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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2008
Si la baisse de la productivité de la R&D est de-
venue une antienne, son recul mérite d’être rela-
tivisé au regard des récents bouleversements du
processus de l’innovation. La mise à disposition
d’une quantité croissante de données génomiques s’est
traduite par une explosion des cibles thérapeutiques po-
tentielles. Parallement, les biotechnologies produisent
des candidats dotés de mécanismes d’action non seule-
ment idits mais aussi susceptibles, dans certains cas,
d’apporter des réponses dans plusieurs aires thérapeuti-
ques. Cest dans cet environnement en évolution rapide
que l’industrie pharmaceutique doit adapter ses straté-
gies de R&D afin d’entretenir sa capacité d’innovation
et trouver les successeurs de ses pépites menacées par les
pertes de brevets.
De la molécule à la société
Au rang des options choisies, figure une combinaison
d’outils mêlant transformation des systèmes de R&D in-
ternes et externalisation de prestations spécifiques. Cer-
tains, à l’instar de Roche ou de GSK, ont choisi une réor-
ganisation sur la base de la création de centres d’excellence
spécialisés par aires thérapeutiques. D’autres cherchent à
alléger un système jugé trop centralisé et trop rigide en
mettant en place des structures plus indépendantes. Pfizer
est le dernier en date à avoir pris cette orientation, avec la
création en octobre dernier d’un tout nouveau centre, le
Biotherapeutics and Bioinnovation Center, qui a non seu-
lement vocation à générer de nouveaux médicaments, mais
aussi à faciliter l’émergence de nouvelles sociétés innovan-
tes. Autre option fréquemment employée, l’acquisition de
Partenariats tous azimuts
Sur fond
d’externalisation
L’innovation pharmaceutique s’attache à se régénérer et toutes
les options sont à l’étude de l’acquisition de molécules en développement
à la mutualisation des moyens entre big pharma.
Les étapes de la drug discovery1
Selon les derniers chiffres de l’EFPIA, les
phases précoces constituent 27,2 % des in-
vestissements que l’industrie pharmaceuti-
que consacre à la R&D, les activités les plus
« gourmandes » restant les études cliniques
(phase I, II et III) qui consomment 47,8 %
de ces budgets. Alors que ces phases initia-
les de R&D durent en moyenne quatre ans,
elles représentent le tiers du temps néces-
saire au développement d’un nouveau mé-
dicament. Les premières étapes passent par
l’identification et la validation d’une cible
biologique (facteur de croissance, récepteur
membranaire…) impliquée dans la patho-
logie visée. Les opérations suivantes consis-
tent à cribler des molécules connues, des
banques de composés d’origine naturelle
et/ou des banques de composés spéciale-
ment mis au point par rapport à un éventail
de cibles données. A partir de cette premiè-
re sélection de composés interagissant avec
ces cibles, sont identifiés des hits, familles
de produits dotés non seulement d’un effet
avéré sur la cible visée mais aussi du poten-
tiel le plus élevé possible pour aboutir au
développement d’un médicament. L’étape
ultérieure consiste à identifier parmi ces
hits, les composés dits lead qui conjuguent
un maximum de caractéristiques favorables
(efficacité contre la cible, capacité à être pro-
duit à un coût raisonnable, aptitude à faire
l’objet d’une formulation simple, profil de
sécurité optimum, pharmacocinétique et
durée d’action satisfaisantes). Les compo-
sés lead sont ensuite optimisés et testés in
vitro et in vivo sur des modèles animaux.
(1)d’après EFPIA – Juin 2008.
Dossier Recherche
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SEPTEMBRE 2008 - PHARMACEUTIQUES
candidats-médicaments en cours de développement, si ce
n’est le rachat pur et simple des sociétés de biotechnolo-
gies dont ils sont issus. En témoignent les derniers mou-
vements encore opérés cet été par le suisse Novartis ou par
le britannique Shire Pharmaceuticals. Le premier a mis la
main sur son compatriote Speedel à l’origine d’un de ses
derniers médicaments, l’inhibiteur de la rénine Rasilez®/
Tekturna® (aliskiren) pour le traitement de l’hypertension,
tandis qu’en reprenant l’allemand Jerini, le second s’est
doté d’un médicament orphelin fraîchement autorisé dans
l’UE pour le traitement de l’œdème angioneurotique héré-
ditaire, Fyrazyr® (icatibant). La logique veut aussi que soit
menée une veille active sur les travaux susceptibles de géné-
rer les prochaines ruptures technologiques. Une veille dont
les résultats s’illustrent au travers des récents partenariats
conclus par AstraZeneca, Roche et GSK, dans les domai-
nes des ARN interférents et des microARN, tandis que les
anticorps restent une des valeurs sûres des accords pharma/
biotech (voir page suivante).
Services spécialisés et sur-mesure
En parallèle, se développent des accords avec des biotech
spécifiquement dédiées à la drug discovery. Ici, l’idée sous-
jacente est à la fois de multiplier les sources de créativité
en faisant appel à des prestataires hautement spécialisés,
mais aussi de réduire les risques d’échec en se donnant les
moyens d’anticiper activités pharmacologiques et effets
toxicologiques potentiels dès les phases initiales de la dé-
couverte pharmaceutique. La gamme des prestations est
large : modélisation, sélection et validation de cibles
thérapeutiques, création et criblage de banques de
molécules, outils pour l’analyse et la prédiction de
l’efficacité et de la toxicité des candidats. Alors
que leur choix relève du sur-mesure, l’objectif
est de disposer d’outils d’aide à la décision
les plus pertinents possibles pour choisir de
poursuivre ou non un développement, avec,
en ligne de mire, une réduction du taux d’at-
trition tardive. Ici, deux tendances fortes
ressortent au niveau des services proposés.
Il s’agit non seulement de fournir aux labo-
ratoires des programmes « intégrés », depuis
la découverte de nouveaux candidats à par-
tir d’une cible ou d’un concept biologique
jusqu’à la première utilisation chez l’homme,
mais aussi d’introduire, le plus en amont pos-
sible, des paramètres spécifiques de la patholo-
gie humaine. Notamment avec la sélection et la
validation de biomarqueurs les plus adaptés pour
fournir une information prédictive sur les proprié-
tés des molécules candidates.
Mutualisation des forces
Alors que l’enjeu des phases précoces de R&D n’est plus à
démontrer, les big pharma n’hésitent pas à recourir à une
externalisation croissante de ces activités. Fin 2007, Novar-
tis a fait de l’allemand Morphosys son pourvoyeur majeur
pour les anticorps monoclonaux, tandis qu’Outre-Atlanti-
que, Eli Lilly s’est liée cet été pour dix ans à la CRO Covan-
ce via un contrat de prestations de services de R&D (toxi-
cologie, pharmacologie in vivo, imagerie…) de 1,6 milliard
de dollars. Au-delà de ces partenariats industriels, c’est éga-
lement une réflexion globale qui s’est engagée tant chez les
acteurs publics que privés pour explorer toutes les facettes
capables de soutenir la R&D pharmaceutique. Outre les
initiatives nationales associant chercheurs académiques et
industriels (programmes Cibles en Belgique, Top Institute
Pharma aux Pays-Bas, consortium sur les cellules souches
associant le gouvernement britannique, AstraZeneca, GSK
et Roche) ou, au niveau de l’UE, la récente Initiative médi-
caments innovants (IMI), la mutualisation des moyens di-
rectement entre industriels est aussi à l’ordre du jour pour
faciliter le développement d’innovations de rupture et lever
les verrous technologiques. Aux Etats-Unis, Merck&Co,
Pfizer et Eli Lilly viennent ainsi de s’associer pour créer
Enlight Biosciences, société dédiée à l’identification et au
développement de ces innovations à partir de travaux issus
des laboratoires académiques. n
Anne-Lise Berthier
Rédactrice en chef
de BioPharmaceutiques
LES ANTICORPS
RESTENT UNE
DES VALEURS
SÛRES DES
ACCORDS
BIOTECH/
PHARMA.
>>>
DR
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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2008
Laboratoire Biotech Programme et indications visées
AstraZeneca Cenix BioScience (Allemagne) Identification et validation de cibles thérapeutiques en oncologie
EpiStem (GB) Biomarqueurs pour l’évaluation pré-clinique et clinique de médicaments anticancéreux
Galapagos (Belgique) Services de drug discovery pour la mise au point de traitements de maladies infectieuses
Silence Therapeutics (GB) ARN interférents (systèmes de délivrance et mise au point d’ARN interférents dirigés contre des cibles
thérapeutiques fournies par AstraZeneca (indications non citées)
Bayer Schering
Pharma
Dyax (USA) Anticorps thérapeutiques dirigés contre des cibles non citées fournies par Bayer Schering Pharma
BiogenIdec Neurimmune Therapeutics (Suisse) Anticorps humains contre la maladie d’Alzheimer
Boehringer-Ingelheim Ablynx (Belgique) Anticorps (Nanobodies®) pour des applications en immunologie, oncologie et pour le traitement de
maladies respiratoires et de la maladie d’Alzheimer
Eli Lilly Galapagos (Belgique) Accès à des cibles thérapeutiques validées et à des programmes de drug discovery
de Galapagos dans le domaine de l’ostéoporose
Genentech BioInvent (Suède) Anticorps propriétaire du suédois pour le traitement de maladies cardiovasculaires
Symphogen (Danemark) Anticorps développés à partir de la plateforme de la biotech danoise pour le traitement de maladies
infectieuses
GSK Galapagos (Belgique) Programmes de drug discovery pour le traitement de l’ostéoarthrite
OncoMed Pharmaceuticals (USA) Anticorps monoclonaux dirigés contre les cellules souches cancéreuses
GSK Biologicals Shigamedix (France) Vaccins thérapeutiques
J&J/Centocor Molecular Partners (Suisse) Application de la technologie DARPins (Designed Ankyrin Repeat Proteins - protéines réceptrices fonction-
nant comme des anticorps) contre deux cibles fournies par Centocor
Galapagos (Belgique) Programmes de drug discovery pour le traitement de l’arthrite rhumatoïde
Merck Serono Archemix (USA) Aptamères (acides nucléiques simple brin synthétisés chimiquement, capables de cibler des molécules à
la manière d’anticorps) pour le traitement de cancers
Bionomics (Australie) Programme ciblant un canal ionique intervenant dans la régulation du système immunitaire pour le
traitement de la sclérose en plaques
Idera Pharmaceuticals (USA) Agonistes de récepteurs Toll-like (récepteurs impliqués dans le déclenchement des réponses immuni-
taires) pour le développement de candidats médicaments dans les domaines du cancer, des maladies
infectieuses et de la maladie d’Alzheimer
Novartis Morphosys (Allemagne) Anticorps dans une gamme de pathologies non citées, les cibles thérapeutiques étant fournies
par Novartis dans le cadre de leur accord de collaboration exclusive de dix ans.
Intercell (Autriche) Candidats vaccins contre les infections nosocomiales
Pfizer Direvo (Allemagne) Protéases thérapeutiques pour des indications non citées
Roche
Noxxon Pharma (Allemagne) Spiegelmers® (forme d’ARN de synthèse) pour le traitement de maladies inflammatoires
Alnylam Pharmaceuticals (USA) Plateforme technologique sur les ARN interférents pour la mise au point de candidats pour le traitement
de cancers, de maladies respiratoires et de maladies métaboliques
Molecular Partners (Suisse) Application de la technologie DARPins dirigés contre des cibles non citées fournies par Roche
Sanofi-Aventis Regeneron Pharmaceuticals (USA) Anticorps monoclonaux utilisant les technologies propriétaires de l’américain
LES RÉCENTS ACCORDS DE R&D INTERVENUS EN EUROPE
Les accords mentionnés ci-dessous sont intervenus au cours des 18 derniers mois. Ils concernent la R&D seule ou se doublent d’accords de licence.
Dans tous les cas au moins un des deux partenaires mentionnées – pharma ou biotech – est européen. La liste n’est pas exhaustive.
SOURCE : BIOPHARMACEUTIQUES – HTTP://WWW.BIOPHARMACEUTIQUES.COM
>>>
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