La crise financière du début du millénaire a freiné l’élan de l’économie mondiale,
lant ainsi plusieurs déséquilibres. Dans l’article
Léconomie mondiale à
la croisée des chemins
, nous avons décrit certaines des séquelles de la crise
financière, notamment le processus de désendettement dans lequel sont
engagées plusieurs économies industrialisées dans un contexte de lente
reprise économique. Cette reprise est dautant plus lente que les leviers
fiscaux sont enrayés par le fardeau de la dette et ne peuvent contribuer à
appuyer l’activité économique.
Cest donc dans cette conjoncture dajustements à l’échelle mondiale, mais
aussi face à des contraintes nationales, que les banques centrales se sont
senties interpellées. Dans ce nouvel article, nous analyserons les actions,
parfois inédites, des banques centrales en réaction à la conjoncture particulre
que nous vivons.
Lampleur de la récente crise financre a amené plusieurs banques centrales
à intervenir avec vigueur. Craignant que lactivité économique mondiale ne
sombre dans la dépression, les autorités monétaires ont tout d’abord utilisé
les leviers traditionnels des taux d’inrêt directeurs qu’elles ont dans plusieurs
cas ramenés près de zéro. Elles ont ensuite poussé plus loin l’innovation en
matière de politique monétaire avec l’expansion spectaculaire de leurs bilans.
Table des matières
LES INTERVENTIONS DES PRINCIPALES
BANQUES CENTRALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2
. . .La Réserve fédérale des États-Unis.................2
. . .La Banque d’Angleterre....................................4
. . .La Banque centrale européenne.......................4
. . .La Banque du Japon..........................................4
ÉVALUATION DES INTERVENTIONS DES
BANQUES CENTRALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
. . . La Réserve fédérale des États-Unis.................5
. . .La Banque d’Angleterre....................................7
. . .La Banque centrale européenne.......................8
. . .La Banque du Japon..........................................8
EFFETS SECONDAIRES DES
INTERVENTIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
En latin, Addenda signifie « ajout », ce qui résume
parfaitement
notre mission
, soit celle de créer
de la valeur ajoutée aux portefeuilles de nos clients.
LES INTERVENTIONS DES
BANQUES CENTRALES :
ACHATS DE TITRES ET DE TEMPS
PTEM
EMBR
S
E
MBRE
SEPT
2013
3
2
VOLUME 2
1 Les programmes administrés
par la Fed étaient le
Term Auction Facility
(TAF), le T
erm Asset-Backed Lending Facility
(TALF), le
Commercial Paper Funding Facility
(CPFF), et le
Money Market Investor Fund-
ing Facility
(MMIFF). Le
Troubled Asset Relief
Program
, ou TARP, était géré par le départe-
ment du Trésor mais soutenu fortement par
la Fed.
2 Selon ses statuts, la Réserve fé-
dérale ne peut détenir que des titres émis
ou garantis par le gouvernement des États-
Unis.
»
Constatant que la baisse des
taux directeurs ne suffirait
pas pour sortir les économies
de la récession.
»
Plusieurs banques centrales
ont alors résolu d’augmenter
la taille de leurs bilans.
»
En novembre 2008, la
Réserve fédérale annonçait
son programme d’achats
d’actifs à grande échelle.
Constatant en effet que la baisse des taux directeurs ne suffirait pas pour sortir
les économies de la récession, les banques centrales ont convenu de tout mettre
en œuvre pour éviter que le crédit interbancaire ne fige. C’est ainsi que les banques
centrales ont prêté leur bilan aux banques commerciales, leur créditant des liquidités
contre des titres de créance que ces dernières ont déposés en garantie.1 Ces
procédures, surtout mises en place suite à la faillite de Lehman Brothers en
septembre 2008, ont permis aux banques de poursuivre leurs opérations à court
terme.
Il fallut ensuite admettre que ces gestes étaient loin d’être suffisants pour relancer
l’activité économique. Les banques centrales constataient aussi que les
gouvernements ne pouvaient appuyer convenablement la relance, paralysés qu’ils
étaient par un fardeau d’endettement exacerbé par la récession et ses effets à la
baisse sur les revenus, à la hausse sur les dépenses. Plusieurs banques centrales
ont alors résolu daugmenter la taille de leurs bilans par l’achat d’actifs financiers,
dans lespoir de redonner de lélan à lactivité économique. On peut même se
demander si ces opérations n’étaient pas tout simplement nécessaires pour éviter
que la conjoncture économique ne se dégrade davantage à court terme, rendant
la sortie de récession plus pénible encore.
Bilan des banques centrales en % du PIB
-
5,0
10,0
15,0
20,0
25,0
30,0
35,0
40,0
45,0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
FED
BCE
BAngl
BJpn
(%)
Source : Datastream
Les banques centrales exercent un suivi continu de la conjoncture économique,
et la lenteur de la reprise jusqu’à maintenant les a forcées à revoir périodiquement
et au besoin l’ampleur de leurs interventions. Nous vous proposons un bref survol
de l’évolution des principaux programmes d’assouplissement quantitatif mis en
œuvre par les banques centrales.
LES INTERVENTIONS DES PRINCIPALES BANQUES CENTRALES
La Réserve fédérale des États-Unis
En novembre 2008, la Réserve fédérale annonçait son programme dachats d’actifs
à grande échelle (« Large-Scale Asset Purchase program », ou LSAP) par le biais
duquel elle achèterait jusqu’à concurrence de 600 milliards $ de titres adossés à
des créances hypothécaires et d’obligations émises par des agences de garantie
de prêts hypothécaires. Rappelons que le gouvernement des États-Unis avait peu
de temps auparavant explicitement garanti la dette de ces agences, permettant
alors à la banque centrale des États-Unis de détenir de ces titres. 2
Il y a, par ailleurs, peu à s’étonner que les premières actions de la Fed aient porté
sur les titres des agences de garantie de prêts hypothécaires, puisque le secteur
2
|
»
Notons que tous ces
achats sont financés par
la création de monnaie
par la banque centrale.
de l’immobilier résidentiel, qui a été à la source de la crise financière, était aussi
celui dont le redressement semblait, et semble toujours, prioritaire.
En mars 2009, la Fed augmentait à 1 250 milliards $ le montant des achats de
titres adossés des agences de garantie de prêts hypothécaires en y ajoutant l’achat
de 200 milliards $ d’obligations émises par ces mêmes agences et 300 milliards $
de titres de plus long terme émis par le gouvernement fédéral des États-Unis. Bien
quà l’origine, en 2008, ce programme devait prendre fin en juin 2009, les achats
ont été prolongé jusquau début de 2010.
En novembre 2010, alors que la conjoncture ne montrait toujours pas de signes
d’amélioration suffisante, la Fed annonçait qu’elle achèterait 600 milliards $
d’obligations du Trésor des États-Unis entre cette date et la mi-juin 2011.
Notons que tous ces achats sont financés par la création de monnaie par la banque
centrale. Par contre, en septembre 2011, dans le but d’appuyer ses efforts pour
contrer une augmentation des taux d’intérêt de plus long terme, la Fed mettait
en place un programme dallongement des échéances, le « Maturity Extension
Program » ou « opération Twist », par lequel elle vendrait des titres du Trésor dune
échéance de moins de trois ans et achèterait un montant équivalent de titres
d’échéance plus longue, comprise entre 6 et 30 ans. Ce programme, d’une ampleur
initiale de 400 milliards $, devait se terminer à la fin de juin 2012 (il a plut é
prolongé jusqu’à la fin de 2012 au même rythme, pour représenter 45 milliards $
par mois, soit 267 milliards $ au total). Une opération similaire avait eu lieu en 1961
dans le même but. Notons que lopération Twist navait pas pour effet d’augmenter
le bilan de la Fed, puisque les achats étaient financés par le produit de la vente de
titres déjà inscrits au bilan de la banque centrale. Lopération Twist était donc une
action stérilisée en termes financiers.
Puisque « l’opération Twist» allait se terminer et que la conjoncture semblait encore
incertaine, la Fed a décidé, à la fin de 2012, de poursuivre ses achats de titres de
plus long terme au même rythme de 45 milliards $ par mois, mais cette fois, sans
financer ces opérations par la vente de titres de court terme.3 Elle y ajouta aussi
l’achat de titres adossés émis par les agences de garantie de prêts hypothécaires
d’un montant de 40 milliards $ par mois, portant à 85 milliards $ le montant des
titres quelle inscrit à son bilan à chaque mois.
INTERVENTION MOTAIRE STÉRILISÉE OU NON ?
Lorsquune banque centrale intervient dans les marchés financiers en achetant
ou en vendant des titres ou des devises, elle augmente ouduit ses actifs au
bilan et elle augmente ou réduit les réserves en circulation des banques en
réglant la transaction. Si la banque centrale souhaite que loration ne se
solde pas par une augmentation ou une réduction des réserves en circulation,
elle doit stériliser l’intervention en effectuant une autre opération qui affecte
les réserves bancaires en sens inverse. Par exemple, si la banque centrale achète
des obligations de long terme, elle injecte de nouvelles réserves dans le système
bancaire en payant pour ces achats. Si elle désire stériliser cette intervention,
elle peut vendre des bons du Trésor. À la suite de ces deux interventions, la
taille totale de son bilan demeurerait inchangée, mais elle aurait tout de même
pu influencer le taux des obligations (à la baisse par ses achats) et le taux des
bons du Trésor (à la hausse par ses ventes). En général, l’intervention non srilisée
a un impact plus fort, car la variation des réserves en circulation déclenche
habituellement une autre ronde de transactions de la part de celui qui reçoit
les nouvelles réserves (par suite d’un achat par la banque centrale) ou qui va
tenter de reconstituer sa liquidité (à la suite dune vente par la banque centrale).
3 À ce moment la Fed avait déjà
épuisé son stock d’obligations de courtes
échéances.
|
3
»
La Banque d’Angleterre a
suivi la voie tracée par la
Fed.
»
La Banque centrale
européenne a mis sur pied
un programme d’opérations
de refinancement à plus
long terme.
»
La Banque du Japon
a annoncé qu’elle
achèterait directement
pour près de 7,5 billions
de yens d’obligations du
gouvernement japonais.
La Banque d’Angleterre
La Banque d’Angleterre a suivi la voie tracée par la Fed par la création, en janvier
2009, de l« Asset Purchase Facility » ou APF, un programme permettant l’achat
de titres obligataires du gouvernement britannique. La dotation initiale de ce fonds
s’élevait à 150 milliards £, dont jusquà 50 milliards £ pouvaient servir à lachat de
titres de qualité de sociétés du secteur privé. Comme ce fut le cas pour la Fed, la
dotation de lAPF a aussi augmenté graduellement. Les titres inscrits au bilan de
la Banque dAngleterre ont atteint le maximum permis de 375 milliards £ et sont
maintenant tous des d’obligations d’État (toutes les obligations de sociétés achetées
antérieurement ont été vendues depuis.)
À ce programme, la Banque d’Angleterre a ajouté un programme de financement
à terme destiné aux banques et aux sociétés de financement hypothécaire afin
d’inciter ces dernières à prêter davantage, et à des taux plus faibles, aux ménages
et aux entreprises. Une quarantaine d’institutions ont ainsi reçu des fonds à terme
de la banque centrale britannique, mais la taille de ce programme demeure
relativement faible (16 milliards £ au 30 juin 2013).
La Banque centrale européenne
Contrairement aux autres banques centrales normalement constituées, la Banque
centrale européenne (BCE) ne dispose pas du cadre juridique lui permettant de
recourir à des opérations d’assouplissement quantitatif. Toutefois, à la suite de la
crise financière, la BCE a mis sur pied un programme d’opérations de refinancement
à plus long terme, Longer Term Refinancing Operations » ou LTRO) qui fournissait
de la liquidité aux banques commerciales contre le dépôt de titres financiers en
garantie. Avant la crise financière, le programme procurait de la liquidité pour une
période dau plus trois mois. Léchéance de ce financement a été allongée une
première fois à six mois en 2008 pour ensuite être repoussée à trois ans en 2011.
À l’été 2012, la Banque centrale européenne annonçait qu’elle procéderait à des
opérations monétaires sur titres (
Outright Monetary Transactions
ou OMT) lui
permettant dacheter des obligations d’État sur le marché secondaire destinées à
préserver une transmission appropriée de la politique monétaire ainsi que lunicité
de la politique monétaire.4 En contrepartie, les pays émetteurs qui bénéficieront
des achats de titres en vertu de ce programme devront se soumettre aux exigences
énoncées par les programmes de stabilisation financière de la BCE, soit le Fonds
européen de stabilisation financière et le mécanisme européen de stabilisation.5
Latteinte de ces objectifs des OMT se fera sans que la base monétaire n’augmente,
contrairement au LTRO et aux programmes d’assouplissements quantitatifs des
autres banques centrales. Autrement dit, ce programme est stérilisé. Notons
également que le programme de la BCE portera sur lachat de titres dont les
échéances sétendront d’un à trois ans, alors que les achats de titres des autres
banques centrales portent sur l’ensemble de la courbe de rendement.
La Banque du Japon
Après plus de deux décennies marquées par une faible croissance économique, la
Banque du Japon a renoué avec un programme d’assouplissement quantitatif et
qualitatif (
Quantitative and Qualitative Monetary Easing
). Ce programme de la
banque centrale nippone constitue un des trois axes d’intervention qui incluent
aussi un volet budgétaire et réglementaire. La Banque du Japon a annoncé qu’elle
achèterait directement pour près de 7,5 billions ¥ d’obligations du gouvernement
japonais. Le programme vise à doubler la base monétaire par la création de réserves
auprès de la banque centrale japonaise pour, bienr, stimuler l’activité économique,
mais aussi amener le taux d’inflation à la nouvelle cible de 2 %. Rappelons que le
taux d’inflation au Japon demeure négatif depuis près d’une quinzaine d’années
et quun premier programme dassouplissement quantitatif lancé en mars 2001
et abandonné cinq ans plus tard navait pu la relancer.
4 Banque centrale européenne,
Décisions du Conseil des gouverneurs de la
BCE (autres que les décisions relatives à la
xation des taux d’intérêt), 21 septembre
2012.
5 Ces programmes ont été créés en
2010 pour stabiliser les marchés fi nanciers
des pays membres de la zone euro et com-
prennent aussi la participation du FMI.
4
|
»
Cette opération de
sauvetage menée par la
banque centrale des États-
Unis constitue l’une de ses
plus grandes réussites.
»
Les achats de titres du
Trésor ont forcé à la baisse
toute la structure à terme
des taux d’intérêt.
»
Ces programmes ont
amené les bilans des
banques centrales à plus
de 30 % du PIB mondial.
6 La Banque nationale suisse a
notamment augmenté ses réserves de
change pour limiter l’appréciation du franc
suisse contre l’euro.
7 La Fed affi rme que ses achats de
titres ne monétisent pas la dette du gouver-
nement car elle les effectue sur le marché
secondaire. Strictement parlant, la banque
centrale ne donne pas les fonds directe-
ment au gouvernement, mais les interv-
enants du marché savent que la banque
centrale s’est engagée à acheter des titres
systématiquement , chaque mois, en injec-
tant de nouvelles réserves tant que le pro-
gramme d’achats continue.
ÉVALUATION DES INTERVENTIONS DES BANQUES CENTRALES
Ces programmes, en plus de ceux visant à stabiliser le système financier et les
programmes d’appui au crédit ou à la gestion des taux de change (en Suisse, par
exemple6), ont amené les bilans des banques centrales à passer de 10,4 milliards
$ en 2007, à l’aube de la crise financière, à 20,5 billions de $ en 2012, une somme
correspondant à plus de 30 % du PIB mondial. Ces interventions ont-elles réussi?
La Réserve fédérale des États-Unis
Avant le déploiement des programmes d’assouplissement quantitatif, les
programmes de financement temporaire consentis aux banques commerciales,
aux banques d’investissement et même aux grands fonds de marché monétaire
en 2008 ont permis déviter lenlisement du système financier. Si lon considère
que le système na pas cessé de fonctionner, que les échanges de liquidité entre
institutions se sont assez vite rétablis et que les facilités exceptionnelles de crédit
ont pu être éliminées après quelques mois, on peut dire avec justesse que cette
opération de sauvetage menée par la banque centrale des États-Unis constitue
l’une de ses plus grandes réussites.
Par ailleurs, l’achat de titres obligataires par la Fed, une opération qui visait avant
tout à faire baisser les taux de plus long terme, sest soldé par une augmentation
de son bilan qui, des 900 milliards $ qu’il était avant la crise, est passé à 3,6 billion $
en août 2013. De plus, ces achats (sauf ceux de l’opération Twist) nétant pas stérilisés,
l’injection de liquidité dans le système financier vise aussi à stimuler la demande
pour les actifs risqués.
Les achats de titres du Trésor ont en effet forcé à la baisse toute la structure à
terme des taux d’intérêt des obligations gouvernementales qui servent de point
d’ancrage à toutes les catégories de titres de crédit (billets de dépôt des banques,
obligations de sociétés, obligations à rendement élevé, etc.). Les emprunteurs ont
ainsi pu lever des fonds à terme à des taux très bas. Le Trésor des États-Unis, qui
doit financer des déficits record depuis la crise en plus de faire face à des
refinancements constants, a profité de taux exceptionnellement bas, alors que
la Fed a fini par absorber la quasi-totalité de l’augmentation nette de lencours
des titres du Trésor .7 Les gouvernements locaux (états et municipalités) ont aussi
bénéficié de cette baisse des taux, mais en partie seulement, car leurs coûts
d’emprunts ont souffert de l’aversion au risque qui sest généralisée depuis la crise
du crédit.
VIX - Indice de volatilité des actions
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janv.-2000 oct.-2001 juin-2003 févr.-2005 oct.-2006 juil.-2008 mars-2010 nov.-2011 août-2013
Source : CBOE
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