Mini-revue
Les syndromes caves supérieurs
Nicolas Limal, Bertrand Wechsler
Service de médecine interne, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
Le syndrome cave supérieur est la conséquence d’une gêne au
retour veineux en provenance de la tête, des membres supé-
rieurs et du thorax vers l’oreillette droite, responsable d’une
hyperpression en amont. Les étiologies sont nombreuses : com-
pression d’origine maligne ou bénigne, thrombose sur matériel
intra-vasculaire, anomalie de la coagulation, maladie inflam-
matoire de la paroi veineuse ou envahissement direct de celle-
ci. La symptomatologie dépend du degré d’obstruction et de sa
rapidité d’installation. Le pronostic est lié à l’étiologie, maligne
dans plus de trois quarts des cas. Le traitement repose sur
l’anticoagulation en l’absence de contre-indication, les théra-
peutiques spécifiques (chimiothérapie, radiothérapie, cortico-
thérapie...) et la désobstruction chirurgicale ou par technique
endovasculaire.
Mots clés :syndrome cave supérieur, étiologie, technique endovasculaire
Le syndrome cave supérieur (SCS) est l’expression clinique de l’obs-
truction de la veine cave supérieure par une compression extrinsèque,
un processus envahissant la veine ou une thrombose. Les manifesta-
tions cliniques sont liées à l’augmentation de la pression veineuse en
amont de l’obstruction et dépendent de la rapidité d’installation de celle-ci. Des
signes congestifs importants ou des symptômes associés non directement liés à
l’obstruction veineuse (compression des voies aériennes, tamponnade péricar-
dique) constituent une urgence thérapeutique.
Clinique
Lorsque l’obstruction est progressive, le retour veineux s’effectue par les voies
de suppléance et la symptomatologie peut être limitée à une circulation collaté-
rale thoracique. Les principales voies de suppléance sont la veine azygos, la
mammaire interne, les veines thoraciques latérales et les plexus rachidiens, ainsi
que les veines thoracoépigastriques, phréniques et médiastinales [1]. Des shunts
droit gauche par l’intermédiaire de plexus veineux bronchiques connectés aux
veines pulmonaires ont été décrits (figure 1).
Lorsque l’obstruction est rapidement progressive ou brutale, notamment par des
phénomènes thrombotiques primitifs ou secondaires à la compression, le syn-
drome cave supérieur s’exprime cliniquement [2].
La cyanose peut être initialement discrète et intermittente.
Correspondance et tirés à part :
N. Limal
Sang Thrombose Vaisseaux 2006 ;
18, n° 1 : 17-22
STV, vol. 18, n° 1, janvier 2006 17
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L’œdème peut n’être que transitoire et réaliser une simple
bouffissure de la face ou des paupières avec comblement
des creux sus-claviculaires parfois pris pour un hypercorti-
cisme, une hypothyroïdie ou un œdème de Quincke ; pété-
chies et purpura peuvent y être associés.
Lorsque l’obstruction est totale, l’œdème est important
« en pèlerine » avec gonflement de la face, du cou, des
membres supérieurs et troubles de vision (figure 2).
La turgescence jugulaire et temporale est précoce, une
exophtalmie par distension des veines orbitaires peut s’ob-
server.
Fait essentiel qui doit attirer l’attention, ces signes sont
majorés lorsque le patient se penche en avant et par la
manœuvre de Valsalva.
Les signes centraux sont fréquents : impression de tête
pleine, céphalée, somnolence, acouphènes, obnubilation à
l’effort, voire perte de connaissance et/ou crise comitiale.
L’importance de la dérivation veineuse périvertébrale peut
même entraîner une symptomatologie compressive médul-
laire.
La circulation collatérale peut se résumer à de simples lacis
veineux ou de petites varicosités pectorales. Lorsque le
réseau sous-cutané est très distendu, on peut observer par
place des petits éclatements vasculaires. Un développe-
ment majeur des voies collatérales évoque l’atteinte de
l’azygos.
Une sémiologie plus diffuse est possible : douleurs thoraci-
ques, dyspnée, dysphonie, dysphagie posant le problème
d’un processus expansif de voisinage et devant faire sus-
pecter une complication associée : tamponnade péricardi-
que ou compression des voies aériennes.
L’extension d’un thrombus cave supérieur aux cavités droi-
tes est possible, la migration dans les artères pulmonaires
est rare [3] (tableau 1).
Étiologie
Les causes malignes sont les plus fréquentes, retrouvées
dans 75 à 90 % des cas [3, 4]. Les cancers bronchiques à
petites cellules et non à petites cellules sont le plus souvent
en cause, suivis par les lymphomes hodgkiniens ou non, les
tumeurs solides de voisinage (sein, thyroïde, œsophage,
thymome, plèvre), les métastases de tumeurs solides, les
Veine jugulaire interne
Veine jugulaire externe
Veine céphalique
Veine azygos
Veine hémi-azygos
inférieure
Plexus
péri-rachidien
Veine mammaire
externe
Veine jugulaire antérieure
Crosse de l'azygos
Veine hémi-azygos
supérieure
Veine intercostale
Figure 1.Schéma des principales voies de suppléances du système cave supérieur.
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tumeurs germinales. Des léiomyosarcomes de la veine cave
supérieure ont été rapportés.
Les thromboses caves supérieures sur dispositif intravei-
neux sont fréquentes : voie centrale, sonde de pacemaker,
dérivation ventriculoatriale ou péritonéojugulaire. Le ris-
que de thrombose sur cathéter veineux central est augmenté
si la voie d’abord est gauche et si l’extrémité du cathéter est
haut située dans la veine cave. En effet, cette position
favorise le contact entre l’extrémité du cathéter et la paroi
veineuse et donc les agressions mécaniques et chimiques
sur la paroi. Chez les patients atteints de cancer et porteurs
d’une chambre implantable, la prescription d’une anticoa-
gulation préventive est justifiée. La warfarine à la dose d’un
milligramme par jour a montré son efficacité dans cette
indication, sans majoration des événements hémorragiques
[5, 6].
Les causes bénignes de syndrome cave supérieur sont
variées.
Les fibroses médiastinales, primitives ou secondaires, sont
le plus souvent en cause [7].
Les infections peuvent être responsables d’une obstruction
de la veine cave par compression par des adénopathies
(histoplasmose, tuberculose), par médiastinite aiguë ou fi-
brosante (nocardiose, tuberculose, actinomycose), par une
thrombophlébite suppurée le plus souvent sur matériel
étranger. La compression par un anévrysme aortique syphi-
litique est actuellement exceptionnelle.
Les maladies systémiques à évoquer devant une thrombose
cave supérieure sont la maladie de Behçet, le syndrome des
antiphospholipides associé ou non à un lupus, la maladie de
Takayasu dans le cadre d’une compression par un ané-
vrysme de l’aorte. Les adénopathies de la sarcoïdose peu-
vent parfois entraîner une compression veineuse. Une infil-
tration histiocytaire dans le cadre des histiocytoses
langerhansiennes ou de la maladie d’Erdheim Chester peut
être responsable d’une sténose de la veine cave supérieure.
Enfin, la survenue d’une thrombose cave supérieure en
dehors d’un contexte pathologique favorisant doit faire
rechercher un état d’hypercoagulabilité : syndrome myélo-
prolifératif, cancer, déficit en facteurs de la coagulation,
hémoglobinurie paroxystique nocturne, hyperhomocystéi-
némie (tableau 2).
Diagnostic
La radiographie thoracique peut objectiver un élargisse-
ment médiastinal, le processus tumoral responsable, un
épanchement pleural associé (le plus souvent chyleux) ou
un aspect d’épanchement péricardique, mais aussi être nor-
male dans 15 à 20 % des cas, notamment en cas de médias-
tinite.
La tomodensitométrie avec opacification veineuse uni-ou
bilatérale :
objective la circulation collatérale intrathoracique, parié-
tale et des plexus vertébraux (apparition, après opacifica-
tion rapide, de structures rondes ou tubulées rehaussées par
le produit de contraste) ;
montre les signes directs d’obstruction (hypodensité in-
traluminale, liseré circulaire dense après bolus correspon-
Figure 2.Œdème majeur en pèlerine.
Tableau 1.Sémiologie du SCS [2]
Dyspnée 79 %
Distension veines du cou 79 %
Œdème du bras 61 %
Œdème de la face 61 %
Toux 59 %
Douleur 20 %
Malaise 15 %
Dysphagie 10 %
Orthopnée 6 %
Hémoptysie 6 %
Comitialité 3 %
Trouble de la parole 3 %
Syncope 3 %
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dant à la vascularisation de la paroi veineuse et tardivement
calcification du thrombus) (figure 3);
précise les anomalies médiastinales causales ;
permet la surveillance des traitements notamment throm-
bolytiques.
L’imagerie en résonance magnétique, avec coupes trans-
verses et frontales ou sagittales :
précise l’extension de la masse médiastinale éventuelle-
ment associée ;
permet de déterminer la nature de la lésion (tumeur et/ou
thrombose) et d’évaluer son extension.
L’échographie transœsophagienne, dont la sensibilité est
supérieure à celle de l’échographie transpariétale, permet le
diagnostic des thromboses sur cathéter central et leur suivi
évolutif. Elle dépiste également l’extension thrombotique
intra-auriculaire.
Ces techniques ont remplacé dans l’analyse initiale la phlé-
bographie. Celle-ci confirme bien évidemment l’obstruc-
tion veineuse, l’étendue de la thrombose et l’importance de
la circulation collatérale mais la tomodensitométrie apporte
plus d’informations. Elle peut rester nécessaire en préopé-
ratoire si un geste chirurgical d’exérèse tumorale ou de
pontage veineux est envisagé. Elle reste utile au cours des
procédures endovasculaires : thrombolyse in situ, mise en
place d’un stent.
Les autres explorations se discutent dans le cadre du bilan
étiologique : fibroscopie bronchique ; biopsie d’un site ac-
cessible (adénopathie) ; ponction transpariétale guidée ;
médiastinoscopie voire thoracotomie [2].
Figure 3. Scanner thoracique : thrombose complète sur sonde de
pacemaker.
Tableau 2.Causes de syndrome cave supérieur
Malignes Bénignes Anomalies hémostase
Tumeurs de voisinage Anévrysme, dissection aortique Polyglobulie
Cancer bronchopulmonaire Goître compressif Hémoglobinurie paroxystique nocturne
Cancer épidermoïde Kyste dermoïde, bronchogénique Hypercoagulabilité « paranéoplasique »
Cancer anaplasique Lymphangiome kystique Déficit en protéines S, C
Adénocarcinome Médiastinite infectieuse aiguë (Nocardia) Déficit en antithrombine III,
Lymphome hodgkinien ou non Médiastinite subaiguë : tuberculose,
histoplasmose, actinomycose, blastomycose,
syphilis
Mutation facteur II, V
Leucémie aiguë lymphoblastique
Médiastinite post-radique, Idiopathique
Hyperhomocystéinémie
Cancer thyroïdien anaplasique
Fibrose (méthysergide)
Homocystinurie
Cancer sein
Thrombose sur cathéter :
Mésothéliome pleural
- dérivation péritonéojugulaire
Métastase (testicule, prostate...)
- shunt ventriculo-atrial
Thymome
- Port-à-cath
Tumeur germinale
- sonde d’entraînement (pacemaker)
Médiastinite post-radique
Cardiomyopathie
Médiastinite néoplasique
Péricardite constrictive, hémorragique
Léiomyosarcome de la VCS
Myxome de l’oreillette droite
Vascularite inflammatoire
Lupus
Maladie de Behçet
Périartérite noueuse
Takayasu
Syndrome des antiphospholipides
Sarcoïdose
Histiocytose
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Traitement
Le traitement repose sur :
les mesures symptomatiques : repos au lit en position
demi-assise, oxygénothérapie ;
l’anticoagulation efficace en l’absence de contre-
indication, les diurétiques en cas de signes congestifs im-
portants ;
les thérapeutiques spécifiques selon l’étiologie : cortico-
thérapie, radio-chimiothérapie, anti-infectieux...
la désobstruction de la veine cave supérieure par voie
chirurgicale ou endovasculaire.
L’indication d’un traitement de reperméabilisation cave
supérieur en urgence dépend de la gravité du tableau clini-
que, en particulier des signes d’œdème cérébral et/ou la-
ryngé, et du délai d’action présumé des thérapeutiques
médicales spécifiques (efficacité rapide de la chimiothéra-
pie sur la masse tumorale dans les lymphomes et les cancers
bronchiques à petites cellules [8]).
Le choix de la technique de reperméabilisation entre la
chirurgie et les techniques endovasculaires n’est pas codi-
fié. La mise en place d’un stent par voie endovasculaire a
prouvé son efficacité rapide dans la reperméabilisation cave
supérieure quelle que soit l’étiologie de l’obstruction avec
des taux de résolution du syndrome cave dépassant 90 %,
en un à sept jours [7-14]. L’abord veineux est fémoral ou
brachial et permet la réalisation non systématique d’une
angioplastie, d’une thrombo-aspiration et/ou d’une throm-
bolyse in situ dans le même temps. Les complications sont
rares : hémorragie en cas de thrombolyse associée, migra-
tion du stent vers l’oreillette droite [14], infection à partir
du point de ponction. Les récidives d’obstruction cave
supérieure surviennent dans4à20%descas, le plus
souvent accessibles à un nouveau geste endovasculaire.
L’efficacité et la tolérance excellente du traitement percu-
tané en font un traitement de première intention du syn-
drome cave supérieur actuellement, qui entraîne une amé-
lioration symptomatique rapide sans retarder ni limiter les
thérapeutiques spécifiques.
La chirurgie permet de lever l’obstruction par la réalisation
d’un pontage (veineux, synthétique ou homogreffe) ou la
mise en place d’une endoprothèse en cas d’envahissement
de la veine par un processus tumoral justifiant une résec-
tion. Elle permet en cas d’incertitude diagnostique la réali-
sation de prélèvements locaux. Ses indications étaient tra-
ditionnellement plutôt réservées aux syndromes caves
supérieurs d’étiologie bénigne [7] mais peuvent se discuter
au cas par cas selon le pronostic de la maladie sous-jacente
et les alternatives thérapeutiques médicales ou endovascu-
laires. Les sténoses ou thromboses de pontages peuvent
bénéficier d’un geste endovasculaire [15].
La prise en charge thérapeutique dépend donc des signes
cliniques de gravité et de l’étiologie de l’obstruction vei-
neuse, et repose sur une approche multidisciplinaire au sein
de laquelle la thérapeutique endovasculaire permet une
amélioration symptomatique rapide.
Le pronostic à court terme est lié aux conséquences de
l’œdème cérébral et laryngé et à l’existence de complica-
tionsassociées(compressiontrachéale,épanchementpleuro-
péricardique). À plus long terme il dépend de l’étiologie,
maligne dans plus de trois quarts des cas.
Références
1. Cihangiroglu M, Lin BH, Dachman AH. Collateral pathways in supe-
rior vena caval obstruction as seen on CT. J Comput Assist Tomogr 2001 ;
25 : 1-8.
2. Wechsler B. Syndromes caves. In : Godeau P, Herson S, Piette J-C, eds.
Traité de Médecine. 2004 ; (4
e
édition chap. 125).
3. Otten TR, Stein PD, Patel KC, Mustafa S, Silbergleit A. Thromboem-
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Chests 2003 ; 123 : 809-12.
4. Parish JM, Marschke RF, Dines DE, et al. Etiologic considerations in
superior vena cava syndrome. Mayo Clin Proc 1981 ; 56 : 407-13.
5. Bern MM, Lokich JJ, Wallach SR, et al. Very low doses of warfarin can
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6. Klerk CP, Smorenburg SM, Buller HR. Thrombosis prophylaxis in pa-
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Intern Med 2003 ; 163 : 1913-21.
7. Kalra M, Gloviczki P, Andrews JC. Open surgical and endovascular
treatment of superior vena cava syndrome caused by nonmalignant di-
sease. J Vasc Surg 2003 ; 38 : 215-23.
Abstract
Superior vena cava syndrome
Superior vena cava syndrome results from abnormal
venous flow from the head, the upper limbs and the
chest to the right atrium. It results in an increase in
venous upstream pressure. There are many causes :
compression or invasion by malignancy or benign
disease, catheter-related thrombosis, blood coagula-
tion disorder, inflammatory disease of the vein. Clinical
presentation depends on the degree of superior vena
cava narrowing and the speed at which it occurs.
Prognosis is related to its aetiology, malignant in more
than 75 % of the cases. Treatment includes anticoagu-
lation if there is no contra-indication, specific therapies
(chemotherapy, radiotherapy, steroids...) and removal
of obstruction by surgery or percutaneous stenting of
the superior vena cava.
Key words: superior vena cava, etiology, percutaneas
stenting
STV, vol. 18, n° 1, janvier 2006 21
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