1 VATICAN II1 Le 11 octobre 2012, l`Eglise catholique célèbre le

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VATICAN II1
Le 11 octobre 2012, l’Eglise catholique célèbre le 50e anniversaire du concile Vatican II. C’est
pour chacun de nous le moment de réfléchir à ce que ce concile représente et à ce qu’il nous a
apporté personnellement. Il peut paraître présomptueux de vouloir le faire en quelques pages
alors que des analyses et des livres ont déjà été écrits par des théologiens ou des personnalités
beaucoup plus compétentes et que les textes publiés après le concile représentent plus de 1.000
pages selon les éditions2. Avec ce témoignage personnel, ces lignes très subjectives n’ont d’autre
but que de pousser le lecteur à s’interroger lui même sur l’apport de ce concile pour lui et pour
l’Église.
Pour beaucoup, le concile Vatican II se limite à la messe célébrée face au peuple, au
remplacement du latin par les langues vernaculaires lors des célébrations liturgiques et à la
suppression du port de la soutane pour les prêtres ! Fort heureusement, l’essentiel des apports du
concile Vatican II dépasse largement ces trois aspects a priori les plus perceptibles.
Lorsque Jean XXIII décida de convoquer un concile j’étais étudiant en dernière année à
Toulouse et, à la paroisse étudiante nous l’avions appris, la surprise le disputait à la joie et à
l’espérance confiante. En le convoquant, Jean XXIII avait un double objectif :
- L’aggiornamento : c’est-à-dire une mise à jour qui doit toucher le monde entier Allez, faites
de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit »,
Mat. 28, 19.
- L’unité des chrétiens.
Marqué dans ma foi et ma vie de chrétien par ce que, au fil des ans, j’ai personnellement
découvert et retenu de ce concile, je souligne en particulier ces quatre points : l’aggiornamento
de l’Église, la liturgie, la Parole de Dieu, enfin l’unité des chrétiens, points qui sont ceux qui au
cours des ans m’ont profondément marqué.
1 - L’AGGIORNAMENTO DE L’EGLISE
Si j’appartiens à cette église, qu’est elle pour moi ? Qu’entendait Jean XXIII par
l’aggiornamento de l’Église ? Il souhaitait rendre visible l’Église au monde contemporain et
définir ce que devait être l’Église. La réponse à ma question m’est donnée dans la Constitution
dogmatique sur l’Église (Lumen gentium)3 dont le titre proclame (Le Christ est la) « Lumière des
nations » (§1).
Ce que j’y ai découvert est d’une grande nouveauté : la véritable charpente de l’Église, ce n’est
plus son organisation juridique et hiérarchique : l’Église est corps du Christ et communion,
elle est le peuple de Dieu. Je suis en Église qui n’est plus une structure, mais un peuple auquel
j’appartiens.
Vous comme moi avons découvert que Lumen gentium part du « mystère » de l’Église et non
plus de son autorité. Ce mystère c’est à la fois le dessein de Dieu pour le monde et l’union
intime de l’humanité avec Dieu. « Le Christ est la lumière des nations ; réuni dans l’Esprit
Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne
nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le
visage de l’Église (cf. Mc 16, 15) » (§1). C’est en Jésus-Christ, « lumière des nations », que
s’arrime cette Église. Il est venu pour tous les hommes et pas seulement les chrétiens. La mission
de l’Église est de répandre la Parole de Dieu dans le monde entier.
Une autre ouverture qui me paraît très importante du Concile avec Lumen gentium est de
renoncer à l’identification pure et simple entre l’Église catholique et l’Église du Christ. Ainsi, le
texte reconnaît qu’il y a dans les autres Églises non catholiques «plusieurs éléments de
sanctification et de vérité» (§ 8), c’est-à-dire de Salut. Cela nous fait dépasser le « hors de
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1 Ce texte est présenté en deux parties, la deuxième partie fera l’objet d’une prochaine chronique à suivre.
2 Vatican II, L’intégrale. 2002. Bayard. 1177 p. Paris. Dans les textes du concile Vatican II, on recense 100.000 mots, soit le tiers des 20
conciles antérieurs à lui.
3 Elle fut solennellement promulguée le 21 novembre 1964 par Paul VI.
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l’église point de salut » même si «ceux qui refuseraient soit d’entrer dans l’Église catholique,
soit d’y persévérer, alors qu’ils la sauraient fondée de Dieu par Jésus Christ comme nécessaire,
ceux-là ne pourraient pas être sauvés » (§14).
Si je fais partie de cette Église, qu’elle y est ma place ? Celle-ci se précise dans la deuxième
partie où, après le « mystère » de l’Église ce texte nous fait reconnaître une autre nouveauté :
l’Église c’est tout le peuple de Dieu. L’accent est mis sur l’égalité fondamentale des membres
de l’Église qui constituent le peuple de Dieu. Lumen gentium invite à une reconnaissance propre
de la vocation des laïcs et de leur participation pleine et entière à la mission sacerdotale,
prophétique et royale : je découvre ainsi que ma mission dans l’Église m’est donnée par mon
baptême. Chacun dans l’Église a un rôle, et tous les rôles ont la même dignité 32). Tous
les chrétiens sont égaux. L’Église ce n’est pas des membres dispersés, mais une mission
commune au service des autres. « Aussi un membre ne peut souffrir, que tous les membres ne
souffrent, un membre ne peut être à l’honneur, que tous les membres ne se réjouissent avec lui (1
Co 12, 26) ». Par le baptême nous sommes devenus fils adoptifs de Dieu. Le peuple de Dieu est
formé de ceux qui sont « re-nés » en Lui. « Les laïcs, rassemblés dans le Peuple de Dieu et
constitués en Corps unique du Christ sous un seul chef, sont tous appelés, quels qu'ils soient, à
contribuer comme des membres vivants et de toutes les forces qu'ils ont reçues de la bonté du
Créateur et de la grâce du Rédempteur, à l'accroissement de l'Eglise et à son ascension
continuelle dans la sainteté » (§ 33).
En souhaitant l’aggiornamento de l’Église, Jean XXIII souhaitait la rendre visible au monde
contemporain. C’est ce qu’a proposé la Constitution pastorale « Gaudium et Spes »4 sur
« l’Église dans le monde de ce temps ». Gaudium et spes est indissociable de Lumen Gentium.
L’un examine la vie interne de l’Église (Lumen Gentium), l’autre ses rapports avec le monde
(Gaudium et spes).
N’était-il pas essentiel que l’Église se manifeste au monde, alors en pleine guerre froide et au
moment où l’idéologie communiste essayait de dominer le monde (pourtant en période de
décolonisation) et la mondialisation s’initiait ? Il me semble encore essentiel aujourd’hui que
l’Église réaffirme la dignité de l’homme 12) alors que celle-ci est bafouée en bien des pays.
C’est dans la Bible que se situe le fondement théologique : l’homme est créé à l’image de Dieu ;
le Fils de Dieu a honoré notre condition humaine ; chaque homme a été sauvé par la passion, la
mort et la résurrection du Christ, ce qui ouvre à chacun le chemin de la « divinisation ». C’est
pourquoi à cette dignité inaliénable de la personne humaine s’ajoute l’égalité fondamentale entre
tous les humains. De plus en plus l’homme désire agir “en vertu de ses propres options et en
toute responsabilité... non pas sous la pression d’une contrainte, guidé par la conscience de son
devoir.5
À mon sens un des paragraphes les plus importants de Gaudium et spes est celui qui affirme la
dignité de la conscience morale afin que tout homme puisse découvrir dans sa conscience la loi
qui le dépasse et pour qu’il reconnaisse la part jouée par la Parole de Dieu. Ainsi la
condamnation solennelle des atteintes à l’intégrité de la personne humaine, au plan physique,
psychique et spirituel 27) va au-delà des interdits et obligations contenues dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme, puisqu’elle résulte du travail coordonné de la conscience
morale et de la Parole de Dieu : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de
mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). En redonnant sa place et sa valeur à la
conscience morale, n’atteint-on pas la vraie nature de l’homme « créé à l’image de Dieu » ?
Chrétien, si je suis dans l’Église, je suis aussi dans le monde ne serait-ce que par mon travail ou
mes activités de bénévolat. La vie ecclésiale des laïcs ne se limite pas à leur place dans les
instances de décision ou dans les responsabilités pastorales au détriment de la mission dans le
monde. Dans cette perspective, Gaudium et spes propose une vision prophétique et missionnaire
: l'Église est dans le monde et du monde, profondément solidaire de l'histoire humaine,
inséparable de la condition humaine. En s’ouvrant au monde, elle se situe dans la perspective de
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4 Promulguée par Paul VI le 8 décembre 1965, dernier jour du concile. « Gaudium et Spes » premiers mots du texte signifient « joie et espoir ».
5 § 1 de la Déclaration sur la Liberté religieuse promulguée par Paul VI le 7 décembre 1965.
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l’Évangile : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit (Mat. 28,19)». C’est dans cette perspective que se situe aujourd’hui la
« nouvelle évangélisation » souhaitée par Benoît XVI. Le Christ est mort pour tous les hommes.
Tout ce qui est humain n’est pas étranger au chrétien.
Enfin, Gaudium et spes affirme le droit à la liberté en matière religieuse qui est de pouvoir
être chrétien en tout pays et aussi de pouvoir pratiquer en toute liberté une religion non
chrétienne 26, 2). Aujourd’hui, ce droit à la liberté religieuse est bafoué au Moyen Orient, en
Afrique, en Asie.
2 - LITURGIE6
L’essentiel de ce que le Concile a changé sur la liturgie est la réflexion théologique qu’il a
permis sur la nature de la liturgie en particulier de l’eucharistie car c’est en elle que le
chrétien peut trouver les sources de sa foi. Avant le concile, j’allais à la messe par obligation,
maintenant j’y vais par nécessité. Parce que j’y vais pour me nourrir de la Parole et du corps du
Christ. Par cette constitution le concile Vatican II nous a fait comprendre que « dans la
célébration de la liturgie, la Sainte Écriture a une importance extrême ». 24). Nous prenons
conscience que les deux parties de la messe (liturgie de la Parole et de l’Eucharistie) « sont si
étroitement unies entre elles qu’elles constituent un seul acte de culte » 56). Lors de la messe,
il y a deux tables : celle de la Parole (l’ambon) et celle du Corps (l’autel) auxquelles je me
nourris. On peut y rajouter une troisième table, celle de la solidarité, du service, de la charité :
« Une Eucharistie qui ne se traduit pas par une pratique concrète de la charité est une
eucharistie tronquée » Benoît XVI.
J’ai rapidement découvert qu’un des apports importants du concile est de demander la
participation des fidèles à la liturgie. Je ne suis plus spectateur, mais acteur participant : « La
Mère Église désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine,
consciente et active aux célébrations liturgiques » (§14). Certes, une véritable participation est
d'abord intérieure : elle nous conduit à s'accorder aux rites liturgiques, afin que ceux-ci ne soient
pas des gestes vides. Nous comprenons ainsi que dans la liturgie, c’est bien l’ensemble du corps
du Christ qui mène l’action, chacun selon son ministère. Le prêtre ne célèbre pas l’Eucharistie ;
c’est l’assemblée qui célèbre l’Eucharistie. Le peuple sacerdotal célèbre et participe à la
célébration. « La communion qui s'établit entre ceux qui célèbrent l'eucharistie manifeste que la
présence de Dieu est entre nous »7. Le prêtre préside l’eucharistie et, à ce titre, a un rôle
particulier. Quand le prêtre célèbre, il le fait « in persona Christi ». Persona en latin, c’est le
masque. Celui qui agit, c’est l’Esprit Saint. Le prêtre ne consacre pas, c’est l’Esprit qui consacre.
Nourris de la Parole et du Corps du Christ, participant pleinement à ce mystère, alors, on
comprend mieux que c’est par la liturgie et tout particulièrement par « l’Eucharistie que s’exerce
l’œuvre de notre rédemption » 2). « Cette œuvre de la rédemption des hommes le Christ
Seigneur l’a accomplie, principalement par le mystère pascal de sa bienheureuse passion, de sa
résurrection du séjour des morts et de sa glorieuse ascension » 5). Avec le concile nous
redécouvrons que chaque dimanche célèbre le mystère pascal : le caractère central du "mystère
pascal" 5-6), la mise en valeur de la présence du Christ présent dans l'Église peuple de Dieu8
et de manière spéciale dans la liturgie eucharistique « le Christ est toujours auprès de son
Église, surtout dans les actions liturgiques » 7). La présence du Christ dans la communauté
qui célèbre est certainement l'un des thèmes majeurs de la Constitution : quand nous allons à la
messe avons-nous conscience que nous allons « à l’assemblée» pour réaliser le corps du Christ
avec nos frères ? Et pour nous nourrir de sa Parole et de son Corps ?
La liturgie est à la fois « le sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la
source d’où découle toute sa vertu », donc de toute la vie chrétienne (§10) : sommet et source
c’est-à-dire nourriture pour la vie et pour la mission. Ainsi nourri, je peux alors participer à
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6 La Constitution sur la sainte Liturgie (Sacrosanctum Concilium) est approuvée le 4 décembre 1963 en dernière lecture par 2147 voix contre 2.
Elle contient l’essentiel de ce que propose le concile Vatican II sur la liturgie.
7 In : Que signifie pour moi célébrer l’eucharistie ? Bernard Feillet dans Culture et foi.
8 L’église peuple de Dieu, corps du Christ et le sacerdoce commun sont évoqués dans le paragraphe 2 sur l’Église.
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l’aggiornamento de l’Église, car tout est lié dans les apports de ce Concile.
A suivre…
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