Jean-Pierre Minaudier. Lycée La Bruyère, Versailles, septembre 8, 2005.                           Fr 2.5 
rebeller,  Gambetta  démissionna  début  février.  Toutes  les  troupes  françaises 
furent  désarmées,  sauf la  garde nationale  qui  n'était pas une armée régulière. 
Les veinqueurs accordèrent à la France un délai de trois semaines pour élire une 
Assemblée  nationale  qui  négocierait  les  conditions  de  la  paix :  Bismarck  ne 
voulait  pas  négocier  avec  des  « factieux  battus »  (selon  l'expression  de 
l’historien Daniel Halévy), mais avec un gouvernement légitime. 
  Les élections, organisées en dix jours au scrutin de liste départemental 
majoritaire,  eurent  lieu  le  8  février  1871,  sans  aucune  campagne  électorale 
préalable,  dans  l'improvisation  et  le  désordre  les  plus  complets.  Désorientés, 
privés des consignes préfectorales auxquelles ils étaient habitués, échaudés par 
les méthodes de Gambetta et de ses  collaborateurs (républicains),  les  Français 
votèrent massivement pour les candidats qu'ils connaissaient, qui les rassuraient, 
et  surtout  qui  leur  promettaient  la  paix :  c'est-à-dire  les  notables  — tout  au 
moins  ceux  qui  ne  s'étaient  pas  compromis  dans  le  régime  précédent.  Les 
partisans  de  la  guerre  à  outrance,  qui  étaient  aussi  les  républicains  radicaux, 
furent battus à plates coutures ; comme les les notables d'opposition de province 
étaient  des  légitimistes  ou  des  orléanistes,  les  élections  donnèrent  une  forte 
majorité  royaliste, élue, on le voit, sur une équivoque : elle avait reçu pour 
mission de faire la paix, pas de changer le régime. Sur six cent soixante-quinze 
députés, la Chambre comptait environ quatre cent cinquante royalistes, répartis 
à peu près également entre légitimistes et orléanistes. La noblesse y était mieux 
représentée  que  jamais  depuis  la  Restauration  (les  ducs  de  Broglie,  Decazes, 
d'Uzès, de La Rochefoucault ; les princes d'Aumale et de Joinville ; le comte de 
la Rochejacquelin, etc.) ; la grande bourgeoisie y était nombreuse également —
 en  revanche  il  n'y  avait  qu'un  prêtre,  Mgr  Dupanloup.  C'étaient  « toutes  les 
vieilles Frances (…) tirées par une sorte de miracle du sol bouleversé, crevassé 
par le désastre » ; ce qu'Halévy baptisa « la République des ducs ». Il n'y avait 
qu'une  vingtaine  de  bonapartistes  et  cent  soixante  à  cent  quatre-vingt 
républicains,  dont  quarante  se  réclamaient  de  Gambetta  et  cinq  seulement 
s'affichaient socialistes. Décidement, les Français n'étaient pas républicains… ce 
qui n’avait somme toute rien de surprenant : le pays n’avait vécu que 14 ans en 
république  (1792-1804  et  1848-1852),  cela  avait  été  deux  échecs  et  l’Empire 
avait fait toute une propagande antirépublicaine. 
  Mais Paris avait voté à l'inverse de la province ; avec l'est menacé 
d'annexion,  la  Seine  était  le  seul  département  à  avoir  plébiscité  les  listes  de 
guerre1.  Tous  les  socialistes  élus  l'étaient  à  Paris,  ainsi  que  la  plupart  des 
gambettistes :  Louis  Blanc,  Victor  Hugo,  Gambetta,  Garibaldi  (titulaire  d'un 
passeport français, car né à Nice), Rochefort, Clemenceau (Paris avait élu aussi 
des  modérés,  des  "républicains  de  paix"  comme  Jules  Favre  ou  Thiers).  En 
revanche  les  rares  socialistes  internationalistes  avaient  été  battus ;  les 
blanquistes également, même à Paris.  
  Après les élections, il fallut négocier avec Bismarck. Pour ce faire, dès sa 
première réunion à Bordeaux, toujours en février, l'Assemblée élut Thiers "chef 
                                                 
1  Le département de la Seine, à l’époque, couvrait aussi la banlieue proche.