Dynamiques d`échanges publics sur Internet

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© Éric GEORGE - 2002
Dynamiques d’échanges publics sur Internet
par Éric GEORGE
Pour citation :
GEORGE Éric, 2002, « Dynamiques d’échanges publics sur Internet », dans Internet, nouvel
espace citoyen ?, Francis Jauréguiberry et Serge Proulx (dir.), Paris : L’Harmattan, pp. 49-80.
En publiant « L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la
société bourgeoise » en 1962, Jürgen Habermas a non seulement posé un geste fondateur qui a
fourni l’occasion à bien des chercheurs et des chercheuses de réfléchir sur l’une des principales
facettes du monde social, mais il a également adopté une double démarche, à la fois basée sur
l’élaboration de normes et sur l’observation des faits. Ainsi, nous a-t-il proposé une lecture de
l’espace public qui repose à la fois sur la construction d’un « idéal-type » autour du principe de
« l’usage public de la raison » pratiqué par les personnes privées rassemblées en un public et sur
une analyse de terrain correspondant notamment aux situations révolutionnaires. Étude —
indirecte parce que basée sur une littérature de seconde main — de ces périodes et travail
normatif ont donc été de pair. Après avoir considéré que le modèle de la délibération des égaux
sur les affaires qui relèvent de la politique a été pour la première fois pensée et concrétisé dans la
Grèce antique, il estime que l’espace public a été préservé à travers les siècles non pas comme
« formation sociale » mais comme « modèle idéologique ». On est bien ici dans le registre de
l’établissement de normes, d’une norme idéale en l’occurrence liée à une conception idéologique
de la société, de la démocratie1. Cette position normative adoptée, il descend sur le terrain. Il
s’intéresse alors aux espaces publics concrets, les cafés, les salons, les réunions d’habitués qui
constituent autant de lieux où se développe cette sphère publique littéraire qui comprend aussi
peu à peu l’ensemble du marché des biens culturels et informationnels, à commencer au XVIIe et
au XIXe siècle par la presse écrite. Dès lors, comment Jürgen Habermas pourrait-il faire
autrement que constater un certain fossé, voire un fossé certain entre son idéal et ce qu’il observe
étant donné que ses observations le mènent sur le terrain de la « formation sociale » et non plus
principalement du « modèle idéologique » pour reprendre ses propres termes ? Le philosophe
allemand a abordé à nouveau le concept d’espace public trente ans après (1992, [1990]) en liant
celui-ci au concept de démocratie délibérative qu’il place dorénavant au cœur de sa réflexion. Si
au cours de son parcours, il s’est intéressé de moins en moins aux médias, il a continué à lier
démocratie et communication, suite à ses développements consacrés aux concepts d’espace
public, d’agir communicationnel et d’éthique de la discussion. Sans doute n’attribue-t-il plus la
même importance à la raison, mais il demeure « habité » par l’étude du processus de
confrontation des points de vue, des options rationnelles, qui permet de produire du consentement
comme l’effet de convictions communes. La démocratie délibérative peut être envisagée mais
celle-ci repose une fois de plus sur une conception normative des échanges : « la discussion
rationnelle est supposée être publique et discursive, accorder des droits de communication égaux
aux participants, requérir sincérité et interdire toute sorte de force autre que la faible force du
1
Si on entend le terme idéologie comme manière de se représenter globalement la société, ce qu’elle est, mais aussi et sans doute
surtout ce qu’elle devrait être, ou ce qu’elle devrait rester.
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meilleur argument. Cette structure de communication est supposée créer un espace délibératif
pour la mobilisation des meilleures contributions disponibles sur les sujets les plus pertinents »
(1997a, p.45).
De leur côté, les auteurs (cf. entre autres Calhoun et al., 1992, Pailliart et al., 1995) qui se sont
intéressés à l’espace public médiatique2 ont souvent conclu que celui-ci correspondait peu à
l’idéal-type habermassien qui pose que l’espace public est organisé selon les principes de
rationalité, d’accessibilité et de transparence. Anne-Marie Gingras a proposé à ce sujet un
ouvrage des plus intéressants au titre évocateur « Communication et démocratie : le grand
malentendu » (1999). Une analyse empirique qui repose sur une relecture croisée des travaux de
Theodor W. Adorno et de Max Horkheimer, d’Antonio Gramsci, de Louis Althusser, de Douglas
Kellner et de Stuart Hall lui permet de « voir le rôle des médias comme un des maillons dans
l’ensemble des moyens dont disposent les élites pour maintenir leur domination sur la société, et
plus précisément leur hégémonie, un concept qui suppose une forme d’acceptation des faits par la
collectivité »(ibid., p.229).
Or, certains observateurs, à commencer par Nicholas Negroponte (1995) estiment qu’avec le
développement de dispositifs techniques communicationnels souvent qualifiées de « nouveaux »,
notamment concrétisées par la diffusion de l’Internet auprès de vastes populations, du moins dans
les pays riches, il y a là une rupture totale avec les médias traditionnels. Pierre Lévy écrit par
exemple que « le cyberespace peut apparaître comme une sorte de matérialisation technique des
idéaux modernes. En particulier, l’évolution contemporaine de l’informatique constitue une
étonnante réalisation de l’objectif marxien d’appropriation des moyens de production par les
producteurs eux-mêmes. Aujourd’hui, la « production » consiste essentiellement à simuler, à
traiter de l’information, à créer et à diffuser des messages, à acquérir et transmettre des
connaissances, à se coordonner en temps réel. Dès lors, les ordinateurs personnels et les réseaux
numériques remettent effectivement entre les mains des individus les principaux outils de
l’activité économique. Bien plus, si le spectacle (le système médiatique), selon les situationnistes,
est le comble de la domination capitaliste, alors le cyberespace réalise une véritable révolution,
puisqu’il permet — ou permettra bientôt — à tout un chacun de se passer de l’éditeur, du
producteur, du diffuseur, des intermédiaires en général pour faire connaître ses textes, sa
musique, son monde virtuel ou tout autre produit de son esprit » (1997, p. 122). Autrement dit,
les nouveaux moyens de communication réaliseraient l’espace public conçu par Jürgen
Habermas.
Ces auteurs rejoignent en cela — ce qui ne veut pas forcément dire que les démarches sont
comparables — les chercheurs et les chercheuses qui ont abordé l’Internet d’un point de vue
historique en mentionnant souvent son caractère démocratique. Si l’on en croit Jean-François
Tétu et Françoise Renzetti, « les principes qui ont présidé à l’évolution de l’Internet [ont favorisé]
l’égalité des usagers et la liberté de tous. L’organisation de l’Internet en une société savante,
représentative des intérêts des utilisateurs, [a semblé] susceptible d’asseoir la légitimité du
réseau. L’Internet [est] alors [apparu] comme l’armature d’une démocratie internationale
2
Anne-Marie Gingras note avec raison que si l’espace public n’a jamais été réduit aux médias, ces derniers l’ont quand même
largement défini : « du moins les médias constituent-ils le lieu privilégié incarnant l’espace public » (1995, p.16). Ce choix
apparaît d’autant plus dominant que notre société est caractérisée par une augmentation des pratiques de communication
médiatisée par les dispositifs techniques, qu’il s’agisse notamment du téléphone, de la radio, de la télévision, et plus récemment
de l’ordinateur.
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scientifique » (1995, p.192). Les Requests for Comments (RFC) symboliseraient bien la nature de
la coopération entre membres d’un « collège invisible » dont l’existence repose sur des intérêts
communs. Comprenant à la fois des préoccupations très techniques et des réflexions très
philosophiques, ceux-ci représentent des « appels aux commentaires » faits par un individu ou par
un groupe. Quel que soit son statut, toute personne se sentant concernée peut répondre à cet appel
en apportant son témoignage. Le débat est alors ouvert pendant un certain temps, toutes les
propositions étant étudiées par des membres bénévoles de l’Internet Engineering Task Force
(l’IETF). Cette dernière est une structure légère, ouverte, du moins potentiellement à toutes et à
tous, qui a été créée par les concepteurs et conceptrices de l’Internet afin de bénéficier des
contributions des universitaires, chercheurs-ses, ingénieurs-es du secteur public ou privé du
monde entier. Une fois le débat clos, le nouveau document peut alors servir de documentation en
ligne au titre de norme en vigueur. Le principe des RFC a été appliqué à toutes les dimensions de
l’Internet, de la mise au point des différents protocoles aux recommandations en matière
d’échanges. D’une certaine façon, on retrouverait dans le RFC une concrétisation du modèle
habermassien de la démocratie délibérative. Usage de la raison, accessibilité et transparence
semblent être de rigueur3.
À titres d’exemples de RFC, on peut signaler que les caractéristiques du protocole qui régit le
courrier électronique, et par extension les échanges sur les listes de diffusion et de discussion, ont
été spécifiées par Jon Postel en 1983 dans le cadre du RFC 821. Pour notre part, nous allons nous
intéresser au RFC 1855 — autrement dit la « Netiquette » — qui porte sur les pratiques de
communication médiatisée par ordinateur (CMO), qu’il s’agisse du courriel en mode dyadique ou
des listes de diffusion-discusion et nous allons voir dans quelle mesure les normes édictées au
sein du champ scientifique sont respectées avec le développement d’usages de la part d’une
population de plus en plus diversifiée ; ce qui nous permettra de nous demander plus
généralement s’il est possible de s’appuyer sur des considérations historiques pour envisager
dorénavant la place de l’Internet dans la démocratisation de nos sociétés Pour ce faire, nous
allons tout d’abord rappelé les « règles de bon usage » écrites ou tacites qui ont été proposées par
les conceptrices et les concepteurs du « Net » dans le RFC 1855. Ensuite, nous aborderons les
dynamiques d’échanges sur une liste de discussion en particulier, la liste « ATTAC-talk » tout en
suivant les messages sur deux autres listes, « Contrôle-OMC » et « liste-SalAMI ». Enfin, en
conclusion, nous verrons dans quelle mesure les normes proposés par les scientifiques à l’origine
du développement de l’Internet demeurent inscrites dans les usages de la part d’une population
plus diversifiée, et si ces normes sont éventuellement discutées par celle-ci.
Retour sur la « Netiquette »
3
Nous employons le conditionnel car nous ne pensons pas forcément que c’est le cas. Toutefois, cette question importante ne
correspond pas tout à fait à celle que nous souhaitons traiter. Nous nous contenterons de préciser ici que certains auteurs en
viennent même à parler d’« intelligence collective » ou d’« intelligence distribuée » en prenant notamment comme exemple les
échanges entre scientifiques. À notre avis, en se basant le plus souvent sur une approche cognitiviste, ceux-ci abordent le social de
façon erronée, leur vision ne tenant pas compte des conflits, des divisions, des rapports de force et des dominations. On pourrait
même dire qu’ils nient le social (voir à ce sujet Miège, 1998). Toutefois, pour traiter cette question de façon approfondie, il
faudrait étudier la façon dont les RFC ont été conçus.
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Plus couramment appelé la « Netiquette », le RFC 1855 est né en octobre 1995. Consacré aux
échanges communicationnels sur le « réseau des réseaux »4. celui-ci a été pensé au sein du groupe
de travail Responsible Use of the Network (RUN ) de l’Internet Engeenering Task Force5. On
retrouve dès le départ le lien entre les règles et les usages, les auteurs du texte présentant ce
document comme « un ensemble minimum de règles d’étiquette en matière de réseau (la
Netiquette) que les institutions peuvent utiliser et adapter pour leur propre usage. […] Il convient
aussi comme ensemble minimum de lignes de conduite pour les personnes, tant les utilisateurs
que les gestionnaires ». On apprend également dès l’introduction que cette RFC a été conçue
expressément pour les nouveaux utilisateurs de l’Internet, qui sont baptisés les « Bleus »6.
Contrairement aux personnes qui ont « grandi » avec l’Internet, qui étaient « techniquement
attentifs » et qui « comprenaient la nature du transport et des protocoles », les nouveaux
utilisateurs sont considérés comme n’étant « pas au courant de la culture ». Certes le RFC a pour
objectif « d’amener rapidement ces nouveaux utilisateurs à la culture de l’Internet » qui se
transmet par le respect d’un certain nombre de règles, certaines étant présentées comme étant
obligatoires, alors que d’autres sont annoncées comme étant largement adaptables. Néanmoins,
les nouveaux utilisateurs n’ont « plus besoin de connaître le mode de transport et les
protocoles »7. Autrement dit, la culture de l’Internet correspondra au résultat de l’alliance entre
les normes proposées par les fondateurs et par les nouveaux internautes Après cette introduction,
le document est divisé en trois parties distinguées de la façon suivante : (1) la communication de
personne à personne, qui comprend essentiellement le courrier électronique (il est aussi fait
référence à talk, souvent présenté comme l’ancêtre de l’IRC ), (2) la communication d’une
personne à plusieurs, qui comprend les listes de distribution et les groupes de nouvelles
(newsgroups), (3) les services d’information, qui comprennent FTP, la Toile, Wais, Gopher, les
8
MUD et les MOO .
4
D’autres guides existaient déjà auparavant. C’est ainsi que les « Règles de conduite et savoir-vivre de l’utilisateur du Réseau »
(http://www.sri.ucl.ac.be/netetiq.html) ont été édictées en 1992 au sein de l’University of Florida afin d’aider les utilisateurs de
l’Université à « considérer les services de l’Internet comme une ressource disponible, moyennant la réserve qu’ils sont
responsables de la manière dont ils accèdent ou transmettent l’information à travers l’Internet ». Il y était question de paragraphes
et de messages courts ne traitant qu’un seul sujet, de prudence et de professionnalisme dans l’écriture de messages, des nécessités
d’indiquer les citations, références et sources, de l’importance de suivre les procédures hiérarchiques pour correspondre avec des
supérieurs, de l’interdiction d’employer les réseaux académiques pour des activités commerciales ou propriétaires, de limiter les
signatures à quatre lignes maximum à la fin des messages et de n’utiliser les majuscules que pour mettre un point important en
évidence ou pour distinguer un titre ou un en-tête, celles-ci pouvant être remplacées par des astérisques (*) avant et après le mot.
Les internautes étaient par ailleurs invités à ne pas faire suivre du courrier personnel à des listes de distribution ou sur Usenet,
sans la permission de l’auteur original, à respecter les conventions de droits d’auteur et de licence et à ne mentionner dans une
réponses que les propos d’autrui qui font explicitement référence à notre propre message, ainsi qu’à utiliser dans la mesure du
possible des abréviations telles que « IMHO » (in my humble/honest opinion) ou « FYI » (for your information).
5
Sa version finale ayant été rédigée par Sally Hambridge dont on peut avoir les coordonnées (adresses postale et électronique,
numéros de téléphone et de télécopieur) à la fin du document.
6
Le même vocabulaire est employé au sein de l’armée française pour qualifier les nouvelles recrues !
7
On s’étonnera tout de même un tant soi peu du fait que les aspects techniques semblent être largement mis de côté. Les
rédacteurs et rédactrices du RFC 1855 paraissent avoir pris pour acquis que la technique est une « boite noire » pour les « Bleus ».
Certes, nous verrons que d’après nos observations, c’est le cas pour une majorité des internautes. Il y a toutefois de notables
exceptions.
8
Dans le cadre de ce chapitre, nous ne traiterons pas des services d’information à propos desquels on peut notamment lire ce qui
suit : « Ne supposez qu’aucune information que vous trouvez est à jour et/ou exacte. Souvenez-vous que les nouvelles techniques
permettent juste à n’importe qui de devenir un éditeur, mais tout le monde n’a pas découvert les responsabilités liées à la
publication ». Par ailleurs, on trouve une mise en garde à propos du contenu par rapport à la dimension internationale de
l’Internet : « Comme l’Internet embrasse le globe, souvenez-vous que les services d’information peuvent refléter des cultures et
styles de vie franchement différents de ceux de votre communauté. Des choses que vous trouvez choquantes peuvent provenir de
régions où elles sont acceptables. Restez sans parti pris ». Les personnes qui sont auteurs de sites doivent veiller à ne pas se
contenter de proposer une liste de liens vers d’autres services de l’Internet, de ne pas pointer vers d’autres sites sans autorisation
et de veiller à la mise à jour des informations disponibles. Par ailleurs, « ne supposez pas que tout fonctionne lorsque vous n’avez
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Au sujet de la communication de personne à personne, notamment par courriel, les références aux
échanges en face-à-face sont importants. Ainsi, est-il d’emblée conseillé de suivre les mêmes
règles lors des échanges médiatisés par le courriel que dans le cas de la communication en
présence. Cette précision montre que pour les personnes qui ont été à l’origine de l’Internet, la
communication interpersonnelle est demeurée dans une certaine mesure, voire dans une large
mesure, un modèle9. Il apparaît même d’autant plus important de respecter « les règles de
courtoisie habituelle dans les rapports entre les gens » que dans le cas des échanges médiatisés
par la technique, on ne peut pas tenir compte de « l’expression corporelle » et du « ton de la
voix ». Pour compenser, les auteurs du texte proposent de se mettre d’accord sur quelques règles :
les majuscules doivent être utilisées pour donner l’impression qu’on va crier, encadrer un mot par
deux astérisques (*) permet de mettre l’accent sur le mot en question, utiliser des émoticones10
permet d’indiquer le ton de la phrase. Dans le cas où il apparaît crucial de prendre le clavier parce
qu’on en a « vraiment gros sur le cœur à propos d’un sujet donné », il faut encadrer son propos
par un « FLAME ON » et par un « FLAME OFF ». D’autres allusions sont faites par rapport à
des modes de communication plus anciens. Ainsi, est-il conseillé de ne pas écrire par courriel ce
que nous n’écririons pas sur une carte postale. Comme dans d’autres situations, on demande
d’attendre « d’avoir dormi avant d’envoyer des réponses chargées d’émotion ». On retrouve ici le
concept de « conversation idéalisée » de Michael Schudson qui estime que « toute
communication se doit de ressembler au modèle d’une conversation, que ce modèle existe
réellement ou non » (1999, p.132). Alors que Gary Gumpert et Susan G. Drucker (1999) estiment
que l’établissement de règles plus ou moins tacites réservées aux initiés éloigne la
communication médiatisée par la technique de la « place publique idéalisée », en faisant
justement référence aux travaux de Michael Schudson, les auteurs de la Netiquette ont estimé, au
contraire, que leurs propositions en termes de règles pourraient permettre d’aider les gens à
s’approprier l’Internet comme moyen de communication sur le modèle de la communication en
face-à-face.
Les internautes sont aussi invités à ne pas écrire des messages trop longs parce que la plupart des
personnes auxquelles ils s’adressent paient la communication à la durée. Si ceux-ci font plus
d’une centaine de lignes, il est recommandé de le préciser dans le titre du message. Pour la même
raison, s’il est conseillé de signer ses messages, la signature ne devant pas excéder les quatre
lignes. Il est également fait mention de l’importance de la dimension interculturelle dans les
échanges (« Souvenez-vous que le destinataire est un humain dont la culture, la langue et
l’humour ont d’autres références que les vôtres », « Soyez prudent avec l’argot et les expressions
locales ») et des éventuelles contraintes techniques, les messages devant pouvoir être lus par tous
testé qu’avec un seul [logiciel] client. De même, tenez compte d’un niveau technique bas pour les clients et ne créez pas des
applications qui ne peuvent être utilisées que par des interfaces graphiques ».
9
Dans un autre document, intitulé en français « Bienséance en matière de réseau » (http://www.sri.ucl.ac.be/bienseance.html),
traduction extraite de la pile HyperCard Internet Tour, réalisée par le Network Service Center de la NSF datée du 9 octobre 1995,
il est recommandé de ne pas écrire ce que l’on ne dirait à personne « dans un salle pleine de monde ». Cette référence à d’autres
situations n’est pas la seule. Ainsi, est-il recommandé en cas de forte émotion d’attendre d’être calme afin de pouvoir réfléchir.
« Une tasse de café ou une bonne nuit de sommeil peuvent faire des merveilles dans ce domaine. Des mots hâtifs créent plus de
problèmes qu’ils n’en résolvent ». Dans un autre document intitulé « les « Règles de conduite et savoir-vivre de l’utilisateur du
Réseau » (http://www.sri.ucl.ac.be/netetiq.html) ont été édictées en 1992 au sein de l’University of Florida, il était précisé qu’il
fallait être prudent dans l’usage de l’ironie et de l’humour, la plaisanterie pouvant être perçue comme une critique étant donné que
la communication n’a pas lieu en face-à-face.
10
En anglais smileys. Le traducteur du texte, Jean-Pierre Kuypers, emploie le terme de « souriard ».
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les terminaux (ce qui pose par exemple la question de l’utilisation ou non des caractères
diacritiques). Si dans la première partie du texte, il est question d’un « ensemble minimum de
règles » adaptables, il y a tout de même ensuite plusieurs interdictions : interdiction de renvoyer
sans autorisation à un groupe un message reçu à titre privé, interdiction de déformer un message
même s’il est possible d’en extraire certains propos, interdiction d’envoyer des lettres à la chaîne.
Il est par ailleurs fortement déconseillé de reproduire l’ensemble d’un message précédent dans le
cadre d’un envoi. Il est également précisé que « la publicité par courrier électronique est
malvenue (et interdite dans bien des contextes) ». Par ailleurs, les pièces-jointes de plus de 50 Ko
sont découragées.
Après les échanges de personne à personne, il est question de la communication d’une personne à
un groupe. Il est tout d’abord mentionné que les mêmes règles s’appliquent aussi. Les contraintes
sont même jugées comme étant plus importantes car l’auditoire est souvent peu connu. D’où le
fait qu’il est « fort important d’en savoir autant que possible à propos de l’audience », notamment
afin de n’offenser personne. Il est même recommandé d’observer pendant un à deux mois les
échanges avant de participer afin « d’acquérir une compréhension de la culture du groupe ». On
retrouve ici l’une des caractéristiques essentielles des théories de l’argumentation, tenir compte
du profil de l’auditoire avant de s’exprimer (Breton, 1998). Les autres recommandations sont les
suivantes : rédiger des messages et articles « brefs et ciblés » ; ne pas reprocher le comportement
des utilisateurs au gestionnaire du système ; ne pas se contenter de signaler des fautes de frappe
ou d’orthographe, ce qui serait considéré comme un comportement digne d’un « débutant
puéril » ; se méfier du « répondre » (ou « reply ») automatique qui va envoyer une réponse, soit à
une personne en particulier (celle qui avait écrit le message auquel on souhaite répondre), soit à
l’ensemble des abonnés de la liste. Il est conseillé d’envoyer les demandes d’abonnement et de
désabonnement à la bonne adresse. Pour ce faire, il est d’ailleurs préférable de garder le message
reçu au moment de l’abonnement car il est précisé dans celui-ci comment il est possible de se
désabonner. Enfin, il faut également faire attention au fait qu’une fois envoyé, un message est
irrécupérable. Lorsque la liste est privée, il est interdit de renvoyer un message « à une plus large
audience ».
Des « règles de bon usage » aux usages effectifs
Ces différentes recommandations ayant été rédigées au cours des années 90-95, on peut
considérer que celles-ci correspondent à un legs effectué par les « fondateurs » de l’Internet aux
nouveaux internautes afin que ces derniers tiennent compte de leur expérience en matière
d’utilisation du « réseau des réseaux » dans leur développement d’une culture du « Net ». Mais
ces règles ont-elles été transmises et sont-elles devenues autant de normes d’usages en ce qui
concerne les échanges de courriels sur les listes de discussion ? Nos observations des contenus de
trois listes de discussion nous ont amené à répondre de façon très nuancée, voire plutôt négative,
à cette question11. En comparant les trois listes, « ATTAC-talk », contrôle- OMC » et « listesalAMI », nous nous sommes tout d’abord rendu compte qu’elles présentaient des profils fort
11
Cette analyse a été effectuée dans le cadre d’une thèse de doctorat intitulée
« L’utilisation de l’Internet comme mode de
participation à l’espace public dans le cadre de l’AMI et au sein d’ATTAC : Vers un renouveau de la démocratie à l’ère de
l’omnimarchandisation du monde ? » (2001). Celle-ci a été effectuée en co-tutelle France/Québec (École Normale Supérieure de
Lyon Lettres et sciences humaines/Université du Québec à Montréal) sous la direction de Jean Mouchon et de Gaëtan Tremblay.
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différents les unes des autres. Dans le cas de la liste créée par le regroupement québécois,
l’opération SalAMI, nous avons constaté que le nombre de personnes ayant envoyé des messages
a toujours été faible ; idem pour le nombre de messages. En fait, cette liste a toujours été utilisée
pour diffuser quelques informations factuelles, qu’il s’agisse du procès des membres et
sympathisants-es de l’opération SalAMI qui a fait suite à l’occupation des entrées de l’hôtel
Sheraton de Montréal en mai 1998 ou de la Conférence de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) qui a eu lieu à Seattle à l’automne 1999. Nous n’avons jamais relevé la moindre trace de
débat. La norme spécifique à cette liste, quoique non explicitement formulée, a donc été
scrupuleusement respectée12. À l’opposé, la liste « Contrôle- OMC » a toujours été ouverte à toute
participation sans aucune restriction. Elle a d’ailleurs été créée par un ancien abonné de la liste
« ATTAC-talk » auquel il venait d’être demandé de respecter la nouvelle Netiquette de la liste.
Deux traits ont largement découlé de cette auto-organisation permanente : un nombre
considérable de messages consacrés à des thématiques très variées et un faible nombre de
participants et de participantes. Bref, certains pourraient parler de bouillonnement d’idées
permanent, d’autres de bruit. Le cas de la liste « ATTAC-talk » s’est avéré être plus complexe et,
de ce fait, plus intéressant. Nous allons nous y attarder ci-dessous, mais nous pouvons d’ores et
déjà préciser qu’une première comparaison entre trois listes, pourtant consacrées à des thèmes
proches, voire communs, et comprenant parfois les mêmes abonnés-ées nous a amené à conclure
à une grande diversité des cas de figure, ce qui témoigne d’une grande variété des utilisations des
dispositifs de l’Internet et ce qui tend à relativiser d’emblée le poids de normes telles que le RFC
1855 dans l’ encadrement des usages.
De l’auto-organisation à la modération comme modes de régulation des échanges
Alors que les débats ont été absents de la « liste-salAMI » et que ceux-ci ont pu se dérouler sans
aucune entrave sur la liste « Contrôle-OMC », la question de la pertinence de tel ou tel sujet s’est
posée très vite sur la liste « ATTAC-talk ». Faute d’une réelle modération des débats lors du
lancement de la liste, nous avons constaté qu’aucune unanimité n’était possible quant à
l’admissibilité de tel ou tel sujet sur celle-ci. Certains estimant que la mise en valeur du capital, et
notamment la spéculation financière, constitue le moteur principal du développement de nos
sociétés, ont eu tendance à considérer que la plupart des sujets pouvaient être abordés, du moins
sous un certain angle, sur la liste. D’autres, estimant en revanche que la mise en valeur du capital,
et notamment la spéculation financière, ne constitue que l’un des moteurs du développement de
nos sociétés parmi d’autres ont eu tendance à circonscrire beaucoup plus le contenu de celle-ci.
Dans une certaine mesure, à travers ce débat, ce sont les buts mêmes de l’association qui ont été
discutés, ce qui n’est pas très étonnant quand on sait que celle-ci défend des objectifs d’ampleurs
fort différentes ; de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières auprès des
responsables politiques de la planète, ce qui constitue un objectif précis à court terme ; à
contribuer à ce que l’ensemble des citoyens et des citoyennes se réapproprient leur avenir à
l’échelle mondiale, ce qui représente un objectif beaucoup plus général et plus flou pour le
moyen et le long terme. De plus, il ne faut pas oublier que la liste de discussion a été lancée au
mois de février 1998 afin que les personnes abonnées puissent notamment contribuer à bâtir le
12
Nous avons appris à ce sujet que si la norme dominante a été respectée, cela aurait parfois été au prix de la censure exercée par
le modérateur officieux qui aurait refusé de renvoyer certains messages sur la liste, l’ensemble des messages transitant par son
compte personnel. Les lectrices et les lecteurs se seront rendus compte que nous sommes prudent à ce sujet car nous n’avons pu
vérifier cette information auprès d’une deuxième source. Il nous semble toutefois que notre première source est « fiable ».
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site de la future association13. L’association elle-même n’a été créée qu’au mois de juin suivant ;
d’où le fait que l’on peut considérer la liste « ATTAC-talk » comme la première concrétisation de
son existence. Il en a résulté qu’il n’a pas été possible dès le départ d’imposer de façon légitime
une frontière entre les sujets autorisés et les sujets interdits. Certes, une plate-forme a été mise au
point au moment de la création officielle de l’association au mois de juin 1998, mais nous avons
pu constater, d’une part, que cette plate-forme restait volontairement très ouverte afin d’intégrer
un nombre croissant d’adhérents et d’adhérentes et que, d’autre part, celle-ci n’a été mentionnée
comme « frontière » qu’au cours de la deuxième moitié de 1999 lorsqu’une Netiquette spécifique
à la liste a été mise en ligne.
Cette absence de délimitation claire entre des contenus acceptés et des contenus refusés a
également été due à des raisons de procédure quant à l’organisation des débats. Selon les règles
traditionnelles en vigueur sur l’Internet, l’animateur de la liste aurait du être celui qui avait
envoyé le premier message annonçant la création de celle-ci. Il se présenta d’ailleurs en tant que
tel tout en précisant qu’il interviendrait peu au cours des échanges. L’originalité est venue du fait
qu’au fil des semaines, une autre personne est progressivement devenue « animateur officieux ».
On apprendra par la suite que « l’animateur officiel » avait souhaité se désengager parce que
travaillant au « Monde Diplomatique », il ne souhaitait pas tenir un rôle central au sein des
activités de l’association naissante14, Toutefois, cette substitution des rôles n’a pas été officielle
pendant plusieurs mois. Le nouvel animateur ne revendiqua d’ailleurs jamais le titre de
« propriétaire de la liste », ni dans le corps des messages, ni dans sa signature. Le flou de cette
situation a joué un rôle considérable dans la dynamique des échanges à certains moments,
contribuant notamment à des dérapages au cours desquels la légitimité de cette personne fut
remise en cause. L’analyse des interventions15 de l’« animateur officieux » montre qu’il a joué un
triple rôle. Premièrement, il a été informateur, notamment parce qu’il gérait parallèlement le site
de l’association sur la Toile. À ce titre, il a fait part de toutes les nouveautés présentes sur le site
et a lancé de temps en temps un appel à la participation à la construction de celui-ci.
Deuxièmement, il a également été animateur, mais ceci de façon plus indirecte, lorsqu’il a
proposé des sujets de débats à travers notamment l’annonce d’articles parus dans la presse. Enfin,
il est parfois apparu dans un tout autre registre. De façon plus ou moins régulière, il intervint afin
de rappeler quelques règles de fonctionnement de la liste. Il employa même parfois un ton
extrêmement dur pour montrer son mécontentement. Pourtant, à chaque fois, il revint en arrière
en s’excusant d’avoir été trop loin dans la critique. Ce manque de positionnement clair contribua
certainement au malaise assez souvent perceptible sur la liste. Il n’a pas su, nous semble-t-il,
éviter les deux écueils mis en avant par Hervé le Crosnier. Premièrement, si l’animateur est « trop
timoré » dans son évaluation des messages reçus, « il tend à restreindre la portée du groupe, et
laisse s’installer le nivellement qui se traduira ensuite par la déperdition d’énergie et le manque
13
Tout a commencé avec la rédaction d’un éditorial d’Ignacio Ramonet intitulé « Désarmer les marchés ». Dans celui-ci, paru en
décembre 1997 dans le « Monde Diplomatique », il était question de la création d’une association visant à instaurer une taxe
Tobin. Au cours des mois suivants, la rédaction a reçu plusieurs milliers de lettres et de courriels, ceux-ci atteignant parfois la
centaine par semaine ; d’où la création de la liste de discussion puis de l’association.
14
L’ensemble des collaborateurs et collaboratrices du « Monde Diplomatique » ont souhaité dès les premiers mois de 1998
qu’ATTAC soit autonome par rapport à la revue. S’il y a eu établissement de liens, ceux-ci se sont faits sur des collaborations
effectuées à titre individuel. En fait, la réalité est un peu plus complexe que ça. Le réseau social constitué par le « Monde
Diplomatique » à travers le monde a contribué à faire d’ATTAC une association à dimension internationale.
15
Celles-ci ont été effectuées lors du lancement en février 1998, puis en septembre, octobre et novembre de cette même année,
puis en mars, juin, juillet, août, septembre, octobre et novembre 1999.
© Éric GEORGE - 2002 9
d’intérêt du forum » (1998, en ligne). Deuxièmement, s’il est trop aventureux, « il s’éloigne du
groupe qui ne sent plus la liste de débat lui appartenir, qui ne se sent plus investi et partie
prenante de la qualité et de l’écho des débats » (ibid.). De plus, la légitimité de sa situation par
rapport à l’ensemble des personnes abonnées à la liste demeura ambiguë pendant longtemps.
C’est seulement au cours de l’automne 1999, suite à une crise, que celle-ci fut officialisée.
Alors qu’à son lancement au mois de février 1998 la liste avait atteint assez rapidement la
centaine d’abonnés-ées, un an et demi plus tard, elle en comptait plus de 500. Il s’ensuivit au fil
des mois une augmentation du nombre de messages. Pourtant, ceux-ci ne furent pas forcément le
fait d’un nombre croissant de personnes. En la matière, les mois de septembre et d’octobre 1999
(surtout la première moitié de ce mois) furent révélateurs de la tendance en cours. Au cours de
ces deux mois, il y eut respectivement 894 et 1092 envois, le chiffre de 1092 correspondant à une
moyenne de 35 messages par jour, ce qui constitua le record depuis le lancement. Une fois de
plus, l’augmentation du nombre de messages ne fut pas essentiellement le fait d’une plus grande
diversité des contributeurs et des contributrices, mais de celui de personnes ayant l’habitude de
s’exprimer. Ce fut notamment le cas de L. qui envoya 251 messages au cours du mois de
septembre (soit une moyenne un peu supérieure à 8 messages par jour) puis 178 entre le 1er et le
13 octobre (soit une moyenne un peu supérieure à 13,5 messages par jour). À lui seul, il contribua
à l’envoi de 28% des messages en septembre et de 22% d’entre eux entre le 1er et le 13 octobre.
On put constater par ailleurs qu’entre le 1er et le 13 octobre, les autres personnes qui
s’exprimèrent le plus furent A. (42 messages), J. (35), P. (29) B., N. (27 chacun) et « l’animateur
officieux » (2516), ce dernier ayant une moyenne de deux envois quotidiens. À six, ils rédigèrent
185 messages, soit 23% des envois de cette période pour une liste comprenant plus de 700
abonnés-ées. Cette omniprésence de L. et dans une moindre mesure d’une petite dizaine de
participants et de participantes entraîna une fois de plus des réactions contrastées, S. affirmant
que « certains » monopolisaient « trop la parole dans un sens délirant », et Marc rétorquant qu’il
ne voyait pas du tout comment on pouvait « monopoliser la parole sur une liste de discussion ».
Suivirent alors deux événements qui servirent de prétexte à « l’animateur officieux » pour passer
la liste en mode modéré.
Premièrement, alors que pendant plusieurs mois, L. avait, à notre avis du moins17, tenu un rôle
utile en permettant grâce à l’envoi de certains de ses messages de discuter des limites des
thématiques de la liste, il en vint le 7 octobre à rédiger des attaques personnelles n’ayant rien à
voir avec un quelconque combat pour des idées. « L’animateur officieux » décida alors de le
désabonner de la liste, tout en précisant qu’il pourrait se réabonner après avoir accepté la
« Netiquette » mise en ligne sur le site. Or, bien qu’il n’en soit pas question dans les échanges, la
mise en place de cette « Netiquette » constitua une nouveauté importante. Pour la première fois,
le rôle de l’animateur était officiellement reconnu : « ATTAC se réserve le droit, par l’entremise de
l’administrateur du réseau attac.org, de préserver l’intégrité de cet espace public contre toute
personne ou tout groupe de personnes dérogeant à ces quelques règles élémentaires de savoirvivre ensemble ». Pour la première fois également, il fut précisé que le contenu de la liste devait
16
Ce qui veut dire qu’il envoya un peu plus de 14% des messages en tant que propriétaire en cette période critique alors que les
envois de « l’animateur officieux » avaient seulement représenté 3,9% du total en février 1998 et que les envois de « l’animateur
officieux » avaient représenté 7,9% du total du 13 octobre et 12 novembre 1998.
17
Mais aussi pour bon nombre d’abonnés-ées, l’animateur de la liste y compris.
© Éric GEORGE - 2002 10
correspondre à celui de la plate-forme de l’association18. Toutefois, quelques minutes plus tard, L.
était à nouveau abonné à partir d’une autre adresse de courriel et il envoya alors l’annonce du
lancement de sa propre liste : « je me suis dit que ca ne pouvait pas faire de mal d’avoir un egroup consacre au Millennium Round, a l’OMC et aux revendications essentielles liees au controle
citoyen de l’OMC (Moratoire — Remise a plat de l’OMC) ». Les échanges reprirent alors de plus
belle. L’animateur, désormais officiel, annonça alors que la liste passerait en mode modéré
quelques semaines plus tard à l’occasion du transfert à venir d’un serveur à un autre. Un
deuxième événement précipita cette décision. Le 11 octobre, J. envoya un message sur la liste
dans lequel elle reprenait l’ensemble de la correspondance privée qu’elle avait eu pendant
plusieurs jours avec l’animateur, notamment au sujet de L.. Comme il en avait parfois l’habitude,
l’animateur de la liste réagit alors violemment dans un message titré « STOP », en écrivant que
l’envoi de courriels privés sur une liste publique était une pratique illégale « afin de déstabiliser
et de dénaturer totalement les rapports de confiance établis ». Il poursuivit en ces termes :
J’ai eu un tort : tenter par la diplomatie de remédier à certains problèmes d’attitude et tenter
d’amener les personnes à la raison en leur laissant un peu de temps pour réaliser et se
rendre compte de l’inadéquation de leur attitude ou de leur opinion avec les visées d’ATTAC
établies par sa plate-forme n’en déplaise à certains bien mal informés puisqu’ATTAC ce
n’est pas leur lieu à eux mais celui de 12.000 adhérents qui ont accepté à la lecture de la
plate-forme d’y adhérer. Les comportements de plusieurs personnes sont intolérables de
mon point de vue. Pire, je les trouve directement en opposition avec les buts d’ATTAC : se
réapproprier ensemble l’avenir de notre monde.
A la générosité ils opposent la violence et le chantage. A l’ouverture ils opposent
l’envahissement et la bêtise. Car excusez moi il s’agit bien là de bêtise.
L’expérience menée par cette liste n’aura pas duré deux ans. Ces plusieurs mois ont été
riches et parfois enrichissants. Pour ma part je ne tiens pas à ce que le nom d’ATTAC soit
associé à cette liste du fait de certains individus. Je vais donc préconiser au plus vite la
fermeture totale de la liste en attendant qu’on puisse en rouvrir une nouvelle qui sera
modérée cette fois-ci (surveillez le Courriel d’information). Cette fermeture pour des
raisons techniques et privés de la part de l’hébergeur devait avoir lieu de toutes les
manières dans un avenir proche.
xxxxxx.
L. n’attendit pas le basculement du premier au deuxième serveur et fit passer tous les messages
par son adresse de courriel à partir du 14 octobre19. Le passage au mode modéré, relevant d’un
changement de mode de régulation, eut un impact considérable, ne serait-ce qu’en termes de
nombre de messages : alors qu’il y en avait eu 804 entre le 1er et le 13 octobre, il y en eut
seulement 288 entre le 14 et le 31 octobre. Cette tendance à la baisse s’est maintenue au cours des
mois suivants, le nombre de messages ayant tendance à se stabiliser entre 250 et 350 en février,
mars et avril 2000. Nous n’avons pas continué à analyser ces échanges. Toutefois, on peut
émettre une hypothèse qui correspond à l’analyse d’Hervé le Crosnier à propos de la liste
18
Nous avons déjà souligné le fait que si la plate-forme permettait en effet de constituer une frontière entre échanges permis et
échanges interdits, celle-ci n’en était pas moins floue étant donné sa grande ouverture à diverses interprétations.
19
Ensuite, lors du changement de serveur qui eut seulement lieu le 22 novembre, il remercia l’ancien animateur qui avait assuré la
responsabilité technique depuis le lancement, celle-ci étant désormais assurée par l’association Réseau alternatif et social (R@S),
partenaire d’ATTAC. La première vie de la liste venait vraiment de prendre fin.
© Éric GEORGE - 2002 11
« Biblio fr ». Celui-ci estime que le modérateur est non seulement administrateur lorsqu’il
s’occupe du fonctionnement de la liste, secrétaire de rédaction lorsqu’il supprime certains
contenus répétés, orientateur lorsqu’il renvoie un courriel mal adressé, mais aussi médiateur.
Hervé le Crosnier pense que la « simple présence » du médiateur « provoque un mode de
fonctionnement plus rigoureux des participants au débat. On peut dire qu’au moins un être
humain va lire chaque message qui aura été envoyé à la liste. En conséquence, l’émetteur va
mieux soigner son texte, et plus généralement ne va pas envoyer un message dont lui-même
pense qu’il ne serait pas accepté. C’est la présence même du modérateur qui restreint le besoin de
modération. Il faudra réfléchir plus avant sur ce phénomène de conformisme social dans les
communications médiées » (1998, en ligne).
De la liberté d’expression à l’égalité devant l’expression
L’absence de modération, de « Netiquette » et de précisions quant aux sujets susceptibles d’être
abordés pendant presque deux ans a témoigné plus largement de l’absence de norme forte
spécifique à la liste et s’inspirant éventuellement du RFC 1855. Plusieurs raisons complémentaires
les unes des autres expliquent ce choix. Nous avons déjà évoqué le fait que la liste avait été créée
avant l’association. Les responsables de cette dernière n’avaient donc pas pu imposer quoi que ce
soit lors du lancement de la liste. Il importe d’ajouter en complément que, n’ayant pas
d’expérience en la matière, les personnes à l’initiative de la liste ne savaient pas comment allaient
évoluer les échanges20. Le choix du départ fut donc le pragmatisme. Par ailleurs, il y a eu la
volonté de tester une certaine forme d’auto-organisation. Mais peut-on dire que, du moins dans
une certaine mesure, des normes ont émergé de l’ensemble des échanges ? Notre observation des
échanges nous a permis de nous rendre compte que dans le cas de cette liste non modérée, les
échanges avaient d’autant plus de chances de se développer sur un sujet que ceux-ci étaient
« encadrés ». Sans relance, il arriva fréquemment que des sujets apparemment intéressants soient
amorcés sur la liste sans être pour autant poursuivis. Ce fut par exemple le cas lorsque F. et V.
abordèrent la question du revenu minimum d’existence. Malgré tout l’intérêt de cette piste de
réflexion, ils ne furent pas suivis sur ce terrain à ce moment-là21. Les échanges sur la liste de
discussion étant à la fois asynchrones et adressés à toutes les personnes qui lisent les messages, il
est possible que dans certaines situations, personne ne se soit senti visé expressément afin de
répondre, ni dans le temps (puisqu’il y a un temps minimum obligatoire entre la réception d’un
message et l’envoi d’un autre message, ce qui n’est évidemment pas le cas dans les contextes des
conversations en face-à-face ou au téléphone puisque le silence y est très « visible »), ni dans
l’espace (puisque dans le cas d’une liste, on s’adresse à un ensemble de personnes dispersées. La
voix ou le regard ne sont pas éventuellement tournés vers une ou quelques personnes en
particulier afin de la (les) solliciter). Au fil du temps, nous avons constaté que trois modalités
20
De façon générale, les échanges les plus constructifs sont aussi ceux où les participants et les participantes ont pris le temps de
rédiger et de lire. Alors que dans le cas des messages relativement courts à dimension essentiellement informative, les propos ont
souvent relevé de l’oral ; dans le cas des échanges à forte dominante argumentative, les propos ont la plupart du temps été rédigés
de façon très soignée. Entre ces deux situations extrêmes, beaucoup de messages ont tendu plus ou moins vers ces deux objectifs :
constituer une intervention dans le cadre d’une discussion qui pourrait être orale, ce qui implique notamment d’expliciter par écrit
des éléments qui seraient restés de l’ordre du non-dit dans le cas d’une communication en face-à-face ; construire un document ou
une partie d’un document susceptible d’être stocké sur la Toile ou sur papier et qui sera diffusé, ce qui implique de passer par
l’écrit. Nous avons retrouvé à la fois la prise en compte de la conversation et de l’écriture. Or, la complexité même de ce nouveau
mode d’expression, sa nouveauté, a visiblement constitué un frein à l’expression de beaucoup d’internautes. Elle a aussi contribué
à ce que les deux animateurs adoptent une position attentiste.
21
En revanche, ce thème fut à nouveau abordé plusieurs mois après et fut alors prétexte à nombreux échanges.
© Éric GEORGE - 2002 12
d’« encadrement » plus ou moins complémentaires favorisaient les débats et qu’elles étaient
mobilisées isolément ou conjointement par certains abonnés-es clés de la liste de discussion.
(1) La présence d’un animateur ou d’une animatrice désignée d’office ou émergeant des
échanges, qui construit son propre rôle. De façon générale, ce dernier consiste à effectuer un
minimum de régulation, soit sur une période donnée, soit sur un thème particulier. En effet, s’il y
a auto-organisation, l’une des tendances majeures observées sur cette liste et sur
d’autres — « Contrôle-OMC » en constitue une bonne illustration — consiste dans la succession
très rapide de deux types de situations : l’envoi en un temps relativement court de nombreux
messages consacrés à un seul thème suivi d’une période caractérisée par l’absence de tout
message portant sur ce même sujet. L’animateur ou l’animatrice doit en conséquence demander
de temps en temps à certaines personnes de ne pas trop intervenir sur la liste mais, généralement,
il ou elle doit surtout mener une action spécifique de relance, de soutien, les débats tendant
souvent à s’étioler, à se raréfier. La liste ne tend alors à devenir qu’un outil pour des questions
informationnelles. Cela n’a pas de connotation péjorative, certaines listes ayant ce mandat, mais
on est alors dans un autre registre, dans un autre type d’espace public plus axé sur la diffusion
d’informations que celui qui nous intéresse.
(2) L’envoi d’un texte initial servant de base à la discussion. Le texte a été jugé suffisamment
intéressant par plusieurs abonnés-es pour qu’ils jugent pertinent de répondre à l’auteur-e. Une
fois les échanges amorcés, ils continuent grâce à la participation de plusieurs personnes qui
décident de se répondre les unes aux autres ou de réagir au texte initial. Les deux cas de figure
peuvent évidemment se combiner. De plus, nous avons remarqué que les échanges avaient
d’autant plus de chances d’être soutenus que l’interlocuteur ou l’interlocutrice initial-e intervient
au cours des échanges.
(3) L’annonce dès le lancement du débat que celui-ci aura lieu pendant une période déterminée et
qu’il donnera lieu à une synthèse qui sera utile en tant que publication dans le but de participer à
la politique de « contre-expertise » de l’association (pour reprendre la terminologie en vigueur au
sein de celle-ci). Cette publication pourra par exemple être utilisée lors de la tenue d’un colloque
sur le sujet abordé. Dans ce cas de figure, le débat doit donc avoir une finalité. On retrouve ici
l’importance de faire coïncider communication et action qui ne se développent pas forcément
dans les mêmes cadres temporels, la communication pouvant prendre place sur une période
relativement longue qui s’inscrit dans les calendriers subjectifs des différents intervenants et
intervenantes alors que l’action commande un calendrier objectif qui contient un certain nombre
de dates correspondant à autant de rendez-vous22.
Or, nous avons observé que ces trois modalités ont été mobilisées par quelques abonnés-ées clés
de la liste au fil des mois, à commencer par « l’animateur officieux ». Toutefois, d’autres
internautes ont parfois essayé de s’opposer à ces mesures estimant que tout encadrement était
contraire à la liberté d’expression.
Or, nous nous sommes rendu compte au fil des mois qu’un minimum d’encadrement était
nécessaire. Comme l’écrit Bernard Miège (1995, 1997), au fur et à mesure que l’espace public
s’ouvre, il accepte une différenciation de plus en plus importante entre les personnes qui y
participent. En effet, avec l’accroissement du nombre de personnes connectées, l’Internet
22
On pense notamment à toutes les rencontres qui ont lieu dans le monde et qui regroupent les membres d’organismes comme la
Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’Organisation de la coopération et du développement économiques,
l’Organisation mondiale du commerce, etc. ; soit autant de raisons de se mobiliser pour les activistes de la société civile.
© Éric GEORGE - 2002 13
participe à l’ouverture progressive de l’espace public mais la répartition des prises de parole entre
abonnés-ées demeure toujours très inégale23. Dès lors, l’absence totale de modération ne peut pas
être considérée comme une garantie de liberté d’expression. Laisser tout le monde s’exprimer à
sa guise peut « favoriser » le creusement des inégalités pour plusieurs raisons : premièrement, les
abonnés-ées ont accès à l’Internet de façons très inégales ; deuxièmement, ils s’approprient celuici de façon très diversifiées ; troisièmement, ils osent s’exprimer dans l’espace public à des
degrés très divers. Certains abonnés-ées comme L. ont bénéficié de plusieurs avantages
simultanés par rapport à d’autres : une connexion permanente à l’Internet (L. bénéficiant d’un
lien rapide à son lieu de travail), une bonne appropriation de l’informatique et de l’Internet (L.
ayant, par exemple, une fort bonne connaissance du système d’exploitation Linux), des facilités à
s’exprimer par le biais du courriel (L. envoyant parfois quatre à cinq messages par jour dont
plusieurs avec un contenu entièrement original long de quatre à cinq pages-écran). Il est
intéressant de préciser ici que le profil des abonnés-ées contactés par nos soins s’est avéré être
très spécifique24, les formations supérieures, notamment les études les plus longues étant très
fortement représentées de même que les « cadres supérieurs » actifs ou à la retraite. Grâce à
l’énumération des formations et des professions mais aussi grâce à l’obtention d’autres
renseignements concernant les occupations publiques et privées des répondants et répondantes,
nous avons remarqué par ailleurs qu’une majorité d’entre eux avaient visiblement un minimum
de maîtrise de l’informatique, voire une maîtrise certaine. Leurs déclarations en termes d’accès et
d’utilisation de l’Internet ont également témoigné de pratiques importantes.
Le rôle structurant de la technique
Nous avons constaté par ailleurs que la technique a joué un rôle important dans la structuration
des échanges, et ce au moins à deux niveaux. Premièrement, la technique, entendue au moins
autant en termes logiciels que matériels, peut être considérée comme habilitante et comme
contraignante (Proulx, 1999). Ainsi, avons-nous constaté des contraintes liées à l’origine
anglophone de l’Internet. La présence de l’anglais dans les commandes a gêné beaucoup
d’internautes lors de tentatives de désabonnement et lors de réponses effectuées, soit à titre privé,
soit en public. Plus ou moins régulièrement, plusieurs personnes signalèrent sur la liste leur
souhait de voir leur abonnement résilié. Manifestement, certains d’entre eux firent exprès de
manifester publiquement leur mécontentement avant de quitter la liste. Toutefois, pour d’autres,
le passage obligé par les commandes en anglais posa visiblement un problème de compréhension
relevant de la langue. Ne comprenant visiblement pas ce qu’il fallait faire, plusieurs personnes
envoyèrent alors volontairement un ou plusieurs messages sur la liste afin qu’elles soient
23
Thierry Vedel a constaté le même phénomène dans le cas de forums ou de listes de discussion émanant des collectivités locales.
Ces dernières sont souvent « détournées » par de petites minorités plus ou moins activistes qui les « instrumentalisent » au profit
de leurs intérêts (Séminaire « Informatique — Réseaux — Sociétés », 1999a, en ligne). Il s’agit là de l’une des caractéristiques les
plus présentes dans les analyses qui portent sur les dynamiques d’échanges sur les listes de discussion.
24
Souhaitant en savoir plus sur les profils des personnes qui avaient participé aux échanges étudiés, nous avons effectué une
enquête auprès de 50 abonnés-ées. Les résultats obtenus auprès de 25 d’entre eux ne sont évidemment pas représentatifs, ni du
profil général des internautes, ni du profil général des adhérents-es et des sympathisants-es d’ATTAC. Il n’en demeure pas moins
que le recoupement de ces informations avec nos propres observations des contenus de la liste nous a amené à conclure pour le
moins à une certaine parenté. De plus, le profil de nos répondantes et répondants a ressemblé dans une certaine mesure à celui
trouvé dans une autre recherche, celle-ci étant d’ordre quantitatif. Il s’agit de l’étude de Daniel Bensaid qui a porté sur le profil
des ATTACiens et des ATTACiennes. Son questionnaire a été diffusé par courrier postal et par courrier électronique auprès d’environ
1000 adhérentes et adhérents, entre les mois de mai et septembre 1999, soit environ un an après la création de l’association. Après
analyse de l’ensemble des réponses, et un recodage de certaines questions, 246 réponses sur 1000 envois ont été retenues (ce qui
fait un taux de réponse de 24,6%) et sur environ 10.000 adhérents à l’époque (soit près de 2,5%).
© Éric GEORGE - 2002 14
désabonnées. On nota ainsi la présence répétée d’envois de commandes erronées du type
« unsuscribe » dans lesquels il manquait systématiquement le « b » du verbe « unsubscribe ».
Dans certains cas, elles expliquaient qu’elles n’avaient pas réussi à se désabonner. Dans d’autres,
nous avons eu l’impression qu’elles n’avaient même pas essayé, ignorant peut-être jusqu’à la
signification de la formule présente dans l’en-tête des messages25. Dans le cas de l’opération
« répondre », selon les cas de figure choisis par le ou la responsable de la liste, utiliser cette
fonction amène directement à répondre, soit à l’ensemble des abonnés-ées de la liste, soit à la
personne qui s’est exprimée dernièrement. Tout dépend de l’adresse qui est précisée dans l’entête des messages à la ligne comprenant la mention « Reply-To ». Soit le choix favorise
automatiquement un renvoi des réponses vers l’ensemble des abonnés-ées de la liste de
discussion (renvoyer un message vers un personne en particulier demande alors une petite
démarche supplémentaire), soit il favorise le renvoi d’un message uniquement à la personne
auteur du message auquel on répond (dans ce cas, c’est la réponse collective qui demande un petit
effort de paramétrage supplémentaire). Encore faut-il le savoir. Dans le cas d’ATTAC, la situation
a été d’autant plus compliquée que les choix ont été modifiés en fonction des périodes. Nous
avons aussi constaté un certain nombre d’erreurs. Par ailleurs, selon les configurations des
logiciels, elles-mêmes plus ou moins « choisies » par les internautes, le texte repris d’un message
précédent est positionné a priori avant ou après l’emplacement initial du curseur qui « invite » à
écrire son propre texte. Or, avec la multiplication des logiciels de courriels et des différentes
versions de ces logiciels, nous avons remarqué que les façons d’identifier les reprises de propos
antérieurs dans les messages se sont diversifiées, ce qui a pour résultante de compliquer la lecture
des propos. La situation est évidemment apparue d’autant plus complexe dans les cas où les
courriels reprenaient des phrases issues de plusieurs messages précédents. Il a pu s’ensuivre des
quiproquos sur les positions des uns et des autres, voire des incompréhensions totales. Enfin,
nous avons constaté dans un nombre de messages non négligeable que les internautes gardaient
parfois trois, quatre, voire cinq échanges antérieurs en intégralité à la suite dans leur propre
correspondance, le contenu original étant parfois des plus restreints. On remarque bien ici la
distance prise dans les usages avec les recommandations, voire les obligations contenues dans le
RFC 1855.
L’ensemble de ces situations — ratages dans l’opération de désabonnement, mauvais adressage
des réponses, reprise de nombreux propos tenus précédemment dans les messages — a été
dénoncée plus ou moins régulièrement par certains abonnés-ées visiblement irrités par ces
pratiques26. Ces situations ont aussi fourni un prétexte à discussion sur l’intérêt de la liste et sur le
rôle de l’animateur. Plus ou moins directement, les aspects techniques sont alors devenus le sujet
même des conversations. Dans une large mesure, le choix de notre corpus nous avait amené à
considérer au départ que les options techniques majeures étaient fixées. Or, nous avons constaté à
l’occasion de ces échanges sur la technique que la situation pouvait être plus complexe dans la
mesure où il demeure plusieurs choix, à la fois des choix en termes de services à privilégier plutôt
que d’autres — la liste de discussion ou le groupe de nouvelles dans ce cas — et des choix en
termes de configurations de ces services. Pour témoigner de cette caractéristique de l’Internet en
tant que système technique, on utilise parfois le terme de « plasticité ». Ainsi, la technique a
25
il suffisait de cliquer sur l’option List-Unsubscribe: <mailto:[email protected]> placée dans l’en-tête de chaque
message pour avoir accès à l’opération de désabonnement.
26
Certes, il y a eu parfois des messages visant à aider certains internautes dans leurs manipulations techniques mais les échanges
ont souvent été plus acrimonieux, des abonnés-ées qui s’opposaient plus fondamentalement sur d’autres sujets sautant sur
l’occasion pour en « découdre » une fois de plus.
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constitué un sujet de débat lorsqu’il a été question du changement éventuel du support, de la liste
de discussion à un groupe de nouvelles, entre le 13 octobre et le 12 novembre 1998. Quelques
abonnés-es se sont intéressés à ce thème en comparant les mérites respectifs des deux types de
support. À cette occasion, les débats se sont avérés être très pertinents, la question étant abordée à
la fois en termes techniques (les deux services sont-ils proposés par l’ensemble des fournisseurs
d’accès à Internet ?), en termes économiques (y-a-t-il un des deux services qui coûte moins cher
en termes de connexion au réseau ?), et en termes d’usages (quelles sont les possibilités de
classement des messages des deux types de services ?). Un autre exemple d’échange portant sur
la technique a été celui de la discussion sur la pertinence de recevoir les messages, soit à la suite
les uns des autres de façon indépendante, soit dans un seul courriel quotidien récapitulant tous les
propos tenus. Cosignant un message à deux — une fois n’est pas coutume. Ce geste resta
exceptionnel — les deux animateurs, l’officiel et l’officieux, décidèrent d’opter pour la réception
groupée des courriels le 28 juin 1999 en affirmant notamment que cela éviterait aux gens qui
partaient en vacances d’avoir trop de messages à leur retour. En réalité, une deuxième raison les
motivait. Ils espéraient ainsi diminuer le nombre moyen quotidien d’envois jugé souvent trop
élevé par des abonnés-ées qui se plaignaient plus ou moins régulièrement, voire qui se
désabonnaient. Comme nous l’avons déjà souligné, les abonnés-ées qui participaient le plus aux
échanges avaient en effet pris l’habitude de se répondre très rapidement les uns les autres27. Or, la
quasi-totalité des abonnés-ées qui s’exprimèrent par la suite prirent position contre la présentation
en recueil jugée peu encline à favoriser « un débat pratiquement en temps réel ». À l’instar
d’autres personnes, une abonnée qui ne s’était jamais exprimée écrivit qu’elle était « convaincue
que de nombreux inscrits [étaient] bien tristes de ne plus sentir la vivacité de la liste ». Un autre
argument vint compléter la prise de position contre l’envoi par synthèse : ce choix technique
empêchait de classer les courriels par rubriques. Un seul abonné ayant défendu la nouvelle
solution, « l’animateur officieux » proposa le 7 juillet à celles et à ceux qui souhaitaient se
réabonner en mode « réception continue » de le faire eux-mêmes. Bel exemple
de — nouvelle — règle imposée par les animateurs puis assouplie suite aux réactions des usagers,
serait-on tenté de dire. La réalité est encore une fois un peu plus complexe. Premièrement,
l’avenir donnera raison aux deux animateurs dans leur choix de tester d’autres modes de
régulation. Il faudra même opter pour la modération pour diminuer le flot des messages et la
place prépondérante de certaines personnes parmi les contributeurs et contributrices.
Deuxièmement, nous avons retrouvé une situation bien connue où seuls les opposants à une
décision s’expriment « bruyamment » alors que les personnes en faveur de celle-ci ne jugent pas
nécessaire de prendre la parole. Il résulte de tout cela que la décision est finalement remise en
question. Troisièmement, il n’y a néanmoins pas de véritable retour en arrière puisque les
animateurs ne vont pas faire le « basculement » inverse. Ils vont laisser les abonnés-es effectuer
leur choix eux-mêmes. Or, seulement 20% des abonnés-ées vont changer à nouveau de mode de
réception. Gageons que dans la majorité de ces cas, certains — qui ne s’étaient pas exprimés sur
la liste — ont préféré garder le mode recueil. En revanche, d’autres ont eu peur de ne pas réussir
à « basculer » d’un système à l’autre. Nous l’avons constaté, d’une part, en observant les
difficultés de certaines personnes à changer de mode et, d’autre part, en lisant un message de
« l’animateur officieux » dans lequel il expliqua de façon très détaillée la démarche à suivre.
Mentionnons également le fait que la majorité des participants et participantes les plus impliqués
dans les échanges se sont réabonnés en mode « réception continue » et ont recommencé à
27
Les réponses au questionnaire envoyé par nos soins ont d’ailleurs confirmé une forte utilisation de l’Internet de la part d’une
majorité d’entre eux avec une pratique prenant place à la fois au travail et au domicile.
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« occuper » la liste arguant du principe de liberté de la parole. Le nombre de messages resta tout
de même inférieur en juillet (392) et en août (478), notamment parce qu’un certain nombre de
personnes étaient effectivement en vacances, mais comme nous l’avons vu, il remonta plus haut
que jamais au mois de septembre. On retrouve ici une illustration du principe selon lequel dans
une situation ou les temps disponibles et ou les connaissances d’ordre technique sont très
inégalement répartis, l’ensemble des discussions d’ordre technique ne sont le fait que d’une
minorité des intervenants et intervenantes réguliers28. Pour la plupart des abonnés-ées, il semble
bien que la technique constitue une donnée incontournable avec laquelle il faut compter. Par
rapport à une situation où il y a une certaine homogénéité entre internautes comme ce fut le cas
lors du développement du « réseau des réseaux », l’existence de divergences d’intérêts et de
points de vue, de différences de niveaux de maîtrise de la technique et de capacité à influencer les
choix complexifient singulièrement la donne dans l’établissement de règles. C’est ainsi qu’un
abonné proposa à un moment que le sujet de chaque message soit précédé par un mot-clé qui
devrait préciser le type de contenu. — du genre [ASSO] ( pour l’association…), [CS] (Pour Conseil
Scientifique), [LOC] (Pour les groupes locaux), etc. — l’objectif étant de faciliter la lecture des
messages. Il ajoutait qu’une fois un accord trouvé sur les abréviations, il serait possible d’inscrire
cet ensemble de mots-clés dans la signature automatique de la liste afin que chacune et chacun
puisse les utiliser à bon escient sans avoir besoin de s’en souvenir par cœur. Quel que soit son
intérêt, cette proposition ne fut pas adoptée à ce moment-là. C’est seulement quelques mois plus
tard que cette pratique fut appliquée lorsque l’animateur décida d’ajouter une signature de ce
genre à la fin de chaque message (ou de chaque groupe de messages).
Enfin, il importe de souligner que la nécessité de structurer un tant soi peu les échanges est aussi
apparue liée au fait que le thème principal de la liste, l’économie, notamment l’économie
financière, présente une dimension abstraite forte. Beaucoup de personnes ont expliqué sur la
liste qu’elles participaient peu parce qu’elles trouvaient les sujets particulièrement ardus et
qu’elles préféraient se contenter de s’informer. Certes, cette tendance à la participation passive
est manifestement une règle assez généralement partagée sur les listes — mis à part peut-être
celles qui sont à but strictement professionnel. Ce n’est toutefois pas une raison pour se satisfaire
de cet état de fait lorsque l’on a pour objectif d’aider chaque citoyen et chaque citoyenne à se
réapproprier l’avenir du monde29.
La Netiquette absente ?
Un problème apparemment simple comme le nombre de messages maximum expédiés par jour
ou par semaine aurait peut-être pu être résolu par les échanges entre abonnés-ées. Dans les faits,
les arguments des uns — faire attention à ce qu’un nombre maximum de messages ne soit pas
dépassé de peur que certaines personnes ne renoncent à la lecture — et des autres — laisser la
liberté d’expression la plus totale, chaque abonné-ée étant capable de gérer à sa guise le nombre
28
Nous l’avons remarqué à l’occasion de plusieurs débats portant sur le mode de réception des messages, sur le support des
échanges, sur l’intégration de repères dans les titres et les pieds de page des messages, etc. De plus, les réponses à nos
questionnaires ont montré que les personnes qui s’exprimaient sur la liste disposaient de connaissances certaines en informatique
acquises dans le cadre de leur formation, dans leur milieu professionnel ou au cours de leurs activités de loisir.
29
Il aurait été intéressant de connaître le profil de personnes qui n’ont pas participé aux échanges. Nous n’avons malheureusement
pas eu accès à ces données.
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de messages reçus quel qu’il soit — ne conduisirent à aucune entente. À travers cette longue
incertitude sur le nombre de messages maximum à envoyer par jour, sur la pertinence ou non de
modérer la liste, nous avons vu la difficulté, voire l’impossibilité, de trancher entre, d’une part, la
production d’une norme venue du sommet de la hiérarchie de l’association et, d’autre part, la
formation d’usages de la part de l’ensemble des abonnés-ées de la liste. Certes, pour trancher les
questions restées sans réponse, l’animateur officieux devenu officiel rédigea une Netiquette
spécifique à la liste, mais la lecture de ce texte nous montra que les obligations étaient minimales
(interdiction de messages à caractère privé, d’invectives, de menaces et de prises à partie, de
publicités à caractère sectaire ou politique sans autre but que la promotion exclusive
d’organisations ou de groupes). Il fut aussi précisé que les débats devaient « correspondre aux
préoccupations d’ATTAC exprimées dans sa plate-forme ». Or, nous avons déjà mentionné le fait
que la plate-forme pouvait prêter à des interprétations relativement différentes les unes des autres.
Par ailleurs, la Netiquette est justement restée vague sur l’un des sujets les plus sensibles, à savoir
la fréquence des envois des messages. Alors qu’il avait été question lors des échanges sur la liste
d’imposer au maximum un envoi par jour, la mention présente dans la Netiquette demeura un
principe très général permettant également diverses interprétations : « le nombre de message
produit par une personne doit rester raisonnable et ne doit pas étouffer le débat ».
In fine, le bilan des deux premières années d’existence de la liste « ATTAC -talk » est apparu
mitigé, notamment du point de vue de l’association. Au fil du temps, nous avons constaté que la
forme des messages manquait souvent de lisibilité, que les échanges étaient parfois marqués par
une certaine intolérance, que ceux-ci étaient souvent hors-sujet par rapport aux questions
concernant la taxe Tobin, que certaines propositions de discussion ne manquant pourtant pas
d’intérêt n’ont pas été objets de débats pour autant, que ce sont souvent les mêmes personnes qui
se sont exprimées alors que le nombre d’abonnés-ées était en augmentation régulière. Tout ceci
explique d’ailleurs en partie pourquoi l’association a peu à peu développé un ensemble d’autres
utilisations des services de l’Internet, la place de la liste « ATTAC-talk », centrale au départ, étant
de plus en plus secondaire. Néanmoins, il ne faut pas oublier que pendant cette période, la liste
« ATTAC -talk » a sans doute présenté l’intérêt d’avoir un statut incertain, de ne pas être régie par
une norme forte, soit plus ou moins imposée par les personnes à l’origine de la liste, soit plus ou
moins construite au fil du temps. Ces incertitudes ont fait de la liste un laboratoire « situé »
quelque part entre la liste de l’opération SalAMI consacrée exclusivement aux échanges
d’informations et la liste « Contrôle-OMC » sujette à l’envoi de bon nombre de messages
correspondant à autant de commentaires très variés. L’observation des dynamiques en vigueur au
cours de ces deux années nous a aussi amené à conclure que l’établissement d’un minimum de
règles était nécessaire pour permettre les échanges d’argumentations. Ce choix nous semble
d’autant plus important qu’il s’agit d’un moyen de communication relativement « jeune » qui est
utilisé par des internautes aux profils de plus en plus hétérogènes et qui en sont à des degrés
d’appropriation très divers, allant de la simple utilisation ponctuelle à la formation d’une
véritable culture technique accordant une place centrale à l’Internet. L’acceptation d’un minimum
de règles s’avère être la seule façon de concilier à la fois les valeurs de liberté d’expression et
d’égalité devant l’expression. D’une certaine façon, on retrouve ici le concept d’« égaliberté »
d’Étienne Balibar qui estime que « la politique se fonde sur la reconnaissance que liberté et
égalité ne peuvent exister l’une sans l’autre » (1992, p. 247). On retrouve aussi l’approche
habermassienne récente de l’espace public, l’accent étant mis sur les procédures qui favorisent
l’échange des arguments. Si la raison ne produit pas forcément de réponse à toutes les questions,
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elle peut au moins fournir un cadre pour la discussion. Jürgen Habermas juge en effet que si
aucune confiance en une raison essentialiste n’a survécu, on ne peut cependant se passer d’une
raison procédurale, capable d’engager un procès à l’encontre d’elle-même, d’une raison pratique,
médiatisée par le langage, fondée sur la communication et portée par le telos de l’entente (1997b,
[1990 ?].
Ce que Jürgen Habermas pose comme postulat et qui est lié à l’existence d’une culture
démocratique partagée n’est pourtant pas toujours vérifié. Le processus même de formation des
règles a posé problème. Faudrait-il en conséquence renier la raison ? Au contraire, nous préférons
suivre Lucien Sfez lorsqu’il écrit qu’il importe d’assurer « une meilleure distribution de la raison.
Ce n’est pas la faute de la raison si se développe la domination, mais parce que au contraire, la
raison est mal distribuée et qu’en conséquence l’action communicative se situe à la marge »
(1993, p.1644). Le renforcement, l’élargissement de la démocratie ne doit pas seulement être un
objectif pour des associations comme ATTAC. La démocratie doit aussi être considérée comme
une « façon de faire ». Or, cela ne manque pas de poser en effet des problèmes
spécifiques — supplémentaires — par rapport à l’utilisation de l’Internet qui est encore un moyen
de communication relativement nouveau pour la plupart des personnes qui s’expriment.
La nécessité de se donner un certain nombre de règles qui doivent à la fois avoir une certaine
pérennité dans le temps et pouvoir être remises en question périodiquement semble donc donner
raison aux fondateurs d’Internet. Et pourtant, d’après nos observations, les normes proposés par
les scientifiques à l’origine du développement de l’Internet ne sont pas ou peu inscrites dans les
utilisations de la part d’une population plus diversifiée. Celles-ci sont même la plupart du temps
méconnues, et ne sont évidemment pas non plus discutées par les nouveaux internautes. Selon
Jacques Berleur et Tanguy Ewbank de Wespin qui ont travaillé sur un ensemble très vaste de
documents de toutes origines qui ont pour ambition de contribuer à la gouvernance de l’Internet,
cette constatation est d’ailleurs tout à fait normale (2001). Certes, les documents, tels que le RFC
185530 proposent un certain nombre de principes intéressants qui s’appuient sur une approche
normative qui relève de la déontologie au sens kantien du terme. En revanche, ils pêchent le plus
souvent par l’absence complète de sanction, voire de transparence dans la façon dont ils ont été
édictés. De plus, ils ont souvent été conçus par des informaticiens et des informaticiennes qui
n’ont manifestement pas tenu compte de la dimension éminemment sociale de l’appropriation de
la part d’une population de plus en plus diversifiée. Or, comme l’écrit Pierre Bourdieu, « les
propriétés formelles des œuvres ne livrent leur sens que si on les rapporte, d’une part, aux
conditions sociales de leur production — c’est-à-dire aux positions qu’occupent leurs auteurs
dans le champ de production — et d’autre part au marché pour lequel elles ont été produites (...)
et aussi, le cas échéant, aux marchés successifs sur lesquelles elles ont été reçues » (1982, p.165).
C’est en tenant compte de cette analyse que les promoteurs d’éventuelles normes à venir pourront
les édicter dans une perspective de régulation des échanges sur Internet. De plus, afin que cette
régulation soit démocratique, il faudra faire en sorte que « tous participent à l’élaboration des
textes auto-réglementaires, qu’ils soient sujets actifs ou sujets passifs de cette activité » (Berleur
30
Il est également question de textes tels que « The ten Commandments of Computer Ethics » (Les dix commandements de
l’éthique de l’informatique) du Computer Ethics Institute de Washington D.C., « The Bill of Rights for The Citizen in the Global
Information Society » (la Déclaration des droits des citoyens dans une société globale de l’information) de la Confederation of
European Computer User Association (CECUA), de différentes chartes comme la « Charte française de l’Internet ».
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et Ewbank de Wespin, 2001, p.40) ; tout en pariant inlassablement sur le partage d’une certaine
culture démocratique.
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