette dernière ne peut pas durer plus de trois mois). Au
demeurant, les règles de concurrence des polices administratives font prévaloir la mesure de police
spéciale sur celle de police générale59.
Concrètement, un arrêté de police ordonnant la fermeture d’un établissement dans ces
circonstances visera l’article 133, alinéa 2, de la Nouvelle loi communale et l’article 9bis de la loi du
57
Article inséré par l’article 37 de la loi du 20 juillet 2006 portant des dispositions diverses.
C’est-à-dire, si nous le comprenons bien, pour une durée identique à la durée originellement prescrite et non
pas pour six mois.
59
On rappellera aussi les jurisprudences du Conseil d’État Horex I et II (arrêts n° 82.188 du 6 septembre 1999 et
arrêt n° 82.276 du 16 septembre 1999) – cf. « Les pouvoirs de police du bourgmestre », http://www.avcbvsgb.be, p. 20, et infra).
58
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24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes,
psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite
de substances stupéfiantes et psychotropes.
3) Des sanctions ?
Rappel : contrairement aux ordonnances de police du bourgmestre (cf. infra), les arrêtés de
police ne peuvent s’appliquer qu’à une personne (ou un groupe particulier de personnes) déterminée
ou déterminable ou à une situation spécifique et identifiée. Ils ne peuvent pas, par conséquent,
prescrire des mesures qui, par leur allure générale et continue, seraient d’application d’une façon
indéterminée sans limitation de temps. Ce genre de mesure doit faire l’objet d’un règlement.
Autre différence entre un arrêté de police et une ordonnance de police : l’arrêté ne peut pas
prévoir de sanctions en cas de violation de ses dispositions. La raison en est double :
1. matériellement, une mesure de police est censée répondre à un trouble ou une menace de
trouble de l’ordre public, que ce trouble soit fautif ou non ;
2. formellement, le bourgmestre n’a pas reçu la compétence de réglementer des situations – et
donc de prévoir des sanctions – par arrêté de police.
Ce n’est que dans des cas spécifiques, par l’effet d’une loi, que le défaut d’observation des
dispositions de l’arrêté peut faire l’objet de sanctions. Exemple : l’art. 551, 7°, du Code pénal, jusqu’à
son abrogation par la loi du 17 juin 2004, frappait d’une amende d’un à dix francs « ceux qui auront
négligé ou refusé d’obéir à la sommation faite par l’autorité administrative de réparer ou de démolir
des édifices menaçant ruine ». Un propriétaire qui aurait refusé d’exécuter un arrêté du bourgmestre
lui ordonnant de démolir son immeuble que l’édile aurait jugé dangereux pour la sécurité publique
aurait donc pu faire l’objet de poursuites pénales sur la base du Code pénal, non de l’arrêté.
Un arrêt portant sur un arrêté ayant valeur de sanction :
CE, arrêt n° 64.452 du 7 février 1997, Sicurella c/ bourgmestre et ville de Namur (suspension)
Les faits :
-
le requérant exploite un établissement HORECA dans lequel il a obtenu une autorisation de
diffuser de la musique ;
Divers problèmes de tranquillité publique sont constatés par la police (tapage nocturne), mais
uniquement sur la base d’une plainte – répétée – d’un couple de voisins.
La mesure contestée : l’« ordonnance » du bourgmestre du 24 janvier 1997 interdisant toute diffusion
de musique pour une durée d’un mois, motivée par 135, § 2, alinéa 2, NLC + divers articles du
règlement général de police.
Griefs : (entre autres) incompétence de l’auteur de l’acte de sanctionner le requérant.
Position du Conseil d’État : le bourgmestre ordonne la cessation de la diffusion de musique, en
considérant notamment « qu’il convient de sanctionner de tels abus en vue d’amener l’exploitant
responsable à respecter le repos du voisin, la tranquillité et la sécurité publiques », à défaut de quoi
la récidive pourrait entraîner des sanctions allant jusqu’à la fermeture de l’établissement. Or « ni
l’article 133, alinéa 2, ni l’article 135, § 2, 2°, de la nouvelle loi communale n’autorisent le
bourgmestre à prendre une décision destinée à "sanctionner" des abus, le terme "réprimer" à
l’article 135, § 2, 2°, signifiant seulement "faire cesser" ».
Conséquence : suspension de l’arrêté.
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B. Le bourgmestre adopte des ordonnances de police
Art. 134, § 1er. – En cas d’émeutes, d’attroupements hostiles, d’atteintes graves portées à la
paix publique ou d’autres événements imprévus, lorsque le moindre retard pourrait
occasionner des dangers ou des dommages pour les habitants, le bourgmestre peut faire des
ordonnances de police, à charge d’en donner sur le champ communication au conseil, en y
joignant les motifs pour lesquels il a cru devoir se dispenser de recourir au conseil. Ces
ordonnances cesseront immédiatement d’avoir effet si elles ne sont confirmées par le conseil à
sa plus prochaine réunion.
Dans certains cas – qui devraient rester exceptionnels – le bourgmestre dispose d’un pouvoir
de police réglementaire, donc de portée générale. Il peut prendre dans ces situations des ordonnances
de police (et non pas des arrêtés de police), à la place du conseil communal. En tant qu’exercice du
pouvoir réglementaire, ces ordonnances de police jouissent de toutes les caractéristiques des
ordonnances de police du conseil : elles peuvent imposer ou interdire des comportements et prévoir
des sanctions pour la violation de ces dispositions.
Quelques exemples :
-
interdiction faite à tous les habitants d’utiliser l’eau courante à la suite de la découverte d’une
pollution de l’eau de distribution ;
interdiction de fumer sur la voie publique en période de grande sécheresse, en raison des
risques d’incendies ;
interdiction de la circulation à moto sur la voie publique à la suite de l’annonce d’un
rassemblement de groupes de motards dans la commune ;
…
Le bourgmestre ne peut pas user discrétionnairement de ce pouvoir : celui-ci est en effet
doublement limité.
-
Matériellement, les ordonnances du bourgmestre ne peuvent être adoptées que dans des
situations très graves (catastrophe, émeute, danger de grande ampleur, ou tout autre événement
imprévu, lorsque le moindre retard dans la prise de mesure contre ces événements risque de
mettre en danger la sécurité des habitants).
L’urgence est donc une condition d’intervention du bourgmestre – urgence qui cependant est
jugée souverainement par le bourgmestre lui-même… Néanmoins sa réalité devra être reflétée
dans la motivation de l’arrêté.
-
Formellement, le bourgmestre doit donner une communication immédiate et motivée de
l’ordonnance aux membres du conseil communal.
Le fait que la communication doit se faire de manière immédiate exclut d’attendre la
prochaine réunion du conseil (puisque l’article 134 NLC fait une distinction entre la communication
immédiate et la confirmation à la prochaine séance du conseil).
La motivation est une condition substantielle de l’ordonnance. Mais il ne s’agit pas de
l’obligation de motivation posée par la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes
administratifs : en effet, cette dernière ne s’applique pas aux actes réglementaires, mais uniquement
actes individuels ! De plus, ce n’est pas l’ordonnance qui doit être motivée, mais sa communication :
cela signifie que l’acte de communication doit faire apparaître non seulement les motifs de droit et de
fait qui imposaient d’adopter une telle ordonnance mais aussi les raisons qui ont poussé le
bourgmestre à « court-circuiter » le conseil communal (motivation spéciale de l’article 134).
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Le conseil doit confirmer l’ordonnance à sa prochaine réunion, à défaut de quoi l’ordonnance
perd ses effets pour l’avenir.
Quid si le conseil ne confirme pas ? L’ordonnance cesse de produire ses effets ; mais elle n’est
pas nulle (ex tunc) pour autant parce que le conseil, en confirmant l’ordonnance, se prononce
uniquement sur l’opportunité de l’ordonnance. Le simple fait que le conseil refuse de confirmer n’est
pas l’indication d’un moyen d’annulation. Une ordonnance du bourgmestre peut n’avoir qu’une vie
très brève mais parfaitement légale, comme elle peut très bien inversement être confirmée mais garder
son caractère vicié (et donc être annulable).
Conséquence directe : si le bourgmestre a disposé que la mesure prescrite cessera de produire
ses effets à une date déterminée ou déterminable, et par hypothèse antérieure au prochain conseil
communal, il n’y a plus lieu de demander au conseil la confirmation d’une ordonnance qui n’existe
déjà plus.
Enfin, comme déjà énoncé, ces ordonnances de police sont soumises au même régime
« commun » que les ordonnances de police du conseil :
-
elle ne peut pas être contraire aux lois, décrets, ordonnances, etc. (art. 119 NLC) ;
elle doit être transmise à l’autorité de tutelle, au greffe du tribunal de police et à celui du
tribunal de 1ère instance (art. 119 NLC) ;
elle peut prévoir les sanctions pénales ou les sanctions administratives visées à l’article
119bis, §§ 1er et 2, NLC ;
elle doit être publiée par les modes visés à l’article 112 NLC ;
etc.
Un arrêt mettant en lumière la motivation d’une ordonnance de police :
CE, arrêt n° 81.479 du 30 juin 1999, Denudt c/ bourgmestre et commune de Tubize (annulation)
Les faits :
-
-
-
Certaines personnes pratiquent la chasse à l’arme à feu aux alentours d’un lotissement, ce qui
pousse le comité des habitants du lotissement (en octobre 1995) à demander aux autorités
communales de mettre fin à cette pratique ;
Un rapport de police indique qu’aucun délit de chasse n’a été constaté, et que les pratiques ne
représentent en elles-mêmes aucun danger ; simplement, lors de tirs en l’air, il y a des
retombées de plomb sur les toitures voisines, mais sans danger ;
Bien qu’aucun incident n’ait été constaté ni même dénoncé par le comité des habitants (qui se
plaignent cependant une nouvelle fois), le bourgmestre adopte en octobre 1996 une
ordonnance de police interdisant d’utiliser des armes à feu à moins de 300 m. des
habitations ; cette ordonnance sera « ratifiée » (en fait confirmée) par le conseil communal du
18 décembre 1996.
La mesure contestée : ordonnance de police du bourgmestre du 24 octobre 1996 relative à l’usage
d’armes à feu sur le territoire de la Commune (basée sur NLC 134).
Griefs : (entre autres) violation de l’article 134 NLC. « La compétence accordée au bourgmestre par
l’article 134 de la Nouvelle loi communale ne doit s’exercer qu’en cas d’émeutes, d’attroupements
hostiles, d’atteintes graves portées à la paix publique ou d’autres événements imprévus ;
l’interdiction générale et sans limitation de temps d’utiliser toute arme à feu à moins de 300 mètres
des habitations n’est, en l’espèce, raisonnablement justifiée par aucune circonstance exceptionnelle
suffisamment grave ; […] la disposition visée au moyen fait de l’urgence une condition distincte de
l’existence de circonstances exceptionnelles, [or on] recherche[…] en vain l’urgence de la
situation ».
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Réplique du bourgmestre : le sport de la chasse tel que pratiqué par les requérants, à proximité des
habitations, est dangereux et fait courir un danger à la population. Comme la période était celle de
l’ouverture de la chasse, il ne fallait pas attendre et adopter d’emblée l’ordonnance de police.
Position du Conseil d’État : la compétence du bourgmestre d’adopter des ordonnances de police est
dérogatoire au droit commun et ne peut s’exercer que dans les conditions – limitatives et
d’interprétation stricte – de l’article 134 NLC ; en l’occurrence, cela faisait plus d’un an que le comité
des habitants se plaignait, de telle sorte que « le problème de la pratique de la chasse à proximité du
lotissement des Bruyères n’était ni nouveau, ni soudain, ni imprévu [et] l’ouverture de la chasse ne
pouvait davantage constituer un événement soudain et imprévu de nature à justifier l’urgence
invoquée ».
Conséquence : annulation de l’ordonnance.
3. Le collège des bourgmestre et échevins
A. Le collège peut faire des ordonnances de police
Selon le nouvel article 130bis dans la Nouvelle loi communale, « Le collège des bourgmestre
et échevins est compétent pour les ordonnances de police temporaires relatives à la circulation
routière », à l’exclusion désormais du conseil communal (article 119, alinéa 1er, de la Nouvelle loi
communale).
La loi opère donc un glissement de compétence entre le conseil communal et le collège des
bourgmestre et échevins en matière d’ordonnances de police temporaires de circulation routière.
Il faut se rappeler que les règlements complémentaires relatifs aux voies publiques ne peuvent
être adoptés que pour régler des situations permanentes ou périodiques (article 10 des lois coordonnées
sur la police de la circulation routière et article 135, § 2, alinéa 2, 1°, de la Nouvelle loi communale).
Lorsque la situation à régler n’est ni permanente, ni périodique, elle ne peut pas faire l’objet d’un
règlement complémentaire mais d’une ordonnance de police.
Il suffit d’un exemple pour illustrer ce type de situation : la journée sans voitures, événement
qui n’est par excellence ni permanent ni périodique, à l’occasion duquel la circulation routière est
réglementée par une ordonnance de police.
Un autre type de situation peut cependant commander l’adoption d’une ordonnance de police
temporaire : les ordonnances de police « à l’essai », lorsque l’autorité communale entend instaurer une
réglementation de la circulation routière permanente mais souhaite au préalable tester ce projet par une
mesure temporaire ; les résultats des observations dicteront, le cas échéant, la confirmation ou une
modification de la réglementation en vue de l’adoption d’un règlement complémentaire (ou l’abandon
du projet, bien entendu). Comme la situation visée est par nature temporaire, puisque ni permanente
( !) ni périodique, ce n’est pas un règlement complémentaire qui doit être adopté par la commune mais
une ordonnance de police60. Bien sûr, à la fin de la période d’essai, c’est un règlement complémentaire
qui devra être adopté puisque la situation à régler deviendra permanente ou périodique.
60
En ce sens : P. GOFFAUX, « La réglementation à l’essai de la circulation routière : réflexions à propos d’une
question parlementaire », in Mouv. Comm., 4/1993, pp. 209-212, Inforum n° 59.120, et N. FRASELLE et S.
SMOOS, « Les compétences des communes en matière de circulation routière », in Mouv. Comm., 5/2005, pp.
240-245, Inforum n° 203.444.
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Il y a cependant un problème. Les événements justifiant l’adoption d’une réglementation
temporaire ont généralement une durée très courte (deux ou trois jours tout au plus) et ce n’est parfois
que très peu de temps avant leur tenue que les autorités communales en ont connaissance61. Or le
passage par le conseil communal est parfois très lent, au point que l’événement justifiant l’adoption de
l’ordonnance doive être reporté ou annulé ; et l’adoption d’une ordonnance de police du bourgmestre
est rarement justifiée légalement. D’où la nécessité de créer une procédure plus rapide.
C’était donc l’intérêt majeur de prévoir un mode rapide et souple d’adoption d’ordonnance de
police. Or…
… or le nouvel article 130bis de la Nouvelle loi communale ne permet pas au collège de
prévoir des sanctions en cas de violation de l’ordonnance de police. Et il n’est pas possible de
considérer que l’article 119bis de la Nouvelle loi communale s’applique « par défaut » aux
ordonnances adoptées par le collège des bourgmestre et échevins puisque cet article précise que ce
sont les ordonnances de police du conseil communal qui peuvent être assorties de sanctions.
Autrement dit, les ordonnances que le conseil communal a la compétence légale d’adopter. Et comme
le nouvel article 119, alinéa 1er, de la Nouvelle loi communale soustrait à la compétence du conseil les
ordonnances de police temporaires…
Certes, l’article 5 de l’arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la
police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique dispose que « Les usagers doivent se
conformer aux signaux lumineux de circulation, aux signaux routiers et aux marques routières,
lorsque ceux-ci sont réguliers en la forme, suffisamment visibles et placés conformément aux
prescriptions du présent règlement ». Cet article rend opposable aux usagers de la route la
signalisation « a priori » régulière, indépendamment de sa régularité réelle ; subordonner le caractère
obligatoire de la signalisation à un quelconque contrôle de régularité reviendrait à créer une véritable
anarchie sur les voies publiques, certains usagers risquant de ne respecter que telle ou telle
signalisation selon qu’ils doutent de leur régularité matérielle.
Mais quid lorsque la mesure décidée par le collège des bourgmestre et échevins ne peut pas
faire l’objet d’une matérialisation par signaux lumineux de circulation, signaux routiers ou marques
routières (article 5 de l’arrêté royal du 1er décembre 1975) ? C’est par exemple le cas des ordonnances
de police adoptées à l’occasion de la journée sans voitures en Région de Bruxelles-Capitale ; ces
ordonnances prévoient des mesures telles que l’interdiction de la circulation sur tout le territoire de la
commune, sauf certaines catégories de véhicules ou dérogation expresse accordée par l’autorité, et
l’interdiction pour les véhicules autorisés à circuler de dépasser la vitesse de 30 km/h. Ce genre de
mesures, pour être parfaitement légales, ne peuvent évidemment pas faire l’objet d’une signalisation
routière (laquelle devrait d’ailleurs être placée à chaque carrefour sur tout le territoire de la
commune !), ce qui exclut en cas d’infraction l’application des sanctions prévues par l’arrêté royal de
1975. Du fait de l’introduction de l’article 130bis dans la Nouvelle loi communale, dans sa rédaction
actuelle, les infractions aux ordonnances de police adoptées dans le cadre de la journée sans voiture ne
peuvent pas faire l’objet d’une quelconque sanction, ni celles du Code de la route en l’absence de
signaux lumineux, signaux routiers ou marques routières, ni celle de l’article 119bis de la Nouvelle loi
communale. La seule possibilité d’assurer une certaine effectivité à ces mesures est de passer par
l’injonction de l’agent qualifié (article 4 de l’arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement
général sur la police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique – Code de la Route),
qui pourrait donc par exemple enjoindre à un automobiliste ne disposant pas d’une autorisation de
s’arrêter, le refus d’obtempérer constituant une infraction punie pénalement par les lois coordonnées
relatives à la police de la circulation routière.
61
Par exemple parce que l’organisateur a tardé à introduire sa demande.
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B. Le collège adopte certains arrêtés de police
Une dernière base légale permettant à une autorité communale d’adopter un arrêté de police :
l’article 130, alinéa 1er, NLC.
« La police des spectacles appartient au collège des bourgmestre et échevins ; il peut, dans
des circonstances extraordinaires, interdire toute représentation pour assurer le maintien de la
tranquillité publique ».
Le législateur a préféré attribuer cette compétence d’exécution à un organe collégial plutôt
qu’au bourgmestre seul, estimant qu’une décision collective – et débattue – était préférable à une
décision individuelle dans la matière très sensible de la liberté d’expression.
La jurisprudence en la matière s’est à notre connaissance toujours montré extrêmement stricte
à l’égard des arrêtés du collège interdisant un spectacle. Nous ne citerons que les arrêts suivants :
-
CE, arrêt n° 44 du 9 mai 1949, S.A. « Universal Film » c/ ville de Courtrai
Le 8 mai 1948, le Collège des bourgmestre et échevins de la ville de Courtrai avait interdit la
projection du film « Le diable au corps », s’appuyant sur des « protestations reçues contre la
représentation de ce film », de « critiques ... unanimes à qualifier ce film, quoique d’une
valeur exceptionnelle au point de vue technique (sic), comme complètement immoral et de
nature, par l’audace de ses images et le cynisme de son dialogue, à exercer une influence
pernicieuse sur la jeunesse » et arguant de craintes, « suivant les renseignements reçus », de
« contre-manifestations et des désordres ». Par arrêt du 9 mai 1949, le Conseil d’Etat annule
l’arrêté du collège, en relevant notamment que, sur la base de l’article [130 NLC], la liberté
fondamentale des spectacles ne peut être limitée que « "dans des circonstances
extraordinaires" et seulement pour assurer le maintien de la tranquillité publique, que le motif
que "selon les renseignements reçus, des manifestations et des désordres sont à craindre"
n’implique pas que le maintien de la tranquillité publique ne puisse être assuré ; qu’en outre
l’interdiction visée à l’article 97 ne peut se justifier que "dans des circonstances
extraordinaires" ; que la décision attaquée ne fait pas mention de ces circonstances
extraordinaires ».
-
CE, arrêt n° 128544 du 25 février 2004, s.à.r.l. de droit français Bonnie Production et M’Bala
M’Bala Dieudonné c/ commune de Woluwe-Saint-Pierre
L’article 130 NLC n’autorise le collège des bourgmestre et échevins à interdire un spectacle
que lorsque des circonstances extraordinaires l’exigent, l’interdiction devant être, dans ce cas,
le seul moyen d’assurer le maintien de la tranquillité publique. Une telle interdiction,
dérogeant à la règle générale de la liberté d’opinion et d’expression, doit être d’application
restrictive.
-
CE, arrêt n° 38.018 du 31 octobre 1991, b.v.b.a. Sound and Vision, contre commune de Forest
La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses
opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de
l’usage de ces libertés. Les Belges ont le droit de s’assembler paisiblement et sans armes, en se
conformant aux lois qui peuvent régler l’exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à
une autorisation préalable. C’est ce que dit la Constitution. « Le pouvoir d’interdiction
accordé par l’article 130 de la nouvelle loi communale au collège des bourgmestre et
échevins doit être interprété de manière restrictive ; les circonstances invoquées par le collège
doivent être en rapport avec une menace concrète que le spectacle serait de nature à faire
surgir pour la tranquillité publique ; la simple éventualité de désordres n’implique pas que la
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tranquillité publique ne puisse être assurée autrement que par l’interdiction du spectacle. […]
Le motif déterminant de l’interdiction […] n’est toutefois pas étayé par l’énoncé de faits
précis qui se seraient passés dans ces pays ; à l’audience, la partie adverse n’a pu fournir
davantage d’explications ».
C. Le collège confirme certains arrêtés de police du bourgmestre
Comme nous l’avons vu plus haut, le collège des bourgmestre et échevins est amené, dans
trois circonstances, à intervenir en matière de police administrative, non pas à titre autonome, mais
pour confirmer des arrêtés adoptés par le bourgmestre : les arrêtés adoptés sur la base de l’article
134ter NLC, sur la base de l’article 134quater NLC ou sur la base de l’article 9bis de la loi du 24
février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes,
désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances
stupéfiantes et psychotropes.
Cette intervention du collège est une confirmation, et pas une ratification : elle a pour but de
« prolonger » la durée de vie de l’arrêté, et pas d’en confirmer la validité juridique.
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III.
LES CONTRAINTES PESANT SUR LA POLICE ADMINISTRATIVE
Règlements de police et arrêtés de police sont des actes administratifs, soumis aux principes
généraux du droit administratif. De plus, en tant que mise en œuvre d’une police administrative, ils
constituent des restrictions aux droits et libertés, ce qui justifie que leur adoption doive s’entourer de
garanties, tirées principalement du principe de proportionnalité.
1. La motivation
A. L’arrêté de police
L’arrêté du bourgmestre (idem pour l’arrêté de police du collège, en matière de police des
spectacles) étant un acte administratif unilatéral individuel, il doit faire l’objet d’une motivation
formelle au sens de l’article 1er de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes
administratifs.
Motiver une décision, « c’est l’expliquer, c’est exposer le raisonnement de droit et de fait, le
syllogisme qui lui sert de fondement »62 ; « c’est extérioriser dans son corps même ses prémisses
logiques, en droit comme en fait, c’est de la part de l’auteur de l’acte, faire apparaître à l’intention
des intéressés, la justification de la mise en œuvre de sa compétence en fonction d’une situation
déterminée »63.
Le raisonnement qui a poussé l’autorité à adopter un arrêté de police doit apparaître dans sa
totalité. Les motifs doivent figurer dans le corps même de l’acte car seuls les motifs qui y sont
exprimés peuvent être pris en considération à l’occasion d’un contrôle de fond. Singulièrement, si
l’acte se prévaut de l’urgence pour prescrire des mesures très lourdes (telles que l’évacuation voire la
démolition d’un immeuble) ou pour passer outre l’audition de la personne, elle devra démontrer de
manière claire la réalité de cette urgence.
La motivation doit être adéquate, c’est-à-dire claire et précise, par opposition aux formules
stéréotypées, creuses ou passe-partout64. Les motifs doivent être en rapport avec la décision
proprement dite puisqu’ils lui servent de soutènement, et suffisants compte tenu des matières, de
l’étendue du pouvoir d’appréciation du bourgmestre, ainsi que des circonstances de l’espèce65.
L’exigence d’une motivation adéquate signifie aussi que les motifs de fait (les considérations
circonstanciées qui servent de point de départ à la mesure) doivent correspondre aux motifs de droit (la
base légale). En d’autres termes, ce sont des considérations propres au maintien de l’ordre public qui
doivent servir de base à l’adoption d’un arrêté mettant en œuvre la police administrative générale.
Un arrêt soulignant une motivation inadéquate :
CE, arrêt n° 150.866 du 27 octobre 2005, Lambin c/ bourgmestre et commune de Theux
(annulation)
Les faits :
62
D. LAGASSE, « La loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs », in J.T.,
1991, p. 737.
63
M.-A. FLAMME, op. cit., n° 177
64
CE, arrêt n° 30487 du 24 juin 1988, Koval.
65
C.E. n° 58.443 du 1er mars 1996, Gilson et crts ; C.E. n° 60.816 du 8 juillet 1996, Mommaerts.
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-
-
-
Une explosion de gaz détruit ou ébranle en 1997 plusieurs immeubles, dont certains
appartenant au requérant ; s’ensuit une longue procédure au civil (responsabilité, assurance) ;
En février 2003, des chutes de pierre sont signalées le long des immeubles, à la suite de quoi
le bourgmestre lui demande de prendre les mesures conservatoires qui s’imposent, ce que le
requérant refuse de faire, vu la procédure judiciaire en cours et la nécessité de faire réaliser
une expertise dans le cadre dudit litige ;
Les faits se renouvellent en avril 2003 ; la police communale estime qu’un risque
d’effondrement n’est pas à écarter ;
Un expert désigné par le tribunal civil de Verviers indique que les immeubles ne présentent
aucun risque d’effondrement apparent ;
La commune demande et obtient l’administration provisoire des immeubles ; le juge de paix
constate de la visite d’experts qu’il existe des zones dangereuses susceptibles d’effondrement
et que le bâtiment, s’il reste dans son état, est à court terme irrécupérable et voué à la
démolition (décembre 2004) ;
Le 13 décembre 2004, un expert estime que des mesures urgentes doivent être prises pour
sécuriser le bâtiment et ses abords ; le même jour, le bourgmestre adopte un arrêté ordonnant
la destruction des immeubles.
La mesure contestée : l’arrêté du bourgmestre du 13 décembre 2004 ordonnant de réaliser
immédiatement les travaux visant à éliminer la dangerosité des lieux afin d’assurer la sécurité
publique.
Griefs : (entre autres) violation des articles 1 à 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation
formelle des actes administratifs. L’acte attaqué n’est pas motivé à suffisance de droit, dès lors qu’il
se borne à se référer au rapport du 13 décembre 2004 du directeur des services des travaux et à
préciser qu’il existe une menace pour la sécurité publique, sans plus.
Réplique du bourgmestre : le bourgmestre se base aussi sur l’avis de l’expert daté du 25 novembre
2004, selon lequel le bâtiment, s’il reste dans son état, est à court terme irrécupérable et voué à la
démolition.
Position du Conseil d’État : l’avis de l’expert judiciaire du 25 novembre 2004 est rendu dans le cadre
d’une police spéciale et non pas dans celui de la police administrative générale, d’une part, et est
rendu en termes trop généraux (non pas un risque d’effondrement général mais un risque à court
terme sans préciser ce que cela recouvre), d’autre part. En revanche, le rapport du 13 décembre 2004
indique qu’il conviendrait de consulter une entreprise spécialisée pouvant dépêcher sur place une
équipe avertie accompagnée d’un cadre pouvant justifier des références en stabilité et qui, donc, ne
propose pas la démolition même partielle. Il y a donc un problème d’adéquation dans la motivation
matérielle.
Conséquence : annulation de l’arrêté.
B. L’ordonnance de police
L’ordonnance de police n’est pas un acte administratif individuel mais à portée réglementaire ;
il n’est donc pas soumis à l’obligation de motivation formelle de la loi du 29 juillet 1991.
Mais c’est malgré tout un acte administratif, qui doit dès lors être motivé puisque les autorités
administratives ne peuvent pas agir de manière arbitraire ! Cette motivation, en droit et en fait, ne doit
pas se trouver dans l’acte lui-même (dans son préambule) mais doit faire partie du « dossier
administratif », c’est-à-dire l’ensemble de pièces, rapports, etc. qui précèdent l’adoption de
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l’ordonnance et qui permettent (le cas échéant au Conseil d’État) de comprendre les circonstances qui
ont incité l’administration à intervenir et le but (légal) que celle-ci a voulu poursuivre.
Même si, encore une fois, ce n’est pas obligatoire, il est recommandé de prévoir un préambule
aux ordonnances de police, dans lequel on indiquera sommairement la motivation matérielle et la base
légale de l’ordonnance.
2. L’audition préalable66
Dans le cadre de l’adoption d’un arrêté de police, on parle souvent de « respect de la
procédure contradictoire » ou des « droits de la défense ». En réalité, ces expressions ne devraient pas
être utilisées, parce qu’elles ont un sens et une portée bien particuliers en droit judiciaire ; or, nous
sommes ici en droit administratif. Le Conseil d’Etat s’est prononcé en ce sens à diverses reprises,
notamment en 2002 : « [L]e principe du respect des droits de la défense dont la violation est invoquée,
n’est pas applicable à l’adoption d’un arrêté de police pris sur le fondement de l’article 135 de la
nouvelle loi communale, de telle sorte que le moyen manque en droit en tant qu’il invoque la violation
de ce principe »67. Par exemple, dans le cadre d’une procédure débouchant sur un arrêté
d’inhabitabilité d’un logement pour cause d’insalubrité, le propriétaire ne doit pas être convoqué lors
de la visite des lieux, l’expertise ne doit pas être contradictoire, etc.68
Mais ça ne signifie pas que les arrêtés de police peuvent être adoptés de manière purement
unilatérale : en effet, l’autorité administrative doit respecter le principe audi alteram partem, ou
d’audition préalable, qui est un principe de bonne administration. Il implique que « l’autorité publique
doit avertir l’intéressé de la mesure qu’elle s’apprête à adopter et des motifs de celle-ci, et lui donner
la possibilité de faire valoir ses arguments sur ces deux points »69.
Attention, l’urgence est parfois telle que le respect du principe audi alteram partem se réduira
à sa plus simple expression ; comme il s’agit d’un principe de bonne administration et non d’une
formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, il peut être passé outre s’il est suffisamment
démontré dans l’arrêté de police que les circonstances de fait le commandaient : « [d]es circonstances
particulières, par exemple en cas de nécessité urgente, peuvent autoriser l’autorité à prendre la
mesure sans entendre la partie intéressée »70. Dans ce cas, on n’omettra pas d’invoquer explicitement
l’urgence impérieuse dans l’arrêté de police et de la motiver concrètement71.
Mais l’urgence, pour être valablement invoquée, doit être confirmée par le dossier, à défaut de
quoi elle devient une simple figure de style.
Un arrêt mettant en lumière une urgence fallacieusement invoquée :
CE, arrêt n° 118.218 du 10 avril 2003, Aksoy c/ bourgmestre et ville de Liège (suspension)
66
F. LAMBOTTE, M. MULLER, V. RAMELOT, loc. cit., pp. 58-94.
C.E. n° 107.825 du 13 juin 2002, Mathieu et crts.
68
B. JADOT et M. QUINTIN, loc. cit., p. 90.
69
C.E. n° 100.705 du 9 novembre 2001, Kocyigit.
70
C.E. n° 25.373 du 29 mai 1985, Omloop, cité par M. HERBIET et G. CUSTERS, op. cit., p. II.73. Voyez aussi
C.E. n° 116.901 du 11 mars 2003, Dessoy : « Considérant (…) que l’arrêté qui déclare un immeuble insalubre
et en ordonne la démolition est à l’évidence une mesure grave ; que lorsqu’une telle mesure est envisagée, il
s’impose, en application de l’adage "audi alteram partem", d’une part, de soumettre aux intéressés tous les
éléments sur lesquels l’autorité compte fonder son appréciation et, d’autre part, de leur fournir l’occasion de
défendre leur point de vue ; qu’il n’en va notamment autrement qu’en cas d’urgence dûment motivée dans l’acte
(…) ».
71
C.E. n° 110.541 du 20 septembre 2002, B.B.I.C. ; C.E. n° 118.218 du 10 avril 2003, Aksoy.
67
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Les faits :
-
Le requérant exploite un débit de boissons ;
La clientèle engendre des troubles à la tranquillité et à la sécurité publiques ;
La police demande une fermeture pour trois mois ;
Il y a apparemment trafic de drogue et consommation de stupéfiants devant l’établissement ;
la consommation de drogue (cannabis) dans l’établissement est fortement présumée.
La mesure contestée : l’arrêté de fermeture totale pendant trois mois de l’établissement, vu les articles
135, § 2, et 134quater, NLC ; arrêté confirmé par le collège.
Griefs : violation de l’adage « audi alteram partem ». L’exploitant n’a pas été entendu.
Position du Conseil d’État : « l’autorité avait l’obligation de donner [au requérant] la faculté de
s’expliquer tant sur les faits reprochés que sur la mesure envisagée ; [considérant] qu’à défaut de ce
faire, on ne peut considérer que la décision attaquée a été prise en toute connaissance de cause ; que,
si l’urgence est invoquée en termes généraux, elle ne paraît pas avoir été telle que l’autorité ne
disposait pas du moindre délai pour permettre au requérant de s’expliquer ; qu’elle est en outre
démentie par le délai écoulé entre le rapport de police du 11 février 2003 et la date de l’acte
attaqué ».
Conséquence : suspension de l’arrêté.
Le principe « audi alteram partem » n’a pas simplement pour but d’éclairer l’autorité mais
également de permettre à l’administré de faire valoir ses observations et ses droits ; il ne s’agit donc
pas d’une faculté résidant entre les mains du bourgmestre mais d’une obligation à laquelle il n’échappe
que dans des circonstances précises.
Un arrêt soulignant l’utilité bilatérale de l’audition :
CE, arrêt n° 93.427 du 21 février 2001, Hoyois c/ bourgmestre et commune de Quaregnon
(annulation)
Les faits :
-
Le requérant exploite un établissement commercial ;
Les autorités recueillent les doléances des riverains de l’établissement.
La mesure contestée : l’arrêté du bourgmestre ordonnant la fermeture de l’établissement entre 23h00
et 6h00, motivé par les articles 133, al. 2, 135, § 2, et 134ter, NLC.
Griefs : violation de l’adage audi alteram partem. La décision de fermeture a été adoptée sans qu’il
ait été entendu, alors qu’en vertu de ce principe, cette audition s’imposait puisque cette mesure
entravait l’exploitation de son commerce et étaient de nature à lui causer un préjudice important.
Réplique du bourgmestre : « les parties adverses […] soutiennent que ce principe souffre exception
lorsque l’autorité établit qu’elle a pu s’estimer suffisamment informée et considérer que les
explications qui auraient pu lui être fournies n’auraient pas été de nature à l’éclairer davantage ;
qu’elle plaide que tel est le cas en l’espèce, car le commerce visé est un commerce automatique de
sorte que, non présent sur les lieux, le requérant n’aurait pu connaître les inconvénients dont se
plaignaient les riverains, ni partant éclairer l’autorité ; que selon elles, en outre, ces plaintes ainsi
que le rapport en possession du bourgmestre avaient suffisamment éclairé ce dernier ».
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Position du Conseil d’État : l’audition se justifiait matériellement parce qu’il fallait s’assurer de la
réalité et de la gravité des faits faisant l’objet des plaintes formulées par les riverains, et formellement
parce que cela découle tant de l’observation de l’adage audi alteram partem (sauf urgence, non
démontrée dans la présente) que du prescrit de l’article 134ter NLC, sur lequel le bourgmestre se
fonde.
Conséquence : annulation de l’arrêté
Comme le principe audi alteram partem n’est pas une formalité substantielle ou prévue à
peine de nullité, la manière dont il est mis en œuvre n’est pas soumise non plus à des formalités
particulières ; l’essentiel, c’est que la partie puisse être entendue sur la décision projetée et ses motifs,
et exposer ses objections. Il n’est pas absolument requis que cela se fasse en personne, ni par écrit.
Un arrêt relatif aux formes de mise en œuvre de cet adage :
CE, arrêt n° 162.080 du 29 août 2006, s.a. CZH Invest c/ bourgmestre et commune de Fosses-laVille (suspension)
Les faits :
-
Le requérant exploite une vidéothèque fréquentée par des jeunes, qui perturbent la quiétude
du quartier ;
Le bourgmestre adopte un arrêté de police interdisant les rassemblements nocturnes de plus
de trois personnes et la consommation d’alcool sur la voie publique ;
Suite à quoi surviennent des faits de tapage nocturne et de consommation éthylique, un
rassemblement non autorisé, un vol à l’étalage de la vidéothèque et une arrestation
administrative.
La mesure contestée : l’arrêté du bourgmestre ordonnant la fermeture pendant un mois d’une
vidéothèque, motivé par 134quater NLC.
Griefs : (entre autres) violation du principe général de droit audi alteram partem.
Réplique du bourgmestre : « la partie adverse fait observer que ce moyen procède d’une confusion
entre les articles 134ter et 134quater de la Nouvelle loi communale ; elle relève que l’article 134ter
prévoit explicitement l’exigence d’audition préalable alors que l’article 134quater, relatif à une
hypothèse très voisine ne la prévoit pas ; elle déduit de la comparaison des deux textes que l’audition
n’est pas requise en cas d’application de l’article 134quater ».
Position du Conseil d’État : l’arrêté du bourgmestre a été adopté sans que le requérant, qui risque de
souffrir des conséquences de cet arrêté, ait été entendu, ce qui constitue une violation d’un principe
général de droit. Ce n’est pas, par ailleurs, parce que l’article 134quater NLC ne prévoit pas
expressément cette audition, au contraire de l’article 134ter, que ladite audition n’est pas requise.
« Considérant qu’il n’apparaît pas que la rédaction — peu heureuse — de l’article 134quater
procède de la volonté du législateur d’écarter la règle jurisprudentielle bien établie selon laquelle
avant de prendre une mesure grave à l’encontre d’un administré en raison du comportement de celuici, l’autorité doit lui permettre de faire valoir utilement ses moyens de défense ». MAIS le
bourgmestre et l’administrateur de la société se sont entretenus par téléphone de la décision projetée
par l’édile, bien que cela n’ait pas fait l’objet d’un écrit. « Même s’il eût été souhaitable que cette
audition fût consignée dans un écrit qui eût clairement établi que la requérante avait été dûment
avisée de ce qui se préparait et qu’elle avait été en mesure de faire connaître ses observations à cet
égard, il apparaît, dans les circonstances de l’espèce, et particulièrement eu égard aux faits que
l’affaire se passe dans une petite commune et que l’administrateur de la requérante et les autorités
communales ont été en rapport à diverses reprises, que l’entretien téléphonique en cause peut
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valablement avoir tenu lieu d’audition ».
Conséquence : rejet de la demande de suspension.
3. Le principe de proportionnalité
La compétence du bourgmestre est discrétionnaire, mais son arrêté de police risque de passer
pour illégal s’il procède d’un choix manifestement déraisonnable, manifestement erroné ou hors de
toute proportion par rapport aux faits72.
Un arrêt relatif à une ordonnance de police sans rapport de proportion avec les faits dénoncés :
CE, arrêt n° 157.850 du 21 avril 2006, sprl La démarche c/ ville de Thuin (annulation)
Les faits :
-
Des actes de délinquance de plus en plus nombreux dont commis de nuit, entre autres par des
jeunes ;
En conséquence, le conseil adopte une ordonnance de police limitant les heures d’ouverture
des établissements HORECA.
La mesure contestée : l’ordonnance de police du conseil communal imposant des heures de fermeture
aux débits de boissons.
Griefs : (entre autres) violation du principe général de proportionnalité en ce que le règlement ne
prévoit aucune limitation dans le temps ni géographique.
Réponse de la ville : il n’y a pas de limitation pour éviter le déplacement des problèmes aux endroits
plus calmes, d’une part, et « un vide dans le temps laissant craindre des débordements inadéquats »
(sic).
Position du Conseil d’État : on ne voit pas en quoi les faits d’insécurité mentionnés dans le préambule
de l’ordonnance de police permettent de justifier une mesure aussi grave, surtout vu les carences du
dossier administratif. « [Ces carences] ont pour conséquence d’empêcher le Conseil d’État de
vérifier si la fixation par voie réglementaire, pour l’ensemble du territoire de la commune, d’une
heure de fermeture des débits de boissons, tels que définis de manière très large à l’article 1er de
l’ordonnance attaquée, peut trouver un appui adéquat et suffisant dans des incidents en relation avec
l’exploitation nocturne des débits de boissons ; l’autre motif invoqué dans le préambule, étant, pour
rappel, que les communes voisines imposent des horaires de fermeture aux débits de boissons et que,
ne pas adopter pareil dispositif, risque de voir ces clients rejoindre Thuin, est, outre qu’il s’agit d’un
motif hypothétique, hors de toute proportion avec les faits qui sont censés motiver pareille
interdiction généralisée à défaut de constatation de circonstances exceptionnelles pouvant la
justifier ».
Conséquence : annulation de l’ordonnance.
72
Il en va évidemment de même pour le conseil communal ou le collège des bourgmestre et échevins qui
s’apprêtent à adopter une ordonnance ou un arrêté de police.
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Le caractère proportionné ou non de la mesure adoptée dépend entre autres de sa nature mais
aussi de sa portée, ce qui permet au juge d’apprécier si elle en rapport raisonnable avec les objectifs
qu’elle se fixe.
Un arrêt relatif à une mesure jugée proportionnelle (vu son caractère limité) :
CE, arrêt n° 140.008 du 2 février 2005, Fourdin c/ ville de Mouscron (suspension)
Les faits :
-
Il y aurait des problèmes de sécurité causés par des individus, éventuellement en bande, ou
sous l’influence de l’alcool, nécessitant l’intervention en nombre des forces de police ;
Le conseil communal ordonne donc la fermeture entre minuit et 5h00 du matin des lieux
accessibles au public en vue du divertissement, de la consommation ou vente de denrées
alimentaires, de la consommation ou vente de boissons alcoolisées, situés place de la Justice,
rue du midi (tronçon entre la place de la Justice et la rue des Étudiants), rue Aloïs Den Reep
(tronçon entre la place de la Justice et la rue des Tanneurs), avenue Louis Desprets et rue du
Beau-Chêne ; lesdits établissements devront être fermés quotidiennement, pour une durée
d’un mois.
La mesure contestée : l’ordonnance de police de la ville de Mouscron du 24 janvier 2005 ordonnant la
fermeture temporaire (pour une durée d’un mois) de certains lieux accessibles au public entre minuit
et 5 heures du matin.
Griefs : (entre autres) violation du principe de proportionnalité. L’ordonnance est sans proportion
avec les nécessités du maintien de l’ordre public, surtout si l’on connaît les diverses possibilités dont
disposent les autorités de police pour mettre en œuvre ces missions.
Position du Conseil d’État : on ne peut nier qu’il y a des problèmes de sécurité (et, en tout cas, le
requérant ne le nie pas) et que la mesure attaquée est de nature à résoudre ces problèmes ; et vu
qu’elle est à la fois limitée dans l’espace et dans le temps, « elle ne paraît pas non plus manifestement
hors de proportion avec les troubles auxquels elle tend à porter remède ».
Conséquence : rejet de la demande de suspension.
Le caractère proportionné ou non de la mesure adoptée dépend également des faits de la cause
et de l’attitude de la personne qui en fait l’objet. Même en excluant la notion pénale de « récidive »,
les antécédents de l’affaire peuvent éclairer d’un jour particulier le caractère raisonnable de la mesure
et le rapport qui la lie aux objectifs qu’elle se fixe.
Une mesure jugée proportionnelle (vu les antécédents) :
CE, arrêt n° n° 162.080 du 29 août 2006, s.a. CZH Invest c/ bourgmestre et commune de Fossesla-Ville (suspension)
Les faits :
-
Le requérant exploite une vidéothèque fréquentée par des jeunes, qui perturbent la quiétude
du quartier ;
Le bourgmestre adopte un arrêté de police interdisant les rassemblements nocturnes de plus
de trois personnes et la consommation d’alcool sur la voie publique ;
Suite à quoi surviennent des faits de tapage nocturne et de consommation éthylique, un
rassemblement non autorisé, un vol à l’étalage de la vidéothèque et une arrestation
administrative.
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La mesure contestée : l’arrêté du bourgmestre ordonnant la fermeture pendant un mois d’une
vidéothèque, motivé par l’article 134quater NLC.
Griefs : (entre autres) violation du principe général de droit administratif de bonne administration et
de proportionnalité. La mesure n’est pas adaptée à la gravité des faits allégués ; bon nombre d’autres
mesures auraient pu être adoptées, qui auraient atteint le même résultat tout en étant moins
pénalisantes.
Position du Conseil d’État : justement, il y a déjà eu d’autres mesures, qui n’ont rien donné ; et si de
nouvelles mesures peuvent encore être envisagées (le placement de caméras de surveillance, par
exemple), elles ne s’indiquent pas vu leur coût et le manque de temps pour les mettre en œuvre ;
donc, « la décision de fermeture de l’établissement dans lequel se situe l’origine des troubles
constatés n’apparaît pas comme une mesure disproportionnée à l’objectif qu’elle poursuit ».
Conséquence : moyen rejeté car pas sérieux (et demande de suspension rejetée).
L’exigence du principe de proportionnalité trouve une application particulière dans le cadre de
la conformité du règlement avec une norme supérieure (cf. infra).
4. Le respect de la hiérarchie des normes
Les règlements et arrêtés de police doivent bien évidemment respecter les normes qui leur sont
supérieures : les lois, décrets, ordonnances, et bien entendu la Constitution. Cela signifie entre autres
que le conseil communal ne peut pas adopter une ordonnance de police pour réglementer une matière
qui fait déjà l’objet d’une norme supérieure (exemple : les dépôts clandestins, le tapage nocturne,…). –
cf. l’article 119bis, § 1er, NLC. Cela signifie aussi que les atteintes aux droits et libertés garanties par
la loi73 ne peuvent se justifier que si elles sont proportionnées aux objectifs à atteindre et ne sont pas
raisonnablement exagérées.
Un exemple entre cent : le respect par le règlement communal du décret d’Allarde74. Ce décret
a valeur légale ; il ne peut donc y être dérogé que par une norme de même niveau (ex. : les dispositions
décrétales ou d’ordonnance relatives aux permis d’urbanisme ou d’environnement). Une norme de
niveau inférieur (en l’occurrence, le règlement communal) ne peut y déroger que si elle trouve son
fondement dans une norme légale (en l’occurrence, l’article 135, § 2, NLC), et respecte le rapport de
proportionnalité.
La jurisprudence du Conseil d’État fourmille d’arrêts relatifs à une violation, prétendue ou
avérée, de ce fameux décret par des règlements communaux. La juridiction administrative se montrer
plutôt sévère à l’égard des communes (au contraire de la Cour de cassation, plus favorable au niveau
local). Elle ne dénie pas aux communes le droit d’adopter de tels ordonnances de police mais exige le
respect scrupuleux du principe de proportionnalité. Ce sont souvent des règlements fixant des heures
de fermeture aux commerces HORECA (ou autres commerces non soumis à la loi du 10 novembre
73
La police administrative, rappelons-le, permet de porter atteinte à ces droits et libertés.
Décret des 2-17 mars 1791 portant suppression de tous les droits d’aides, de toutes les maîtrises et jurandes, et
établissement des patentes, dit « décret d’Allarde ». « "À compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute
personne de faire tel négoce, ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon"; cette disposition
a force de loi; elle garantit le principe qu’un établissement commercial peut être créé et exploité en toute liberté,
ce qui implique que la personne concernée peut exercer ses activités avec les moyens et de la manière qu’elle
juge bons » (C.E., arrêt n° 83.940 du 7 décembre 1999, sprl Ramses c/ commune de Vilvorde).
74
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2006 relative aux heures d’ouverture dans le commerce, l’artisanat et les services : bureaux de tabac,
vidéothèques, etc.75) qui sont examinés.
Un arrêt relatif à une mesure jugée non proportionnelle :
CE, arrêt n° 58.690 du 20 mars 1996, Senvira et al. c/ commune d’Aubange (annulation)
Les faits :
-
-
Le conseil communal a adopté un règlement de police motivé par les considérations « qu’il y
a lieu d’éviter et de réprimer au besoin les atteintes à la tranquillité publique, les bruits et
attroupements nocturnes qui troublent le repos des habitants » et « que le bon ordre doit être
maintenu dans les lieux de divertissements publics et les débits de boissons » ;
Ce règlement fixe une heure de fermeture pour toute une série d’établissements, sauf
quelques exceptions ;
Il fixe aussi l’obligation d’une déclaration préalable pour toutes « parties de danse et toutes
autres manifestations ».
La mesure contestée : l’ordonnance de police du conseil communal sur les débits de boissons et les
lieux de divertissements publics du 24 juillet 2005.
Griefs : (entre autres) violation du principe de la liberté de commerce et d’industrie. « Le règlement
attaqué prévoit une obligation générale, collective et permanente de fermeture des débits de boissons
à partir d’une heure du matin jusqu’à six heures, obligation renforcée par les mesures visées à
l’article 7, alors qu’aucune disposition légale ne permet au conseil communal de porter atteinte, par
une mesure préventive, générale et permanente, à la liberté de commerce des exploitants de débits de
boissons ».
Position du Conseil d’État : certes le conseil et le bourgmestre disposent de moyens légaux pour
veiller au maintien de l’ordre, entre autres via des mesures préventives ; mais « cette disposition
légale ne leur permet pas d’imposer aux exploitants, en violation du principe de la liberté du
commerce et de l’industrie, une interdiction générale et permanente d’ouvrir leur établissement
pendant certaines heures de la nuit, sous la seule réserve de dérogations individuelles et précaires
laissées à l’entière discrétion de l’autorité de police ».
Conséquence : annulation du règlement (de la totalité bien que l’illégalité ne concerne sensu stricto
que trois articles car le règlement forme un ensemble indissociable).
La liberté de commerce et d’industrie n’est cependant pas absolue. Elle peut trouver ses
limites dans des motifs tirés de l’application de la loi et jugés proportionnels aux objectifs qu’elle se
fixe.
Un arrêt relatif à une mesure jugée non attentatoire à la liberté de commerce et d’industrie :
CE, arrêt n° 140.008 du 2 février 2005, Fourdin c/ ville de Mouscron (suspension)
Les faits :
-
75
Il y aurait des problèmes de sécurité causés par des individus, éventuellement en bande, ou
sous l’influence de l’alcool, nécessitant l’intervention en nombre des forces de police ;
Le conseil communal ordonne donc la fermeture entre minuit et 5h00 du matin des lieux
accessibles au public en vue du divertissement, de la consommation ou vente de denrées
Article 16, § 2, de la loi.
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alimentaires, de la consommation ou vente de boissons alcoolisées, situés place de la Justice,
rue du midi (tronçon entre la place de la Justice et la rue des Étudiants), rue Aloïs Den Reep
(tronçon entre la place de la Justice et la rue des Tanneurs), avenue Louis Desprets et rue du
Beau-Chêne, lesdits établissements devront être fermés quotidiennement, pour une durée
d’un mois.
La mesure contestée : l’ordonnance de police de la ville de Mouscron du 24 janvier 2005 ordonnant la
fermeture temporaire (pour une durée d’un mois) de certains lieux accessibles au public entre minuit
et 5 heures du matin.
Griefs : (entre autres) violation du principe de la liberté de commerce et d’industrie. Ce principe
implique « la faculté d’organiser un négoce avec les moyens et selon les méthodes de son choix,
notamment quant à l’heure d’ouverture ».
Position du Conseil d’État : certes, mais cette liberté n’est pas absolue et peut être limitée par une loi
ou un règlement pris en vertu d’une loi ; « considérant que l’article 135 de la nouvelle loi
communale, qui est visé au préambule du règlement attaqué, est une des lois de police qui peut
limiter la liberté du commerce et de l’industrie ».
Conséquence : rejet de la demande de suspension.
5. L’attribution des compétences
Les compétences réglementaires ou d’exécution de chacun de ces organes sont dites
« d’attribution », c’est-à-dire qu’elles sont attribuées légalement à chacun des organes et qu’elles ne
peuvent en aucun cas être exercées par un autre organe, sauf les cas prévus par la loi (art. 130bis ou
134 NLC). Toute immixtion d’un organe dans les compétences d’un autre organe est frappée de
nullité.
Un arrêt relatif à un arrêté ayant un caractère réglementaire :
CE, arrêt n° 134.369 du 23 août 2004, SA Siesa c/ bourgmestre et commune d’Uccle (suspension)
Les faits :
-
Une société de promotion immobilière construit des villas à appartements dans une propriété
située au fond d’une petite rue pavée, terminée en cul-de-sac ;
Les services de la commune se rendent compte que le charroi nécessité par le chantier cause
des dommages à la voirie (ornières, principalement) ;
Une solution est envisagée : le placement de plaques de métal soudées sur la voirie puis des
mesures destinées à amortir les nuisances sonores ;
Malgré cela, le bourgmestre adopte un arrêté interdisant le passage de toute véhicule de plus
de vingt tonnes à cet endroit, et ce jusqu’à la fin du chantier en cours.
La mesure contestée : l’arrêté de police du 28 juillet 2004 du bourgmestre interdisant le passage de
tout véhicule d’un tonnage supérieur à 20 tonnes, basé sur les art. 133 et 135, § 2, alinéa 2, NLC.
Griefs : (entre autres) violation des articles 119 et 135 NLC. Le bourgmestre ne disposait pas de la
compétence d’adopter une telle mesure, vu l’absence d’urgence.
Réplique du bourgmestre : « Le bourgmestre était parfaitement compétent pour adopter une mesure
de police à portée individuelle, trouvant cette compétence dans la combinaison des articles 133 et
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135 de la NLC ».
Position du Conseil d’État : le problème c’est que l’arrêté du bourgmestre contient une mesure à
portée non pas individuelle mais générale. « Considérant que la décision attaquée n’est, à l’évidence,
nullement une mesure à portée individuelle, mais bien une mesure à caractère réglementaire ; qu’elle
vise expressément "le passage de tout véhicule d’un tonnage supérieur à vingt tonnes", et nullement
comme l’a soutenu la Commune lors de l’audience, les seuls véhicules de la requérante ou de ses cocontractants, qui n’y sont pas désignés ». Même l’article 134 NLC n’aurait pas pu servir de
fondement (quand bien même il aurait été invoqué – quod non) puisque les conditions requises pour
en faire application ne sont pas réunies. « C’est donc au conseil communal qu’il appartenait,
conformément à l’article 119 de ladite loi, de prendre la décision querellée ».
Conséquence : suspension de l’arrêté.
Une mesure se présentant comme étant de pure exécution d’une disposition réglementaire
peut-elle être admise ? Comme souvent, ce sont les circonstances de la cause qui éclairent le juge sur
la portée réelle de la mesure et, partant, sur son caractère exécutoire ou réglementaire.
Un arrêt relatif à l’immixtion du collège dans le champ réglementaire :
CE, arrêt n° 164.923 du 17 novembre 2006, Sabadini et al. c/ ville de Bruxelles (annulation)
Les faits :
-
-
Le collège des bourgmestre et échevins de Bruxelles-Ville a décidé d’éliminer des rues de
l’« îlot sacré » les présentoirs à cartes postales et autres dispositifs de ce genre
(« tourniquets ») ;
Mme Sabatini exploite un magasin de souvenir dans le quartier et n’apprécie pas la décision !
La mesure contestée : la « décision » du collège des bourgmestre et échevins du 8 juin 2006
interdisant tout placement sur la voie publique de « tourniquets à cartes postales ».
Griefs : (entre autres) excès de pouvoir. La décision du collège a un caractère réglementaire, alors que
l’adoption de règlements de police n’entre pas dans les compétences du collège76.
Réplique du collège : le collège ne fait qu’exécuter le règlement de police de la ville de Bruxelles, qui
dispose en ses articles 37 et 42 que l’occupation de la voie publique à des fins privatives est interdite,
sauf autorisation délivrée par le collège. C’est d’ailleurs conforme à l’article 123, 2°, NLC (« Le
collège des bourgmestre et échevins est chargé […] de la publication et de l’exécution des
résolutions du conseil communal »). Et comme ladite NLC ne prévoit pas la manière dont le collège
doit s’acquitter de cette mission, il ne peut pas y avoir illégalité dans l’espèce.
Position du Conseil d’État : certes, mais exécuter les dispositions du RGP signifie répondre
individuellement et ponctuellement aux demandes ; ce qui n’est pas le cas dans la présente puisque,
vu sa formulation, « il revêt une portée tout à fait générale qui déborde le cercle des demandeurs
d’autorisation connus au moment où il a été adopté ; l’arrêté attaqué constitue sans aucun doute un
acte réglementaire » ; or, « dans les communes, le pouvoir réglementaire dans une matière relevant
de la police administrative générale relève du seul conseil communal, le collège des bourgmestre et
échevins n’étant compétent pour arrêter un tel règlement que moyennant une habilitation spéciale »,
tandis que « l’article 123, 2°, NLC […] ne confère pas au collège un pouvoir réglementaire pour
exécuter des normes arrêtées par le conseil communal ». Non seulement le collège n’avait pas
76
Sauf l’exception de l’article 130bis, indifférent à l’affaire et de toute façon n’existant pas encore à l’époque
des faits.
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compétence pour adopter un acte de portée générale et, partant, réglementaire, mais en plus « le
règlement général de police […] réserve la possibilité d’obtenir des autorisations individuelles de
police qui sont à délivrer par "l’autorité compétente", laquelle, en matière de police, n’est pas, en
principe, le collège des bourgmestre et échevins mais le bourgmestre en vertu de l’article 133, alinéa
2, de la nouvelle loi communale ; […] à défaut d’un texte l’y habilitant, le collège des bourgmestre et
échevins est manifestement incompétent pour adopter la norme attaquée ». Le moyen est fondé.
Conséquence : annulation de la décision.
Une autre conséquence de ce principe des compétences d’attribution tient au fait que les
compétences ne se délèguent pas ; qui peut le plus ne peut pas le moins ! Le conseil communal ne peut
pas confier au bourgmestre le soin d’adopter des ordonnances de police à sa place (ni « couvrir » a
posteriori un tel acte) ; il ne peut évidemment pas non plus exercer les compétences d’exécution à la
place du bourgmestre.
Un arrêt relatif à une délégation explicite :
CE, arrêt n° 99.059 du 24 septembre 2001, Delaunoit c/ bourgmestre et ville de Lessines
(annulation)
Les faits :
-
-
La requérante habite sur une place où sont régulièrement organisées des parties de jeu de
balle ;
Le bourgmestre adopte régulièrement des arrêtés de police interdisant la circulation et le
stationnement les jours où ces rencontres sont organisées ;
Le 22 janvier 2001, le conseil communal charge le bourgmestre d’adopter « en ses lieu et
place, les mesures de police requises en toutes circonstances, dans l’intérêt de l’ordre, de la
tranquillité publique, de la sûreté et de la commodité du passage dans les rues et places
publiques » ;
Le 8 avril 2001, le bourgmestre, en exécution de cette ordonnance de police, adopte un arrêté
réglementant la circulation et le stationnement des véhicules aux endroits et aux heures où
des parties de jeu de balles sont organisées.
La mesure contestée : l’arrêté du bourgmestre aménageant le stationnement, la signalisation et la
circulation des véhicules, basé sur l’article 133 de la Nouvelle loi communale.
Position du Conseil d’État : d’après les articles 117 et 119 (+ 119bis) NLC et 2 et 3 des lois
coordonnées relatives à la police de la circulation routière, c’est le conseil qui adopte les règlements
en matière de circulation routière, tandis que, selon les articles 133 NLC et 9 des lois coordonnées77,
le bourgmestre n’a qu’une compétence d’exécution, ponctuelle et individuelle. L’ordonnance du
conseil du 22 janvier 2001, en tant qu’elle opère une délégation portant sur l’ensemble des
compétences que la loi attribue au conseil, n’a pas de fondement légal puisqu’elle modifie les règles
légales de répartition des compétences ; elle est donc illégale, de même que l’est l’arrêté pris en
exécution.
77
L’organisation de et la participation à des épreuves ou compétitions sportives, disputées en totalité ou en partie
sur la voie publique, sont interdites, sauf autorisation préalable et écrite des bourgmestres des communes sur le
territoire desquelles ces épreuves ou compétitions ont lieu.
L’autorisation précisera, le cas échéant, les précautions à prendre et les conditions à observer, tant par les
organisateurs que par les participants, dans l’intérêt de la sécurité des personnes, de la circulation en général et
du déroulement normal de l’épreuve ou de la compétition.
Le Roi détermine les conditions auxquelles doivent être subordonnées certaines épreuves et compétitions et la
délivrance de l’autorisation; ces conditions portent notamment sur l’assurance de la responsabilité civile.
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Vincent Ramelot – janvier 2008
Conséquence : annulation de l’arrêté.
6. Le respect des polices
On a vu plus haut que le conseil communal ne peut normalement pas réglementer une matière
relevant d’une police spéciale.
Le bourgmestre, quant à lui, peut être amené à intervenir dans l’un ou l’autre cas, mais ne peut
pas faire de « panachage » : lorsqu’il exécute adopte une mesure de police, il doit rester dans la
logique de cette mesure de police (pour la motivation, l’auteur des rapports d’expertise, etc.).
Il ne peut pas non plus faire de « shopping », c’est-à-dire utiliser la mesure qui lui semble la
plus pratique pour faire face au trouble ; le raisonnement est inverse : il doit se demander quelle est la
nature du trouble et en conséquence utiliser l’instrument adapté.
Il arrive cependant que plusieurs instruments peuvent convenir, par exemple lorsqu’il y a un
cumul des polices. Exemple : des événements survenant dans un établissement troublent l’ordre public
dans et alentour de cet établissement. Autre exemple : l’établissement qui trouble l’ordre public n’est
pas en règle du point de vue des autorisations requises. Le problème se situe donc dans l’articulation
des trois dispositions de la NLC : 133/135, 134ter, 134quater NLC.
Deux arrêts relatifs aux relations entre les articles 134quater et 135, § 2, NLC :
CE, arrêt n° 82.188 du 6 septembre 1999, sprl Horex c/ ville d’Hasselt (suspension)
Les faits :
-
-
Un établissement HORECA est la source d’importantes atteintes à la tranquillité publique (la
musique qui y est jouée atteint un tel niveau sonore qu’elle est audible dans un rayon de 50
mètres ; de plus, portes et fenêtres restent ouvertes, facilitant la propagation du bruit) ;
Le bourgmestre, constatant les nombreux troubles à l’ordre public à l’intérieur et à l’extérieur
de l’établissement, adopte un arrêté et ordonnant la fermeture de l’établissement pour une
durée de trois mois.
La mesure contestée : l’arrêté de police du bourgmestre ordonnant la fermeture du café pour une
durée e trois mois, basé sur les articles 133, alinéa 2, et 135, § 2, NLC.
Griefs : erreur dans la base légale. Les mesures de fermeture doivent, depuis l’entrée en vigueur de
l’article 119bis NLC, être prononcées par le collège ou, en cas d’urgence, par le bourgmestre sur la
base de l’article 134ter NLC.
Réplique de la ville : il ne s’agit pas d’une sanction mais d’une mesure de police, trouvant son
fondement dans les articles 133, alinéa 2, et 135, § 2, NLC – mesure dont la légalité est reconnue
depuis longtemps par le Conseil d’État lui-même.
Position du Conseil d’État : l’art. 135, § 2, NLC, est en effet une base légale qui perme au
bourgmestre d’adopter un arrêté de police afin de prévenir ou de faire cesser un trouble de l’ordre
public, et d’imposer une mesure matérielle de contrainte. « Considérant toutefois que, compte tenu de
toutes les modifications apportées à la nouvelle loi communale par la loi du 13 mai 1999 relative aux
sanctions administratives dans les communes […], la question se pose de savoir si l’article 133,
alinéa 2, a encore effectivement [ce] champ d’application étendu ; […] Considérant que l’article
134quater apparaît comme un cas particulier et concret de maintien de l’ordre, dans lequel le
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pouvoir discrétionnaire du bourgmestre de fermer un établissement accessible au public se limite
formellement, en comparaison de la disposition générale de l'article 133, alinéa 2, à la fixation d’un
délai maximal de trois mois et est lié en outre à une confirmation immédiate du collège des
bourgmestre et échevins ; […] Considérant qu’il y a lieu de conclure de ce qui précède que le
bourgmestre est tenu de se conformer aux dispositions de l’article 134quater lorsqu’il estime en vertu
de son pouvoir discrétionnaire qu’une mesure de fermeture peut très bien remédier à des troubles de
l’ordre public, en ce compris toute forme de nuisances publiques survenues autour d’un
établissement accessible au public et occasionnées par des comportements dans l’établissement ;
que, contenant une règle plus stricte, cette disposition prévaut également sur la règle générale que le
bourgmestre peut éventuellement invoquer lorsque d’autres aspects liés à des troubles de l'ordre
public sont mentionnés dans le dossier » ;
Conséquence : suspension de l’arrêté.
CE, arrêt n° 82.276 du 16 septembre 1999, sprl Horex c/ ville d’Hasselt (suspension)
Les faits :
- Les troubles énoncés supra se prolongent après le premier arrêt de suspension du Conseil
d’État ;
- Le bourgmestre prend un deuxième arrêté, ordonnant à nouveau la fermeture de
l’établissement pour trois mois.
La mesure contestée : l’arrêté de police ordonnant la fermeture du café pour une durée de trois mois,
basé sur l’article 134quater NLC.
Griefs : violation du principe de proportionnalité. La mesure de police impose la mesure la plus
sévère", « alors que le principe de proportionnalité "veut que la mesure prise soit proportionnée au
but recherché" ; […] la décision du bourgmestre "laisse en quelque sorte penser que la mesure de
fermeture temporaire est la seule mesure raisonnable qui pouvait être prise" tandis que "dans le
cadre de l’attribution de compétence générale (article 133, alinéa 2, de la nouvelle loi communale),
le bourgmestre peut prendre d’autres mesures, moins radicales, pour assurer le maintien de l’ordre
public" ».
Réplique de la ville : « Dans l’arrêt n° 82.188 du 6 septembre 1999, le Conseil d’État a jugé que les
nuisances "qui se manifestent en l’espèce doivent s’inscrire dans la situation visée à l’article
134quater" et qu’en l’occurrence, le bourgmestre, qui dispose du "pouvoir discrétionnaire" de juger
si un ordre de fermeture est la meilleure manière de faire cesser la perturbation de l'ordre public, a
pris une mesure de fermeture justifiée par "les troubles de voisinage, persistants et durables, depuis
déjà plusieurs mois" ».
Position du Conseil d’État : Le bourgmestre se méprend sur la portée de l’arrêt n° 82.188 ; certes, le
Conseil d’État avait estimé que, dans ces circonstances, le bourgmestre devait fonder son arrêté de
fermeture sur l’article 134quater NLC ; cependant, « cela ne signifie pas que le bourgmestre,
confronté à de telles nuisances, ne dispose plus désormais que de la possibilité de fermer
l’établissement mais que, tout comme auparavant, la première mise en balance que le bourgmestre
est tenu d’effectuer après un examen minutieux des éléments concrets de l’affaire consiste à
déterminer la mesure de police la plus adéquate pour l’avenir pour rétablir l’ordre public dans ce
cas concret et par conséquent, [le bourgmestre] peut soit contraindre l’établissement, sur la base de
l’article 134quater, à la fermeture complète pour une période qu’il fixe, soit ordonner une mesure
moins grave sur la base de l’article 133, alinéa 2 ». En l’occurrence, d’autres mesures, telles que
l’interdiction de produire de la musique, l’occultation des fenêtres, l’imposition temporaire d’une
heure de fermeture, etc., auraient pu être adoptées, sur la base des articles 133 et 135 NLC, qui
auraient mis fin au trouble.
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Conséquence : suspension de l’arrêté.
Essayons de classer ces différentes bases d’intervention78 :
-
Soit il y a une activité non-conforme, sans plus : c’est l’article 134ter qui peut s’appliquer ;
Soit il y a activité non-conforme et un trouble à l’intérieur et le bourgmestre estime que la
seule mesure utile est la fermeture : il doit appliquer l’article 134ter ;
Soit il y a activité non-conforme et un trouble à l’intérieur mais le bourgmestre estime que la
fermeture n’est pas requise : les articles 133 et 135 suffisent ;
Soit il y a une activité régulière mais entraînant à l’extérieur des troubles de l’ordre public :
seul l’article 134quater peut être utilisé ;
Soit il y a un trouble de l’ordre public à l’intérieur et à l’extérieur et le bourgmestre estime que
la seule mesure utile est la fermeture : il doit appliquer l’article 134quater ;
Soit il y a un trouble de l’ordre public à l’intérieur et à l’extérieur mais le bourgmestre estime
que la fermeture n’est pas requise : les articles 133 et 135 suffisent ;
Soit il y a un trouble de l’ordre public à l’intérieur, sans plus : on appliquera les articles 133 et
135.
7. Le principe de loyauté
Le principe de loyauté se manifeste aussi dans le respect des formes et dans l’établissement de
la preuve des faits allégués. Même si on ne peut pas parler de respect du contradictoire (cf. supra), les
éléments sur lesquels se base le bourgmestre doivent avoir été collectés loyalement. Par exemple, il ne
peut utiliser des procès-verbaux établis dans le cadre d’une procédure judiciaire que s’ils ont été
communiqués dans le respect des règles légales.
Un arrêt portant sur les pièces servant de fondement à la motivation de l’autorité :
CE, arrêt n° 64.452 du 7 février 1997, Sicurella c/ bourgmestre et ville de Namur (suspension)
Les faits :
-
le requérant exploite un établissement HORECA dans lequel il a obtenu une autorisation de
diffuser de la musique ;
Divers problèmes de tranquillité publique sont constatés par la police (tapage nocturne), mais
uniquement sur la base d’une plainte – répétée – d’un couple de voisins.
La mesure contestée : l’« ordonnance » du bourgmestre du 24 janvier 1997 interdisant toute diffusion
de musique pour une durée d’un mois, motivée par 135, § 2, alinéa 2, NLC + divers articles du
règlement général de police.
Griefs : (entre autres) violation de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes
administratifs. L’acte critiqué se réfère, pour toute motivation, à deux rapports de police dont le
contenu est inconnu au requérant.
Position du Conseil d’État : « Considérant que le dossier administratif, au demeurant peu fourni,
contient un rapport de police du 23 décembre 1996 qui fait état de six procès-verbaux qui ne figurent
pas au dossier administratif, procès-verbaux qui semblent avoir été établis à des fins pénale ; que, de
78
Voir VAN HERCK P., « Bevoegdheid van de burgemeester om instellingen te sluiten na de inwerkingtreding
van de wet van 13 mei 1999 tot invoering van gemeentelijke administratieve sancties », in Binnenband, janvier
2000, 17, p. 27.
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toute façon, s’il s’agit de procès-verbaux établis à des fins judiciaires, ils ne pourraient fonder une
décision administrative sauf s’ils ont été communiqués au bourgmestre avec l’autorisation du
procureur général conformément à l’article 125 de l’arrêté royal du 28 décembre 1950 portant
règlement général sur les frais de justice en matière répressive79 ».
Conséquence : suspension de l’arrêté.
8. La communication de la mesure
Un acte administratif ne peut sortir ses effets que s’il est communiqué dans les formes
prévues.
Pour les ordonnances de police, la Nouvelle loi communale prévoit le mode de l’affichage aux
« valves » communales – publication non pas de toute l’ordonnance mais de son objet, son contenu, et
de l’endroit où elle peut être consultée (art. 112 NLC). L’ordonnance devient obligatoire le 5e jour qui
suit le jour de leur publication par la voie de l’affichage, sauf si elle en dispose autrement (art. 114
NLC).
L’arrêté de police connaît un autre mode de communication.
C’est la notification qui est le mode principal de communication de l’arrêté de police ; elle
rend l’acte opposable à ses destinataires, mais cela n’empêche pas le recours à d’autres modes, à la
place ou en complément de la notification – on pense singulièrement à l’affichage de l’arrêté.
L’affichage n’est obligatoire que dans les cas prévus par la loi. Cependant, s’il est impossible
de notifier individuellement l’arrêté, par exemple parce qu’il y a de trop nombreux destinataires, ou
parce que ses destinataires ne sont pas identifiables (les usagers d’une rue dont le bourgmestre compte
interdire l’accès,…), il convient d’afficher l’arrêté aux endroits les plus indiqués80. Ce n’est que parce
qu’il y a prise de connaissance effective de la mesure par les citoyens que celle-ci leur est opposable.
L’affichage peut également s’imposer pour avertir de la mesure ses destinataires
« secondaires » (l’arrêté ayant par hypothèse été notifié à son destinataire principal). Exemple : un
arrêté prescrivant l’inaccessibilité d’un immeuble sera notifié à ses occupants et affiché sur la façade,
pour prévenir les tiers.
79
Aujourd’hui remplacé par l’article 96 de l’arrêté royal du 27 avril 2007 portant règlement général des frais de
justice en matière répressive, qui dispose : « En matière criminelle, correctionnelle et de police et en matière
disciplinaire, aucune expédition ou copie des actes d’instruction et de procédure ne peut être délivrée sans une
autorisation du juge d’instruction, du procureur du Roi, de l’auditeur du travail, du procureur fédéral ou du
procureur général près la cour d’appel en fonction de l’état de la procédure, sous réserve de l’application des
articles 28quinquies, § 2, et 57, § 2, du Code d’instruction criminelle. Il est délivré aux parties, sur leur
demande, expédition de la plainte, de la dénonciation, des ordonnances et des jugements sous réserve de
l’application des articles 28quinquies, § 2, et 57, § 2, du Code d’instruction criminelle.
Les frais de toutes ces expéditions ou copies sont à la charge des requérants, sous réserve de l’application des
articles 28quinquies, § 2, et 57, § 2, du Code d’instruction criminelle ».
80
Et pas – ou alors pas uniquement – aux valves communales !
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IV.
LA MEDIATION
1. La médiation administrative
L’article 119ter de la Nouvelle loi communale dispose que « Le conseil communal peut
prévoir une procédure de médiation dans le cadre des compétences attribuées par l’article 119bis.
Celle-ci est obligatoire au cas où elle se rapporte aux mineurs ayant atteint l’âge de 16 ans accomplis
aux moments des faits ». Le paragraphe 2 précise que la médiation « a pour seul objet de permettre à
l’auteur de l’infraction d’indemniser ou de réparer le dommage qu’il a provoqué ».
La procédure de médiation peut s’appliquer même si l’ordonnance de police prévoit des peines
de police et non pas des sanctions administratives ; or, dans cette hypothèse, les autorités communales
n’ont aucune prise sur la procédure, entièrement entre les mains du parquet. On voit mal dès lors
comment dans les faits cette médiation pourrait s’appliquer dans une procédure pénale81.
Pour les majeurs, la médiation est doublement facultative :
•
•
d’une part parce que le conseil communal peut décider d’instaurer une procédure de
médiation82 ;
d’autre part parce que la médiation peut être proposée par le fonctionnaire délégué ou par la
personne chargée de la médiation.
Pour les mineurs (de plus de seize ans), la règle est très différente. En effet, la médiation est
dans ce cas obligatoire83, ce qui signifie que le pouvoir d’appréciation du conseil et du fonctionnaire
délégué est nul.
Le but de la médiation est de réparer ou d’indemniser le dommage. Pour mémoire, « réparer le
dommage » signifie remettre les choses en état, effacer le dommage ; la réparation se fait en nature84.
« Indemniser le dommage » signifie donner un équivalent (la plupart du temps en argent) en
81
D’ailleurs, dans sa circulaire OOP 30bis, le Ministre de l’Intérieur, volontairement ou par inadvertance, ne
parle de cette procédure de médiation que dans le cadre des sanctions administratives – et en se focalisant sur
l’amende administrative. Les travaux parlementaires n’abordent cette procédure de médiation que dans le cadre
des poursuites administratives (Projet de loi modifiant la Nouvelle loi communale, Exposé des motifs, Doc. parl.,
Chambre, S.O. 2002-2003, n° 2366/001, pp. 7 et 10). L’ambiguïté du texte n’avait du reste pas échappé à
l’attention de la Sénatrice Mia De Schamphelaere, qui avait proposé un amendement n° 12 – malheureusement
rejeté sans autre explication – précisant que la procédure de médiation ne s’appliquerait que dans le cadre des
sanctions administratives (Projet de loi modifiant la Nouvelle loi communale, Doc. parl., Sénat, S.O. 2003/2004,
n° 3-431/3, p. 8). Un amendement n° 18, aboutissant au même résultat (et ayant subi le même sort), avait aussi
été déposé après l’approbation du rapport en Commission par le Sénateur Christian Brotcorne (Projet de loi
modifiant la Nouvelle loi communale, Doc. parl., Sénat, S.O. 2003-2004, n° 3-431/6, pp. 3-4).
82
Le Ministre de l’Intérieur indique dans la circulaire OOP 30bis que « les communes sont libres d’inclure les
étapes de la procédure dans leur règlement ». À notre sens, dès lors que la commune souhaite se lancer dans
l’expérience de la médiation administrative, sa « liberté » est relative : elle devrait logiquement en fixer le cadre
procédural dans son règlement d’administration intérieure, ne serait-ce que par commodité pour la personne
chargée d’organiser la médiation, mais également pour garantir autant que possible l’égalité de traitement des
personnes visées.
83
Ou plus exactement : il est impératif d’entamer une procédure de médiation mais, bien évidemment, celle-ci
peut échouer, pour diverses raisons. Toute autre interprétation rendrait l’article 119bis, § 2, alinéa 7, de la
Nouvelle loi communale vide de sens (« Les mineurs ayant atteint l’âge de seize ans accomplis au moment des
faits, même si cette personne est devenue majeure au moment du jugement des faits, peuvent faire l’objet de
l’amende administrative visée à l’alinéa 2, 1°. Toutefois, dans ce cas, le maximum est fixé à 125 euros »).
84
H. DE PAGE, « Traité élémentaire de droit civil belge », t 2, Bruxelles, Bruylant, 3e éd., 1964, p. 1067.
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contrepartie du dommage, par hypothèse non réparable85. La médiation apparaît donc comme une
manière d’associer à la cause le tiers, victime de l’acte poursuivi par la commune, afin de lui permettre
d’obtenir d’emblée une réparation sans devoir s’adresser aux tribunaux civils86. Il ne devrait donc pas
y avoir lieu de l’organiser lorsqu’il n’y a pas de victime87 – du moins lorsque l’auteur est majeur
puisque, s’il est mineur, la médiation est obligatoire.
Cela dit, d’aucuns se demandent s’il ne faudrait pas assigner un objectif plus ambitieux à la
procédure de médiation, qui verrait celle-ci remplir un rôle de resocialisation ou de pacification. Une
personne qui profère des insultes se verrait invitée à participer à une campagne de sensibilisation
organisée par la commune, à jouer un rôle de convivialité, etc. Une autre qui n’entretient pas
correctement son trottoir par temps de gel ou de neige devrait faire la circulation à la sortie des écoles,
propose un membre du Cabinet du Ministre de la Politique des grandes villes88. Nous nous demandons
cependant pour notre part comment concilier ces propositions avec le fait que la médiation ne peut pas
prendre la forme de travaux d’intérêt général89.
Sans doute un affinement de la législation est-il nécessaire pour apporter les réponses à ces
questions.
2. La médiation gracieuse
Même si ce n’est pas sa mission première, il est loisible à l’autorité administrative de proposer
ses services en vue d’arriver à une médiation entre parties. Le problème, c’est que cette offre ne
devrait pas prendre le pas sur l’intervention, le cas échéant obligatoire, de la commune : en cas de
trouble de l’ordre public, la commune a une obligation légale d’agir, et elle ne peut pas se décharger
de cette mission en organisant une médiation entre voisins. Cette médiation peut en revanche trouver
son sens si elle permet d’« arranger les choses » entre l’« auteur » et la « victime », parallèlement à
l’action du bourgmestre, ou si cela permet d’adopter une mesure de police plus douce.
Un arrêt illustrant les limites de la médiation gracieuse :
CE, arrêt n° 139.082 du 11 janvier 2005, Desplanques c/ commune et bourgmestre de Brunehaut
(suspension)
Les faits :
85
Bien que l’indemnisation puisse aussi se produire dans d’autres circonstances ; cf. H. DE PAGE, op. cit., pp.
1068-1070.
86
Notons que, si la victime choisit cependant la voie civile, il peut obtenir une copie du procès-verbal ou du
constat ainsi qu’une copie de la décision du fonctionnaire, pourvu qu’elle ait adressé au préalable à ce dernier
une demande écrite et motivée. Art. 119bis, § 10, alinéa 5, de la Nouvelle loi communale.
87
« Lorsque le fonctionnaire chargé de l’application de la sanction constate, le cas échéant, que la tentative de
médiation obligatoire est sans objet (en l’absence de personne lésée par exemple), il doit le mentionner dans le
rapport de la tentative de médiation qui doit être rédigé conformément au considérant 33 de la circulaire
00P30bis du ministre de l’Intérieur » (Q.P. n° 856 du 30 novembre 2005 de Bert SCHOOFS, Sanctions
administratives communales – Parquets de Tongres et de Hasselt, Q. et R., Chambre, 20 février 2006, S.O.
2005-206, pp. 20395-20396).
88
A-F. RIEZ, « La médiation dans le cadre de la loi sur les sanctions administratives », http://www.avcbvsgb.be, rubrique police, pp. 3-4.
89
Dans son avis sur l’avant-projet de loi, le Conseil d’État avait insisté pour que le Législateur précisât en quoi
la médiation devrait consister. À la remarque du délégué du ministre selon lequel l’intention n’était pas de
permettre que soient ordonnés des travaux d’intérêt général (ce que prévoit au contraire l’article 216ter du Code
d’instruction criminelle), le Conseil d’État répondit que cette précision devait figurer dans le texte, à la suite de
quoi l’alinéa 2 a été ajouté, qui dispose que la médiation a pour unique but de permettre à l’auteur de réparer ou
d’indemniser le dommage. Avant-projet de loi modifiant la Nouvelle loi communale, Exposé des motifs, Doc.
parl., Chambre, S.O. 2002-2003, n° 2366/001, p. 28.
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Vincent Ramelot – janvier 2008
-
Un propriétaire a aménagé sans permis d’urbanisme une annexe destinée originellement à
servir de buanderie et utilisée actuellement comme cuisine et salle de bain ;
Les fumées émanant du poêle à bois utilisé incommodent des voisins, qui portent plainte ;
La commune intervient d’abord comme médiatrice, puis le bourgmestre intervient comme
autorité de police pour faire cesser le trouble.
La mesure contestée : l’arrêté de police du bourgmestre ordonnant des mesures visant à restaurer la
salubrité et la tranquillité publique.
Griefs : (entre autres) violation du principe de confiance légitime. « Les principes d’égalité, de
cohérence et de continuité dans l’action de l’administration ainsi que le principe de confiance
légitime implique que la partie adverse ne peut s’écarter de sa ligne de conduite préalablement
établie que moyennant un changement radical des circonstances et des motivations […].
En l’espèce, force est de constater que la partie adverse a violé le principe de l’égalité et qu’il y a eu
un changement d’attitude de la part de l’administration qui revient par un arrêté de police sur son
rôle préalable de médiateur (entre deux voisins), sans aucune motivation.
Il est manifeste que la partie adverse a agi avec arbitraire et a trompé la légitime confiance que le
requérant avait en elle et a donc manqué de toute évidence au principe de bonne administration et
d’administration raisonnable ».
Position du Conseil d’État : certes, mais le requérant n’a lui-même réservé aucune suite à cette offre
de médiation ! « Considérant que le requérant a lui-même refusé de s’expliquer devant les autorités
communales et de répondre à une convocation qui lui était adressée, ainsi qu’il appert de sa lettre du
29 octobre 2004 ».
Conséquence : rejet de la demande de suspension.
Vincent Ramelot, Conseiller AVCB
Bruxelles, le 21 décembre 2007
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