UNIVERSITÉ DE RENNES 1 FACULTÉ DE MÉDECINE ÉCOLE D’AUDIOPROTHÈSE DE FOUGÈRES COMPARAISON DES PERFORMANCES D’INTELLIGIBILITÉ EN MILIEU BRUYANT D’UN APPAREILLAGE BINAURAL EN INTRA AURICULAIRES SEMI-PROFONDS ET EN CONTOURS D’OREILLE A ÉCOUTEUR DÉPORTÉ CHEZ DES PATIENTS PRESBYACOUSIQUES MÉMOIRE SOUTENU EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLÔME D’ÉTAT D’AUDIOPROTHÉSISTE Par Élodie MASSIAT Sous la direction de Monsieur Philippe METZGER Maître de mémoire ANNÉE 2012 REMERCIEMENTS Avant de commencer, je tiens tout particulièrement à remercier mon maître de mémoire, Monsieur Philippe METZGER, ainsi que son épouse, Madame Pascale METZGER, de m’avoir ouvert les portes de leurs centres d’audioprothèse. La confiance qu’ils m’ont accordée et les moyens techniques mis à ma disposition m’ont permis de réaliser ce mémoire et le travail qu’il représente. Je remercie toute l’équipe du Centre d’Optique et d’Audition, Monsieur David BELLITY, Monsieur Ludovic HENG et Madame Lydie MARCHAIS, pour leur soutien et l’aide qu’ils m’ont apportés. Un merci tout particulier à Lydie pour sa bonne humeur et l’atmosphère positive qu’elle contribue à créer au sein de l’entreprise. Merci aux opticiens, pour leur soutien et leur sollicitude au cours de mes 4 mois de stage. Je pense particulièrement à mon frère, Monsieur Sébastien CARLIER, et le remercie pour sa présence à mes côtés. Je souhaite également remercier les audioprothésistes, les assistantes et le technicien des autres centres, parmi eux, Madame Maud FORET et Madame Elsa CARREIRA BENTO. Leurs précieux conseils m’ont été d’une grande aide. Merci à la société Starkey et plus précisément à Monsieur Emmanuel CABRAL pour son aide technique, les appareils mis à ma disposition et les embouts réalisés gracieusement. Enfin, je voudrais exprimer toute ma reconnaissance à Monsieur Stéphane LAURENT. Je le remercie pour sa disponibilité et son enseignement au cours de ces 3 années d’étude. TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION 1 PARTIE 1 : ÉTUDE THÉORIQUE I. LE NORMO-ENTENDANT ET LE PATIENT PRESBYACOUSIQUE NON APPAREILLÉ : INTELLIGIBILITÉ EN MILIEU BRUYANT A. PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE DE L’OREILLE EXTERNE 4 4 1. Le pavillon 5 2. Le conduit auditif externe 7 B. PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE DE L’OREILLE MOYENNE 8 C. PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE DE L’OREILLE INTERNE DU NORMO-ENTENDANT 9 D. PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE DE L’OREILLE DU PATIENT PRESBYACOUSIQUE NON APPAREILLÉ 13 1. La presbyacousie 13 2. Réduction de la dynamique auditive 15 a. Élévation du seuil auditif liminaire 15 b. Recrutement 16 3. Diminution de la sélectivité fréquentielle : élargissement des filtres auditifs 16 E. CAPACITÉ DU SYSTÈME AUDITIF À EXTRAIRE UN SIGNAL DE PAROLE DANS UN MILIEU BRUYANT II. III. 18 LES SOLUTIONS PROTHÉTIQUES VISANT À AMÉLIORER LA COMPRÉHENSION DANS LE BRUIT 20 A. L’APPAREILLAGE STÉRÉOPHONIQUE 20 B. L’AMPLIFICATION ET LA COMPRESSION 21 C. LES RÉDUCTEURS DE BRUITS 22 D. LA DIRECTIVITÉ MICROPHONIQUE 23 L’INFLUENCE DU POSITIONNEMENT DES TRANSDUCTEURS ÉLECTRO-ACOUSTIQUES DANS LA COMPRÉHENSION EN MILIEU BRUYANT 24 A. LES TRANSDUCTEURS ÉLECTRO-ACOUSTIQUES DES AIDES AUDITIVES 24 B. POSITION PHYSIOLOGIQUE DE L’ÉCOUTEUR EN INTRAAURICUALIRE ET EN CONTOUR À ÉCOUTEUR DÉPORTÉ C. POSITION DU MICROPHONE 25 26 PARTIE 2 : ÉTUDE PRATIQUE I. II. INTRODUCTION : RÉFLEXIONS AUTOUR D’UN CONSTAT 28 MATÉRIELS ET MÉTHODES 33 A. POPULATION ÉTUDIÉE III. 33 1. Critères d’inclusion 33 2. Critères d’exclusion 34 3. Recrutement 34 4. Échantillon étudié 35 B. MATÉRIEL UTILISÉ 37 1. Aides auditives 37 2. Signaux 39 a. Signal de parole 39 b. Bruit 41 3. Instruments 41 4. Mise en place du dispositif 42 C. PROCÉDURE 43 RÉSULTATS 46 A. TESTS STATISTIQUES UTILISÉS 1. Analyse descriptive 46 46 2. Étude de la normalité de la distribution : le test de Shapiro-Wilk 47 3. Test paramétrique : le Test de Student 47 B. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX 49 1. Analyse descriptive des séries CIC, RICo et RICd pour l’ensemble de la population étudiée IV. V. 49 2. Résultats avec des micro-embouts sur mesure 51 3. Résultats avec des embouts standards 54 4. Résultats pour l’ensemble de la population 59 5. Résultats en fonction de la perte d’audition 62 ANALYSE DES RÉSULTATS 69 DISCUSSION 71 A. LIMITES DE L’ÉTUDE 1. Liées à la population 2. Liées à la méthodologie 71 71 71 a. Les réglages des appareils 71 b. Les paramètres acoustiques 72 c. Les conditions de mesures 72 d. Le temps de port des RIC 73 B. DISCUSSION DES RÉSULTATS 74 CONCLUSION 75 LISTE DES ILLUSTRATIONS 77 BIBLIOGRAPHIE 78 ANNEXES 81 INTRODUCTION Ce mémoire représente le travail réalisé au cours de mon stage de dernière année mais aussi toutes les recherches et les connaissances acquises durant mes 3 années de formation au diplôme d’état d’audioprothésiste. L’idée de ce mémoire s’est bâtie sur l’envie de proposer ce qu’il y a de mieux pour chacun des patients que l’audioprothésiste rencontre dans son quotidien. L’objectif étant d’apporter un bien-être ou en tout cas un mieux-être à des malentendants qui souffrent de leur isolement social (1). Cette solitude se fait d’autant plus ressentir dans des milieux bruyants avec de nombreuses personnes et l’incapacité du patient à suivre une conversation. (2) La rupture sociale qui s’opère alors avec son conjoint, sa famille, ses petits-enfants ou encore ses amis (3) peut pousser certains à venir vers l’appareillage auditif. Leur principale demande sera donc de retrouver une meilleure audition et que la « prothèse » soit la plus discrète possible (4). Aujourd’hui les publicitaires de grandes enseignes exposent tout particulièrement ces petits appareils appelés intra-auriculaires semi-profonds (CIC1) qui se placent complètement dans le conduit auditif externe. Cependant les statistiques du Snitem indiquent que les ventes d’intra-auriculaires en 2011 sur le marché français plafonnent à 12%, loin derrière les contours d’oreilles à écouteur déporté (RIC2) qui représentent 37% des ventes et encore plus loin des contours d’oreille qui pèsent 51% des ventes. Un constat reste manifeste : l’évolution de la part des ventes de RIC depuis son arrivée sur le marché en 2005 ne cesse de croître. 1 2 Completely In the Canal Receiver In the Canal 1 L’ensemble de ces points constatés en stage m’ont orientés vers un sujet de mémoire : la comparaison entre les CIC et les RIC. Une multitude de facteurs peuvent être étudiés, mais celui qui me semblait être le plus pertinent de par l’emplacement de l’appareil, est la position du microphone. Il ne me restait plus qu’à déterminer la manière par laquelle je pouvais comparer la position du microphone au sommet du sillon auriculaire et à l’entrée du méat auditif externe. Il existe de nombreuses façons de confronter ces deux aides auditives ; cependant, je m’arrêterai sur un seul paramètre, et non des moindres : les performances d’intelligibilité en milieu bruyant de chacun des appareils. En effet, il s’agit de la première situation de gêne rencontrée par les malentendants (5), je me devais donc de prendre en considération ce paramètre plutôt qu’un autre. Problématique posée : La capacité à comprendre la parole dans un milieu bruyant est-elle meilleure en appareillage binaural de type CIC ou de type RIC ? L’objectif de mon mémoire est donc de comparer les performances d’intelligibilité dans le bruit d’un appareillage binaural en intra-auriculaires semi-profonds et en contours d’oreille à écouteur déporté. Mon hypothèse de recherche s’est basée sur la position physiologique du microphone du CIC qui permet de bénéficier de l’effet du pavillon en termes de résonance et de réverbération. 2 Hypothèse de recherche : L’effet pavillonnaire respecté par l’emplacement physiologique du microphone du CIC permet une meilleure compréhension de la parole en milieu bruyant que la position du microphone du RIC. Mon mémoire commence par une première partie dite théorique. Elle permet de faire un état des lieux sur les connaissances générales liées à notre sujet. J’y décris l’oreille du normo-entendant en comparaison avec celle du presbyacousique, la capacité du système auditif à comprendre en milieu bruyant, ainsi que les diverses solutions audioprothétiques actuellement sur le marché qui améliorent l’intelligibilité de la parole dans le bruit. Une deuxième partie dite pratique explique l’étude mise en place afin de répondre à notre problématique et détaille les résultats obtenus. 3 PARTIE 1 : ÉTUDE THÉORIQUE I. LE NORMO-ENTENDANT ET LE PATIENT PRESBYACOUSIQUE NON APPAREILLÉ : INTELLIGIBILITÉ EN MILIEU BRUYANT A. PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE DE L’OREILLE EXTERNE Figure 1 Schéma de l'oreille L’oreille externe est le premier maillon de la chaîne que constitue l’appareil auditif. Elle est composée du pavillon et du conduit auditif externe (6). L’oreille externe reçoit les vibrations acoustiques aériennes et les transmet à l’oreille moyenne. L’effet total du corps et de l’oreille externe engendre globalement une amplification qui varie entre 5 et 20 dB sur la plage des fréquences de 2 à 7 kHz (7) (8). 4 1. Le pavillon Le pavillon est la seule partie visible de l’oreille. Composé de cartilage et de peau, il est incliné de 30 degrés par rapport à la tête. Sa forme en entonnoir lui procure la capacité d’amplifier de quelques décibels les fréquences avoisinant le 5 kHz. Il agit comme un collecteur d’énergie sonore du côté ipsilatéral de la tête et concentre l’énergie des sons aigus vers le méat auditif (9). Sa fonction d’amplification des fréquences nécessaires à la compréhension de la parole est primordiale. lobule Figure 2 Schéma du pavillon De par sa forme et son orientation, le pavillon capte plus facilement les sons latéraux et antérieurs alors que les sons postérieurs lui parviennent assourdis. En 1983, Blauert (10) montre que selon la direction, les sons perçus n’ont pas la même intensité. Il constate qu’entre 0 et 90° l’intensité est inchangée, entre 90 et 110° elle diminue de 15 à 20dB et se stabilise jusqu’à 180°. Ces différences d’intensité renseignent sur la localisation des sources 5 sonores dans le plan horizontal (6). De plus, les indices spectraux des hautes fréquences véhiculés par le pavillon sont importants pour la perception des sons et leur localisation dans le plan vertical (11). Chez l’homme, le pavillon n’étant pas mobile, son intérêt pour la localisation des sources est moindre que chez la plupart des autres mammifères. Néanmoins, le cerveau parvient à compenser, en partie, cet inconvénient. En effet, les ondes sonores transmises à l’oreille moyenne sont altérées par la combinaison entre les effets de diffraction acoustique sur le corps ou sur la tête et les effets de la géométrie de l’oreille externe. Pour chaque oreille, l’altération est fonction de la position de la source sonore par rapport au pavillon et par rapport à l’axe du conduit auditif externe. Elle concerne principalement les hautes fréquences. De nombreuses études ont montré que les traits saillants et les cavités du pavillon étaient responsables d’encoches spectrales très prononcées. La conque et la racine de l’hélix, qui la divise en deux cavités, sont particulièrement importantes dans la réverbération des ondes sonores. Les tests réalisés sur le KEMAR3 avec et sans pavillon confirment ces résultats. De même, les réflexions dues à la tête, au torse et aux genoux (si la personne est assise) créent un retard entre l’onde directe, qui arrive directement à l’entrée du conduit auditif externe, et ces réverbérations. Ce retard est aussi responsable des encoches dans le spectre permettant la localisation des sources sonores (12). L’oreille externe joue donc un rôle dans la localisation des sources sonores en transmettant au reste du système auditif différentes informations spectrales et temporelles témoignant de l’origine spatiale de la source et qui sont interprétées par le cortex cérébral (13). 3 Knowles Electronic Manikin for Acoustic Research 6 2. Le conduit auditif externe Le conduit auditif externe dirige le son vers la membrane tympanique. Ses deux courbures lui donnent la forme d’un « S » de 30mm de long environ. La partie externe du conduit auditif est composée de cartilage recouvert de peau et de glandes cérumineuses. La partie interne prend naissance au premier coude et se termine au tympan. Elle constitue un tiers de la longueur du conduit auditif et se compose d’os recouvert d’une peau très fine (14). Le conduit auditif externe amplifie d’une dizaine de décibels les fréquences autour de 2,5 kHz. Ainsi, l’effet total du corps et de l’oreille externe engendre globalement une amplification qui varie entre 5 et 20 dB sur la plage des fréquences de 2 à 7 kHz (7) (8). Figure 3 Gain acoustique de l'oreille externe (t), du conduit auditif externe (c) et du pavillon (p) pour une source à l’azimut 45° dans le plan horizontal L’oreille externe, dont les caractéristiques acoustiques varient d’un individu à l’autre, assure principalement une fonction de protection du tympan, 7 d’amplification des sons (dans la zone 2 à 7 kHz) et permet la localisation des sources sonores. Cette faculté à localiser les sources sonores est relativement importante et intervient de manière capitale lorsque l’environnement est particulièrement bruyant, en permettant au récepteur de focaliser son attention sur le locuteur. Cette aptitude assure une bonne compréhension de la parole dans des situations bruyantes. B. PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE DE L’OREILLE MOYENNE L’oreille moyenne est composée principalement par la membrane tympanique et la chaîne des osselets dans un milieu aérien. La trompe d’Eustache permet d’équilibrer la pression de part et d’autre du tympan par rapport à l’air ambiant. La chaîne ossiculaire se compose de trois petits os articulés : le marteau, l’enclume et l’étrier ; allant du tympan à la fenêtre ovale de l’oreille interne (6) (14). La fonction principale de l’oreille moyenne est de transmettre les vibrations aériennes vers l’oreille interne. Afin de parvenir à ce résultat, l’oreille moyenne réalise l’adaptation d’impédance nécessaire entre le milieu aérien et le milieu liquidien de l’oreille interne. Sans cette adaptation d’impédance, l’énergie acoustique serait réfléchie dans sa quasi-totalité (7). L’adaptation est réalisée en partie par un effet de levier mais surtout grâce au rapport de surface entre la surface du tympan et celle de la platine de l’étrier qui s’appuie sur la fenêtre ovale de la cochlée. Ce rôle d’adaptation d’impédance est particulièrement efficace sur la plage des fréquences de la parole et permet à environ 46% de l’énergie d’être transmise (15) (16). 8 C. PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE DE L’OREILLE INTERNE DU NORMO-ENTENDANT L’oreille interne est l’organe principal de l’audition, car c’est le responsable de la transduction du signal acoustique en message nerveux. Son anatomie et sa physiologie très complexes sont à l’origine des capacités auditives très performantes dont nous disposons. Elle se compose de l’organe de l’audition et de l’organe de l’équilibre. Le vestibule et les canaux semi-circulaires forment l’organe de l’équilibre, tandis que la cochlée est responsable de l’audition. Elle a la configuration d’un limaçon formé par un tube creux enroulé sur lui-même sur deux tours et demi de spire. Ce tube est divisé en trois parties : la rampe vestibulaire, la rampe tympanique et le canal cochléaire. Les deux rampes sont remplies d’un liquide aqueux appelé périlymphe, la première donne sur la fenêtre ovale et la deuxième sur la fenêtre ronde. Le canal cochléaire rempli d’endolymphe renferme l’organe de Corti qui repose sur la membrane basilaire. Il contient les cellules sensorielles ou cellules ciliées. Figure 4 Schéma de l'organe de Corti 9 Il y a deux types de cellules ciliées : les cellules ciliées internes (CCI), dont le nombre par cochlée avoisine les 3500 et les cellules ciliées externes (CCE) qui sont environ 12500 par cochlée. L’extrémité supérieure de ces cellules ciliées, en contact avec l’endolymphe, porte une centaine de stéréocils. Lorsque ces cellules nobles meurent ou sont endommagées au cours de la vie, elles ne se régénèrent pas. Les CCI sont principalement innervées par les fibres nerveuses afférentes qui transmettent les impulsions au cerveau. À l’inverse, les CCE sont essentiellement innervées par les fibres efférentes, c’est-à-dire qu’elles reçoivent des impulsions depuis le cerveau (6) (14). La physiologie de la cochlée est particulièrement complexe et a bien souvent divisé la communauté scientifique, cependant, nous pouvons aujourd’hui dresser son portrait à partir d’une théorie générale admise depuis quelques décennies. À la fin du 19ème siècle, Helmholtz propose une théorie basée sur un phénomène de résonance de la cochlée selon la fréquence (17). En 1961, Georges Von Békésy reçoit le prix Nobel pour sa théorie de l’onde propagée (18). Au cours d’expériences, il montre que le mouvement vibratoire est transmis comme une onde qui se déplace de la base à l’apex de la cochlée. Selon la fréquence du stimulus, cette onde produit une amplitude maximale en un point donné de la membrane basilaire. La découverte de mécanismes actifs dans le fonctionnement de la cochlée est venue expliquer la finesse de la sélectivité fréquentielle de l’oreille humaine et la dynamique des sons perçus. La membrane basilaire devient de plus en plus large de la base de la cochlée à l’apex. Comme l’a montré Von Békésy, cette structure particulière engendre une sensibilité préférentielle de chaque point de la cochlée à une tonalité spécifique. On parle alors d’une organisation tonotopique. Cette tonotopie est dite passive. 10 La base de la cochlée est stimulée par les hautes fréquences, tandis que les basses fréquences mobilisent l’apex (7). Figure 5 Illustration de la tonotopie cochléaire L’organe de Corti n’est pas seulement un organe passif, il est aussi actif. En effet, les CCE ont la propriété de pouvoir se contracter amplifiant ainsi le mouvement de la membrane basilaire. Le mécanisme actif amplifie d’environ 50 dB la vibration de la membrane basilaire et surtout il accorde cette vibration sur une portion beaucoup plus fine de l’organe de Corti, permettant ainsi une exceptionnelle tonotopie. Cet accord en fréquences dépend étroitement de l’intégrité des CCE et se retrouve à l’identique au niveau des fibres du nerf auditif auxquelles il est fidèlement transmis par les CCI. En effet, chaque fibre nerveuse devient sensible à un stimulus à partir d’une certaine intensité seuil. Ce seuil de déclenchement en fonction de la fréquence du stimulus pour une fibre donnée est représenté par une courbe d’accord. On retrouve au niveau des courbes d’accord, la même sélectivité fréquentielle que celle déduite des 11 mouvements de la membrane basilaire. La spécificité fréquentielle se retrouve donc aussi au niveau de la fibre nerveuse. Lorsqu’on cherche à modéliser le fonctionnement de la sélectivité fréquentielle, il est alors pertinent de considérer que le système auditif réalise une analyse fréquentielle du signal à l’aide d’une série de filtres passe-bandes. Ces filtres, appelés filtres auditifs, se recouvrent continûment tout le long de la plage des fréquences audibles. Afin de faire le lien avec la physiologie de l’oreille interne, on peut considérer que chaque région de la membrane basilaire est sensible à une certaine plage de fréquences et peut être ainsi assimilée à un filtre passebande. Ce phénomène est particulièrement mis en évidence dans les expériences de masquage et de perception d’intensité. Les filtres auditifs montrent un caractère non-linéaire en particulier leur dépendance vis-à-vis du niveau des stimuli (15). Les filtres auditifs ont une bande passante plus étroite pour les niveaux modérés que pour les niveaux forts. L’analyse de ces filtres auditifs permet de quantifier approximativement la résolution fréquentielle du système auditif. Les mécanismes actifs opèrent pour des niveaux d’intensités sonores faibles à modérés. À faible intensité c’est-à-dire jusqu’à 20 à 30 dB SPL4, les mécanismes actifs amplifient le mouvement de 50 dB voire plus, ce qui donne une allure à peu près linéaire. Entre 30 et 90 dB SPL, on observe un palier pour lequel le gain diminue, réalisant ainsi la compression. Enfin aux intensités supérieures à 90 dB SPL, il n’y a plus de mécanismes actifs et on retrouve le comportement linéaire des mécanismes passifs. Cette compression cochléaire est principalement observable à la base de la cochlée, pour les hautes fréquences ; la compression semble être moindre dans les basses fréquences (15). 4 Décibel Sound Pressure Level : unité servant en acoustique à définir une échelle d’intensité sonore, mesure physique du décibel. 12 Ces mécanismes actifs sont essentiels pour l’audition notamment en ce qui concerne des seuils auditifs liminaires bas, une sélectivité fréquentielle très fine et une compression cochléaire efficace. Résumé : Le normo-entendant utilise l’oreille externe, l’oreille moyenne et l’oreille interne pour comprendre la parole en milieu bruyant. L’oreille externe, notamment le pavillon, joue un rôle essentiel dans la localisation spatiale des sources sonores. Dans le bruit, cette faculté lui permet de distinguer les sources de signaux de paroles. Le bon fonctionnement de l’oreille interne, notamment l’organe Corti et ses cellules ciliées, assure la précision et la transmission du message via le nerf auditif vers les zones corticales associées. D. PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE DE L’OREILLE DU PATIENT PRESBYACOUSIQUE NON APPAREILLÉ 1. La presbyacousie La presbyacousie peut se traduire par le vieillissement naturel de l’oreille interne. Habituellement, elle survient tardivement et débute sournoisement entre 50 et 60 ans puis s’aggrave progressivement. Cette hypoacousie s’accélère entre 70 et 80 ans et devient alors préoccupante. Divers facteurs de la vie peuvent précipiter l’apparition de cette baisse d’audition, dans ce cas, les gênes liées à la presbyacousie se feront sentir précocement (6) (19). 13 Les premières plaintes sont généralement les suivantes : Difficulté à comprendre leur interlocuteur dans des ambiances bruyantes, typiques du restaurant et des réunions familiales ; Difficultés à comprendre les dialogues à la télévision ou au théâtre ; Intolérance à certains sons forts. La perte d’audition liée à l’âge est causée par la disparition progressive et irrémédiable des cellules ciliées et des neurones de la cochlée et est donc inéluctable. Il s’agit d’une surdité de perception, c’est-à-dire d’origine cochléaire, bilatérale et plutôt symétrique. Elle se traduit par une atteinte des CCE et/ou CCI. L’hypoacousie touche prioritairement les hautes fréquences, puis, à mesure que la presbyacousie s’aggrave, les médiums et les basses fréquences sont altérés. Hormis l’effet de l’âge, les causes de l’atteinte de la cochlée sont multiples. Le travail dans le bruit ou encore la prise d’ototoxiques peuvent aggraver l’atteinte cochléaire. L’oreille interne est l’organe sensoriel le plus fragile car les cellules ciliées, notamment les CCE, sont relativement sensibles et ne sont pas renouvelées. Une surdité de perception pure implique un rehaussement des seuils auditifs identique par conduction osseuse et par conduction aérienne. La disparition des CCE affecte le bon fonctionnement des mécanismes actifs, ainsi la sensibilité de l’oreille aux sons faibles et la finesse de sa sélectivité fréquentielle sont également altérées. Les dommages causés aux CCI engendrent une élévation supplémentaire des seuils auditifs absolus et certains troubles de la transduction, particulièrement dans le domaine temporel. Chacun de ces déficits est susceptible d’affecter le démasquage de la parole dans un bruit ambiant (20). 14 2. Réduction de la dynamique auditive a. Élévation du seuil auditif liminaire dB SPL 130 120 110 Seuil absolu (dB SPL) 100 Normo-entendant Malentendant 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 -10 125 250 500 1k 2k 4k 8k Hz Fréquence (Hz) Figure 6 Dynamique auditive du malentendant et du normo-entendant Une destruction des CCE sur une zone donnée de la cochlée entraîne la disparition de leur fonction sur cette zone. En particulier, les phénomènes d’amplification dus aux mécanismes actifs disparaissent. Une conséquence directe de l’atteinte des CCE est donc l’élévation des seuils auditifs (20). Ce manque d’amplification cochléaire se fait principalement ressentir sur les hautes fréquences, puis avec le temps touche les médiums et les basses fréquences. Cette baisse d’audition intervient donc en premier lieu sur les fréquences conversationnelles. 15 b. Recrutement Le recrutement peut se définir comme l’accroissement anormalement rapide de la sensation de sonie. La sonie est la perception auditive de la force du son allant du seuil liminaire au seuil de douleur. Lorsque les mécanismes actifs sont altérés par une déficience des cellules ciliées, les CCE ne jouent plus leur rôle d’amplification des sons faibles et modérés. Pour les sons forts, les mécanismes n’étant pas mis en jeu, le seuil de douleur ou d’inconfort reste sensiblement le même. Ainsi, l’élévation du seuil d’audition induit une réduction de la dynamique auditive (seuil de douleur ou d’inconfort – seuil liminaire de perception) (21) (22). 3. Diminution de la sélectivité fréquentielle : élargissement des filtres auditifs Une autre conséquence du fonctionnement anormal de l’oreille interne est l’élargissement des filtres auditifs. Dans le cas d’une atteinte des CCE, on peut considérer schématiquement que la forme des filtres auditifs des malentendants correspond à celle des filtres auditifs des normo-entendants pour des stimuli intenses. L’élargissement des filtres auditifs entraîne deux conséquences principales. D’une part, l’augmentation du phénomène de masquage5 (23) et d’autre part un bruit ambiant plus gênant car les filtres sont moins sélectifs (19). Les malentendants éprouvent en effet de grandes difficultés à dissocier un signal tel que la parole en présence de bruit environnant ou dans un environnement réverbérant. 5 La capacité d’un son à en masquer un autre. 16 Niveau sonore au tympan (dB SPL) Normo-entendant Malentendant Fréquences (Hz) Figure 7 Courbes d'accord psychoacoustiques La résolution fréquentielle des malentendants est donc moins fine que pour les individus normo-entendants. En particulier, le phénomène de masquage étant accru, il peut se révéler très gênant pour un signal de parole lorsqu’un formant d’une voyelle devient masquant pour un autre formant. Ainsi même avec une forte amplification sonore, l’intelligibilité de la parole peut être réduite. De même, ce manque de finesse dans l’analyse fréquentielle des sons est un handicap pour la localisation (20). En effet, les informations spectrales et temporelles fines engendrées par les effets de filtrage et de diffraction de l’oreille externe et de l’oreille moyenne pouvant être perdues, la sensation de localisation en est profondément altérée Une conséquence directe de cette déficience est la diminution des capacités d’intelligibilité dans le bruit, les malentendants sont donc doublement gênés pour suivre une conversation dans un environnement bruyant. 17 E. CAPACITÉ DU SYSTÈME AUDITIF À EXTRAIRE UN SIGNAL DE PAROLE DANS UN MILIEU BRUYANT De nombreux éléments acoustiques permettent à notre système auditif de reconnaitre un signal de parole mélangé à un bruit de fond et de l’analyser pour en comprendre le sens. Cependant, d’autres éléments tout aussi importants, permettent d’interpréter le signal de parole. Ainsi, les indices sémantiques, syntaxiques, les circonstances qui entourent la discussion, le sujet abordé, la lecture labiale, le locuteur et la nature du bruit ambiant apportent leur part de responsabilité dans la compréhension du message. On parle également de suppléance mentale, c’est-à-dire la capacité du cerveau à combler les vides causés par les défaillances du système auditif (e.g, une perte d’audition) (15) (6). Outre ces éléments extérieurs au système auditif, il existe des indices acoustiques permettant à un individu de comprendre la parole et d’en extraire le sens malgré un bruit de fond masquant le signal, à savoir : La parole comme objet purement acoustique possède des caractéristiques énergétiques, temporelles et spectrales. Parmi ces spécificités, la forme même de l’onde du signal rentre en compte : de par sa fréquence de modulation (inférieure à 50Hz), l’enveloppe temporelle de l’onde de parole véhicule de nombreuses informations en particulier dans le calme. En revanche, la fréquence de modulation rapide de la structure fine du signal représente une source d’indices très précieuse dans le bruit. Dans une situation bruyante, l’écoute du signal s’effectue dans les vallées du bruit, c’est-à-dire dans les creux des fluctuations du bruit (24). Ainsi, le démasquage augmente avec la profondeur de modulation du bruit modulé en amplitude (25) (26). Certaines études suggèrent que les mécanismes de « groupement auditif » impliqués dans l’analyse des scènes auditives jouent un rôle dans le démasquage de la parole. En effet, la ségrégation auditive du signal de parole et 18 du bruit masqueur (représentations auditives associées à des sources acoustiques distinctes) devrait être facilitée par l’introduction de disparités d’enveloppe temporelle entre signal et bruit et conduire ainsi à une augmentation de l’intelligibilité dans le bruit. D’après Bregman, l’analyse de la scène auditive fait appel à deux grandes classes de mécanismes de ségrégation, à savoir la ségrégation simultanée et séquentielle, selon que les évènements sonores se recouvrent dans le temps ou non. Chacun de ces mécanismes est susceptible de participer au démasquage de la parole (27). Un autre phénomène, et non des moindres, permet l’intelligibilité dans un milieu bruyant : la localisation spatiale (28). Elle est essentiellement possible grâce à l’audition stéréophonique que nous procurent nos deux oreilles. Lorsqu’un signal est émis, il est réfléchi, diffracté et arrive modifié à chacune de nos oreilles. Elles le perçoivent donc avec d’infimes différences que notre système auditif va pouvoir analyser notamment pour définir l’origine de la source sonore. Ces indications se traduisent par une différence d’intensité perçue entre les deux oreilles et par un temps de retard entre le moment où le signal arrive à l’oreille ipsilatérale puis à l’oreille controlatérale. Le délai interaural est nul lorsque le signal provient de face à l’azimut zéro degré : la distance avec la source est égale pour chaque l’oreille. En revanche, il est maximal lorsque la source est sur le côté à l’azimut 90° : le signal met plus de temps pour atteindre l’oreille controlatérale soit en moyenne 630ms. Cet indice temporel est particulièrement précieux pour les basses fréquences jusqu’à 1600Hz. La différence interaurale d’intensité est quant à elle beaucoup plus marquée pour les hautes fréquences. Du fait de la diffraction causée par la tête, un son provenant de côté parviendra atténué à l’oreille controlatérale. L’effet d’ombre de la tête réduit jusqu’à 20dB les aigus à partir du 2kHz. Cette atténuation est maximale lorsque la source est à 90° et nulle à 0°. (10) (28) 19 Ces informations temporelles et d’intensité constituent de remarquables indices dans la localisation spatiale des sources sonores et donc dans la compréhension de la parole en milieu bruyant. II. LES SOLUTIONS PROTHÉTIQUES VISANT A AMÉLIORER LA COMPRÉHENSION DANS LE BRUIT A. L’APPAREILLAGE STÉRÉOPHONIQUE Une audition binaurale est indispensable à un fonctionnement sensoriel normal. Chaque oreille a son aire corticale auditive qui lui est propre. Un appareillage monophonique équivaut donc à « construire une audition sur un demi cerveau là où tout doit être redondant et où la possibilité d’apprécier les différences fait toute la distinction entre celui qui comprend et celui qui ne fait qu’entendre »6. La physiologie de l’appareil auditif de l’homme est basée sur le fait que les deux oreilles reçoivent le même message avec quelques différences qui permettront au cerveau de comprendre le message (6). L’audition binaurale permet une sommation de sonie au niveau central de + 3dB au seuil liminaire et de + 6dB au seuil supraliminaire. Lorsqu’une surdité de perception bilatérale est diagnostiquée, un appareillage stéréophonique permet une bonne localisation spatiale des sources sonores et améliore ainsi la compréhension de la parole (2) (28). 6 Citation extraite de « L’audition dans le chaos », Laurent VERGNON, Masson, 2008. 20 B. L’AMPLIFICATION ET LA COMPRESSION La première caractéristique d’une prothèse auditive est la fonction d’amplification qui est dédiée à la restauration des seuils auditifs. Le gain apporté dépend donc de la surdité mais également du patient. De plus cette amplification doit être limitée notamment pour les sons forts. Ainsi le niveau maximal de sortie du son arrivant au tympan est contrôlé et limité en dessous d’un certain seuil pour ne pas aggraver la surdité, ni faire mal au patient en atteignant son seuil de douleur (22). Pour les surdités de perception typiques de la presbyacousie, une simple amplification linéaire ne peut être envisagée à cause du recrutement. Il devient alors nécessaire d’introduire un principe de compression, c’est-à-dire de contrôle automatique du gain (AGC7). Ainsi le gain ne sera pas le même selon les niveaux d’entrée et la dynamique du signal sera réduite (2) (29). La fonction première de ce module est d’empêcher les sons trop forts d’atteindre le seuil de douleur proche de celui d’un normo-entendant. Par la même occasion, cela maintient l’appareil hors des plages de saturation de l’aide auditive et empêche alors la distorsion du signal de sortie ce qui endommagerait l’intelligibilité du malentendant. La compression se règle essentiellement à partir du facteur ou taux de compression choisi par l’audioprothésiste. Plus le taux est élevé, plus le signal sera « écrasé » et la dynamique réduite ; inversement plus le taux de compression est proche de 1 plus le signal bénéficie d’une grande dynamique. Pour une meilleure compréhension de la parole, le signal ne doit pas être trop comprimé. L’enveloppe temporelle de la parole est très importante, si elle est déformée par un facteur trop compressif alors l’intelligibilité risque d’être altérée. Le second rôle de la compression peut être de restaurer les courbes de sonie pour compenser le recrutement. En effet, certaines méthodes de préréglage suggèrent 7 Automatic Gain Control 21 que le gain de la prothèse en fonction de l’intensité sonore du signal entrant, doit permettre de rattraper la courbe de sonie du normo-entendant. L’amplification / compression consiste alors à apporter à l’oreille le gain variable que les mécanismes actifs déficients de l’oreille interne ne sont plus en mesure de fournir. De plus le recrutement n’est pas identique pour toutes les fréquences. Si l’on souhaite une réhabilitation optimale, il est donc nécessaire de séparer le signal en différents canaux fréquentiels qui seront amplifiés et compressés individuellement selon les pertes (2). Rappelons qu’une des caractéristiques spécifiques de la presbyacousie est l’atteinte des aigus puis des médiums et enfin des sons graves. Un autre facteur déterminant de la compression est le choix des temps de réaction. On distingue le temps d’attaque qui correspond à la durée mise avant que la compression soit effective et le temps de retour qui s’exprime par le temps mis avant la « désactivation » de la compression. Ces facteurs temps sont essentiels dans la compréhension du signal de parole. Par exemple, s’ils sont réglés trop courts, le gain varie à chaque variation d’intensité de l’onde de parole altérant ainsi son enveloppe temporelle. Inversement, si le temps d’attaque est réglé trop long, la compression n’assume plus son rôle de protection de l’oreille pour les sons forts. Aujourd’hui, les aides auditives disposent de multiples compresseurs avec des détecteurs qui permettent d’adapter les temps d’action selon le signal entrant (2). Le réglage des paramètres de compression reste accessible par l’audioprothésiste dans certains appareils, permettant un réglage différent de la compression dans les basses et les hautes fréquences. C. LES RÉDUCTEURS DE BRUITS Si le choix des paramètres de compression est si délicat, c’est également qu’en dehors du rehaussement des seuils auditifs et du recrutement, l’oreille 22 d’un malentendant est également caractérisée par un élargissement de ses filtres auditifs. Cet élargissement augmente le phénomène de masquage et réduit donc la sélectivité fréquentielle de l’oreille. L’autre conséquence est l’accroissement des difficultés à comprendre la parole au milieu du bruit environnant. L’amplification/compression des sons dans des bandes adjacentes doit prendre en compte ces paramètres afin de ne pas renforcer les problèmes de masquage. Le traitement numérique du signal offre une possibilité supplémentaire pour traiter ce problème au travers de l’utilisation d’un module de rehaussement du signal de parole ou réduction de bruit. Le module de réduction du bruit est excessivement important étant donné la grande difficulté qu’éprouvent les malentendants à comprendre distinctement la parole parmi un bruit de fond ou dans un environnement réverbérant. Son but est donc de maximiser le rapport signal sur bruit. Différents choix de mise en œuvre du rehaussement de la parole sont possibles. On distingue les stratégies où chaque aide auditive est indépendante de l’autre et les stratégies où elles sont reliées à un module de traitement unique. D. LA DIRECTIVITÉ MICROPHONIQUE Les microphones des aides auditives permettent de capter les signaux sonores qui entourent le malentendant afin qu’ils soient analysés et traités. Les appareils auditifs numériques utilisent des microphones qui ont la capacité de sélectionner les sons provenant d’une direction donnée, généralement vers l’avant, c’est-à-dire vers le locuteur avec qui le malentendant converse. Les microphones sont alors désignés comme directionnels, à l’inverse des microphones omnidirectionnels. De nos jours les aides auditives possèdent des microphones qui peuvent être soit omnidirectionnels, soit directionnels selon la situation sonore dans laquelle se trouve le patient. Ainsi dans un environnement calme avec un locuteur, l’appareil sera en position omnidirectionnelle, tandis 23 que dans un environnement bruyant avec un ou plusieurs locuteurs, il préfèrera le mode directionnel. En orientant la captation des microphones vers l’émetteur, l’aide auditive permet d’améliorer le rapport signal sur bruit, c’est-à-dire que le bruit environnant sera réduit au profit de la parole du locuteur. La directivité microphonique offre donc une meilleure intelligibilité en milieu bruyant (16). III. L’INFLUENCE DU POSITIONNEMENT DES TRANSDUCTEURS ÉLECTRO-ACOUSTIQUES DANS LA COMPRÉHENSION EN MILIEU BRUYANT A. LES TRANSDUCTEURS ÉLECTRO-ACOUSTIQUES DES AIDES AUDITIVES Les transducteurs électro-acoustiques transforment un signal acoustique (ou électrique) en signal électrique (ou acoustique). Dans les aides auditives, les transducteurs utilisés sont les microphones et les écouteurs. Le microphone capte le signal acoustique d’entrée pour le convertir en signal électrique. En revanche, l’écouteur convertit le signal électrique amplifié et modifié en un signal de sortie acoustique (30). De nos jours, ces éléments d’audioprothèse tendent à être de plus en plus miniaturisés permettant la réalisation d’aides auditives de plus en plus petites. Elles peuvent ainsi se positionner de plus en plus profondément dans le conduit auditif externe en se plaçant près du tympan. L’appareil trouve alors un placement plus physiologique. 24 B. POSITION PHYSIOLOGIQUE DE L’ÉCOUTEUR EN INTRA-AURICULAIRE ET EN CONTOUR À ÉCOUTEUR DÉPORTÉ Les RIC comme les CIC positionnent leur écouteur dans le conduit auditif externe. En comparaison avec le contour d’oreille classique (BTE8) qui place l’écouteur au niveau du sillon auriculaire, le CIC et le RIC offre une position beaucoup plus physiologique à leur écouteur, c’est-à-dire proche de la membrane tympanique. Figure 8 Position de l'écouteur du CIC et du RIC dans le CAE Cet emplacement nécessite un réglage électronique en gain moins important. De plus, la courbe de réponse en fréquence de l’écouteur du CIC et du RIC montre un lissage des pics de résonance causés par le tube d’un BTE (31). Ces pics n’ont donc pas besoin d’être corrigés électroniquement. 8 Behind The Ear 25 Niveau de sortie (dB SPL) Fréquences (Hz) Niveau de sortie (dB SPL) Figure 9 Réponse en fréquence d'un écouteur dans un BTE Fréquences (Hz) Figure 10 Réponse en fréquence d'un écouteur dans un CIC C. POSITION DU MICROPHONE Un appareillage en CIC positionne le microphone à l’entrée du conduit auditif externe en retrait par rapport au tragus. Il a été constaté que lorsque la source sonore est placée à 0° par rapport au patient appareillé en CIC, l’effet de la localisation du microphone permet de bénéficier des diffractions et des résonances du corps, de la tête, du pavillon, de la conque et de l’entrée du 26 conduit auditif externe (CAE9) (9). Ainsi en comparaison à un microphone placé derrière le pavillon, les gains (en dB) suivants sont obtenus selon les fréquences avec une source dirigée à 0° : Localisation du 125 microphone Fréquences (Hz) 250 500 1k 2k 3k 4k 6k 8k Derrière le pavillon -1 0 0 0 3 2 1 1 2 À l’entrée du CAE 0 1 1 1 5 8 10 2 -2 Tableau 1 Gain par fréquence en fonction de la position du microphone De par la position du microphone, le CIC privilégie le gain dans les aigus, c’està-dire dans les fréquences conversationnelles (2). De plus une oreille non appareillée et une oreille appareillée avec un CIC ont la même directivité. Une aide auditive de type CIC offre donc un positionnement microphonique beaucoup plus physiologique que le RIC. Plusieurs études ont ainsi montré que la position du microphone à l’entrée du CAE permet une meilleure localisation spatiale des sources sonores autour du patient par rapport à l’emplacement microphonique du contour d’oreille (28). Le CIC montre également de meilleures performances d’intelligibilité que les appareils auditifs de type contour d’oreille (13). 9 Conduit Auditif Externe 27 PARTIE 2 : ÉTUDE PRATIQUE I. INTRODUCTION : RÉFLEXION AUTOUR D’UN CONSTAT Depuis que je suis en immersion dans le monde de l’audioprothèse, je n’ai pu m’empêcher de remarquer la multitude de pratiques dans ce métier. Il serait presque possible de dire qu’il y a autant de méthodes qu’il y a d’audioprothésistes. Cependant, on ne peut que constater que les audioprothésistes peuvent aussi se regrouper autour de certaines façons de penser et de pratiquer. Les inconditionnels de la mesure in vivo, ceux qui ne sortent jamais sans leur stéthoscope, ceux qui ne peuvent travailler sans une chaîne de mesures, ceux qui ne se fient qu’aux ressentis du patient, ceux qui ne démordent pas du contour d’oreille, ceux qui n’envisagent pas un appareillage sans embout sur mesure,… la liste est longue. À ce stade, mon manque d’expérience et mon regard de débutante ne me permettent aucunement de prendre position et encore moins d’émettre un jugement. J’ai également remarqué au cours de mes stages qu’une majorité de patients demande en premier lieu un appareil de type intra-auriculaire. Lorsqu’ils prennent rendez-vous avec un audioprothésiste, certes leur motivation est rarement à son maximum, cependant elle est souvent encouragée par la possibilité d’obtenir « le petit appareil qui se glisse dans l’oreille et que l’on ne voit pas ». Bien entendu, outre ce constat, il est évident que leur principale demande et leur motivation première sont de retrouver une audition normale en particulier dans les conversations en milieu bruyant. 28 En m’appuyant sur la première partie de ce mémoire, je peux faire le résumé suivant : L’oreille du normo-entendant comparée à celle du presbyacousique montre que la perte d’audition est causée par le vieillissement de l’oreille interne. L’oreille externe et l’oreille moyenne n’interviennent pas dans le cas d’une presbyacousie, c’est-à-dire d’une surdité de perception. En revanche, une absence ou une atteinte de l’oreille externe et/ou moyenne entraîne une surdité de transmission. Sachant que l’oreille externe, notamment le pavillon, apporte une amplification de quelques décibels dans les aigus ; court-circuiter le pavillon revient à créer une surdité de transmission de quelques décibels. Ne serait-ce pas le cas du contour d’oreille (classique et à écouteur déporté) ? Afin d’étayer la suite de mon exposé voici quelques chiffres du Snitem sur le marché français de l’audioprothèse en 2011 : Répartition des ventes d'appareils auditifs sur le marché français en 2011 12% 51% intra-auriculaires écouteurs déportés contours d'oreille 37% Source Snitem 2011 29 Lorsque je recoupe les données avec mes observations ou encore mes cours d’audioprothèse et d’audiologie, certaines discordances attirent mon attention : Contrairement à la demande, les ventes d’intra-auriculaires ne dépassent pas les 12% loin derrière le contour d’oreille et l’écouteur déporté dont les ventes ne cessent de croître depuis son apparition sur le marché. La plainte principale des patients est la difficulté à comprendre la parole dans le bruit. Les premiers cours d’audiologie nous apprennent l’intérêt du pavillon du point de vue acoustique c’est-à-dire une amplification du gain dans les fréquences conversationnelles. Cependant la majeure partie des malentendants sont appareillés en contours d’oreille qui court-circuitent l’effet du pavillon. Face à ce constat, je me suis posée de multiples questions pouvant expliquer le manque d’engouement des audioprothésistes pour l’appareillage en intraauriculaires : De par la position de l’appareil dans un CAE peu accueillant (humidité et cérumen) le taux de panne est peut-être trop important ? Certainement, mais on peut considérer que le contour à écouteur déporté dans le CAE est autant touché par ce type de panne. Et d’après mes observations dans le centre de Monsieur Metzger, de bons conseils d’entretien avec les bons produits et ustensiles évitent les pannes causées par le cérumen. 30 L’intra-auriculaire bouche complètement l’oreille et crée peut-être une résonance désagréable au patient qui ne disparait pas après quelques jours d’habituation ? D’après ce que j’ai pu constater aux côtés de Monsieur Metzger, il s’agit seulement de bien réaliser la prise d’empreinte, de bien choisir l’évent et de réaliser les bons réglages. De par sa taille l’intra-auriculaire CIC nécessite l’utilisation de petites piles qui ont une faible durée de vie (5 jours environs), il y aurait donc trop de manipulation et une dépense supplémentaire ? Certes, mais il faut également rappeler que certains contours à écouteurs déportés utilisent le même type de piles et présentent donc les mêmes inconvénients. Et bien entendu, en cas de difficulté de manipulation, l’intraauriculaire n’est pas préconisé. Il est évident que chaque appareil présente des avantages et des inconvénients. De même, selon les aptitudes en termes de dextérité, selon les possibilités d’appareillage, à savoir le niveau de surdité et l’anatomie du CAE, l’intra-auriculaire n’est pas forcément un appareil à préconiser. Cependant, je me demande si le CIC n’offre pas une réponse aux principales attentes des patients, c’est-à-dire la discrétion et surtout l’efficacité en milieu bruyant, en comparaison du RIC. Par ailleurs, connaissant la motivation des patients vis-àvis de l’intra-auriculaire, ne serait-il pas souhaitable d’utiliser cette motivation au bénéfice de la démarche globale de réhabilitation auditive ? Bien évidemment, sous réserve de la « compatibilité » du patient et de son audition 31 avec un appareil de type CIC, et en fixant, comme toujours, les limites d’appareillage. Je pense qu’un patient appareillé avec les aides auditives qu’il préfère sous l’œil avisé de l’audioprothésiste, est un patient qui sera plus enclin à porter ses appareils et plus investi dans la démarche de restauration de son audition. À la suite de toutes ces réflexions et remarques, je me suis plus particulièrement penchée sur l’efficacité d’intelligibilité des CIC par rapport au RIC dans un environnement bruyant. Je vous propose donc de répondre à la problématique suivante : Les performances d’intelligibilité en milieu bruyant d’un appareillage binaural en intra-auriculaires semi-profonds sont-elles meilleures qu’en contours d’oreille à écouteur déporté ? Hypothèse de recherche : l’effet pavillon respecté par la position physiologique du microphone de l’intra auriculaire semi-profond permet une meilleure efficacité d’intelligibilité en milieu bruyant que le contour à écouteur déporté. 32 II. MATÉRIELS ET MÉTHODES A. POPULATION ÉTUDIÉE L’étude est réalisée à partir d’un échantillon de patients sélectionnés parmi la patientèle de 5 centres selon des critères d’inclusion précis. Initialement 34 patients correspondaient aux critères demandés, mais certains ont présenté des critères d’exclusion. De plus, tous les patients sélectionnés n’ont pas toujours été disponibles pour participer à l’étude. Nous comptons finalement 22 patients. 1. Critères d’inclusion Les patients doivent être appareillés en intra auriculaires de type CIC series de la marque Starkey dans les gammes 70, 90 et 110 avec le Voice iQ. Les patients doivent présenter une surdité de perception bilatérale de type presbyacousie légère à moyenne. Appareillage binaural Port minimum de 8h/jour Les patients doivent être en mesure de porter 2 appareils à écouteurs déportés (RIC). Les patients doivent être capables de réaliser les tests demandés. Âge minimum : 50 ans. 33 2. Critères d’exclusion Toute personne ne présentant pas tous les critères d’inclusion demandés. Tout patient susceptible d’avoir une audition fluctuante. Les patients acouphéniques Perforation tympanique Cavité d’évidement Aplasie majeure ou mineure pouvant empêcher le port des RIC (Bien entendu nous ne rencontrerons, a priori, aucun patient appareillé en CIC présentant de perforation tympanique ou de cavité d’évidement) 3. Recrutement À l’aide du fichier informatique qui relie les 5 centres, j’ai sélectionné les 34 patients qui sont appareillés en CIC s series Starkey de gamme 70, 90 et 110 Voice iQ. Après avoir étudié les dossiers de ces patients, j’ai exclu 7 patients pour les raisons suivantes : appareillage monaural, surdité sévère, âge inférieur à 50 ans. Les 27 patients restant ont été appelés afin de convenir d’un rendez-vous. Je leur ai expliqué que nous réalisons une étude visant à comparer leurs appareils avec un autre type d’aides auditives ; et qu’au cours de l’entretien nous effectuerons un contrôle de leur audition ainsi qu’un bilan des performances de leurs aides auditives dans le bruit. À la suite des appels téléphoniques, j’ai dû exclure 5 patients qui ont refusé de participer à l’étude. 34 4. Échantillon étudié L’échantillon comporte au final 22 patients avec une moyenne d’âge de 76 ans, plutôt représentatif de la patientèle âgée d’un audioprothésiste. Nombre de patients Moyenne d’âge Femmes 9 80.2 Hommes 13 72.3 ECHANTILLON 22 76 La majorité des patients de l’échantillon sont à la retraite mais quelquesuns sont encore en activité. Nombre de patients Moyenne d’âge Actifs 6 60.2 Retraités 16 80.1 Les patients présentent une perte d’audition bilatérale relativement symétrique de type presbyacousique c’est-à-dire avec des graves bien conservés et une audition qui chute dans les aigus. La perte moyenne est de 48 dB HL pour l’oreille droite et 50 dB HL pour la gauche. 35 Audiogramme moyen de l'échantillon avec écarts-types Fréquences (Hz) 125 250 500 1K 2K 4K 6K 8K 0 10 20 Perte d'audition (dB HL) 30 40 OD 50 OG 60 70 80 90 100 110 120 Le tableau ci-dessous représente les valeurs extrêmes en dB HL pour chaque fréquence. Pour des raisons de lisibilité seules les fréquences principales sont répertoriées. 250 500 1k 2k 4k 6k 8k OD 50 60 75 70 65 90 100 100 OG 55 60 60 65 80 95 105 110 OD 15 15 15 25 30 45 55 50 OG 15 15 15 20 30 40 60 55 (dB HL) MIN (dB HL) 125 MAX Fréquences (Hz) 36 B. MATÉRIEL UTILISÉ 1. Aides auditives Les patients sélectionnés ont tous un appareillage binaural en CIC s series iQ de la marque Starkey de gamme 70 (entrée de gamme), 90 (milieu de gamme) ou 110 (haut de gamme) et avec microphone omnidirectionnel. Gammes des CIC Nombre de patients 110 3 90 7 70 12 Afin de comparer les CIC et les RIC, il m’a semblé plus approprié de choisir la même technologie que les intra-auriculaires des patients sous forme de contours à écouteur déporté. Ainsi, un patient appareillé avec des CIC s series iQ 70, porte des RIC s series iQ 70 durant les tests. Un patient appareillé avec des CIC s series iQ 90 porte des RIC s series iQ 90 lors des tests. Idem pour un patient appareillé en CIC s series iQ 110, il porte des RIC s series iQ 110. Grâce à la société Starkey, j’ai pu obtenir le prêt de 6 contours à écouteur déporté, soit une paire de chaque gamme, pendant toute la durée de mon étude. Étant donné que : les CIC possèdent des microphones omnidirectionnels les RIC sont généralement réglés avec les microphones en mode directionnel pour les milieux bruyants avec présence de parole. Il m’a semblé judicieux de comparer les CIC avec les RIC en mode microphones omnidirectionnels et en mode microphones directionnels. 37 Nous verrons un peu plus loin dans la partie « Résultats expérimentaux », une comparaison entre les RIC avec microphones directionnels et omnidirectionnels. Certes nous nous éloignons de notre sujet, cependant, l’analyse de ces résultats me semblait suffisamment intéressante pour être abordée. Initialement, le choix des embouts pour les RIC m’est apparu plutôt évident : utiliser les empreintes stockées chez le fabricant et faire faire des micro-embouts pour RIC à l’identique des coques des CIC du patient. Ainsi, les caractéristiques acoustiques (longueur, évent) restent les mêmes entre le CIC et le RIC. Compte tenu que le coût de 44 embouts sur-mesure est trop important, j’ai alors fait une demande auprès de Starkey afin qu’ils acceptent de participer davantage à mon étude en me fournissant des embouts sur-mesure pour au moins 10 patients. 3 paires de micro-embouts en acryl dur ont été gracieusement fabriquées et mon maître de mémoire m’en a offert 3 paires supplémentaires. L’étude compte alors : 6 patients avec des micro-embouts sur mesure aux caractéristiques acoustiques identiques aux CIC, 16 patients avec des embouts standards qui existent en 3 tailles et dans lesquels a été percé un évent de diamètre identique à celui des CIC des patients. 38 2. Signaux a. Signal de parole Le test choisi pour comparer l’intra-auriculaire CIC avec le contour à écouteur déporté est un test de logatomes10. L’avantage d’un test de logatomes est de ne tester que l’audition périphérique contrairement aux tests de mots ou de phrases qui ont un sens. La répétition de logatomes ne fait pas appel à la suppléance mentale, l’audition centrale est inhibée. De plus, la mémorisation de mots sans signification est très faible. Pour cette étude, j’ai choisi le test de logatomes de Léon Dodelé. Il compte 5 listes de 17 logatomes de 3 phonèmes de types voyelle / consonne / voyelle. Un premier logatome est donné mais n’est jamais compté. Chaque liste est notée sur 50 phonèmes, en multipliant par 2, le résultat est donné sous forme d’un pourcentage. Chaque phonème manquant ou erroné compte pour une erreur. Les phonèmes surnuméraires ne sont pas relevés. Chaque liste est équilibrée selon un Indice de Difficulté Statistique allant de 0 à 9. Un logatome qui ne présente aucune difficulté statistique a un indice de 0, à l’inverse, un logatome statistiquement très difficile a un indice de 9 (32). Ainsi, les listes sont équilibrées de manière à présenter les mêmes difficultés, ce qui permet de comparer leurs résultats. 10 Suite de sons correspondants aux règles phonologiques d’une langue mais sans signification propre, Larousse. 39 LISTE 1 LISTE 2 LISTE 3 LISTE 4 LISTE 5 a d un ai d eu an tr oi oka a ss ain eu f an ai f a eu f é au f ai é f au u ss ai eu ss a i ss eu ai ss i ai ss a eu ch é an ch é a ch ou é ch a i ch an ain v a a v au ivé a v on on v a ai z eau ou z eu on z a i z ain ou z é a j on u j ai ujé éjo eu j i ipa épa au p eu eu p é eu p ain ai t é i t eu ato ita ai t i eu k é ika ou k an an k ou uka i b an ai b eu eu b a a b ain au b an eu d a ain d eu ain d an an d eu adé eu g ain é g an ai gu eu eu g ai an g o o m an i m ain a m ai imé eu m ai ai n ou é n an éna ou n eu eu n ain éwa on w ai ain w i ai w a awé aré ori ai r ai an r a ari i l ou a l ou i l an u l ou ai l ou Tableau 2 Listes de logatomes de Dodelé Pour la réalisation des tests, le signal de parole est émis à 55 dB SPL par 2 hauts parleurs (HP) situés face au patient et à hauteur de sa tête. Pour une meilleure reproductibilité, j’utilise une voix enregistrée moyenne et non la voix directe. Le support d’enregistrement des logatomes est celui du Collège National d’Audioprothèse. Les listes sont diffusées aléatoirement. 40 b. Bruit Afin de réaliser un test de logatomes en milieu bruyant, j’ai utilisé l’onde vocale globale (OVG), employée par Léon Dodelé dans ses tests d’audiométrie verbo-fréquentielle avec adjonction de bruit. Il s’agit d’un mélange de voix de 2 couples (homme/femme), l’un anglais, l’autre français. Le bruit a été équilibré et écrêté. Discontinu et non reconnaissable, il est très réaliste et représentatif du spectre de la parole à long terme (32). Au cours de la passation des tests, le bruit est séparé du signal afin de bénéficier des différences inter auriculaires d’intensité, de temps et de phase, comme dans le quotidien du patient. À 55 dB SPL, le bruit est émis par 5 HP situés au plafond au-dessus du patient. Pour des raisons techniques, je n’ai pas pu placer ces HP à la même hauteur que les HP émetteurs du signal de parole. Le rapport signal / bruit (RSB) est fixé à 0 dB. 3. Instruments Voici la liste du matériel utilisé : Un otoscope, Un audiomètre Aurical étalonné avec un casque TDH 39, Le logiciel fabricant « Inspire » de Starkey avec les câbles de connexion pour CIC et RIC, Une chaîne de mesures Aurical, Les CD du Collège National d’Audioprothèse, 7 HP, Le matériel nécessaire à un atelier d’audioprothèse. 41 4. Mise en place du dispositif Dans une cabine insonorisée selon les normes en vigueur, article D. 436119 du Code de la Santé Publique (33) : Le niveau de bruit dans les conditions normales d’utilisation ne doit pas excéder 40 dB A en niveau constant équivalent sur une durée de mesure d’une heure, Le temps de réverbération des parois de la pièce où se déroulent les mesures audioprothétiques ne doit pas être supérieur à 0,5 seconde à la fréquence de 500 Hz, ceci pendant les mesures audioprothétiques. Figure 11 Disposition des HP vue de dessus Le patient est assis et placé à 1 mètre des HP avant qui sont espacés de 60°. Les HP qui émettent le bruit sont au plafond. Il est demandé au patient de rester dans cette position, la tête droite et fixe face aux HP durant les tests. Tous les patients ont été reçus dans la même cabine. 42 C. PROCÉDURE Lorsque le patient arrive dans le centre, je me présente tout en lui expliquant la démarche et le déroulement de l’entretien. Je lui propose de s’installer dans la salle d’attente où des magazines et revues sont mis à disposition. Une boisson lui est également proposée. 1. Afin de gagner un maximum de temps, l’assistante audioprothésiste nettoie et vérifie les appareils du patient. Pendant ce temps, je sélectionne les embouts standards de taille similaire aux CIC et je perce un évent de même diamètre (du 1V à l’IROS). 2. Enfin, je connecte les CIC du patient au logiciel. Le relevé du datalogging me permet de contrôler le temps de port des appareils. 3. Les CIC sont réglés en mode test (réglages utilisateur) accessible via le logiciel, et passés en chaine de mesures. 4. Par la suite, je connecte les RIC (de la gamme correspondante aux CIC) au logiciel. Tout en réinjectant les mêmes réglages (traitements du signal tels que le Voice iQ) que les CIC, je passe les RIC en chaine de mesures. Pour chaque appareil, je modifie les réglages jusqu’à obtention d’une courbe la plus proche possible de celle des CIC. 5. Puis, je crée un programme avec microphone omnidirectionnel et un autre avec microphone directionnel accessibles par le bouton poussoir sur l’appareil. Pour la suite, nous utiliserons les abréviations suivantes : RICo : RIC en position microphone omnidirectionnel RICd : RIC en position microphone directionnel 43 6. Tout est prêt, le patient s’installe en cabine. Après otoscopie, je réalise un audiogramme tonal au casque. 7. Avant de commencer les tests, j’explique les consignes au patient : avec un bruit de fond, il va entendre des mots qui n’ont aucune signification, il doit simplement répéter ce qu’il entend même si ce n’est qu’une partie du mot, il ne doit pas chercher à trouver un sens au mot. 8. Une tierce personne (un audioprothésiste ou l’assistante) place soit les CIC, soit les RICo, soit les RICd sur le patient. De cette manière, le test est réalisé en aveugle, faisant dos au patient, je découvre seulement à la fin l’ordre dans lequel les appareils ont été placés. 9. Une fois que les premières aides auditives sont mises en place, le bruit est fixé à 55 dB SPL. Puis, à 55dB SPL la liste 5 dite d’entrainement est diffusée. Tous les patients ont bien compris les consignes, il n’a pas été nécessaire de les réexpliquer après la liste d’entrainement. 10. Aléatoirement une liste de logatomes est diffusée et cette fois les erreurs sont comptées et répertoriées. 11. Toujours choisie aléatoirement, une deuxième liste est diffusée avec les autres appareils ou l’autre programme. 12. Puis une troisième liste est répétée avec les autres appareils ou l’autre programme. À chaque nouvelle liste, le changement d’appareils ou de programme est effectué par une tierce personne. Toutes les erreurs ont été notées par le même examinateur. Pour la réalisation des tests les piles des appareils sont neuves. À la fin des épreuves, les résultats sont calculés et expliqués au patient tout en le remerciant pour sa participation. 44 Avant de mettre en place ce protocole final, j’ai fait l’expérience avec quelques patients. Les premières épreuves m’ont permis de préciser quelques détails, notamment le RSB, la durée des tests et le temps d’attente des patients. Il peut paraître surprenant que le patient ne vienne en cabine que dans un second temps, mais il s’est avéré que les sujets s’impatientaient. Or l’animation de la salle d’attente et les revues, dont elle dispose, les ont très vite rendus « patients ». De même, ces premières expériences m’ont permis de calculer le temps nécessaire à la réalisation des épreuves et la durée totale de la séance. Durée de la séance : 50 min à 1h. Durée des épreuves : environ 30 min selon les patients. Avec du temps, un agenda moins chargé, des patients plus disponibles, un financement plus important, j’aurais souhaité mettre en place un protocole expérimental encore plus rigoureux : Réaliser des micro-embouts à l’identique de la coque des CIC pour tous les patients. Faire un premier entretien durant lequel l’audiogramme est effectué ainsi qu’une liste de logatomes. Mettre en place les RICo et que le patient les porte pendant 2 à 3 semaines Lors d’une seconde séance, faire une deuxième liste de logatomes. Mettre les RIC sur le programme microphone directionnel et laisser le patient les porter pendant 2 à 3 semaines Lors d’un dernier rendez-vous, faire la troisième liste de logatomes. 45 III. RÉSULTATS A. TESTS STATISTIQUES UTILISÉS L’étude expérimentale menée dans ce mémoire nous a permis de collecter des données, notamment des scores d’intelligibilité dans le bruit. À l’issue de ce mémoire, je devrais être en mesure de répondre à notre problématique de départ. Analyser et interpréter les données pour en extraire une conclusion valide nécessitent l’emploi de la statistique. Nous cherchons à mettre en évidence s’il existe une différence statistiquement significative au test de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des CIC et des RIC. Le choix des tests statistiques appropriés dépend de l’échantillon et des données à traiter. La taille de l’échantillon est de 22 individus (N = 22). L’échantillon est apparié ou dépendant car les mesures ont été réalisées sur le même échantillon. Les scores sont exprimés en pourcentages de bonnes réponses, les données sont donc quantitatives. 1. Analyse descriptive Avant d’appliquer les tests statistiques aux données obtenues lors de notre étude, je vous propose une analyse descriptive de ces résultats sous forme de boîtes à moustaches. Il s’agit d’une représentation graphique qui synthétise certains caractères de position de nos séries statistiques quantitatives (la médiane, les quartiles, le minimum et le maximum). La boîte à moustaches permet de déceler des points extrêmes et d’observer l’homogénéité de la série. 46 2. Étude de la normalité de la distribution : le Test de Shapiro-Wilk L’effectif N est inférieur à 30, il est alors nécessaire de vérifier la normalité de l’échantillon. L’étude de la normalité des données est réalisée avec le Test de Shapiro-Wilk. Elle est destinée à mesurer la conformité de la distribution observée avec une distribution normale théorique, sur une représentation permettant de visualiser la distribution de fréquence cumulée normale comme une droite. Il s’agit de la méthode la plus puissante en particulier lorsque l’échantillon provient d’une distribution asymétrique. Ce test implique l’emploi de tables, actuellement calculées pour une taille d’échantillon comprise entre 3 et 500. L’application du test de Shapiro-Wilk révèle que nos résultats suivent une distribution normale. Les tests paramétriques sont donc applicables. 3. Test paramétrique : le Test de Student L’objectif est de comparer les moyennes de deux échantillons appariés, le test préconisé est alors le Test T de Student. Nous posons deux hypothèses : Ho : la différence entre les deux moyennes ne diffère pas dans la population étudiée. H1 : la différence entre les deux moyennes diffère dans la population étudiée. α le risque d’erreur de rejeter Ho est fixé pour notre étude à α = 5%. 47 t seuil : valeur du seuil critique donnée par la table de Student en dessous de laquelle on rejette Ho. t calculée : valeur calculée par le test de Student. p : « risque exact de se tromper », c’est le risque α minimal qu’il aurait fallu fixer pour rejeter Ho. Si t calculée < t seuil alors on rejette Ho p Table 1 Table de Student Au risque α de 5%, nous nous référons à l’avant dernière colonne de la table de Student. 48 B. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX 1. Analyse descriptive des séries CIC, RICo et RICd pour l’ensemble de la population étudiée Scores d'intelligibilité dans le bruit Boîtes à moustaches 100% 90% 80% 70% Q1 60% min 50% médiane 40% max 30% Q3 20% 10% 0% CIC RICo RICd L’analyse descriptive des trois séries montre que les médianes des scores en RICo et RICd sont semblables aux environs de 75% d’intelligibilité. La série CIC présente une médiane plus élevée avec 80% d’intelligibilité. Les maximas des séries sont équivalents avec les meilleurs scores aux environs de 93%, plus précisément 94% avec les CIC et 92% avec les RIC. Les minimas sont beaucoup plus variables. Le score le plus médiocre est de 46% d’intelligibilité obtenu avec les RICo. Le résultat minimal obtenu avec les RICd est de 56%, et avec les CIC il est de 64%. 49 Enfin, la disparité des scores est moindre avec les RICd. En effet, la moitié de la population étudiée a obtenu un score compris entre 70% et 78% d’intelligibilité en milieu bruyant. Alors que la série des RICo voit les scores de la moitié de la population contenus entre 67% à 80% d’intelligibilité ; et entre 72% et 86% pour la série des CIC. Scores d'intelligibilité dans le bruit % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction du microphone 100% 90% 80% 70% 60% 50% 80% 74% 75% CIC RICo RICd 40% 30% 20% 10% 0% Ce graphique représente les écarts-types et les moyennes des scores d’intelligibilité dans le bruit obtenus avec les CIC, les RICo et les RICd. Nous allons à présent mettre en évidence s’il existe une différence statistique significative entre ces moyennes à l’aide du Test de Student. 50 2. Résultats avec des micro-embouts sur mesure Pour simplifier l’écriture des résultats, nous posons les abréviations suivantes : RICo,p : contour à écouteur déporté avec microphone omnidirectionnel et micro-embout sur mesure (personnalisé). RICd,p : contour à écouteur déporté avec microphone directionnel et micro-embout sur mesure (personnalisé). a. Comparaison entre le CIC et le RICo,p % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 50% 81% 75% 40% 30% 20% 10% 0% CIC RICo,p Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC malgré les micro-embouts réalisés sur mesure pour les RICo. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 6% 51 de logatomes en plus lorsque les microphones omnidirectionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. Cependant, en utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICo,p est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 2.84 soit supérieur à 2.571 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 5. b. Comparaison entre le CIC et le RICd,p % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 50% 81% 74% 40% 30% 20% 10% 0% CIC RICd,p Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC malgré les micro-embouts 52 réalisés sur mesure pour les RICd. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 7% de logatomes en plus lorsque les microphones directionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICd,p est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 6.39 soit supérieur à 2.571 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 5. Nous pouvons même préciser que la différence des moyennes est statistiquement significative jusqu’au risque 1% (p > 4.032). c. Comparaison entre le RICo,p et le RICd,p % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction du mode microphonique Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 50% 75% 74% 40% 30% 20% 10% 0% RICo,p RICd,p 53 Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une légère amélioration de l’intelligibilité dans le bruit avec les microphones omnidirectionnels. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 1% de logatomes en plus lorsque les microphones sont omnidirectionnels plutôt que directionnels. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des microphones directionnels et omnidirectionnels est statistiquement non significative au risque 5%. Le test donne p = 0.99 soit inférieur à 2.571 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 5. Pour que la différence des moyennes soit statistiquement significative, il aurait fallu prendre un risque α = 40% (p > 0.92). 3. Résultats avec des embouts standards Pour simplifier l’écriture des résultats, nous posons les abréviations suivantes : RICo,s : contour à écouteur déporté avec microphone omnidirectionnel et embout standard. RICd,s : contour à écouteur déporté avec microphone directionnel et embout standard. 54 a. Comparaison entre le CIC et le RICo,s % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 79% 50% 74% 40% 30% 20% 10% 0% CIC RICo,s Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC même avec des embouts standards pour les RICo. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 5% de logatomes en plus lorsque les microphones omnidirectionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICo,s est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 2.8188 soit supérieur à 2.131 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 15. Nous pouvons même préciser que la différence des moyennes est statistiquement significative jusqu’au risque 2% (p > 2.602). 55 b. Comparaison entre le CIC et le RICd,s % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 50% 79% 75% 40% 30% 20% 10% 0% CIC RICd,s Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC même avec des embouts standards pour les RICd. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 4% de logatomes en plus lorsque les microphones directionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICd,s est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 2.417 soit supérieur à 2.131 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 15. 56 c. Comparaison entre le RICo et le RICd,s % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction du mode microphonique Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 50% 74% 75% 40% 30% 20% 10% 0% RICo,s RICd,s Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une légère amélioration de l’intelligibilité dans le bruit avec les microphones directionnels. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 1% de logatomes en plus lorsque les microphones sont directionnels plutôt qu’omnidirectionnels. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des microphones directionnels et omnidirectionnels est statistiquement non significative au risque 5%. Le test donne p = 0.2598 soit inférieur à 2.131 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 15. Pour que la différence des moyennes soit statistiquement significative, il aurait fallu prendre un risque α = 80% (p > 0.258). 57 Résumé : La différence des moyennes en fonction des embouts est-elle statistiquement significative ? Embouts CIC / RICo CIC / RICd RICo / RICd sur mesure OUI OUI NON P = 2.84 P = 6.39 P = 0.99 OUI OUI NON P = 2.81 P = 2.41 P = 0.25 standards Il apparait que : quel que soit l’embout, sur mesure ou standard, la différence des moyennes des scores d’intelligibilité en milieu bruyant entre le CIC et le RIC est statistiquement significative. Que les RIC soient en programme « microphones omnidirectionnels » ou en programme « microphones directionnels », avec des micro-embouts sur mesure aux paramètres acoustiques identiques à ceux des CIC ou avec des embouts standards, la différence avec les CIC reste statistiquement significative. De même, en fonction du mode microphonique employé pour les RIC, la différence est statistiquement non significative quel que soit les embouts utilisés. Pour la suite des résultats, nous allons donc considérer la population étudiée dans son ensemble quel que soit les embouts utilisés pour les tests. 58 4. Résultats pour l’ensemble de la population a. Comparaison entre le CIC et le RICo % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 80% 50% 74% 40% 30% 20% 10% 0% CIC RICo Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 6% de logatomes en plus lorsque les microphones omnidirectionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICo est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 3.81 soit supérieur à 2.080 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 21. Nous pouvons même préciser que la différence des moyennes est statistiquement significative jusqu’au risque 1% (p > 2.831). 59 b. Comparaison entre le CIC et le RICd % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 50% 80% 75% 40% 30% 20% 10% 0% CIC RICd Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 5% de logatomes en plus lorsque les microphones directionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICd est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 3.76 soit supérieur à 2.080 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 21. Nous pouvons même préciser que la différence des moyennes est statistiquement significative jusqu’au risque 1% (p > 2.831). 60 c. Comparaison entre le RICo et le RICd % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction du mode microphonique Scores d'intelligibilité dans le bruit 100% 90% 80% 70% 60% 50% 75% 74% RICd RICo 40% 30% 20% 10% 0% Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients ont une légère amélioration de l’intelligibilité dans le bruit avec les microphones directionnels. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 1% de logatomes en plus lorsque les microphones sont directionnels plutôt qu’omnidirectionnels. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des microphones directionnels et omnidirectionnels est statistiquement non significative au risque 5%. Le test donne p = 0.0517 soit inférieur à 2.080 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 21. 61 Résumé : La différence des moyennes des scores d’intelligibilité en milieu bruyant entre les appareils est-elle statistiquement significative ? CIC / RICo CIC / RICd RICo / RICd OUI OUI NON 5. Résultats en fonction de la perte d’audition : ≤ 45dB HL a. Comparaison entre le CIC et le RICo Scores d'intelligibilité dans le bruit % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 78% 74% 30% 20% 10% 0% CIC RICo 62 Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients qui ont une perte d’audition ≤ 45 dB HL présentent une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 4% de logatomes en plus lorsque les microphones omnidirectionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICo est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 2.28 soit supérieur à 2.228 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 10. b. Comparaison entre le CIC et le RICd Scores d'intelligibilité dans le bruit % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 78% 73% 30% 20% 10% 0% CIC RICd 63 Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients qui ont une perte d’audition ≤ 45 dB HL présentent une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 5% de logatomes en plus lorsque les microphones directionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICd est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 2.75 soit supérieur à 2.228 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 10. c. Comparaison entre le RICo et le RICd Scores d'intelligibilité dans le bruit % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction du mode microphonique 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 73% 74% 30% 20% 10% 0% RICo RICd 64 Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients qui ont une perte d’audition ≤ 45 dB HL présentent une légère amélioration de l’intelligibilité dans le bruit avec les microphones directionnels. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 1% de logatomes en plus lorsque les microphones sont directionnels plutôt qu’omnidirectionnels. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des microphones directionnels et omnidirectionnels est statistiquement non significative au risque 5%. Le test donne p = 0.18 soit inférieur à 2.228 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 10. ≥ 45dB HL a. Comparaison entre le CIC et le RICo Scores d'intelligibilité dans le bruit % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 77% 73% 30% 20% 10% 0% CIC RICo 65 Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients qui ont une perte d’audition ≥ 45 dB HL présentent une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 4% de logatomes en plus lorsque les microphones omnidirectionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICo est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 3.23 soit supérieur à 2.228 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 10. Nous pouvons même préciser que la différence des moyennes est statistiquement significative jusqu’au risque 1% (p > 3.169). b. Comparaison entre le CIC et le RICd Scores d'intelligibilité dans le bruit % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction de la position du microphone 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 77% 70% 30% 20% 10% 0% CIC RICd 66 Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients qui ont une perte d’audition ≥ 45 dB HL présentent une meilleure intelligibilité dans le bruit avec les CIC. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 7% de logatomes en plus lorsque les microphones directionnels sont placés à l’entrée du méat auditif externe. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des aides auditives CIC et avec des RICd est statistiquement significative au risque 5%. Le test donne p = 2.56 soit supérieur à 2.228 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 10. c. Comparaison entre le RICo et le RICd Scores d'intelligibilité dans le bruit % d'intelligibilité en milieu bruyant en fonction du mode microphonique 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 73% 70% 30% 20% 10% 0% RICo RICd 67 Au vue de ces moyennes, nous constatons que les patients qui ont une perte d’audition ≥ 45 dB HL présentent une amélioration de l’intelligibilité dans le bruit avec les microphones directionnels. Dans un milieu bruyant, ils comprennent 3% de logatomes en plus lorsque les microphones sont directionnels plutôt qu’omnidirectionnels. En utilisant le test statistique de Student, il apparait que la différence d’intelligibilité aux listes de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des microphones directionnels et omnidirectionnels est statistiquement non significative au risque 5%. Le test donne p = 0.18 soit inférieur à 2.228 si nous nous référons à la table de Student au risque 5% et au degré de liberté N-1 = 10. Résumé : La différence des moyennes en fonction de la perte d’audition est-elle statistiquement significative ? Surdité CIC / RICo CIC / RICd RICo / RICd ≤ 45 dB HL OUI OUI NON P = 2.28 P= 2.75 P = 0.18 OUI OUI NON P = 3.23 P = 2.56 P = 0.18 ≥ 45 dB HL 68 IV. ANALYSE DES RÉSULTATS Les épreuves ont été réalisées avec des RIC disposant de micro-embouts sur mesure qui respectaient parfaitement les paramètres acoustiques des CIC et d’embouts standards. Que les paramètres acoustiques soient parfaitement identiques à ceux des CIC ou bien approximatifs, les tests statistiques mettent en évidence l’existence d’une différence significative entre les scores d’intelligibilité en milieu bruyant obtenus avec les CIC et avec les RIC. De même, que les microphones des RIC soient directionnels ou omnidirectionnels, les tests statistiques révèlent l’existence d’une différence significative entre les scores d’intelligibilité dans le bruit obtenus avec les CIC et avec les RIC. Il apparait également que quel que soit la perte d’audition (comprise entre légère et moyenne), le CIC reste plus performant dans le bruit que le RIC. De plus, il semble que plus le niveau de surdité est important, plus la différence est statistiquement significative entre les scores obtenus avec les CIC et ceux relevés avec les RICo. Ce mémoire avait pour objectif de répondre à la problématique suivante : Les performances d’intelligibilité en milieu bruyant d’un appareillage binaural en intra-auriculaires semi-profonds sont-elles meilleures qu’en contours d’oreille à écouteur déporté ? Nous avions formulé l’hypothèse de recherche suivante : L’effet pavillon respecté par la position physiologique du microphone de l’intra auriculaire semi-profond permet une meilleure d’intelligibilité en milieu bruyant que le contour à écouteur déporté. 69 efficacité Le protocole expérimental mis en place et les tests statistiques appliqués aux données obtenues nous permettent de valider notre hypothèse initiale : Au faible risque de 1% de se tromper, nous pouvons donc affirmer que de par la position du microphone à l’entrée du conduit auditif externe, les intra-auriculaires semi-profonds offrent une meilleure compréhension en milieu bruyant que les contours d’oreille à écouteur déporté. Bien qu’en dehors de mon champ d’investigation, la comparaison entre les RIC avec microphones omnidirectionnels et directionnels m’a semblée judicieuse. Ainsi, les statistiques mettent en exergue qu’il n’existe pas de différence significative entre les scores d’intelligibilité en milieu bruyant relevés avec les RICo et avec les RICd. Ce constat est susceptible de soulever de nombreuses questions. En effet, nous sommes à un stade où la plupart des aides auditives de type contour d’oreille sont réglées avec des microphones directionnels pour améliorer la compréhension dans le bruit. Certains fabricants vont même jusqu’à créer des traitements de signaux visant à reconstituer l’effet pavillon pour les contours d’oreille qui ne bénéficient pas de l’amplification naturelle apportée par le pavillon. L’audioprothésiste se doit donc de tester et de vérifier par lui-même les bénéfices de ces technologies. Je pense qu’il doit aussi tenir compte de l’avis du patient. En effet, même si les avantages d’un nouveau traitement de signal ne se font pas ressentir en cabine lors d’épreuves vocales ou tonales, peut-être que le patient percevra un meilleur confort. 70 V. DISCUSSION A. LIMITES DE L’ÉTUDE Le manque de temps, d’expérience, de connaissances, de moyens techniques, financiers et les contraintes auxquelles j’ai été confrontée, m’ont imposé certaines limites. 1. Liées à l’échantillon Une étude réaliste et représentative de la population française presbyacousique appareillée devrait présenter un échantillon représentatif de cette population. Or mon panel était limité au fichier patient d’un seul centre sous enseigne et dans une région géographique précise. Il aurait été intéressant de sélectionner un échantillon à partir d’un panel plus large : des patients de différentes zones géographiques de la Bretagne à l’Alsace et du Nord Pas de Calais au Languedoc Roussillon. De même, la sélection à partir des fichiers patients de diverses enseignes et audioprothésistes indépendants aurait permis une plus grande diversité. Enfin la taille de l’échantillon reste faible, un minimum de 30 patients aurait été préférable. 2. Liées à la méthodologie a. Les réglages des appareils Le réglage des RIC à l’aide de la chaîne de mesures a pu manquer de précision. En effet, il est quasiment impossible de régler au décibel près les RIC à l’identique avec les CIC. L’échelle de graduation des graphiques obtenus à la chaine de mesure n’est pas assez précise et le nombre de canaux des aides 71 auditives ne permet pas toujours de régler précisément le gain sur une bande de fréquences donnée. b. Les paramètres acoustiques L’utilisation des embouts standards à la place de micro-embouts surmesure lors des tests avec les RIC marque une modification des paramètres acoustiques non négligeable. Le risque de fuites, les erreurs de longueur de l’embout, la position dans le CAE créent probablement un désavantage au bénéfice de l’intra-auriculaire. Cependant le petit échantillon de patients ayant réalisé les épreuves avec embouts sur-mesure montre des performances d’intelligibilité en milieu bruyant quasiment identiques que celles obtenues avec les embouts standards. Embouts CIC RICo RICd Sur mesure 81% 75% 74% Standards 79% 74% 75% c. Les conditions de mesure L’emplacement des HP qui émettent le bruit n’est certainement pas idéal. En effet, il aurait été préférable que tous les HP soient à la même hauteur. Le bruit provenant du plafond a probablement créé un désavantage pour les RIC au profit des CIC. Les microphones des RIC sont placés au-dessus de l’oreille et légèrement en arrière, on peut alors supposer qu’ils étaient plus disposés à capter le bruit plutôt que la parole provenant de l’avant à hauteur des oreilles. De même, cette disposition est peut-être responsable de l’absence de différence 72 statistiquement significative entre les microphones directionnels et omnidirectionnels. Figure 12 Disposition idéale des HP autour du patient d. Le temps de port des RIC Contrairement aux CIC que les patients portent depuis au moins quelques mois, les RIC ne sont portés que le temps des épreuves. Il aurait été plus rigoureux de les faire porter pendant au moins 2 à 3 semaines pour chaque mode microphonique. Ce facteur a peut être influencé les résultats à l’avantage des CIC. Si ce paramètre avait été intégré dans le protocole expérimental, il aurait été encore plus intéressant de prendre en considération le ressenti des patients. L’élaboration d’un questionnaire nous aurait permis de tenir compte de l’avis des patients sur chaque appareil et sur chaque mode microphonique. Ce questionnaire aurait été rempli par les patients après chaque essai de 2 à 3 semaines. Nous aurions ainsi pu mettre en corrélation les résultats aux tests de logatomes dans le bruit avec le vécu des patients. 73 B. DISCUSSION DES RÉSULTATS Les résultats des tests statistiques sont irréfutables : les intra-auriculaires semi-profonds offrent de meilleures performances d’intelligibilité en milieu bruyant que les contours à écouteur déporté. Ces conclusions corroborent le mémoire mené par un audioprothésiste issu de l’école de Nancy en 2010 (34). Lors de son étude, il avait prouvé les performances incomparables du CIC par rapport au RIC. Les tests avaient même montré que plus le RSB était nul voir négatif, plus l’écart se creusait et plus le CIC devançait le RIC. Cependant, mon protocole expérimental présente des failles que je ne peux nier. Le dispositif de passation des épreuves avantage indiscutablement le CIC. D’autant plus qu’il a été prouvé que l’intra-auriculaire permet une meilleure localisation spatiale en particulier dans le plan vertical. Les limites de mon étude ont été énoncées précédemment. Cette liste est non exhaustive et les limites recensées doivent être considérées de manière à aborder la conclusion de ce mémoire en toute objectivité. 74 CONCLUSION Ce mémoire a prouvé que l’intra-auriculaire semi-profond offre de meilleures performances d’intelligibilité en milieu bruyant que le contour à écouteur déporté chez les patients presbyacousiques en appareillage binaural présentant une surdité légère à moyenne. Cette amélioration est notamment due à l’amplification naturelle des fréquences conversationnelles par le pavillon. Les réverbérations et les pics de résonances engendrées par la conque sont captées par le microphone de l’intra-auriculaire à l’entrée du conduit auditif externe, puis retransmises au tympan et au système auditif. Quant au contour à écouteur déporté, la position de son microphone au sommet du sillon auriculaire ne lui permet pas de bénéficier de ce gain physiologique de manière naturelle. Il me semble que cette étude mériterait d’être reproduite avec un dispositif différent, en plaçant les HP qui diffusent le bruit à la même hauteur que les HP qui émettent le signal de parole. De même, une modification de la procédure par le port prolongé (2 à 3 semaines, voire plus longtemps) des contours par les patients permettrait de moins avantager les intra-auriculaires au détriment des écouteurs déportés. Enfin, pour que mon mémoire soit complet, il aurait été intéressant de considérer le ressenti des patients pour chaque appareil. L’élaboration d’un questionnaire axé sur le confort, l’aisance de port de chaque aide auditive et sur leur efficacité dans le milieu de vie des patients, nous aurait aiguillé sur les capacités globales des appareils. Ainsi, nous aurions pu dresser un profil détaillé 75 sur les avantages et les inconvénients perçus par les patients pour chaque aide auditive. Et nous aurions pu comparer l’efficacité des appareils mesurée dans la cabine de l’audioprothésiste avec celle ressentie par les patients dans leur quotidien. Pour conclure… L’idée de ce mémoire s’est construite sur l’envie de proposer ce qu’il y a de mieux pour le patient et surtout de répondre à ses besoins. À un moment donné de mes études, je me suis sentie comme prise au piège entre deux mouvements, deux manières de penser, de pratiquer ; d’un côté les passionnés du contour d’oreille et d’un autre côté les amoureux de l’intra-auriculaire. J’avais la sensation de devoir choisir entre les deux clans. Le sujet de mon mémoire m’est alors apparu comme une évidence, d’autant plus qu’il concerne la majorité des patients pris en charge par un audioprothésiste traditionnel. Aujourd’hui, j’ai pris position en prenant le parti de n’appartenir ni à l’un ni à l’autre. En effet, l’objectif de mon mémoire n’est pas de prouver qu’un des deux appareils est tout blanc et l’autre tout noir, loin de là ! Mon but personnel était de me faire ma propre opinion en me basant sur des preuves concrètes. Il est évident que l’intra-auriculaire ne peut convenir à tous les patients. Les contraintes anatomiques, le manque de dextérité, l’incompatibilité avec la perte d’audition sont autant de raisons de contre-indiquer « le petit appareil qui ne se voit pas ». Cependant, je pense que l’adaptation prothétique d’aides auditives plébiscitées par des patients généralement peu enclins à l’appareillage est un réel facteur de motivation. Lorsque le patient ne présente aucune contre-indication et s’il est demandeur d’intra-auriculaires, cet appareil est un excellent moyen d’améliorer la compréhension de la parole en milieu bruyant tout en répondant à ses attentes. 76 LISTE DES ILLUSTRATIONS FIGURES Figure 1 Schéma de l'oreille ________________________________________ 4 F i g u re 2 S c h é m a d u p av i l l o n _______________________________________ 5 Figure 3 Gain acoustique de l'oreille externe (t), du conduit auditif externe (c) et du pavillon (p) pour une source à l’azimut 45° dans le plan horizontal _______ 7 Figure 4 Schéma de l'organe de Corti_________________________________ 9 Figure 5 Illustration de la tonotopie cochléaire ________________________ 11 Figure 6 Dynamique auditive du malentendant et du normo-entendant _____ 15 F i g u r e 7 C o u r b e s d 'a c c o r d p s y c h o a c o u s ti q u e s ________________________ 17 F i g u r e 8 P o s i ti o n d e l 'é c o u te u r d u C I C e t d u R I C d a n s l e C A E F ig u re 9 R ép o n se en fréq u en c e ___________ 25 d'un écouteur dans un BTE ______________ 26 F i g u r e 1 0 R é p o n s e e n f r é q u e n c e d 'u n é c o u te u r d a n s u n C I C F i g u r e 1 1 D i s p o s i ti o n d e s H P v u e d e d e s s u s _____________ 26 __________________________ 37 F i g u r e 1 2 D i s p o s i ti o n i d é a l e d e s H P a u to u r d u p a ti e n t __________________ 37 TABLE Table 1 Table de Student _________________________________________ 37 TABLEAUX Tableau 1 Gain par fréquence en fonction de la position du microphone ____ 27 Tableau 2 Listes de logatomes de Dodelé ____________________________ 37 77 BIBLIOGRAPHIE 1. PELLION, Frédéric. Surdité et souffrance psychique. Paris : Ellipses, 2001. 2. DILLON, Harvey. Hearing Aids. Sydney : Boomerang Press, 2001. 3. SCARINCI Nerina, WORRALL Linda, HICKSON Louise. The effect of hearing impairment in older people on the spouse. International Journal of Audiology, 2008. Vol. 47. 4. BURKEY, John M. Overcoming Hearing Aid Fears: The Road to Better Hearing. Rutgers, University Press, 2003. 5. LIPPINCOTT WILLIAMS & WILKINS. Ear & Hearing. Bloomington, Indiana, 2004. 6. VERGNON, Laurent. L'Audition dans le Chaos. Elsevier Masson, 2008. 7. PICKLES, James O. An Introduction to the Physiology of Hearing. Academic Press, 1982. 8. KEIDEL Wolf D.l, NEFF William D. Handbook of Sensory Physiology. Springer, 1974. 9. PREVES, D. Real-ear insertion gain provided by CIC, ITC and ITE hearing instruments. Hearing Review, 1994. Vol. 1. 10. BLAUERT, Jens. Spatial Hearing. Cambridge : MIT Press, 1983. 11. GELFAND Stanley A., Ph. D. Hearing. Marcel Dekker CRC Press, 1983. 12. 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Mémoire de fin de cursus au D.E. d'Audioprothésiste. 80 ANNEXES ANNEXE 1 : Données détaillées par patients ANNEXE 2 : Exemple d’un cas pratique ANNEXE 3 : Exemple de l’application du test de Shapiro-Wilk 81 ANNEXE 1 : Données détaillées par patients CIC RICo RICd Patients listes scores listes scores listes scores A 4 92% 3 84% 2 78% B 2 64% 4 46% 3 70% C 3 68% 4 72% 2 66% D 1 88% 3 92% 2 88% E 4 84% 2 76% 1 78% F 3 86% 2 78% 1 72% G 1 64% 3 66% 2 58% H 3 72% 1 66% 4 72% I 3 94% 1 88% 4 88% J 2 78% 1 76% 3 68% K 1 84% 2 74% 3 76% L 4 72% 2 64% 1 56% M 2 80% 1 78% 4 76% N 3 86% 2 80% 1 78% O 1 80% 4 68% 3 70% P 2 68% 4 66% 3 64% Q 1 88% 3 86% 4 80% R 2 72% 4 66% 1 76% S 4 80% 1 70% 2 72% T 2 92% 3 76% 4 92% U 1 80% 3 88% 4 88% V 4 82% 3 78% 2 74% 82 Patients Gamme Âge Perte d'audition Expérience (ans) (dB HL) (années) OD OG Temps de port Sexe A 7 76 40,0 42,5 7 13h H B 7 64 48,8 46,3 1 12h H C 9 50 57,5 55,0 11 16h H D 7 78 38,8 50,0 1 9h F E 9 63 43,8 40,0 2 14h H F 7 90 32,5 47,5 2 8h F G 9 88 38,8 35,0 1 10h F H 7 61 47,5 51,3 5 15h H I 7 65 38,8 41,3 1 11h H J 9 90 62,5 66,3 6 8h H K 7 79 46,3 42,5 1 12h F L 9 84 63,8 51,3 5 8h F M 11 75 48,8 41,3 6 9h F N 11 75 46,3 58,8 1 11h H O 7 89 52,5 55,0 2 10h H P 11 58 60,0 51,3 1 9h F Q 7 76 53,8 53,8 5 8h F R 7 76 53,8 57,5 10 13h H S 9 94 40,0 50,0 7 10h F T 7 68 42,5 40,0 1 11h H U 7 81 41,3 46,3 2 9h H V 9 82 52,5 67,5 2 8h H 83 ANNEXE 2 : Exemple d’un cas pratique Patient : Monsieur E Âge : 63 ans Cadre commercial Appareillé depuis 2 ans en CIC S serie iQ 9 à droite et à gauche. Temps de port : 14h / jour Otoscopie : normale Audiogramme de Monsieur E 125 250 500 Fréquences (Hz) 1K 2K 4K 6K 8K 0 10 20 Perte d'audition (dB HL) 30 40 OD 50 OG 60 70 80 90 100 110 120 84 Réglages des RIC à la chaîne de mesures en se rapprochant au plus près du réglage des CIC. Côté droit : RIC CIC Gain (dB) Niveau de sortie (dB SPL) Réponse en fréquence des appareils droits Côté gauche : RIC Gain (dB) Niveau de sortie (dB SPL) Réponse en fréquence des appareils gauches CIC 85 Erreurs phonétiques obtenues aux épreuves de logatomes de Dodelé dans le bruit : RICd LISTE 1 LISTE 2 z CIC LISTE 4 ai d eu b oka eu f an ai f a ain au f ai u ss ai eu ss a a d un eu ch é ss an ch é ain v a eu a v au ai z eau ai ss i o t é ch a a v on ou u ou z eu u i z ain a j on ou u j ai eu éjo ipa * * épa f eu p é i t eu ss ita eu an k ou ai t é eu k é t ika i b an * * * ai b eu a b ain eu d a * ain d eu an d eu é v eu g ain é g an k eu g ai o m an i m ain * imé ai n ou é n an éwa on w ai eu ai w a aré ori en an r a o a l ou u u l ou eu i l ou SCORES RICo eu 78% ou n eu 76% ou 84% L’astérisque * marque l’absence d’un phonème dans la réponse du patient. Pour Monsieur E, le port des CIC lui apporte 6 à 8% d’intelligibilité en plus dans le bruit par rapport aux RIC. 86 ANNEXE 3 : Exemple de l’application du test de Shapiro-Wilk Application aux données obtenues avec les CIC 87 RÉSUMÉ Ce mémoire étudie l’implication du positionnement du microphone vis-àvis de l’effet pavillon sur l’intelligibilité en milieu bruyant. Il compare ainsi l’intra-auriculaire semi-profond, dont le microphone est situé à l’entrée du conduit auditif externe, avec le contour à écouteur déporté, qui place son microphone au sommet du sillon auriculaire. De multiples études ont montré l’importance du pavillon et notamment de la conque dans l’amplification des fréquences conversationnelles et dans la localisation spatiale des sources sonores. Le protocole expérimental mis en place confronte l’intra-auriculaire semi-profond avec le contour à écouteur déporté en mode microphonique directionnel et en mode microphonique omnidirectionnel. Il est appliqué à une population presbyacousique présentant une perte d’audition légère à moyenne symétrique avec un appareillage binaural. La comparaison s’effectue avec un test de logatomes de Dodelé dans le bruit avec des appareils de même marque et de même technologie. Les résultats de l’étude montrent que l’intra-auriculaire apporte une meilleure intelligibilité en milieu bruyant que le contour à écouteur déporté quel que soit le mode microphonique. De plus, il apparait que les performances de compréhension dans le bruit ne présentent pas de différence statistiquement significative entre le mode microphonique directionnel et omnidirectionnel. Mots clés : intra-auriculaire semi-profond – contour à écouteur déporté – intelligibilité dans le bruit – effet pavillon – logatomes de Dodelé – microphone directionnel – microphone omnidirectionnel