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Le signe D19 , à la recherche des sens d’un
déterminatif (ii) : les usages d’un signe
Félix Relats MontseRRat *
Nehet 4, 2016
Dans un précédent article1, nous avons présenté l’évolution paléographique du signe
D19 . L’objectif était alors de comprendre les rapports entre les signes communément
appelés D19, D20, F63 et F63A. Nous avons pu démontrer qu’il faut les concevoir comme
une seule et même entité – que nous appelons arbitrairement D19. Le référent du signe est
passé du museau d’un canidé à un nez humain et nalement à un museau bovin. Cette
évolution, facilitée par le caractère peu détaillé de la gravure dans la plupart des attestations,
a entraîné la perte de conscience graphique du référent.
Dans le présent article nous voulons conclure cette recherche en étudiant les usages de ce
signe en raison de la variété des emplois qui lui sont attribués2. D’une part, il est considéré
comme un phonogramme pour fnḏ, šr.t et surtout pour tous les substantifs tirés des racines
ḫnt et ḫnr. Cependant, A. Erman3 signalait déjà que ces valeurs ne sont pas originelles à D19
et qu’elles ne sont apparues que progressivement, tout particulièrement pour l’association
D19 = ḫnt qui ne serait attestée qu’à partir du Nouvel Empire. Nous nous proposons, de ce
fait, d’étudier de manière diachronique l’extension des valeurs phonétiques du signe pour en
vérier l’existence ainsi qu’en préciser la datation. D’autre part, D19 est essentiellement utilisé
comme déterminatif couvrant le champ sémantique du nez (fnḏ) et de la respiration (ssn), mais
également ceux de la joie ou de la révolte comme dans sbṯ (« le rire »), rš (« se réjouir ») et bšṯ
(« le rebelle »). À première vue, le lien entre ces différents termes ne paraît pas évident (quel
est le rapport entre la joie et l’opposition ?), de même que le choix d’un signe gurant un nez/
museau pour déterminer ces divers termes (quel est le rapport avec le nez ? Pourquoi ne pas
utiliser une guration de lèvres souriant ?). Ainsi, les emplois de D19 permettent de rééchir
d’une part sur les liens unissant le vocabulaire et, d’autre part, sur le supplément de sens apporté
par l’image du nez.
1 F. Relats MontseRRat, « Le signe D19, à la recherche des sens d’un déterminatif (I) : la forme d’un signe »,
Nehet 1, 2014, p. 130-170. La présente étude est tirée de mon mémoire de master sous la direction de Mme
A. Forgeau, que je remercie de m’avoir encadré pendant ces années et pour les conseils qu’elle m’a prodigués
au cours de la rédaction de cet article. Qu’A. Stauder, Cl. Somaglino et N. Favry reçoivent également mes
remerciements pour leur relecture. Jonathan, merci encore.
2 Si nous reprenons la dénition qu’en donnent J. Winand et M. Malaise : « D[éterminatif] ḫnt “face” et mots
apparentés, de là D[éterminatif] P[honétique], puis P[honème] ḫnt (ḫntj “qui se trouve en face”) – D[éterminatif]
générique pour les mots en rapport avec la respiration (sn “respirer”) ou l’humeur (ršw “se réjouir”, bṯn “être
désobéissant”) – D[éterminatif] et Abr[éviation] fnḏ “nez”, šr.t “nez, narine”. Par une confusion due au hiéra-
tique, peut parfois remplacer U31 et Aa 32. » (M. Malaise & J. Winand, Grammaire raisonnée de l’égyptien
classique, AegLeod 6, 1999, p. 701).
3 A. eRMan, « Ein orthographisches Kriterium », ZÄS 55, 1918, p. 86-88.