13 RUE LOUIS PASTEUR
92513 BOULOGNE BILLANCOURT CED - 01 46 99 93 93
MAI 11
Mensuel
OJD : 8460
Surface approx. (cm²) : 1771
N° de page : 34-37
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4721608200505/GPP/OTO/3 Eléments de recherche : ESC ROUEN ou GROUPE ESC ROUEN ou Ecole Supérieure de Commerce de ROUEN ou Rouen Business School ou
SUP de Co Rouen (76), toutes citations
PROPOS RECUEILLIS
PAR MARIE-JULIETTE LEVIN
m i Le marketing enfant
doit être revisité
marketing dédié aux moins de 15 ans reste à Ta traîne en France.
Il y est très peu étudié et paraît très figé. Coralie Damay et Sylvie Gassmann,
spécialistes du domaine, ont choisi de s'attaquer à ce sujet dans leur ouvrage
"Quand l'enfant prend ses marques... Il bouscule les conventions".
Àquellesconventions
faites-vous référence
dans votre livre?
Sylvie Cassmann : Nous pensons
que le marketing pour enfant doit
être revisité, dépoussiéré C'est une
spécialisation qui a mauvaise
presse. Résultat des conventions et
des règles immuables s'imposent et
ne sont pas challengées. De plus,
un paradoxe s'installe On est
persuadé que les enfants en 2011
ne sont plus ceux d'il y a 20 ans,
mais les règles de ce marketing
sont pourtant inébranlables Une
contradiction que nous avons
voulu analyser à travers notre livre.
Pourquoi avoir eu l'idée d'un tel
ouvrage?
S.G.: II y a très peu de références
sur le marketing pour enfants,
d'où ce livre Par ailleurs, il nous a
semblé intéressant d'avoir un
regard croisé sur le sujet avec d'un
côté la vision d'une théoricienne
(Coralie Damay, NDLR), qui a
moins de pression temporelle et
s'mscnt davantage dans l'analyse,
et de l'autre, une spécialiste du
marketing (Sylvie Gassmann,
NDLR), ancrée dans les
techniques du marketing.
Cet ouvrage est destiné aux
directeurs marketing, aux direc-
teurs des études, de la communica-
tion et aux marques dont la
consommation des enfants est un
élément-clé Nous sommes très
fières de mettre en lumière cette
spécialisation du marketing qui
concerne les moins de 15 ans.
fi existe beaucoup d'études sur les
15-24 ans, mais cette cible ne nous
intéresse pas Les moins de 15 ans
constituent une population et non
une cible, c'est un sujet suffisam-
ment intéressant pour en faire un
livre
Qu'est-ce qu'un enfant au sens
marketing du terme?
S.G.: Le marketing doit s'ouvrir
aux sciences sociales, aux sciences
fondamentales pour comprendre
une tranche d'âge et, en particu-
lier, les enfants On ne peut pas
comprendre ce qu'est un enfant
en 2011 sans travailler avec des
psychologues, des pédagogues, des
nutritionnistes, des pédopsy-
chiatres Ces spécialistes
permettent, notamment, de mettre
à distance les pseudo-tendances
parfois trop légères
La définition de l'enfance n'est pas
si compliquée' l'adolescence
commence à 14 ans Pour autant,
dans cette population, il n'y a nen
de comparable entre une pente
fille de 3 ans et une jeune fille de
13 ans
Les enfants ont-ils tant changé que
cela?
Coralie Damay: Intrinsèquement,
l'enfant n'a pas tant changé Le
KGOY "Kids get older younger"
développe l'idée que les enfants
seraient "vieux" plust et entre-
raient dans l'adolescence avant
dix ans. C'est une des idées reçues
que nous souhaitons combattre
Psychologiquement, l'enfant n'a
pas change En revanche, le
monde qui l'entoure a évolué
Le KGOY devient le KGAY ("Kids
get aware younger") À savoir que
les enfants ont un accès à l'infor-
mation plust Nous croyons à la
pose de pouvoir de l'enfant sur
son environnement grâce aux
nouvelles technologies et à la place
qui lui est faite au sein du foyer II
est également vrai que cette
génération connaît les méfaits du
marketing.
S.C.: Même si les enfants en 2011
n'ont nen à voir avec les enfants
des années quatre-vingts, le
marketing a pour mission de
répondre aux besoins des consom-
mateurs d'aujourd'hui Donc,
même si les enfants ont change,
doit-on s'en inquiéter? Non ' Ce
qu'il faut comprendre, pour
analyser la population enfantine,
c'est qu'il y a des invariants (à
80 %) et des nouveautés (20 %)
Les invariants, c'est le fait qu'un
enfantjoue à cache-cache à quatre
ans, qu'il atteint l'âge de raison à
sept ans . Sans le respect de ces
principes, on nsque de construire
son marketing sur des effets de
mode Mais, c'est vrai aussi, que
l'enfant mteragit plust avec
son environnement Pour autant,
les enfants sont autonomes plus
tardivement II y a une paranoïa
des parents autour de la sécurité
des enfants, notamment sur
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Internet. Ce fil à la patte électro-
nique, accentué par l'équipement
en téléphone portable, est
prégnant. Les psychologues
s'inquiètent même de la fin du
processus d'autonomisation des
enfants.
La cible des enfants est-elle la
cible des parents?
C.D.: On a longtemps dit que les
enfants répondaient à des argu-
ments liés à l'affectif et les parents
à des arguments plus rationnels.
Or, l'enfant s'inscrit lui aussi dans
l'achat raisonné. Ils sont trèst
sensibilisés au prix, à l'équilibre
alimentaire... Mais, il est vrai qu'il
y a une double population,
"parents enfants", qu'il convient
de rassembler et de réunir à
travers du partnership de consom-
mation et en jouant sur le prin-
cipe du "For eyes, for legs".
S.G.: Les enfants ne constituent
pas une cible. C'est une construc-
tion abstraite inventée par le
marketing pour s'adresser à un
groupe de population homogène.
Or, il existe des cibles enfantines.
Le principe selon lequel il faut
convaincre les parents pour
persuader les enfants est une
autre convention qui a la dent
dure. L'enjeu pour les marques
est de trouver un message qui
parle aux enfants et aux parents,
et tant au rationnel qu'à l'émo-
tionnel.
Vous insistez sur l'importance
de la connaissance des enfants...
S.G.: Cela peut paraître basique
mais tout bon marketing
commence par une bonne
connaissance de la cible à
atteindre. Dans le triangle d'or du
marketing constitué des trois
piliers: marque, concurrence et
connaissance client, ce dernier
élément n'est jamais suffisamment
approfondi. Et c'est en l'étudiant
que l'on trouve de nouvelles
sources d'inspiration, de nouvelles
du marketing
pour enfant:
se construire
sur des effets
de mode.
Sylvie Gassmann
façons de parler au consomma-
teur, de nouveaux insights. Même
si le consommateur change
beaucoup, dans ses évolutions se
trouvent les pépites d'inspiration
pour un marketing plus efficace et
plus inspiré.
CD.: La connaissance des enfants
est basée sur l'expérience.
À travers mes recherches, il
apparaît que les personnes sont
toujours très étonnées de ce que
l'on peut apprendre des enfants.
On ne connaît pas aussi bien les
enfants qu'on le pense. Un
enfant de huit ans peut nous
apprendre beaucoup, y compris à
travers un questionnaire.
Selon vous l'offre marketing pour
enfant est en retard. Pourquoi ?
S.G.: Hormis les jouets, les céréales,
les boissons et les biscuits, l'offre
marketing dédiée aux enfants
n'existe pas. Il n'y a aucune
marque de produits non sucrés
destinés aux enfants, pas de
marque de jambon, de purée, de
pâtes...
Du côté de l'hygiène-beauté, il y a
une offre très importante pour les
tout-petits et pour les adolescents,
mais rien pour les 8-10 ans, par
exemple. Dans le textile, même
chose... Il n'y a pas de marques
pour les "tweens" (les 9-14 ans),
cible dorlotée dans d'autres pays,
comme aux Etats-Unis où il existe
un centre commercial qui leur est
dédié. Ainsi, American Eagle à
New York est destiné aux jeunes
garçons. Le marketing enfant est si
peu étudié que souvent cette
tranche d'âge est délaissée. C'est
un cas d'école pour les annon-
ceurs. Pour beaucoup de produits,
les parents sont convaincus des
bienfaits qu'ils vont procurer à
leurs enfants, mais leur usage n'est
pas facilité. Ils veulent des produits
qui leur simplifient la vie. Or, ce
n'est pas souvent le cas. Les
stratégies marketing ne semblent
pas adaptées.
Culturellement, en France, deux
écoles psychologiques cohabitent,
celles de Freud et de Dolto. L'une
décrète que tout se joue avant sept
ans. L'autre que tout se rejoue à
l'adolescence. Entre les deux, on
parle de période de latence ou de
passage. Résultat, cette tranche
d'âge passe à la trappe.
C.D.: Côté consommation, jusqu'à
sept ou huit ans, la mère est
encore très présente dans les choix
de consommation de son enfant.
Après 14 ans, l'adolescent est assez
mature pour décider. Faire du
marketing pour les 7-14 ans,
tranche d'âge qui n'est pas assez
armée face aux arguments
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marketing, est parfois mal vu. Il y a
cependant une donnée essentielle:
les trois quarts des marques
découvertes avant l'âge de 15 ans
restent les favorites des adultes...
S.G.: Ce point provient d'une
étude. Le marketing régressif fait
l'effet d'une madeleine de Proust
auprès des consommateurs qui ont
fait des choix de marques très tôt.
Du coup, grâce à ce lien émotion-
nel, ils restent toute leur vie.
Existent-ils des programmes
de fidélité dédiés aux enfants ?
Quelles formes prennent-ils?
S.G.: Faire de la fidélité à l'achat,
c'est compliqué, car ce sont les
parents qui décident Trop mani-
puler les enfants avec de tels
programmes serait mal perçu. En
revanche, il existe des programmes
de fidélité émotionnels qui
proposent régulièrement à l'enfant
de nouveauxjcux, de nouvelles
activités. C'est important. Mais il
peut y avoir un cercle vicieux dans
le marketing pour enfant: comme
ces derniers sont censés être
zappeurs, les marques sont tentées
de faire du marketing court-
termiste, à coup de promotions, de
prîmes... Seulement ces actions ne
développent pas la fidélité.
Selon vous, quelles marques ont
réussi à adapter avec succès
leur marketing aux enfants ?
S.G. : Les différentes gammes de la
marque Signal et surtout son site
internet. Celui-ci joue la complé-
mentarité entre le papa et l'enfant,
en inventant deux personnages
dans une mise en situation drôle.
Nesquick et son innovation produit
également. La mascotte des
céréales Miel Pops et Lego.
Que pensez-vous des campagnes
de publicité pour enfants?
S.G.: Même si les mascottes et le
storytelling ont fait leur preuve, il
manque quelques ingrédients à
l'appel, comme des éléments
d'identification. Il n'y a pas assez
de campagnes axées sur le témoi-
gnage. La campagne de 2006 de
Nestlé pour les Chocosui's, mettant
en scène un petit garçon parlant à
son poisson rouge Maurice, a
longtemps été la publicité préférée
des enfants. La dernière en date à
capitaliser sur les entants est celle
de Disncyland ("Chouette, on va à
Disncyland!") avec des portraits
d'enfants en gros plan.
Le bon mix marketing pour
les enfants rassemble télévision et
Web. Quelle est la meilleure
exposition pour une marque
aujourd'hui?
C.D.: C'est un exercice de préci-
sion. Très longtemps, on a cru qu'il
n'y avait que la télévision qui
La psychologie
de l'enfant
n'a pas
changé.
En revanche,
le monde
qui l'entoure
a évolué. ||
Coralie Damay
marchait avec les enfants. Le Web a
pris le relais. Le sujet n'est pas le
choix du vecteur de communica-
tion mais de toujours penser
interactivité. Un enfant naît avec
un rapport interactif à l'image.
Quand il voit un objet sur une
publicité, il cherche à savoir ce
qu'il peut en faire. L'interactivité
bat son plein dans certains films sur
Internet comme avec Tipp-Ex.
Quel est le rôle de l'animation
en point de vente pour les enfants ?
C.D.: C'est un des endroits où
l'enfant est confronté à un choix,
fl va prendre conscience de tout ce
qui s'offre à lui, comparer les
produits, les prendre en main.
Donc, oui, c'est important.
Une marque doit-elle davantage
innover pour exister auprès
des enfants?
C.D.: L'innovation pour l'innova-
tion n'a aucun intérêt. En
revanche, proposer d'élargir une
offre incomplète est intéressant. Le
packaging est un vecteur de
communication surdimensionné
chez les enfants, notamment ceux
qui ne savent pas lire.
S.G.: II existe un énorme potentiel
d'innovation dans le marketing
enfant, notamment en packa-
\
ging. En termes de communica-
tion, il faut que les marques aient
un fil rouge pour demeurer
facilement reconnaissables par
les enfants, mais ces derniers se
lassent très vite. Il est donc
nécessaire d'innover sur les
éléments de communication. Par
exemple, ne pas laisser une
même promotion plus de trois
mois sur un packaging, ne pas
installer un jeu plus de 15 jours
sur un site internet... Il est
essentiel de casser la routine. Le
packaging joue ce rôle. L'aspect
"praticité" n'est pas
développe pour les enfants.
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