Une théologie chrétienne pour la Chine ?
Mais voici d'autres ambiguïtés. Les auteurs insistent longuement dans
leur premier chapitre sur les formes de la religion chinoise antique, puis
de son héritage dans la piété populaire, et
cela
jusqu'aux temps modernes.
Ils n'ont pas eu de peine à y relever nombre de croyances et de pratiques
(miracles, offrandes et sacrifices, culte des morts, divination) qui se re-
trouvent « dans toutes les grandes religions » y compris le christianisme.
Ainsi se trouve mise en évidence une « religiosité » commune qui donne
une réponse assurée à la question initialement posée
: «
Les Chinois sont-
ils religieux ? » (p. 19). Mais tout aussitôt réapparaît une question redou-
table
:
qu'appellera-t-on « foi », qu'appellera-t-on « superstition » ? H.
Kùng,
qui
se refuse à
les
confondre
sous une même
étiquette,
propose
(après
bien d'autres) une intéressante « critériologie ». Il écrit notamment :
La religion ne reconnaît une autorité absolue à rien de
relatif,
de conditionné,
d'humain, elle ne reconnaît que le seul absolu même, que, dans notre tradition,
nous appelons « Dieu » depuis des temps immémoriaux. J'entends par là cette
réalité cachée, absolument première et dernière, qu'adorent non seulement les
juifs et les chrétiens mais aussi bien les musulmans, et que
les
hindous cherchent
dans le Brahma, les bouddhistes dans l'Absolu et bien entendu aussi les Chinois
traditionnels dans
le
Ciel ou dans le
Tao...
La superstition, en revanche, reconnaît
comme autorité absolue (et réclame une obéissance aveugle à) quelque chose
qui reste relatif et non absolu... Toute religion peut dégénérer en superstition,
dès lors qu'elle voit l'essentiel dans quelque chose qui ne
l'est
pas, qu'elle
absolutise quelque chose de
relatif,
(p. 77)
Par de pareilles définitions sont finalement rejetées dans les ténèbres de
la superstition des formes d'expression qualifiées de « religieuses » dans
les pages précédentes. A Taiwan, nous dit-on,
le christianisme stagne — en dépit d'un investissement colossal en personnel,
en argent et en
temps,
en dépit
d'une
mission à l'oeuvre maintenant sans entraves
depuis quarante ans. 3,5 % seulement des 19 millions de Taïwanais ont été
gagnés au christianisme, et ils sont issus pour une bonne part de la population
autochtone non chinoise. Mais la religion populaire chinoise... connaît une
efflorescence sans pareille : une piété populaire chinoise, mêlée d'éléments
bouddhiques, taoïstes et confucianistes, ce dont témoigne surtout la restauration
ou la reconstruction de nombreux temples, qui seraient actuellement au nombre
de douze mille à Taiwan, (p. 67)
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