Pouvoirs d`actions d`office du bourgmestre

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Pouvoirs d'actions d'office du bourgmestre
Février 2010
Dans le cadre de sa mission légale, découlant de l'article 135, par. 2 de la Nouvelle loi
communale, de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, et notamment
de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques, la commune a
le pouvoir de faire cesser de sa propre initiative les troubles à l'ordre public que laissent
subsister les personnes pourtant invitées à y mettre fin.
Toutefois, pour pouvoir agir d'office, l'autorité communale doit avoir préalablement
accompli certaines démarches. Ainsi, le bourgmestre, qui est l'autorité compétente pour
l'adoption d'un arrêté, devra d'abord constater les faits, ensuite prendre contact avec les
personnes concernées et enfin prendre son arrêté.
Examinons chacun de ces points.
1. Constatation
Le bourgmestre peut être averti des (risques de) troubles à l’ordre public de différentes
manières: soit un citoyen lui fait part, par exemple, de la présence d’un chien dangereux,
soit la police l’avertit des plaintes d’un citoyen concernant les bruits incessants dans sa
rue, ou encore les services d’incendie l’informent qu’un café ne semble pas répondre aux
normes, etc.
Avoir été averti du (risque de) trouble n'est évidemment pas suffisant pour que le
bourgmestre adopte un arrêté. En effet, il devra constater l'existence du danger et
l'étendue du (risque de) trouble.
Le bourgmestre peut procéder à cette constatation personnellement ou sur base d’un
rapport, par exemple, des services d’urbanisme, des services de police ou encore du
service d’incendie. Quand la technicité du trouble l’exige (par exemple, pour calculer la
stabilité d’un bâtiment lorsqu’il menace ruine), il est possible de faire appel à un expert
indépendant (dans le cas précité, un architecte ou ingénieur architecte) qui, outre le
constat, pourra proposer des solutions pour mettre fin au trouble (étançonner les murs par
exemple).
Un problème risque de survenir lorsqu’une visite domiciliaire s’impose. Cela peut être le
cas lorsque le bourgmestre a reçu le témoignage des voisins indiquant que telle maison
est infestée de rats et qu’elle semble également atteinte par la mérule. Dans ce cas, la
constatation du trouble ne pourra pas se faire à l’extérieur, il sera donc nécessaire de
pénétrer dans l’habitation pour effectuer la constatation. Si l’occupant des lieux accepte
cette visite, il n’y aura évidemment aucun problème. Mais il n’en sera pas de même
lorsqu’il refusera. Dans ce cas, se pose la question de la légalité d’une visite
domiciliaire sans consentement de l’occupant des lieux.
La réponse est controversée.
En fait, il faut tout d’abord rappeler que l’article 15 de la Constitution consacre que "le
domicile est inviolable; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas
prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit ", par ailleurs, l’article 148 du Code
pénal punit d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de vingt-six
francs à deux cents francs "tout fonctionnaire de l’ordre administratif qui, agissant en
cette qualité, se sera introduit dans le domicile d’un habitant contre le gré de celui-ci,
hors les cas prévus et sans les formalités prescrites par la loi". "Il semble donc qu'en
l'absence de consentement et hors les cas prévus par la loi, aucune visite domiciliaire
n’est possible." [1] [2]
Certains auteurs estiment qu’il n’est donc pas possible d’effectuer une visite domiciliaire
sans le consentement de l’occupant; néanmoins, ce n’est pas l’avis de tous les auteurs.
Ainsi, certains [3] considèrent que si le bourgmestre peut adopter des arrêtés de police
aux conséquences multiples, et ce même contre la volonté du propriétaire, il peut a
fortiori pénétrer dans l’immeuble sans recueillir le consentement de l’intéressé. Nous
partageons l’avis de ces auteurs; en effet, si cette possibilité était interdite, cela aurait
pour conséquence de rendre les pouvoirs de police du bourgmestre relatifs du fait qu’il
ne pourrait pas les exercer partout.
Par ailleurs, un avis du Conseil d’Etat [4] semble se rallier à cette seconde thèse, qui
rappelons-le est la nôtre. Ainsi, selon le Conseil d’Etat, le bourgmestre peut pénétrer
dans une habitation qu’il estime insalubre, même contre le gré de ses occupants, et cela
sur base de l’article 135, par. 2 NLC.
Le Conseil d’Etat énonce néanmoins trois limites à cette possibilité:
le bourgmestre ne pourra agir qu’après avoir été saisi de la question soit par un rapport de
police ou un rapport technique, soit par une plainte des occupants ou voisins;
le bourgmestre ne pourra visiter l’immeuble que pendant le jour;
il devra s’efforcer d’arriver à un accord avec l’occupant quant au jour et à l’heure de la
visite, et ce n’est qu’en cas de refus absolu de l’intéressé que le bourgmestre pourra fixer
unilatéralement la date et l’heure de l’inspection, en avertissant au préalable l’occupant.
On constate dès lors que les contacts doivent être pris avec l’occupant des lieux et non
avec le propriétaire. Par ailleurs, ces limites s’entendent hors cas d’extrême urgence.
Précisons que le bourgmestre peut visiter personnellement l’immeuble mais il n’est pas
obligé, il peut dès lors envoyer des services compétents.
Enfin, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que même si nous partageons cette
thèse, aucune jurisprudence claire n’existe à ce jour sur cette problématique. Dès lors, il
n’est pas possible d’affirmer qu’une visite domiciliaire "forcée" sur base du seul article
135 NLC sera approuvée par le juge.
Quoi qu’il en soit, lorsque les troubles ne concernent pas des "domiciles" aucune
formalité particulière ne devra être respectée. Le maintien de l’ordre public confère ainsi
une clef d’accès aux bourgmestres pour la visite d’immeubles non bâtis, d’immeubles
abandonnés, des communs d’immeubles à appartement multiples, etc.
2. Contact
Après le constat, si ce n’est déjà fait, contact doit être pris avec les personnes concernées
afin de leur permettre de faire valoir leur point de vue par rapport à la situation et de se
concerter sur les possibilités de mettre fin "à l’amiable" au trouble constaté. Si un
rapport circonstancié existe celui-ci devrait leur être communiqué. Cette obligation de
rapport circonstancié existe celui-ci devrait leur être communiqué. Cette obligation de
contacts préalables se comprend au regard du principe "audi alteram partem".
En cas d’impérieuse urgence cette procédure peut être omise.
En ce qui concerne le contact, celui-ci peut évidemment se faire de différentes manières
mais la plus sûre est l'envoi d'une lettre recommandée et d'une lettre simple. Ainsi,
même si la personne concernée ne va pas chercher son recommandé elle devrait
normalement avoir été avertie de sa possibilité d’être entendue.
3. Adoption de l'arrêté
Si les contacts préalables ne permettent pas de résoudre le problème, le bourgmestre
donne ordre à la personne concernée de prendre les mesures qu'il précise pour mettre fin
au trouble constaté, et ce dans un délai qu'il fixe eu égard aux circonstances de l'espèce.
Cet ordre doit être formalisé dans un arrêté de police dûment motivé en droit [5] et en
fait. Il est recommandé que le bourgmestre précise dans cet arrêté que si la situation
persiste à l'issue du délai accordé, il donnera ordre (aux ouvriers communaux, ou à une
entreprise désignée, ou encore à la police locale) d'exécuter les mesures prescrites, même
contre le gré de la personne concernée, et au besoin par la force.
Moyennant le respect de cette procédure, si l'intéressé persiste dans son refus d'agir, les
personnes préalablement investies de cette mission par le bourgmestre pourront se rendre
sur la propriété de la personne concernée, même contre son gré, pour exécuter l'ordre du
bourgmestre. L'habilitation du bourgmestre constitue donc un acte suffisant pour
légitimer cette visite forcée. Toutefois, afin d'éviter tout problème en cas de recours
éventuel, le bourgmestre prendra soin de prévenir préalablement l'intéressé, de
préférence par courrier recommandé, du jour et de l'heure de cette visite.
---------[Remonter] Th. Ceder,
Les pouvoirs de réquisition du bourgmestre, ordre public et réquisition: un triptyque
inconciliable?, Rev. Dr. Comm., 2006/9, p. 3 et s. >
[Remonter] Pour rappel, la notion de domicile se définit comme étant l'endroit où la personne
entend exercer les activités liées à sa sphère d'intimité; par exemple, la maison habitée, le kot,
la caravane aménagée en résidence, le garage attenant à la maison (Gand, 13.11.1961, R.W.,
1961-62, 797), le jardin clôturé attenant à la maison (cour mil., 31.1.1984, R.W., 1984-85,
550), etc.
[Remonter] Voy. notamment F. Haumont, B. Pâques et M. Scholasse, Les immeubles
délabrés. Mesures et contraintes juridiques et administratives, Bruxelles, Fondation Roi
Baudouin, 1986, p. 36; M. Muller et V. Ramelot, "La marge de manœuvre de la commune",
La lutte contre les logements insalubres à Bruxelles, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 67 et s.
[Remonter] C.E., 23.4.1970 (A.17.056/VL-6-523).
[Remonter] L'arrêté visera donc les articles 133, al. 2 et 135, par. 2 de la Nouvelle loi
communale.
Ce document, imprimé le 03-06-2017, provient du site de l'Union des Villes et Communes de Wallonie (www.uvcw.be).
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