trie périclitera, tout comme la faible natalité d’une population finit
par en causer le déclin” ; Philip Morris déclarait de même en 1981
que “l’adolescent d’aujourd’hui est le consommateur régulier
potentiel de demain”1.
Ainsi, outre les stratégies de marginalisation des acteurs de la
santé publique, de corruption de membres de la communauté
scientifique afin de cacher délibérément au public la nocivité de
la cigarette (2), de lobbying auprès des pouvoirs publics et des
médias, les cigarettiers déploient sur le marché du tabac un mar-
keting orienté vers les jeunes dans le but de les séduire et de les
amener à consommer leurs marques. Afin de créer l’illusion d’un
réel intérêt pour la santé et la protection des jeunes, les cigaret-
tiers sont même allés jusqu’à créer des programmes de préven-
tion, programmes dont l’efficacité est contestée et jugée souvent
contre-productive par la communauté de la santé.
PRÉAMBULE
Le positionnement de la marque est créé pour permettre au consom-
mateur de mémoriser les traits caractéristiques de la marque et pou-
voir ainsi se l’approprier rapidement. Nul n’est besoin aujourd’hui
de rappeler l’image de l’homme viril de Marlboro, de l’anti-confor-
misme et de l’originalité de Gauloises, ou encore les valeurs liées
à l’esprit de fête et de convivialité méditerranéen de Fortuna2. C’est
à partir du positionnement unique de chaque marque que les ser-
vices marketing des cigarettiers développent le “marketing mix”
de la marque, composé de quatre grands volets.
VOLET 1 DU MARKETING MIX : LE PRODUIT
L’enveloppe du produit, plus couramment appelée “packaging”,
permet de soutenir le positionnement de la marque et de distin-
guer le produit parmi de nombreuses références concurrentes.
Dans la mesure où toute promotion des produits du tabac est inter-
dite en France, le packaging reste l’un des derniers endroits où
les cigarettiers peuvent travailler l’image de la marque, et c’est
pourquoi ils y attachent une attention toute particulière. En uti-
lisant une charte graphique, un logo, des symboles visuels, une
police et des couleurs bien spécifiques, le packaging permet de
reconnaître rapidement la marque et va renforcer la proximité
entre celle-ci et le consommateur.
L’impact de cette charte graphique en termes de mémorisation
est plus important qu’il n’y paraît. En effet, est-il vraiment pos-
sible de lire Reyworlds sur ce briquet distribué gratuitement, ou
bien notre cerveau reconnaît-il automatiquement la marque Rey-
nolds ? Il semble que la réponse soit évidente. De même qu’il est
facile de reconnaître les marques Camel ou Marlboro malgré la
présence d’un seul dessin.
La cigarette est un produit très impliquant3. Par conséquent, en
véhiculant les valeurs de la marque à travers le packaging, les
industriels du tabac savent que le consommateur d’une marque
de tabac va chercher à s’approprier les valeurs qu’elle commu-
nique. À titre d’exemple, des paquets datant de 2003 et présen-
tant la mascotte de Gauloises portant un préservatif en guise de
sac de couchage, ou encore des paquets faisant figurer Joe,
l’emblème de Camel, dans un lit avec deux autres personnes, ne
sont-ils pas destinés à renforcer l’image de la fête, de la liberté
et de la convivialité que les jeunes recherchent et que les ciga-
rettiers leur offrent ?
À noter enfin que le packaging permet aux cigarettiers de fidéli-
ser les jeunes, notamment grâce au lancement de séries de
paquets, exploitant la personnalité de collectionneur de bon
nombre d’entre eux4.
VOLETS 2 ET 3 DU MARKETING MIX :
LE PRIX ET LA DISTRIBUTION
Les augmentations successives du prix du tabac en France ainsi
que le mécanisme de fixation d’un prix plancher interdisant tout
prix inférieur de 5 % au prix moyen du marché laissent moins de
possibilités aux fabricants pour moduler leurs prix. Certaines
techniques sont cependant utilisées aujourd’hui et consistent à
fixer un “prix rond” qui facilite le passage en caisse aussi bien
pour le buraliste que pour le consommateur. Les prix les plus fré-
quents sont alors de 4,50 €et 5 €(stratégie d’alignement sur le prix
du paquet de référence). Certains fabricants continuent cependant
d’utiliser la technique du prix “psychologique”, qui consiste à fixer
un prix psychologiquement plus attractif car juste inférieur à un prix
rond (par exemple : 4,90 €).
Concernant la mise à disposition des produits, les canaux de dis-
tribution réglementés en France sont les débits de tabac et les
points de revente tels que les bars, les cafés, les pubs et les dis-
cothèques. Bien que la promotion des produits du tabac soit stric-
tement interdite, il faut savoir que des centaines de commerciaux
sillonnent notre territoire chaque jour dans le seul but de mettre
en avant leurs marques dans ces lieux, l’impact de la publicité
sur le choix de nouveaux consommateurs étant reconnu. La cible
prioritaire étant les jeunes de moins de 25 ans, il est évident que
la promotion des marques sera encore plus importante dans les
lieux qu’ils fréquentent.
VOLET 4 DU MARKETING MIX : LA PROMOTION
L’apparition de marques en faveur des produits du tabac est inter-
dite en France, sauf dans les cas précis décrits précédemment.
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La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no3 - mai-juin 2006
1. PM Research Department, 1981, cité in Arch Pediatr Adolesc Med
1999;153:935-41.
2. “Fortuna, le design espagnol”, Le Losange, février 2002.
3. Propos tenus par Jacques Bilian, responsable Actions commerciales chez
Altadis, “Ils mettent le paquet”, Le Losange, mars 2001.
4. “Ils mettent le paquet”, Le Losange, mars 2001.
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