La Politique Internationale des Etats-Unis

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la
énergétique
La russie
politique
internationale des
États-Unis
André
PERTUZIO
André PERTUZIO
Consultant
pétrolier international
international et
et ancien
ancien conseiller
conseiller juridique
juridique
Consultant pétrolier
pour
l’énergie
à
la
Banque
Mondiale.
pour l’énergie à la Banque mondiale.
La politique internationale des États-Unis, d’une manière générale,
déconcerte et irrite souvent commentateurs et historiens. Certes, à l’instar de tous
Slesi Apays,
ndré
diSAit en 1900
« L’ Angleterre
est un bloc de
charbon
»,
elleSiegfried
est fondamentalement
déterminée
par la géopolitique
mais,
dans le
on
à juste titre aujourd’hui
la Russie
est un blocessentielle
d’énergiesdefossiles.
Ce
cas peut
de cedire
pays-continent,
il faut tenirque
compte
de l’influence
plusieurs
pays
est
un
véritable
continent
qui
recèle
des
ressources
énergétiques
en
très
grandes
autres éléments tels que, d’une part, l’évolution des rapports de force dans le monde
quantités,
déjà exploitées
ou exploitables
dans
l’avenir.
Elle estqu’ont
aussi la
grande
depuis la création
des États-Unis
et, d’autre
part,
le sentiment
lesseule
Américains
puissance
industrielle
à
être
totalement
autosuffisante
en
énergie
et,
comme
elle est
est
de ce que non seulement leur pays, création neuve et quelque peu artificielle,
un
grand
exportateur,
elle
joue
un
rôle
majeur
dans
l’approvisionnement
pétrolier
devenu la première puissance économique et militaire du monde, mais aussi qu’il a
et
gazier
de nombreux
en Europe
en
une
mission
à remplir, pays
celleindustrialisés,
d’imposer au principalement
monde son propre
systèmeetdeprésente,
gouverneconséquence,
une évidente
dimension géostratégique.
ment et les concepts
qui le sous-tendent.
La première conclusion à en tirer est de constater l’existence d’un hiatus entre
Le
Panoramaeténergétique
les États-Unis
le reste du monde, qui est le résultat d’une évolution historique,
parfois
bimillénaire,
et où sont
auelle
gré est
et au
cours de l’histoire,
des spéciL’énergie
n’est peut-être
pasaffirmées,
la vie mais
indispensable
à l’homme
et lui
ficités
civilisationnelles
et
culturelles
enclines
non
pas
à
s’aligner
sur
les
paradigmes
est, en quelque sorte, consubstantielle. Un pays ne se développe qu’en consommant
américains
aucette
contraire,
à affirmer même
leurs propres
valeurs
leurs propres
amde
l’énergiemais,
et c’est
consommation
qui indique
sonetniveau
de dévelopbitions,
tels
les
pays
dits
« émergents ».
pement.
Il est donc nécessaire de revenir sur la nature et l’histoire des États-Unis et de
Aujourd’hui, le monde consomme annuellement environ 11 milliards de tep
ses relations avec le reste du monde en s’aidant, à cet effet, des écrits ou déclarations
(tonne d’une matière énergétique produisant la même quantité de calories qu’une
notamment de personnalités américaines.
tonne de pétrole, ainsi une tonne de charbon est en moyenne de 0,66 tep et 1 000m3
de gaz naturel représentent 0,9 tep), ce total se décomposant approximativement en
Principes et histoire
38% de pétrole, 26% de charbon et 24% de gaz naturel, soit 88% d’énergies fosrebours des
d’histoire
et façonnés
par des
épreuves
silesAu
complétées
par pays
12% européens
d’électricitépétris
primaire
de source
hydraulique
ou nucléaire.
millénaires qui définissent au cours des siècles leurs personnalités propres, chacun
mondiale,
la Russie
compte
pour environ
8% ce qui
assisDe
surcette
une consommation
langue et une culture
spécifiques,
et tous
enracinés
dans la chrétienté,
lui
assure
la
troisième
place
mondiale
derrière
les
Etats-Unis
24%
et
la
Chine
15%.
les États-Unis sont le produit d’une révolte non de colonisés mais de colons
se
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La politique internationale des États-Unis
Géostratégiques n° 29 • 4e trimestre 2010
rebellant contre la mère patrie, notoirement pour des raisons économiques. De
plus, cette naissance des États-Unis, relativement proche, un peu plus de deux
siècles, est l’œuvre des Pères fondateurs nourris d’une profonde et exigeante
idéologie calviniste, voyant dans l’Amérique une nation rédemptrice et qui ont
transmis cet état d’esprit messianique à leurs descendants. C’est ainsi que s’exprime
l’historien américain Arthur Schlesinger Jr (1) qui poursuit ainsi : « De là une
tension permanente entre l’expérience pratique et l’idéologie que reflète la politique
des Pères fondateurs qui, d’une part, étaient des hommes réalistes et à l’esprit clair
mais qui, d’autre part, croyaient à une mission particulière pour les États-Unis.
Mais, si l’idée, à l’époque, était certes de racheter le monde, cela devait se faire par
l’exemple et non par l’intervention. « L’Amérique ne va pas à l’étranger en quête
de monstres à détruire », disait John Quincy Adams, septième président des ÉtatsUnis, car « si cela se faisait, elle deviendrait peut-être le dictateur du monde, mais
aux dépens de son âme propre ».
« C’est ainsi qu’a commencé le retrait de l’Amérique de l’histoire séculière et
le rejet de la politique de puissance nourrissant ainsi le mythe de l’innocence de
l’Amérique et la doctrine de sa vertu. De la sorte, lorsque, en 1917, l’Amérique a
rejoint la mêlée européenne, elle l’a fait avec un sentiment élevé de sa destinée de
rédempteur, non plus simplement par l’exemple, mais par l’intervention dans une
perspective à la fois historique et idéologique, l’une ayant conscience que les ÉtatsUnis n’étaient pas exempts des imperfections, faiblesses et maux inhérents à toute
société, l’autre qui regarde les États-Unis comme un heureux empire de parfaite
sagesse et de parfaite vertu, mandaté pour sauver l’humanité. », ainsi que l’exprime
John Quincy.
Cette vision de la mission des États-Unis dans le monde est aussi celle de nombreux observateurs, comme Michel Jobert (2) qui écrit que « les exemples abondent qui établissent entre l’action des États-Unis et la volonté de Dieu des liens
consubstantiels ». Ce propos est d’ailleurs partagé par la quasi-totalité des dirigeants
américains, tels que Lincoln, selon lequel : « L’Amérique est ce que l’humanité peut
espérer de mieux », Carter, pour qui : « Les États-Unis ont un droit historique de
naissance », ou Johnson disant : « Si nous ne sommes pas là, qui protégera la liberté
du monde ? », pour culminer avec l’expression lapidaire de Richard Nixon : « Dieu
veut que l’Amérique dirige le monde. »
Nonobstant ces certitudes et ces principes, George Washington recommandait
à ses compatriotes dans son discours d’adieu en 1796 de ne pas se mêler d’affaires
internationales tandis que James Monroe en décembre 1823 exposait sa doctrine
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Géostratégiques n° 29 • 4e trimestre 2010
Où va l’Amérique de Barack Obama ?
suivant laquelle les Européens devaient être écartés du continent américain, où les
États-Unis se sont érigés en tuteur des jeunes nations d’Amérique latine. Cela a
été le début de l’isolationnisme américain mais aussi d’une cinquantaine d’interventions militaires répétées dans ces pays, ainsi en 1914 au Mexique afin, comme
l’exprimait le président Wilson, « d’apprendre aux habitants d’Amérique latine à
choisir judicieusement leurs dirigeants ».
Ce sentiment de supériorité morale des États-Unis tout au long de leur histoire,
allié à la défense d’intérêts bien concrets et à la poursuite d’une politique de puissance, a amené la fin de l’isolationnisme mais aussi une politique internationale qui,
au fur et à mesure du temps, a amené à attiser dans le monde des sentiments hostiles
aux États-Unis, comme le reconnaissait Arthur Schlesinger Jr dans son étude citée
ci-dessus : « Cette ambivalence s’est compliquée du fait de deux éléments : d’abord
le fait qu’au vingtième siècle les États-Unis sont devenus une grande puissance,
ensuite le fait que le monde a été confronté aux plus graves menaces, un monstre
à détruire en 1940 et un autre monstre à contenir après 1945, confirmant ainsi le
messianisme de ceux qui croient à la mission divine des États-Unis. Ainsi le fait
qu’il y ait eu deux monstres en liberté dans le monde encourage aujourd’hui une
tendance effrayante à rechercher partout de nouveaux monstres à détruire. »
Il convient enfin de compléter cette analyse par des considérations de droit
international. Le comportement des États-Unis, qui pose d’emblée la supériorité
du droit américain et de son idéologie, marque une rupture avec le droit des gens
patiemment élaboré en Europe, notamment avec le jus europeum défini dès 1648,
où les puissances sont réputées égales en droit et en dignité, alors que les ennemis
des États-Unis sont, par nature, des délinquants à détruire et punir. Cette récusation du droit international sera d’ailleurs illustrée par une déclaration du président
Roosevelt telle que la rapporte Henri Kissinger (3) : « [Il] niait l’application du droit
international et estimait qu’une nation devait se protéger par sa seule force et non
par la communauté internationale. »
En définitive, la politique internationale des États-Unis se révèle incompatible
avec le droit des gens, comme le résumait ainsi le recteur Charles Zorgbibe (4) :
« Le “style national” des États-Unis fait obstacle à l’ajustement de l’île-continent
américaine à l’ordre juridique international : il y a contradiction entre le message
des Pères fondateurs de l’Union qui refuse la société interétatique existante et le
droit international classique qui est un droit de juxtaposition de souverainetés. »
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La politique internationale des États-Unis
Géostratégiques n° 29 • 4e trimestre 2010
De la sorte, les « États-Unis aboutissent naturellement à une tendance à substituer la loi américaine à la légalité internationale et à instaurer deux pratiques
rigoureusement contraires à cette dernière et à la charte des Nations unies, à savoir
le droit d’ingérence (humanitaire) et la guerre préventive, lesquelles rendent pratiquement caduc le principe historique de la souveraineté des États.
Vers l’hégémonie
C’est vraiment l’intervention des États-Unis dans la Grande Guerre en 1917 qui
constitue leur entrée dans l’arène internationale. Le président Wilson inaugure ainsi, du point de vue américain, une politique, traditionnelle dans le Vieux Monde,
de puissance et d’équilibre des forces. Il était en effet de l’intérêt des États-Unis
d’empêcher que l’Europe tombe aux mains d’une seule puissance mais aussi d’établir internationalement la présence des États-Unis conformément à leurs idéaux,
étant dotés du « privilège infini d’accomplir leur destin en sauvant le monde ». L’on
retrouve ainsi de manière spectaculaire le couple inséparable, réalisme et idéologie,
termes pourtant antinomiques, qui sous-tend la politique américaine.
Cette volonté américaine de s’imposer dans le monde est mise en relief par
le professeur François-Georges Dreyfus (5) dans son dernier ouvrage, 1917…,
où il analyse le rôle joué par le président Wilson dans l’échec des négociations de
paix consécutives aux initiatives de l’empereur d’Autriche Charles Ier et du pape
Benoît XV. Ce fut une occasion perdue qui non seulement aurait permis d’éviter
la mort d’un million d’êtres humains mais aussi de garder une Europe maîtresse
d’elle-même, avec un Empire austro-hongrois rénové assurant son équilibre géopolitique. Les responsabilités de cet échec furent partagées mais il est certain que
l’antipapisme de Wilson lui fit rejeter les propositions de Benoît XV et qu’il refusa
toute négociation avec l’Allemagne tant que cette dernière n’aurait pas un gouvernement démocratique. En fait, il semble bien que Wilson entendait jouer un rôle
dominant dans la politique internationale et s’imposer dans le jeu des puissances
européennes, tout ce qu’il n’aurait pu faire sans intervention dans la guerre si celleci s’était terminée.
Toutefois, le Sénat américain ayant refusé de ratifier les traités de paix, les ÉtatsUnis revinrent à un certain isolationnisme dont le président Roosevelt les fit sortir en 1941 par une politique volontariste d’entrer dans la guerre mondiale. Sa
manœuvre consista à acculer le Japon à la guerre, culminant avec un décret du
1er août 1941 imposant à ce pays un embargo pétrolier total. Comme le disait alors
Harold Ickes, secrétaire à la Défense : « Il se pourrait (sic) que de l’embargo sur le
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Géostratégiques n° 29 • 4e trimestre 2010
Où va l’Amérique de Barack Obama ?
pétrole imposé au Japon naisse une situation qui rendrait non seulement possible
mais facile à mettre en œuvre notre entrée en guerre de cette façon. » Ainsi le piège
imaginé par Roosevelt et ses conseillers allait permettre une guerre que le peuple
américain refusait et dans laquelle l’intéressé, lors de sa campagne électorale de
1940, avait promis de ne pas les engager ! Mais les enjeux stratégiques étaient trop
importants.
Churchill lui-même conclura : « Les Japonais n’avaient dès lors d’autre issue que
la guerre », ne serait-ce que pour le pétrole des Indes néerlandaises.
Cette Seconde Guerre mondiale, qui allait faire des États-Unis une superpuissance et un modèle pour le monde occidental, allait aussi marquer le commencement d’un nouvel affrontement entre deux puissances à prétention hégémonique,
deux empires idéologiques dont Heidegger disait : « Les États-Unis et l’Union soviétique sont, du point de vue métaphysique, la même chose. » Ce qui, bien évidemment, ne signifiait pas qu’ils étaient identiques du point de vue politique et
moral.
Dans la « guerre froide » qui devait suivre, les États-Unis étaient la seule puissance à pouvoir arrêter l’expansionnisme soviétique, notamment vers l’Europe occidentale, et ils furent à tous égards les défenseurs du monde libre, justifiant ainsi
l’idée qu’ils avaient d’eux-mêmes.
Après l’implosion de l’Union soviétique, les États-Unis devinrent l’unique « hyperpuissance ». Débarrassés de la guerre froide, ils ont désormais les mains libres
pour assurer leur emprise hégémonique mondiale et, comme l’écrit le géostratège
Bruno Colson (6) en 1997, « anéantir ou affaiblir rivaux ou concurrents potentiels
afin de conserver le plus longtemps possible son statut d’unique superpuissance ».
Dès lors, leur politique internationale va s’orienter dans trois directions : le
contrôle et la neutralisation des puissances européennes, le contrôle de l’« Eurasie »
en contenant la Russie, dont le réveil avec Vladimir Poutine, duquel Aymeric
Chauprade (7) dira « que son arrivée au pouvoir constitue un événement considérable, le plus important depuis la fin de la guerre froide », fut une déconvenue pour
Washington, enfin le contrôle du Moyen-Orient pour son importance pétrolière et
stratégique.
En ce qui concerne l’Europe, c’est dans des cénacles comme le puissant CFR
(Council on Foreign Relations ), le Groupe de Bilderberg et la Trilatérale que prit
corps l’idée d’un gouvernement mondial, dont une Europe à vocation fédérale
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La politique internationale des États-Unis
Géostratégiques n° 29 • 4e trimestre 2010
dans le sillage des États-Unis. Parallèlement, était signé le 4 avril 1949 le traité de
l’Atlantique Nord, donnant naissance à l’OTAN, dont l’objet était une alliance
contre l’Union soviétique qui disposait de forces imposantes en Europe de l’Est
et représentait une menace évidente. Il aurait donc été logique que la disparition
de l’Empire soviétique mette fin à une alliance devenue désormais sans objet. Sa
pérennisation montre que, aux yeux des États-Unis, l’OTAN constitue en fait un
outil militaire de la politique américaine. L’organisation est, au contraire, montée
en puissance sur deux lignes fondamentales, l’une consistant en un élargissement
continu vers l’est, l’autre tendant vers une sorte de symbiose avec l’Union européenne, au point qu’aujourd’hui l’article 42 du traité de Lisbonne établit un lien
institutionnel entre l’Union européenne et l’OTAN, qui tend d’ailleurs à devenir
une sorte d’organisation autonome avec le droit de s’autosaisir, comme elle le fit
dans l’affaire du Kosovo, sans aucun aval de l’ONU, afin d’écraser la Serbie sous
les bombes et… de donner naissance à la plus grande base militaire américaine en
Europe. Il est certain que la méfiance toujours présente à l’égard d’une Russie qui
retrouve sa puissance, et dont l’aspect national et chrétien est en opposition avec
le mondialisme matérialiste du monde occidental, en est la cause. Cette Russie est
certainement un obstacle à la domination par les États-Unis de l’« Eurasie » mais,
avec la montée spectaculaire de la puissance économique et militaire de la Chine, il
semble bien que la Russie soit aujourd’hui un enjeu plus qu’une menace et que la
géostratégie de Washington en soit bien consciente.
Toutefois, depuis vingt ans, c’est évidemment le Moyen-Orient qui requiert
l’attention première des États-Unis. Il s’agit en effet d’un cocktail géostratégique
complexe, impliquant plusieurs paramètres dont évidemment le facteur énergétique. Après l’erreur fondamentale de Washington d’instrumentaliser le mouvement islamiste et de remplacer le shah d’Iran, peu malléable en matière pétrolière,
par un gouvernement théocratique chiite, les États-Unis furent incontestablement
à l’origine de la guerre irako-iranienne, à l’issue de laquelle l’Irak devint une puissance régionale qui avait cependant l’avantage non perçu par Washington d’être un
pays laïc et un obstacle à l’islamisme, par ailleurs courtisé par eux.
De là s’ensuivit, on le sait, la guerre du Golfe, dont l’ancien président Nixon
disait le 7 janvier 1991 : « Nous n’allons pas là-bas pour défendre la démocratie
parce que le Koweït n’est pas un pays démocratique, nous n’allons pas là-bas pour
abattre une dictature, sinon nous ne serions pas alliés à la Syrie, nous n’allons pas
là-bas pour défendre la légalité internationale. Nous devons y aller parce que nous
ne permettons pas que l’on touche à nos intérêts vitaux. »
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Géostratégiques n° 29 • 4e trimestre 2010
Où va l’Amérique de Barack Obama ?
On connaît la suite de cette guerre qui alla bien au-delà du mandat des Nations
unies, dévasta le pays, détruisit ses infrastructures et fut suivie d’un embargo impitoyable qui fit des centaines de milliers de victimes.
Le second volet de cette guerre géostratégique et pétrolière survint à la suite des
attentats du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center. Le coupable immédiatement désigné fut, on le sait, Oussama Ben Laden, mais c’est sur
l’Irak que se concentra le déchaînement de l’armée américaine, au prétexte mensonger des armes de destruction massive qu’aurait détenues Saddam Hussein.
Il semble à ce moment qu’une sorte d’ubris se soit emparée des dirigeants américains, comme le résumait le journaliste du Time Magazine, Charles Krauthammer,
selon lequel : « L’Amérique n’est pas une nation ordinaire sur la scène internationale. C’est la puissance dominante de la planète dont on n’a jamais connu l’équivalent depuis Rome. L’Amérique se trouve en position de modifier les normes et de
redéfinir les attentes du monde en affirmant sa volonté sans hésitation ni scrupule. »
Et, le 17 mars 2003, le Figaro titrait « L’ultimatum de George Bush à l’ONU »,
illustrant ainsi la position impériale des États-Unis.
Depuis lors, l’Irak a réintégré la mouvance américaine au prix d’une terrible
hécatombe humaine et matérielle, passant de l’orbite sunnite à l’orbite chiite, avec
une instabilité chronique porteuse de dangers pour l’avenir.
Bien évidemment, dans toutes ces affaires au Moyen-Orient, le facteur pétrolier
est omniprésent et plusieurs numéros de Géostratégiques ont exposé ces problèmes,
dont les solutions sont d’importance vitale pour les pays industrialisés, qu’ils soient
importateurs, comme la majorité d’entre eux, ou exportateurs, comme la Russie
ainsi que le Moyen-Orient, dont il ne faut jamais oublier qu’il représente les deux
tiers des réserves pétrolières mondiales, sans compter le gaz naturel, et que la relève
des énergies fossiles n’est pas pour demain. Ce facteur pétrolier restera donc un
objectif constant de la stratégie des puissances et de la voracité énergétique de la
Chine, qui représente avec les États-Unis (25 %) plus de 40 % de la consommation
énergétique mondiale. On comprend donc, en ce qui concerne l’Irak, que le magazine Time ait écrit en mai 2003 : « Si, comme nos dirigeants l’affirment, cette guerre
n’a rien à voir avec le pétrole, alors ce serait une grande première historique » (voir
Géostratégiques, n° 11, février 2006).
Mais si le problème irakien n’est pas vraiment résolu, il est difficilement séparable du conflit d’Afghanistan qui s’éternise sans objectif précis, des incertitudes
du Pakistan au sein du sous-continent indien et des ambitions nucléaires de l’Iran.
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La politique internationale des États-Unis
Géostratégiques n° 29 • 4e trimestre 2010
Si l’on y ajoute la volonté de la Chine de se développer économiquement et militairement, et donc de jouer un rôle de premier plan dans la politique mondiale, il
est aisé de conclure que l’équation géostratégique que le président Obama a devant
lui ne permet pas l’euphorie. Après les enthousiasmes enfantins qu’avait suscités
l’élection du nouveau président de la première puissance au monde, l’heure est aux
interrogations.
Toutefois, comme exposé ci-dessus, il n’est aucunement question que les ÉtatsUnis puissent profondément modifier leur politique internationale, en premier lieu
le caractère de la nation américaine et les impératifs géopolitiques ne changeront
pas, et Barack Obama a d’ailleurs réaffirmé sa volonté de maintenir le « leadership
américain ».
De plus, le président est loin d’être seul à déterminer la politique étrangère des
États-Unis pour laquelle plusieurs cercles, institutionnels ou non, notamment le
très influent Council for Foreign Affairs, déjà cité, imprègnent très largement les
équipes gouvernementales.
Comme on le voit, si les Pères fondateurs ont tracé le chemin, leurs successeurs
s’égarent souvent et ne donnent pas toujours l’exemple que souhaitait John Quincy
Adams.
Notes
1.Arthur Schlesinger Jr., « Foreign Policy and the American Character », Foreign Affairs, automne 1983.
2.Michel Jobert, Les Américains, Albin Michel, 1987.
3.Henry Kissinger, Diplomatie, Fayard, 1994.
4.Charles Zorgbibe, Institut international d’études stratégiques, conférence « Les enjeux stratégiques entre les États-Unis et l’Iran », 20 février 2009.
5.François-Georges Dreyfus, 1917, L’année des occasions perdues, Éditions de Fallois, 2010.
6.Bruno Colson, Le Grand Échiquier et le reste du monde, Bayard, 1997.
7.Aymeric Chauprade, Nouvelle Revue d’histoire, n° 40, janvier 2009.
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