ConStat N °13 LI B RE OP I NI ON Innovations et information L’acte diagnostique et thérapeutique, en particulier chirurgical, s’est modifié dans sa nature et, peut-être, dans son but, depuis l’apparition de techniques dites nouvelles et innovantes. La contrepartie de cette avalanche de techniques nouvelles est le “faire savoir”, étape qui suit naturellement le “savoir faire”. Bernard Gattegno Hôpital Tenon, Paris. Le problème vient de ce “faire savoir” qui est immédiatement relayé par les médias (presse parlée, écrite et télévisuelle) qui se sentent investis d’une mission d’information d’urgence, sans avoir la possibilité matérielle de vérifier la crédibilité de cette information, et surtout la qualité de l’informateur. Les médias sont soumis à une telle concurrence qu’ils ne peuvent que faire confiance à celui qui délivre l’information ou à celui qui est sollicité, dans le meilleur des cas, pour la commenter. Un exemple récent illustre parfaitement cette situation. Un représentant du Conseil de l’Ordre des médecins est interviewé “à chaud” pour commenter un “exploit” révolutionnaire de la recherche médicale ; n’ayant aucune connaissance scientifique dudit exploit, il sollicite 3 à 4 heures de délai pour interroger des scientifiques indépendants. Les médias se désintéressent aussitôt de lui et de ses commentaires en indiquant que cette interview doit être diffusée impérativement dans le journal de 20heures, c’est-à-dire une heure plus tard, sous peine d’être “doublé” par la chaîne concurrente. Ainsi, le traitement de l’information “à chaud” et dans l’urgence par les médias ne permet pas, actuellement, aux journalistes, la vérification de l’information et la qualité de l’informateur. Il s’ensuit un grand nombre d’interrogations et de quiproquos interpellant le praticien, mais aussi le patient lui-même qui devient “surinformé” et la proie des médias qui, en fait, ne font que prêter leur caisse de résonance à quelques-uns. N’est-il pas évident que : l L’objectif premier et principal est de guérir ou d’améliorer le patient en utilisant tous les moyens scientifiquement et économiquement reconnus à notre disposition ? l Une nouvelle méthode thérapeutique ou diagnostique ne saurait être diffusée et annoncée comme la meilleure que lorsque les preuves scientifiques et économiques de sa supériorité sont démontrées ? Les premiers informés de la validité et des résultats d’une nouvelle technique opératoire ou diagnostique doivent être ceux qui la mettront en application après avoir apprécié, si nécessaire, son efficacité et son intérêt pour le patient, et non les médias ? l Une technique thérapeutique efficace n’a de valeur et d’intérêt pour le patient, les médecins praticiens et la santé publique, que si elle est reproductible (avec un risque acceptable) par le plus grand nombre des praticiens ? Ainsi, cette technique peut être utilisée par tous les praticiens et donc bénéficier au plus grand nombre de patients ; sauf, naturellement, si elle est la seule alternative thérapeutique possible ou si elle a fait la preuve de son évidente supériorité dans ses résultats par rapport aux techniques dites classiques. l Comment améliorer la diffusion de l’information médicale vers le grand public ? Cette amélioration peut être réalisée à trois niveaux. l Le journaliste devrait vérifier l’information avant de la diffuser. Cette vérification pourrait être faite auprès des sociétés savantes ou associations professionnelles. En fait, l’urgence qui est imposée au journaliste par la concurrence rend cette proposition théorique et illusoire. l L’informateur devrait faire appel à une société savante, afin de valider l’information, et la diffuser de façon non partisane au nom de la communauté médicale. Mais quand on sait que de nombreux informateurs potentiels possèdent un attaché de presse à titre personnel, cette proposition est vouée à l’échec. l Les sociétés savantes devraient contrôler l’information et disposer d’une “cellule” prête à intervenir pour rectifier une information erronée, abusive ou “commerciale”. Comme on le voit, le problème de l’information des avancées médicales au grand public est complexe et loin d’être résolu, en raison de plusieurs logiques qui s’affrontent et semblent inconciliables : celle du journaliste, même de bonne volonté, qui est soumis à une concurrence redoutable l’obligeant à délivrer l’information “à chaud” sans possibilité de vérification, celle de l’informateur désirant tirer un profit personnel maximal de l’innovation (réelle ou non) qu’il a mis au point, et celle du monde médical représenté par les sociétés savantes qui redoute la désinformation du grand public et la concurrence déloyale. 3