La politique internationale des États-Unis
GéostratéGiques n° 29 • 4
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rebellant contre la mère patrie, notoirement pour des raisons économiques. De
plus, cette naissance des États-Unis, relativement proche, un peu plus de deux
siècles, est l’œuvre des Pères fondateurs nourris d’une profonde et exigeante
idéologie calviniste, voyant dans l’Amérique une nation rédemptrice et qui ont
transmis cet état d’esprit messianique à leurs descendants. C’est ainsi que s’exprime
l’historien américain Arthur Schlesinger Jr (1) qui poursuit ainsi : « De là une
tension permanente entre l’expérience pratique et l’idéologie que reflète la politique
des Pères fondateurs qui, d’une part, étaient des hommes réalistes et à l’esprit clair
mais qui, d’autre part, croyaient à une mission particulière pour les États-Unis.
Mais, si l’idée, à l’époque, était certes de racheter le monde, cela devait se faire par
l’exemple et non par l’intervention. « L’Amérique ne va pas à l’étranger en quête
de monstres à détruire », disait John Quincy Adams, septième président des États-
Unis, car « si cela se faisait, elle deviendrait peut-être le dictateur du monde, mais
aux dépens de son âme propre ».
« C’est ainsi qu’a commencé le retrait de l’Amérique de l’histoire séculière et
le rejet de la politique de puissance nourrissant ainsi le mythe de l’innocence de
l’Amérique et la doctrine de sa vertu. De la sorte, lorsque, en 1917, l’Amérique a
rejoint la mêlée européenne, elle l’a fait avec un sentiment élevé de sa destinée de
rédempteur, non plus simplement par l’exemple, mais par l’intervention dans une
perspective à la fois historique et idéologique, l’une ayant conscience que les États-
Unis n’étaient pas exempts des imperfections, faiblesses et maux inhérents à toute
société, l’autre qui regarde les États-Unis comme un heureux empire de parfaite
sagesse et de parfaite vertu, mandaté pour sauver l’humanité. », ainsi que l’exprime
John Quincy.
Cette vision de la mission des États-Unis dans le monde est aussi celle de nom-
breux observateurs, comme Michel Jobert (2) qui écrit que « les exemples abon-
dent qui établissent entre l’action des États-Unis et la volonté de Dieu des liens
consubstantiels ». Ce propos est d’ailleurs partagé par la quasi-totalité des dirigeants
américains, tels que Lincoln, selon lequel : « L’Amérique est ce que l’humanité peut
espérer de mieux », Carter, pour qui : « Les États-Unis ont un droit historique de
naissance », ou Johnson disant : « Si nous ne sommes pas là, qui protégera la liberté
du monde ? », pour culminer avec l’expression lapidaire de Richard Nixon : « Dieu
veut que l’Amérique dirige le monde. »
Nonobstant ces certitudes et ces principes, George Washington recommandait
à ses compatriotes dans son discours d’adieu en 1796 de ne pas se mêler d’affaires
internationales tandis que James Monroe en décembre 1823 exposait sa doctrine