Régulation post-transcriptionnelle de l`expression des gènes du

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revue
Virologie 2013, 17 (2) : 96-110
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Régulation post-transcriptionnelle de l’expression
des gènes du cycle productif des herpesvirus :
rôle de la protéine EB2 du virus d’Epstein-Barr
et de ses analogues
Franceline Juillard1 , 2 , 3 , 4 , 5
Fabrice Mure1 , 2 , 3 , 4 , 5
Quentin Bazot1 , 2 , 3 , 4 , 5
Évelyne Manet1 , 2 , 3 , 4 , 5
Henri Gruffat1 , 2 , 3 , 4 , 5
1 CIRI,
International Center for Infectiology
Research,
Université de Lyon,
Lyon,
France
2 Inserm,
U1111,
Lyon,
France
3 École normale supérieure de Lyon,
Lyon,
France
4 Université Lyon-I,
Centre international de recherche en
infectiologie,
Lyon,
France
5 CNRS,
UMR5308,
Lyon,
France
<[email protected]>
Résumé. Le niveau d’expression des ARNm lors d’une infection virale productive n’est pas uniquement le reflet du taux de transcription des gènes viraux. La
stabilité des ARNm viraux et l’efficacité de leur export nucléocytoplasmique sont
aussi très importants pour une expression optimale des gènes lors du cycle viral
productif. Il est maintenant bien établi que tous les herpesvirus expriment un facteur nécessaire à l’accumulation cytoplasmique d’ARNm viraux issus de gènes
dépourvus d’intron. Cette famille de protéines comprend le facteur EB2 du virus
d’Epstein-Barr (EBV) et ses analogues : la protéine ICP27 d’HSV, la protéine
UL69 du cytomégalovirus (CMV), la protéine ORF57 du virus de la maladie
de Kaposi (KSHV) ou encore la protéine IE4 du virus Varicelle Zona (VZV).
Ces protéines sont capables de stabiliser leurs ARNm cibles dans le noyau et en
interagissant avec divers facteurs cellulaires comme les protéines TAP/NXF1,
SR, RBM15, de favoriser l’accumulation de ces ARNm dans le cytoplasme
où elles stimulent leur traduction en protéines. La compréhension des mécanismes d’action de ces facteurs multifonctionnels est un enjeu important pour les
recherches d’antiviraux spécifiques.
Mots clés : herpesvirus, cycle productif, régulation post-transcriptionnelle,
ARNm export
Abstract. During viral infection, the amount of viral mRNAs expressed is not
only a reflection of the viral gene transcription level: mRNA stability and nucleocytoplasmic export are also important for optimal viral gene expression during
the productive cycle. It is now well established that herpesviruses express a protein absolutely required for the cytoplasmic accumulation of some viral mRNAs
transcribed from intronless genes. This family of proteins comprises the EB2 factor from Epstein-Barr virus (EBV), and its similar proteins: ICP27 from HSV-1,
UL69 from cytomegalovirus (CMV), ORF57 from KSHV and IE4 from VZV.
These proteins are able to stabilize their target mRNAs in the nucleus and, by
interacting with various cellular factors (TAP/NXF1, SR proteins, RBM15 etc),
promote mRNA export to the cytoplasm, where they are also involved in the translation efficiency of these viral mRNAs. On the basis of their essential role in the
viral productive cycle, these multifunctional viral factors should be considered
as important targets for therapeutic approaches.
Tirés à part : H. Gruffat
96
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
Pour citer cet article : Juillard F, Mure F, Bazot Q, Manet É, Gruffat H. Régulation post-transcriptionnelle de l’expression des gènes du cycle productif des herpesvirus : rôle de la protéine EB2 du
virus d’Epstein-Barr et de ses analogues. Virologie 2013; 17(2) : 96-110 doi:10.1684/vir.2013.0483
doi:10.1684/vir.2013.0483
Key words: herpesvirus, productive cycle, post-transcriptional regulation,
mRNA export
revue
TAP/p15 ne présente que peu d’affinité pour l’ARNm
et son recrutement est dépendant d’autres facteurs cellulaires, comme le facteur REF/Aly ou les protéines SR,
qui sont recrutés plus précocement sur l’ARNm, en particulier au cours de l’étape d’épissage des introns. Lors
de cette étape d’épissage, deux complexes multiprotéiques
sont ajoutés sur l’ARNm : le complexe de jonction exonexon (EJC), qui est déposé 20-24 nucléotides en amont de la
jonction exon-exon, et le complexe de transcription/export
humain (hTREX). hTREX est composé du complexe hTHO
(lui même composé des protéines hHpr1, hTho2, fSAP79,
fSAP35 et fSAP24), de l’ARN hélicase UAP56 et des protéines REF et Thoc3. Des études récentes ont montré que
la protéine CBP80 qui est associée à la coiffe et les facteurs
déposés sur la première jonction exon-exon coopérent pour
recruter hTREX. Il existe donc un couplage entre les différentes étapes de maturation des ARNm et l’étape d’épissage
s’avère cruciale pour un export ainsi qu’une traduction efficace des ARNm cellulaires (figure 1). Et, en effet, il a été
montré que les ARNm produits à partir de gènes contenant
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Introduction
Le génome cellulaire a la particularité d’être extrêmement
morcelé. La très grande majorité des gènes, principalement
ceux codant des protéines mais aussi certains gènes non
codants comme ceux des ARNt, est constituée d’une suite
alternée d’exons et d’introns dont la taille et le nombre
peuvent être très variables. Au cours de la transcription
des gènes codant des protéines, un pré-ARNm est synthétisé et est simultanément coiffé, épissé (élimination des
introns) et polyadénylé dans le noyau de la cellule pour
donner lieu à l’ARNm dit mature. Cet ARNm mature,
constitué des seuls exons, est alors exporté vers le cytoplasme pour être traduit en protéine. La translocation de
l’ARNm mature à travers le pore nucléaire nécessite la
présence sur l’ARNm d’un hétérodimère composé des protéines TAP (aussi appelée NXF1) et p15 (aussi appelée
NXT1). L’hétérodimère TAP/p15 permet le passage de
l’ARNm à travers le pore nucléaire en interagissant directement avec les nucléoporines qui le composent. Cependant,
Noyau
pol
pol
pol
hTREX
SR
UAP56
hTREX REF hTHO
Cytoplasme
Complexe
d’épisage
Complexe de coupure/
polyadénylation
EJC
PABP
SR
AAAAA
UAP56
hTREX REF hTHO
EJC
hTREX
TAP
PABP
AAAAA
EJC
SR
TREX
REF
TAP
TAP
Transcrition
Initiation
Élongation
Coupure/Polyadénylation
Export
Maturation de l’ARN
Figure 1. Représentation schématique de l’export des ARNm issus de gènes avec introns. Dès le début de la transcription par l’ARN
polymérase II, le complexe hTREX est recruté en 5 de l’ARNm. Le complexe TREX est composé des protéines REF et UAP56 associées
au complexe hTHO, il est recruté sur l’ARNm grâce à l’interaction des protéines REF et UAP56 avec le complexe protéique interagissant
avec la coiffe (CBC). Au cours de l’élongation, le complexe d’épissage, qui est composé de nombreuses protéines dont des protéines SR,
supprime l’intron. Il subsiste au niveau de la jonction des deux exons un complexe nommé EJC (pour complexe de la jonction exon-exon).
Lorsque l’ARN polymérase rencontre un signal de coupure-polyadénylation, l’ARNm est coupé et polyadénylé. Puis le facteur d’export TAP
est recruté sur l’ARNm, grâce notamment à certaines protéines SR et à la protéine REF. Ce facteur TAP permet le franchissement du pore
nucléaire en interagissant directement avec certaines nucléoporines. Ce franchissement est probablement polarisé grâce à la présence
du complexe hTREX en 5 de l’ARNm. Puis dans le cytoplasme, l’ARNm exporté est traduit en protéine.
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
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revue
au moins un intron sont plus stables et s’accumulent plus
efficacement dans le cytoplasme que les mêmes ARNm
produits à partir de leurs ADNc.
Chez les mammifères, seulement 5 % des gènes codant
des protéines ne contiennent pas de séquence intronique.
Parmi ces gènes, certains codent des protéines ayant un
rôle très important dans la cellule comme les histones, le
facteur c-Jun du complexe AP1, la protéine de choc thermique HSPB3, ou les protéines IFN à effet antiviral. Les
ARNm produits à partir de ces gènes dépourvus d’intron
sont stables et s’accumulent aussi efficacement que les
autres ARNm. Ils utilisent en fait des voies d’export spécifiques, impliquant également les protéines SRp20, REF
et TAP/p15 mais de façon indépendante de l’épissage. Ces
voies sont peu décrites. On pense cependant qu’elles permettraient une régulation plus rapide et plus efficace de
l’expression de ces protéines.
Contrairement aux gènes cellulaires, la majorité des gènes
des herpesvirus ne contient pas d’intron. Les différents
herpesvirus (tableau 1) ont en commun de posséder un
génome à ADN double-brin linéaire de 150 à 230 kpb
dont la réplication a lieu dans le noyau de la cellule hôte.
Si peu de gènes sont exprimés lors de la latence de ces
virus, la majorité des gènes est exprimée pendant la phase
de production de nouveaux virions. Ce cycle productif
se décompose en quatre phases (figure 2) : après réactivation du cycle, les gènes dits immédiats précoces qui
codent pour des facteurs de transcription sont exprimés.
Il y en a deux dans le cas d’EBV, appelés EB1 et Rta.
Ces protéines transactivatrices sont nécessaires pour induire
l’expression des gènes dits précoces dont les produits sont
requis soit pour la réplication de l’ADN viral, qui dépend
d’un complexe de réplication codé par le virus, soit pour
l’expression des gènes dits tardifs. Après réplication de
l’ADN viral, les gènes dits tardifs sont exprimés. Les produits de ces gènes sont soit des protéines de structure du
virus, soit des protéines impliquées dans la modulation de
la réponse cellulaire comme l’IL10 virale. Pour l’EBV, les
dix gènes exprimés pendant la phase de latence ainsi que
les gènes très précoces du cycle productif sont des gènes
avec introns, mais la majorité des gènes précoces ainsi que
la quasi-totalité des gènes tardifs sont dépourvus d’intron
(figure 2). Chez les herpès simplex de type I (HSV-1), sur
environ 80 gènes exprimés au cours de l’infection virale,
seuls cinq contiennent des introns. L’accumulation cytoplasmique de ces ARNm viraux issus de gènes dépourvus
Tableau 1. Principales caractéristiques des herpesvirus humains. Ces virus sont classés dans trois sous-familles en fonction :
(i) de leur tropisme cellulaire in vivo, (ii) de la durée de leur cycle de réplication et (iii) de leur classification phylogénique. Les
alphaherpesvirus peuvent infecter un large spectre de types cellulaires, ont un cycle productif très rapide et une latence dans
les ganglions nerveux. Les betaherpesvirus ont un spectre d’hôte intermédiaire, un cycle productif lent et une latence dans les
leucocytes. Les gammaherpesvirus peuvent infecter un spectre de types cellulaires restreint, ont un cycle productif d’une
durée intermédiaire et une latence principalement dans les lymphocytes B.
Nom
commun
Nom
formel
Genre
Sous-famille
Pathologie en
primoinfection
Autres pathologies
associées
Taille du
génome
(kpb)
Facteur
d’export
des ARNm
HSV-1
HHV-1
Simplexvirus
alphaherpesvirus
Aphtes, pharyngite
Herpès orofacial,
encéphalite
152
ICP27
HSV-2
HHV-2
Simplexvirus
alphaherpesvirus
Herpès génital
Herpès génital
156
ICP27
VZV
HHV-3
Vaticellovirus
alphaherpesvirus
Varicelle
Zona
125
IE4
EBV
HHV-4
Lymphocryptovirus gammaherpesvirus Mononucléose
infectieuse
Nombreux cancers
172
EB2
CMV
HHV-5
Cytomegalovirus
248
UL69
HHV-6
HHV-6A Roseolovirus
et B
HHV-7
HHV-7
KSHV
HHV-8
betaherpesvirus
Syndrome mimant
la mononucléose
infectieuse
Hépatite, rétinite,
pneumonie
betaherpesvirus
Roséole
Roséole, Encéphalite. 160
Myocardites.
Hoseolovirus
betaherpesvirus
Roséole
Rhadinovirus
gammaherpesvirus
U42
Roséole
145
U42
Sarcome de Kaposi,
maladie de
Castelman, souvent
associé au sida
170
ORF57
HSV : herpes simplex virus ; HHV-3 : human herpesvirus ; VZV : Varicella Zona virus ; EBV : Epstein-Barr virus ; CMV : human cytomegalovirus ; KSHV :
Kaposi’s sarcoma-associated herpesvirus.
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Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
revue
LATENCE
Infection
LCL
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Production de
particules virales
infectieuses
CYCLE
PRODUCTIF
In vitro, induction par
des agents
chimiques (TPA/BA)
ARNm issus
de gènes avec
introns
Expression des gènes
immediats précoces
Expression des
gènes tardifs
(EB1, R)
ARNm issus de
gènes sans
intron
Réplication
du génome viral
Expression des
gènes précoces
... EB2 ...
Figure 2. Cycle viral productif d’Epstein-Barr virus (EBV) dans les cellules in vitro. Suite à l’infection, le virus EBV entre en phase de
latence durant laquelle il n’y a pas de production de virion mais des gènes codant pour des protéines impliquées dans le maintien du
génome viral et l’immortalisation des cellules sont exprimés. De cette phase de latence, il peut y avoir activation du cycle productif. In vitro,
le cycle productif peut être induit par des agents chimiques comme le TPA/BA ou biologiques comme le TGF-ß. L’activation est suivie d’une
expression séquentielle des gènes viraux : les protéines immédiates précoces permettent l’expression des gènes précoces, des produits
des gènes précoces sont impliqués dans la réplication de l’ADN viral qui est suivie par l’expression des gènes tardifs, lesquels codent pour
les protéines de structure du virus. LCL : lymphoblastoide cell line.
d’intron ne devrait pas poser de problème étant donné que
de tels ARNm existent dans la cellule et qu’ils sont efficacement exportés dans le cytoplasme où ils sont traduits
en protéine. Cependant, cela n’est vrai que pour un petit
nombre d’ARNm viraux issus de gènes dépourvus d’intron.
Les autres requièrent la présence d’une protéine virale pour
s’accumuler efficacement dans le cytoplasme de la cellule
hôte. Ces protéines sont EB2 chez EBV, ICP27 chez HSV-1,
IE4 chez le virus Varicelle et Zona (VZV), ORF57 chez
le virus du sarcome de Kaposi (KSHV) et UL69 chez le
cytomégalovirus (CMV) (tableau 1). Cette revue a pour
objectif, à travers notamment l’exemple de la protéine
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
EB2 du virus EBV, de décrire ces facteurs et de montrer
leur implication dans l’expression de certaines protéines
virales.
EB2 est indispensable à la production
de virions
La protéine EB2 (aussi appelée Mta ou SM) a initialement
été identifiée comme un facteur nécessaire à la transcription
des gènes viraux précoces et tardifs du virus. Ce n’est que
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revue
plus tard qu’il a été montré qu’EB2 n’agit pas au niveau de
l’initiation de la transcription des gènes viraux, mais durant
les étapes post-transcriptionnelles [1].
Afin d’étudier plus précisément le rôle de cette protéine
dans le cycle viral productif, un virus EBV recombinant
amputé du gène codant pour la protéine EB2 a été généré
[2]. Ainsi, il a pu être montré que, suite à l’induction du
cycle viral productif, les cellules infectées par un EBV
recombinant n’exprimant pas EB2 ne produisent pas de particules virales. Lorsque ce déficit est trans-complémenté par
l’expression ectopique d’EB2, des virions sont de nouveau
efficacement produits [2]. De manière intéressante, les protéines analogues des autres herpesvirus (ICP27 de HSV1,
ORF57 de KSHV et IE4 de VZV) sont également indispensables à la production de nouvelles particules virales
dans leurs modèles d’infection respectifs. Seule la protéine UL69 du virus CMV ne semble pas indispensable
à la production de virions, mais la cinétique de production est beaucoup plus lente qu’avec le virus sauvage [3].
Cependant, si ces protéines semblent avoir des fonctions
équivalentes, elles ne sont pas interchangeables. Ainsi,
le remplacement de la séquence codante d’ICP27 par la
séquence d’EB2 dans un virus HSV-1 restaure en partie la
production de particules virales, mais uniquement lorsque
l’infection est réalisée avec une très grande quantité de virus
[4]. ICP27, UL69, et ORF57 ne restaurent pas la production de virions à partir de cellules infectées par un EBV
recombinant amputé du gène codant la protéine EB2 [2].
Réciproquement, EB2 est incapable de trans-complémenter
un virus KSHV recombinant amputé du gène codant ORF57
[5].
La caractérisation plus précise du recombinant EBV
n’exprimant pas la protéine EB2 a permis de mieux
comprendre le rôle d’EB2 dans la production de nouveaux
virions et notamment de confirmer le rôle majeur de ce facteur dans l’accumulation cytoplasmique de certains ARNm
viraux. Ces ARNm ont la particularité d’être produits à partir de gènes dépourvus d’intron. En absence de la protéine
EB2, ils sont soit complètement absents, soit présents en
quantité bien inférieure, et cela tant dans le noyau que dans
le cytoplasme de la cellule hôte. Il est cependant à noter que
tous les ARNm d’EBV produits à partir de gènes dépourvus
d’intron ne requièrent pas la protéine EB2 pour s’accumuler
efficacement dans le cytoplasme cellulaire [2, 6]. Ainsi, une
étude transcriptomique a permis de montrer qu’environ la
moitié des ARNm du cycle productif d’EBV sont dépendants d’EB2 pour leur accumulation cytoplasmique [7]. La
protéine EB2 n’a, par ailleurs, pas d’effet significatif sur les
quelques ARNm viraux issus de gènes avec introns.
Ainsi, la protéine EB2 est nécessaire à la production de nouveaux virions car elle permet l’accumulation cytoplasmique
d’une proportion importante des ARNm viraux produits au
cours du cycle productif.
100
Structure du facteur viral EB2
et de ses analogues
La protéine virale EB2 est codée par le gène
BSLF2/BMLF1 qui contient un intron et est exprimée précocement au cours du cycle productif du virus
EBV (figure 2). C’est une phosphoprotéine nucléaire de
479 acides aminés (60 kDa). Sa structure n’a pour l’instant
pas été élucidée mais certains domaines importants pour sa
fonction ont néanmoins été mis en évidence : elle contient,
dans sa partie N-terminale, un signal d’export nucléaire
(NES) atypique et deux signaux de localisation nucléaire
(NLS). Par ailleurs, elle renferme dans sa partie centrale
un domaine d’interaction avec l’ARNm (RBD) et interagit
directement avec de nombreuses protéines cellulaires
(figure 3).
Comme EB2, ICP27, ORF57, UL69 et IE4 sont des phosphoprotéines issues de gènes précoces. Plusieurs motifs
NLS, un NES ainsi qu’un domaine d’interaction avec
l’ARN ont été caractérisés dans chacune de ces protéines
et il a été montré qu’elles interagissent avec certains partenaires cellulaires communs, dont REF et TAP/NXF1
(figure 3). Cependant, malgré leurs fonctions analogues,
ces protéines ne présentent que très peu de similarité de
séquence et comme vu précédemment, elles ne sont pas
interchangeables.
Ainsi, bien que ces protéines virales aient des propriétés
communes, elles possèdent également des caractéristiques
spécifiques qui les distinguent les unes des autres.
EB2, comme ses analogues,
a des propriétés de facteur d’export
des ARNm
EB2 possède certaines caractéristiques des facteurs
d’export des ARNm. La première de ces caractéristiques
est sa capacité à faire la navette entre le noyau et le cytoplasme de la cellule [8] grâce à deux séquences NLS et
à un motif NES [9]. L’analyse simple de la localisation
cellulaire d’EB2 par immunofluorescence révèle une présence d’EB2 dans le seul noyau des cellules. Sa propriété
de navette n’a pu être démontrée que par l’utilisation de la
technique des hétérocaryons interespèces. Cette technique
consiste à faire fusionner une cellule exprimant la protéine
EB2 avec une autre cellule ne l’exprimant pas en présence
d’inhibiteur de synthèse protéique. Si après la fusion, la protéine est retrouvée dans les deux noyaux de l’hétérocaryon,
on peut alors conclure que la protéine, bien que nucléaire,
peut sortir du noyau et y rentrer à nouveau (figure 4). Il est
intéressant de noter que le domaine NES d’EB2 ne présente
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
revue
REF
EB2
RBD
NLS1 NLS2
NES
1
TAP
TAP
RBD
NLS
REF
NES
ICP27
479
TAP
KH1
KH2
KH3
512
1
2
3
RBD
putatif
1
NoLS
REF
455
9G8, SRp20, ASF/SF2,
TAP, REF
NLS
IE4
Ra
1
Rb
Rc
452
UAP56
Dimérisation
NLS
RBD
UL69
1
hSPT6-BD
NES
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NLS 1
ORF57
744
Figure 3. Organisation fonctionnelle d’EB2 et de ses analogues. NES : signal d’export nucléaire ; NLS : signal de localisation nucléaire ; KH :
domaines présentant une forte homologie avec les domaines de liaison à l’ARN de la protéine hnRNP-K ; TAP : domaine d’interaction avec
le facteur d’export TAP/NXF1 ; REF : domaine d’interaction avec le facteur d’export REF ; 9G8, SRp20, ASF/SF2 : domaine d’interaction
avec les facteurs 9G8, SRp20 et ASF/SF2 ; RBD : domaine de liaison à l’ARN ; NoLS : domaine de localisation nucléolaire ; UAP56 :
domaine d’interaction avec le facteur UAP56 ; hSPT6-BD : domaine de liaison à la protéine SPT6 ; Ra, Rb, Rc : domaines riches en
arginines ; RBD : RNA-binding domain.
aucune similarité de séquence avec d’autres motifs NES
précédemment caractérisés dans d’autres facteurs comme
la protéine Rev du virus HIV-1 ou la protéine cellulaire REF
[9, 10].
Une deuxième caractéristique d’EB2 est sa capacité à interagir directement avec l’ARNm in vitro et in vivo, grâce à
un domaine d’interaction à l’ARN non conventionnel [11].
Ce domaine contient un motif TRKQAR qui ressemble
aux domaines d’interaction avec l’ARN des protéines Rev
et Tat du virus HIV-1. Cependant, la liaison d’EB2 avec
l’ARN nécessite également les séquences riches en arginines en amont et en aval du motif TRKQAR [11]. La
suppression de ce domaine d’interaction à l’ARN empêche
la protéine EB2 d’assurer sa fonction dans l’accumulation
cytoplasmique des ARNm cibles mais n’empêche pas la
protéine de sortir du noyau [11]. In vitro, EB2 peut se fixer
sur n’importe quelle séquence d’ARN. Il semble qu’elle
puisse couvrir complètement un ARN, à raison d’environ
une molécule par 20 nucléotides [11]. Au contraire, in
vivo, EB2 pourrait avoir une préférence pour certaines
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
régions des ARN. Elle semble en effet se fixer préférentiellement dans les régions 5 -UTR de ses ARNm cibles
[12].
La dernière caractéristique faisant d’EB2 un facteur
d’export est sa capacité à favoriser l’accumulation dans
le cytoplasme d’ARNm issus de gènes dépourvus d’intron
[2, 6] ainsi que de certains ARNm issus de gènes contenant
des sites d’épissage non canoniques. Ce dernier effet a été
démontré grâce à l’analyse d’une construction issue du gène
de la ß-globine humaine portant la mutation responsable
de l’apparition de la ß-thalassémie (ß-thal) chez les individus homozygotes. La mutation touche le site 5 donneur
d’épissage du premier intron du gène avec pour conséquence l’inhibition de l’épissage de ce site et l’utilisation
de l’un ou l’autre de trois sites cryptiques d’épissage
présents dans le premier exon du gène (figure 5A). En
absence de la protéine EB2, les trois formes d’ARNm épissé
sont produites et s’accumulent dans le cytoplasme. En
revanche, lorsqu’EB2 est exprimée, elle favorise fortement
l’accumulation dans le cytoplasme de la forme non épissée
101
revue
cellule HeLa
Transfection
cellule NIH3T3
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Blocage de la synthèse protéique
(cycloheximide)
Fusion
Hétérocaryon
HeLa-NIH3T3
DAPI
@Flag
DAPI
@Flag
noyau NIH3T3
noyau NIH3T3
noyau HeLa
noyau HeLa
La protéine Flag.EB2 fait la navette
La protéine Flag.EB2Cter ne
fait pas la navette
Figure 4. Technique d’hétérocaryons interespèces. Les cellules HeLa sont transfectées avec le plasmide permettant l’expression de la
protéine d’intérêt. Puis elles sont mises en culture avec des cellules NIH3T3, reconnaissables après marquage au DAPI par la ponctuation
qui apparaît dans le noyau. La synthèse protéique est bloquée par l’ajout de cycloheximide et la fusion des cellules est induite par traitement
au PEG. Lorsque la protéine d’intérêt est observée uniquement dans les noyaux des cellules HeLa, elle ne fait pas la navette entre le
noyau et le cytoplasme. Lorsqu’elle est observée à la fois dans des noyaux de cellules HeLa et de cellule NIH3T3, elle fait la navette.
Flag.EB2 contient le signal d’export nucléaire (NES), contrairement à EB2Cter.
de l’ARNm ß-thal [1]. Ce résultat a ensuite été confirmé
par l’utilisation d’un autre système rapporteur basé sur la
construction pDM128, qui contient un gène constitué de
deux exons et d’un intron bordé de sites d’épissages faibles
(figure 5B). Dans l’intron se trouve la séquence codante
pour la protéine rapportrice chloramphénicol acétyl transférase (CAT). La protéine CAT, dont la quantité est mesurée
par test ELISA, ne s’exprime donc que si l’ARNm est
exporté sans être épissé. En absence de la protéine EB2,
la quasi-totalité de l’ARNm issu de pDM128 est épissé et
exporté et la protéine CAT est exprimée à un niveau basal
très faible. Au contraire, en présence d’EB2, la protéine
CAT est détectée en plus grande quantité, ce qui montre
à nouveau la capacité d’EB2 à favoriser l’accumulation
cytoplasmique d’ARNm non épissés [8].
Comme EB2, ses analogues ont été initialement décrits
comme des facteurs de transcription. Ainsi, ORF57 peut
102
agir de manière directe sur l’efficacité de la transcription
en interagissant avec ORF50, un facteur de transcription
viral majeur du cycle productif de KSHV [13]. Le même
type de résultats a été obtenu avec IE4 de VZV qui interagit avec IE62, le facteur de transcription majeur du virus
VZV [14]. UL69 a été relié au remodelage de la chromatine par la mise en évidence d’une interaction avec le facteur
d’élongation de la transcription hSpt6 [15]. ICP27 comme
EB2 ne semble pas avoir d’effet significatif sur la transcription, bien qu’ICP27 soit capable d’interagir directement
avec le domaine carboxyle terminal (CTD) de l’ARN polymérase II cellulaire [16]. Bien que quelques-uns de ces
facteurs semblent avoir des effets plus ou moins importants sur l’activation de la transcription, des résultats plus
récents suggèrent qu’ils agissent aussi et surtout au niveau
post-transcriptionnel. Comme EB2, ils possèdent les principales caractéristiques des facteurs d’export des ARNm.
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
revue
A
β-globine
SE
pSV40
SE
exon 1
SE
SE
exon 3
exon 2
- EB2
+ EB2
β-thalassémie
SE
pSV40
exon 1
SE
SE
exon 2
exon 3
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- EB2
+ EB2
B
SE
pSMV
pDM128
exon 1
SE
CAT
exon 2
- EB2
+ EB2
Figure 5. Définition des différents systèmes rapporteurs utilisés pour l’étude du rôle de EB2 dans l’export des ARNm. A) Les vecteurs
rapporteurs contiennent le gène de la ␤-globine et l’allèle de la ␤-thalassémie dans lequel le site 3 d’épissage du premier exon est muté,
laissant apparaître trois sites cryptiques d’épissage. B) Le vecteur pDM128 contient dans un intron les séquences codantes pour la protéine
rapportrice CAT. En absence d’EB2, l’intron est épissé, la protéine CAT n’est pas exprimée. En présence d’EB2, un certain nombre d’ARNm
est exporté sans épissage et la protéine CAT est exprimée. SE : site d’épissage.
Tous sont capables de faire la navette entre le noyau et
le cytoplasme grâce à des séquences NLS et NES [17-19]
(figure 3). ORF57 possède en plus un signal de localisation
nucléolaire (NoLS) qui semble nécessaire à son effet sur les
ARNm viraux bien que le rôle précis du passage à travers le
nucléole reste à déterminer [20]. Ensuite, comme EB2, ils
interagissent directement avec l’ARN par l’intermédiaire
de séquences riches en arginines (en particulier grâce à une
boîte RGG pour ICP27) [21-24]. Là encore, bien que ces
protéines ne semblent pas reconnaître de séquence ARN
spécifique, elles n’interagissent pas avec tous les ARNm in
vivo. Ainsi, ICP27 et UL69 s’associeraient préférentiellement à des ARNm issus de gènes dépourvus d’intron [22].
De manière intéressante, ORF57 perd son interaction avec
l’ARNm issu du gène viral ORF59 en absence d’extrait
cellulaire. Ces résultats laissent supposer un rôle important des protéines cellulaires pour cibler l’interaction avec
l’ARN [24]. Enfin, de même qu’EB2, ses analogues favorisent l’accumulation cytoplasmique des ARNm issus de
gènes sans intron [13, 23, 25, 26]. Cette capacité nécessite l’interaction avec l’ARNm sauf dans le cas d’UL69.
En effet, un mutant d’UL69 incapable d’interagir avec
l’ARN, mais qui interagit toujours avec la protéine cellulaire UAP56, favorise l’accumulation cytoplasmique d’un
ARNm rapporteur non épissé avec la même efficacité que
la protéine sauvage [22].
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
EB2 et ses analogues requièrent
de nombreuses interactions
avec des protéines cellulaires
pour assurer leurs fonctions
Dans la cellule, l’import et l’export des protéines nucléaires
nécessitent différentes protéines appelées respectivement
importines et exportines. Celles-ci, seules ou en association
avec des partenaires, servent de transporteurs de protéines
à travers le pore nucléaire. Les premiers travaux visant
à comprendre comment EB2 ou ses analogues pouvaient
sortir du noyau ont suspecté l’implication de CRM1, une
exportine connue notamment pour son rôle dans l’export
de la protéine Rev du HIV-1. Cependant, la capacité à faire
la navette d’EB2 et de ses analogues n’est pas affectée
par l’utilisation de leptomycine B, un inhibiteur spécifique
de CRM1, démontrant ainsi que ces protéines utilisent
un autre transporteur [9, 18, 19, 23, 25]. Des résultats
plus récents montrent que l’export d’EB2 et de ses analogues est dépendant du facteur cellulaire TAP/NXF1, qui
a été largement caractérisé pour son rôle primordial dans
l’export des ARNm cellulaires du noyau vers le cytoplasme. EB2 interagit directement, par l’intermédiaire de
son domaine NES, avec TAP/NXF1 et cette interaction permet l’export d’EB2 indépendamment de l’interaction avec
103
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revue
l’ARN [9, 10]. Cela suggère qu’en plus de son rôle d’export
des ARNm, TAP/NXF1 pourrait favoriser l’export de protéines qui ne sont pas directement liées à l’ARNm. De
même, ICP27, IE4 et ORF57 interagissent directement avec
le facteur TAP/NXF1 qui est indispensable à l’export de
chacune d’elles [19, 23, 25]. UL69 est la seule pour laquelle
une interaction avec TAP/NXF1 n’a pas été trouvée.
La protéine TAP/NXF1 permet l’export des ARNm en
interagissant, d’une part, avec les nucléoporines du pore
nucléaire et, d’autre part, avec l’ARNm. Cependant,
TAP/NXF1 ne présente que peu d’affinité intrinsèque pour
les ARN, sauf s’ils contiennent un motif spécifique (constitutive transport element [CTE]) décrit chez certains ARNm
du virus de singe Mason-Pfizer (MPMV). Le recrutement
de TAP/NXF1 se fait donc par l’intermédiaire de protéines dites adaptatrices qui vont permettre l’interaction
entre TAP/NXF1 et l’ARNm. Plusieurs protéines jouant
ce rôle ont été caractérisées, parmi lesquelles les trois
protéines SR : SRp20, 9G8 et SF2/ASF et les protéines REF, UIF, RBM15 et OTT3 (RBM15b). Il est
intéressant de constater que chacune de ces protéines a
été impliquée dans l’accumulation cytoplasmique de certains ARNm issus de gènes sans intron par EB2 ou ses
analogues.
Ainsi, ICP27 est capable d’interagir avec SRp20 ainsi
qu’avec d’autres membres de la famille SR, et dans des
cellules infectées par HSV-1, la déplétion par siRNA de
SRp20 ou de 9G8 entraîne une accumulation dans le noyau
des ARNm viraux polyadénylés, ainsi qu’une diminution
de la production de virions, sans pour autant affecter la viabilité cellulaire [27, 28]. EB2, comme IE4, interagit aussi
directement avec SRp20, 9G8 et SF2/ASF [23, 29, 30].
Pour EB2, cette interaction se fait par l’intermédiaire de
son domaine central. De manière intéressante, en absence
d’EB2, la déplétion de la protéine SRp20 par siRNA augmente l’accumulation dans le cytoplasme des ARNm cibles
d’EB2, suggérant que la protéine SRp20 aurait un effet
délétère sur certains ARNm issus de gènes sans intron.
Ainsi, SRp20 pourrait induire des épissages indus dans ces
ARNm, conduisant à leur déstabilisation et à leur destruction. Par ailleurs, il semble qu’EB2 favorise le recrutement
de SRp20 sur l’ARN [30]. Ainsi, la protéine EB2 serait
capable de contrecarrer l’effet de SRp20 en détournant son
activité dans l’épissage au profit de l’export. De même, la
déplétion de 9G8 par siRNA entraîne une diminution de
l’accumulation cytoplasmique de certains ARNm cibles de
la protéine EB2 en l’absence de cette dernière [30].
La protéine REF appartient au complexe cellulaire hTREX.
Ce complexe protéique est conservé de la levure à l’homme
et joue un rôle important dans l’export des ARNm. Chez
les eucaryotes supérieurs, hTREX est recruté de manière
spécifique en 5 des ARNm par les protéines associées à la
104
coiffe et il a été suggéré que cette position sur l’ARNm pourrait faciliter l’export nucléaire polarisé de l’ARNm épissé
(figure 1). Le complexe hTREX humain est composé des
protéines REF, UAP56 et Thoc3 ainsi que du complexe
hTHO (qui comprend les protéines hHpr1, hTho2, fSAP79,
fSAP35 et fSAP24). Plus récemment, l’analyse protéomique des composants du complexe hTREX a permis
l’identification d’une nouvelle protéine : CIP29/Tho1. Le
complexe se forme en deux étapes : les protéines REF et
UAP56 sont d’abord recrutées sur l’ARNm grâce à des
interactions avec les protéines associées à la coiffe, puis le
complexe hTHO est recruté par REF et UAP56. La protéine
EB2 interagit directement avec REF et cette interaction
semble importante pour l’action d’EB2 sur les ARNm [9].
Des interactions ont également été démontrées entre REF
et ORF57 [19], ICP27 [25, 31] ou IE4 [23]. Par ailleurs,
des complexes associant UL69, UAP56 et REF ont été
identifiés dans des cellules infectées par CMV. Cependant,
bien que REF ait d’abord été considérée comme importante
pour l’accumulation cytoplasmique des ARNm viraux, ces
résultats sont à nuancer. En effet, un mutant de la protéine ORF57 n’interagissant plus avec REF a toujours un
effet sur l’expression de la protéine virale ORF59 issue
d’un gène dépourvu d’intron et cible d’ORF57. De plus,
un siRNA qui diminue de 40 % l’expression de REF
n’a aucun effet sur l’export de l’ARNm d’ORF59 [24].
L’interaction entre REF et ORF57 n’aurait donc qu’un
rôle limité dans l’accumulation cytoplasmique des ARNm
ORF59 et de ses autres ARNm cibles. De même, la déplétion de REF par siRNA n’a que peu d’effet sur l’export
des ARNm de HSV1 par ICP27 [32]. Contrairement à
REF, la protéine UAP56 semble particulièrement importante pour l’export des ARNm viraux, notamment dans le
cas d’UL69. En effet, un mutant de la protéine UL69 qui
n’interagit plus avec UAP56 fait toujours la navette entre
le noyau et le cytoplasme [33] mais n’est plus capable
de stimuler l’accumulation cytoplasmique de ses ARNm
cibles au cours de l’infection virale [26]. UAP56 interagit aussi directement avec les protéines ORF57 et ICP27
[25, 31, 33, 34]. Par ailleurs, d’autres travaux récents ont
montré que la protéine ORF57 interagit directement avec
une autre protéine adaptatrice de TAP nommée UIF. Cette
interaction permet le recrutement du complexe hTREX et de
TAP/NXF1 sur les ARNm indépendamment de REF [35].
Il semble donc qu’il y ait une certaine redondance dans les
modes de recrutement de facteurs d’export par EB2 et ses
analogues.
Enfin, EB2 ainsi que tous ses analogues interagissent
avec les protéine cellulaires RBM15 et RBM15B/OTT3
[36, 37], deux protéines apparentées impliquées dans
l’export des ARNm et dans la régulation de l’épissage.
Ainsi, RBM15 semble jouer un rôle dans l’export des
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ARNm cellulaires en interagissant, d’une part, avec
TAP/NXF1, d’autre part, avec la protéine DBP5/DDX19,
une hélicase à boite DEAD qui favoriserait la translocation des mRNP à travers le pore nucléaire [38]. De
même, RBM15B/OTT3 s’associe à TAP/NXF1 et à DBP5,
quoique moins efficacement que RBM15, et peut promouvoir l’export d’ARNm. Plus récemment, il a été montré
que RBM15B/OTT3 était capable d’inhiber l’épissage en
agissant comme compétiteur fonctionnel des protéines SR,
9G8 et SF2/ASF [39]. Le rôle exact de l’interaction de
ces deux facteurs avec les protéines virales est loin d’être
compris. Il est cependant intéressant de noter que comme
RBM15B/OTT3, EB2 interfère avec la fonction des protéines SR, SRp20, 9G8 et SF2/ASF [30]. Enfin, ORF57 de
KSHV inhibe la capacité de RBM15 à interagir avec l’ARN
viral ORF59 et de cette manière empêche l’accumulation
nucléaire de ce messager sous forme hyperpolyadénylée
induite par RBM15 [37].
Ainsi, EB2, comme ses analogues, peut favoriser le recrutement de plusieurs facteurs d’export sur leurs ARNm cibles
(TAP/NXF1 ; UAP56 ; REF. . .) mais ils peuvent aussi
modifier l’activité de certains facteurs (SRp20) contrôlant
ainsi le devenir de leurs ARNm cibles.
EB2 et ses analogues agissent
à différentes étapes du métabolisme
des ARNm
L’épissage
Différents résultats laissent penser qu’EB2 et ses analogues
pourraient interférer dans la réaction d’épissage de leurs
ARNm cibles. Ainsi, il a été observé qu’en présence d’EB2,
des ARNm épissés à partir de sites cryptiques ne sont plus
retrouvés dans le cytoplasme, alors que la forme non épissée
est elle augmentée [1]. Un rôle direct de la protéine EB2 sur
STAT1
SE 5’
SE 5’
cryptique
l’épissage d’un ARNm cellulaire a été clairement décrit
dans le cas d’une construction contenant les exons 23 et
24 du gène cellulaire STAT1 ainsi que l’intron séparant ces
deux exons (figure 6). En absence d’EB2, la forme parfaitement épissée de cet ARNm s’accumule dans le cytoplasme
de la cellule, mais en présence d’EB2 on retrouve dans le
cytoplasme une nouvelle forme d’ARNm, épissée à partir
d’un site 5 cryptique présent dans l’intron. EB2 favoriserait
donc l’utilisation de ce site cryptique à la place du site habituel d’épissage. Cet effet d’EB2 sur l’épissage de l’intron
séparant les exons 23 et 24 du gène STAT1 est dépendant
de l’interaction entre EB2 et la protéine SRp20 [29]. Ces
résultats suggèrent que les interactions entre EB2 et des
protéines cellulaires impliquées dans l’épissage pourraient
modifier le profil d’expression de certains gènes cellulaires.
Cette observation est particulièrement intéressante dans le
cas du gène STAT1 car la production par épissage alternatif
des deux isoformes de STAT1 (STAT1alpha et STAT1bêta )
pourrait moduler la réponse cellulaire antivirale. La protéine EB2 en augmentant le niveau d’expression de la forme
STAT1bêta qui est considérée comme un dominant négatif
de la forme STAT1alpha pourrait ainsi induire une diminution de la réponse IFN.
L’effet sur l’épissage le mieux décrit est celui d’ICP27.
En effet, l’expression d’ICP27 s’accompagne d’une chute
globale de l’expression des ARNm cellulaires, qui n’est
pas observée lorsque les cellules sont infectées par un virus
mutant n’exprimant pas la protéine ICP27. Cette répression
cible les gènes possédant des introns [28] et son mécanisme a été en partie élucidé. ICP27 est capable de bloquer
l’assemblage du complexe d’épissage en influant sur l’état
de phosphorylation de certaines protéines SR. Le niveau de
phosphorylation de ces protéines est primordial pour la formation du complexe d’épissage, or en présence d’ICP27, il
est fortement diminué car ICP27 délocalise du cytoplasme
vers le noyau la kinase SRPK1 responsable de la phosphorylation des protéines SR. L’interaction directe entre
SE 3’
exon 23
1
exon 24
76
266
955
1058
- EB2
+ EB2
Figure 6. Représentation schématique de la construction STAT1. La construction STAT1 est constituée des exons 23 et 24 du gène
cellulaire STAT séparés par leur intron. En absence d’EB2, on observe dans la cellule le messager épissé à partir des sites d’épissages
5 en position 76 et 3 en position 955. En présence d’EB2, on observe également ce messager mais un autre ARNm épissé à partir d’un
site cryptique 5 contenu dans l’intron (position 266) est aussi produit. SE : site d’épissage.
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
105
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ICP27 et SRPK1 empêche donc la phosphorylation des
protéines cibles de SRPK1 et la formation du complexe
d’épissage [27].
La stabilité
La capacité d’EB2 à favoriser l’accumulation cytoplasmique de ses ARNm cibles peut être le résultat d’un effet
direct de la protéine sur l’export nucléaire de l’ARNm
mais pourrait également résulter d’une stabilisation de ces
ARNm, ces deux effets étant certainement liés. Plusieurs
travaux suggèrent en effet que la protéine EB2 est impliquée
dans la stabilité des ARNm dans le noyau. Cet aspect n’a
cependant été que peu étudié jusqu’à présent. Récemment,
grâce à l’utilisation d’un système inductible permettant de
bloquer la transcription des gènes (système Tetoff ), nous
avons pu clairement démontrer que la protéine EB2 permet
d’augmenter la demi-vie nucléaire et cytoplasmique de ses
ARNm cibles (résultats non publiés). Cela suggère qu’en
absence de la protéine EB2, ses ARNm cibles instables
sont rapidement dégradés dans le noyau de la cellule. Le
mécanisme impliqué n’a pour l’instant pas été élucidé mais
l’effet de la protéine SRp20 sur certains ARNm cibles de
EB2 décrit précédemment laisse supposer que l’interaction
entre EB2 et SRp20 pourrait être impliquée dans ce mécanisme.
La protéine ORF57 a également été impliquée dans la stabilité de l’ARN PAN, un ARN viral nucléaire polyadénylé
et non codant dont la fonction n’est pas connue. Un virus
KSHV recombinant n’exprimant pas ORF57 ne produit
qu’une quantité minimale d’ARN PAN. Cette quantité est
accrue de 20 à 30 fois lorsqu’ORF57 est réintroduit. Cette
accumulation est dépendante de la présence d’une séquence
d’ARN structurée de 9b située en 5 de l’ARN PAN et qui
fixe ORF57 [40].
L’export
Les étapes de maturation des ARNm étant très liées et
interdépendantes, il est très difficile de démontrer un rôle
direct des protéines virales dans l’export des ARNm et le
sujet reste largement controversé. Dans le cas d’EB2 par
exemple, on observe, en son absence, une chute drastique
de la quantité de ses ARNm cibles présents dans le cytoplasme, sans qu’il y ait en contrepartie une accumulation
des ARNm dans le noyau. Ce résultat n’est cependant pas
surprenant puisqu’EB2 joue aussi un rôle majeur dans la
stabilisation de ces mêmes ARNm. On sait par ailleurs
qu’EB2 accompagne les mRNP dans le cytoplasme où on
retrouve la protéine associée aux polysomes, et qu’elle
interagit directement avec des facteurs d’exports cellulaires,
dont TAP/NXF1. Il est donc très probable qu’en recrutant (ou stabilisant) des facteurs d’exports cellulaires sur
106
les mRNP auxquelles il est associé, EB2 participe aussi
à leur export vers le cytoplasme, ce qui a de fait pu être
démontré de manière directe en utilisant certains domaines
de la protéine EB2 [10]. Un effet direct dans l’export est
à l’opposé fortement remis en cause pour ORF57, essentiellement à cause de son rôle dans l’accumulation d’un
petit ARN polyadénylé spécifique de KSHV, l’ARN PAN,
dont la localisation est strictement nucléaire [40]. Ainsi
l’impact respectif des protéines virales sur les différentes
étapes de maturation des ARNm viraux est probablement
très variable d’un modèle viral à l’autre.
La traduction
EB2 stabilise et favorise l’accumulation cytoplasmique de
ses ARNm cibles et il est maintenant clair qu’EB2 reste
associée à ces derniers dans le cytoplasme de la cellule
et favorise leur traduction. La protéine EB2 est en effet
retrouvée spécifiquement associée aux polysomes dans le
cytoplasme où elle permet une augmentation très importante de l’efficacité de traduction des ARNm auxquels
elle est liée [41]. Cet effet d’EB2 sur la traduction n’est
visible que si l’ARNm ne subit pas au préalable de réaction
d’épissage. En effet, si un intron est introduit artificiellement dans le gène analysé, alors l’ARN correspondant
est efficacement traduit même en absence de la protéine
EB2. Par ailleurs, EB2 n’affecte pas la traduction globale des ARNm cellulaires. Le mécanisme permettant à
EB2 d’augmenter la traduction de ses ARNm cibles n’est
pour l’instant pas connu.
UL69 est aussi capable de stimuler la traduction des
ARNm issus de gènes dépourvus d’intron en excluant du
complexe de traduction la protéine 4EBP1 qui inhibe l’étape
d’initiation de la traduction [42]. Les protéines ICP27 et
ORF57 favorisent également la traduction de leurs ARNm
cibles mais semblent avoir un mode d’action encore différent. Ainsi, il a été montré qu’ICP27 interagit directement
avec la protéine PABP et les facteurs d’initiation de la traduction eIF3 et eIF4G [43]. Dans le cas d’ORF57, des
travaux récents ont montré qu’elle stimule la traduction
des ARNm issus de gènes sans intron en interagissant avec
la protéine cellulaire PYM qui favorise le recrutement sur
l’ARNm du complexe 48S de pré-initiation de la traduction
[44].
Les mécanismes de régulation d’EB2
et de ses analogues
L’activité des protéines virales EB2, ICP27, ORF57,
UL69 et IE4 est régulée par phosphorylation. Ces phosphorylations peuvent être le fait soit de protéines kinases
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revue
cellulaires, soit de protéines kinases d’origine virale. Ainsi,
la protéine kinase cellulaire caseine kinase 2 (CK2) qui
est connue pour phosphoryler plus de 300 protéines différentes dans la cellule interagit directement avec EB2, par
l’intermédiaire à la fois de sa sous-unité catalytique ␣ et
de sa sous-unité régulatrice ␤. CK2 phosphoryle EB2 sur
plusieurs résidus localisés dans le domaine N-terminal de la
protéine. Cependant, bien que la mutation de ces sites diminue significativement la production de particules virales,
ces mutations ne semblent pas affecter la capacité d’EB2 à
faire la navette, et l’accumulation cytoplasmique de ses
ARNm cibles n’est que très faiblement affectée [45]. On
peut supposer que cette régulation influe sur d’autres étapes
que celle de l’export comme par exemple sur la traduction
dépendante d’EB2.
Comme EB2, la protéine ICP27 est phosphorylée par la
kinase CK2. Le blocage de cette phosphorylation par des
inhibiteurs spécifiques de la CK2 conduit à une nette
diminution de l’accumulation cytoplasmique d’ICP27.
ICP27 est aussi phosphorylée par la PKA (Protein Kinase
A) et lorsque l’un des sites de phosphorylation d’ICP27
(par la CK2 ou la PKA) est muté, la production de virions
est fortement diminuée et la protéine ne co-localise plus
ni avec l’ARN polymérase II ni avec la protéine REF. Par
RMN (résonance magnétique nucléaire), il a été montré
que le mutant de phosphorylation d’ICP27 ne présente pas
la même conformation que la protéine ICP27 sauvage. La
partie N-terminale d’ICP27 est flexible mais celle du mutant
semble encore plus flexible, ce qui pourrait expliquer les
changements observés [46].
La protéine ORF57 est phosphorylée in vitro par la
CK2 mais aussi par d’autres kinases, notamment par les
cyclin dependant kinase (CDK) comme CDK1. Le rôle de
ces phosphorylations n’a pour lors pas encore été étudié.
La phosphorylation par des protéines kinase virales a principalement été décrite pour UL69 qui est phosphorylée
par la sérine/thréonine kinase virale UL97. L’utilisation
d’un inhibiteur spécifique d’UL97 induit l’agrégation
d’UL69 dans des structures nucléaires et diminue en partie
son action sur des ARNm issus de gènes dépourvus d’intron
[47].
La phosphorylation n’est cependant pas le seul mécanisme
de régulation de l’activité de ces protéines. Ainsi, la protéine
ICP27 peut être méthylée dans son domaine RGG par la protéine méthylase PRMT1. La mutation des résidus méthylés
empêche la liaison d’ICP27 à l’ARN et l’amputation de ce
domaine augmente fortement la rapidité d’export de la protéine [48]. De plus, un défaut de méthylation d’ICP27 inhibe
la réplication du génome viral ainsi que l’interaction entre
ICP27 et REF et l’interaction entre ICP27 et la protéine
kinase SRPK1 [31, 48]. L’étude de la régulation par la
méthylation n’en est qu’à ses débuts mais il a été émis
Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
l’hypothèse que la méthylation pourrait ralentir l’import
d’ICP27, lui permettant ainsi d’interagir correctement avec
ses partenaires nucléaires [48]. On peut également supposer que d’autres modifications post-traductionnelles telles
que l’ubiquitination et la sumoylation pourraient jouer un
rôle important dans la régulation de la fonction d’EB2 et
de ses analogues mais cela n’a pour l’instant pas encore été
recherché.
Les protéines d’export des herpesvirus
comme cibles thérapeutiques
Les herpesvirus humains sont responsables de nombreuses
pathologies et leur étude a aussi pour but à long terme
de développer des stratégies pour bloquer ces virus. La
majorité des anti-herpétiques est basée sur des analogues
des nucléosides comme l’acyclovir et le gancyclovir. Ces
molécules s’incorporent dans l’ADN viral et bloquent
l’ADN polymérase virale ce qui inhibe spécifiquement la
réplication du virus. Mais l’utilisation récurrente de ces
agents conduit souvent à l’apparition de virus résistants.
Le développement d’autres stratégies est donc important.
L’une de ces stratégies consisterait à cibler directement
les protéines indispensables à l’accumulation cytoplasmique des ARNm viraux, puisqu’elles sont nécessaires
à la production de virions infectieux. C’est ce qui a
été fait récemment pour ICP27. En effet, des peptideconjugated phosphorodiamidate morpholino oligomers
(PPMO) ciblant ICP27 ont été développés et ils se sont
montrés efficaces pour inhiber la réplication virale in vitro
ainsi qu’in vivo dans des cas d’infection oculaire chez la
souris [49]. Cette nouvelle technologie doit encore être
développée, mais pourrait à terme être utilisée comme
thérapie.
Une autre stratégie consisterait à cibler les protéines indispensables au fonctionnement des protéines virales comme
EB2 ou UL69 et notamment celles impliquées dans la régulation de ces facteurs. Ainsi, le maribavir, un inhibiteur
spécifique de la protéine kinase virale UL97 responsable
d’une partie des phosphorylations de la protéine UL69, a
été testé pour traiter les infections au CMV [50]. Le mode
d’action de cet inhibiteur n’a pas encore été déterminé,
mais s’il ne semble pas bloquer l’ADN polymérase virale,
l’expression de certaines protéines virales tardives est diminuée. Cela pourrait concorder avec un effet de cet inhibiteur
sur l’activité de la protéine UL69. Le maribavir n’a pas
dépassé la phase d’essai clinique III, mais l’idée de bloquer
par des substances UL69 ou des protéines virales impliquées dans sa régulation reste une stratégie intéressante à
développer. La détermination de la structure de la protéine
107
revue
virale EB2 et de ses analogues serait certainement une aide
précieuse pour rechercher des inhibiteurs spécifiques de ces
facteurs.
L’expression efficace des ARNm viraux issus de gènes
sans intron chez les herpesvirus est dépendante d’une protéine multifonctionnelle codée par chacun de ces virus.
EB2 et ses analogues ont d’abord été décrits comme des
facteurs de transcription puis comme des facteurs d’export,
mais ces protéines semblent avoir un rôle beaucoup plus
large, prenant en charge les ARNm viraux dans le noyau
après leur transcription jusque dans le cytoplasme ou elles
favorisent leur traduction (figure 7). EB2 a notamment un
rôle clairement démontré dans l’accumulation cytoplasmique de ses ARNm cibles, grâce au recrutement du facteur
TAP/NXF1 et de certaines protéines qui lui sont associées
comme les protéines SR, REF et UAP56. Mais EB2 semble
aussi pouvoir protéger ses ARNm cibles d’un épissage
Noyau
ADN viral
Cytoplasme
pol
DÉGRADATION
CBC
AAA
PABP
TRADUCTION
Sans EB2
AAAAA
ÉPISSAGE ABERRANT
PABP
PABP
PABP
AAAAA
Complexe
d’épissage
AAA AA
AAAAA
PABP
RBM15
AAAAA
SR
PABP
EB2
EB2
DBP5
TAP
NPC
AAAAA
EB2
PABP
AAAAA
EXPORT
RBM15
SR EB2
REF
Avec EB2
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Conclusion
non spécifique sur des sites qui seraient reconnus par la
machinerie cellulaire comme des sites d’épissage cryptiques. Enfin, EB2 stabilise ses ARNm cibles et favorise
leur traduction dans le cytoplasme.
Même si le rôle général d’EB2 et de ses analogues a été
bien caractérisé ces dernières années, de nombreux points
restent à éclaircir. On peut notamment se demander ce qui
fait d’un messager une cible ou non d’EB2. Contrairement
aux études in vitro, les études in vivo suggèrent en effet qu’il
y a une spécificité de reconnaissance de l’ARN par EB2.
Les déterminants de cette spécificité n’ont pour l’instant
pas été caractérisés malgré de nombreuses recherches. On
peut cependant envisager que cette spécificité soit apportée par un facteur extérieur à EB2 comme un partenaire
cellulaire. Enfin, de manière plus large pour la compréhension de l’export des ARNm viraux, il serait intéressant
de savoir pourquoi certains ARNm viraux issus de gènes
sans intron sont exportés efficacement dans le cytoplasme
en l’absence d’EB2 et quels sont les mécanismes mis en
jeu. L’ensemble de ces travaux destinés à mieux comprendre les mécanismes de maturation et d’export des ARNm
TAP
Figure 7. Représentation schématique de l’export des ARNm issus de gènes viraux sans intron. En absence d’EB2, l’ARNm viral issu d’un
gène sans intron est dégradé ou est épissé de manière aberrante puis dégradé. En présence d’EB2, cet ARNm n’est ni dégradé, ni épissé
et il est exporté efficacement dans le cytoplasme grâce au recrutement de différentes protéines cellulaires comme les facteurs TAP/NXF1,
SRp20 et RBM15. Dans le cytoplasme, l’ARNm est traduit par la machinerie cellulaire. La présence d’EB2 augmente fortement l’efficacité
de cette traduction. NPC : complexe du pore nucléaire.
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Virologie, Vol 17, n◦ 2, mars-avril 2013
revue
viraux sera ensuite d’un grand intérêt dans la lutte contre
les herpesvirus mais aussi pour permettre de mieux cerner les mécanismes d’export des ARNm par la machinerie
cellulaire.
Conflits d’intérêts : aucun.
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