Dossier - Télécardiologie
Suivi à distance du rythme cardiaque
Arnaud Lazarus
1
, Xavier Laroche
2
, Christine Alonso
1
, Gaël Jauvert
1
1
Clinique Bizet, Paris et Clinique du Val d’Or, Saint-Cloud
2
Biotronik France, 2 rue Nicolas-Ledoux, 94528 Rungis Cedex
Résumé.Les défibrillateurs et stimulateurs cardiaques enregistrent de multiples informations techniques et médicales dont la prise en compte
peut contribuer à optimiser la prise en charge des patients, en particulier si ces données sont portées rapidement à la connaissance des
médecins. Les systèmes de suivi à distance permettent de recueillir des données au quotidien et donc de dépister plus précocément un
événement anormal. Au plan rythmique, ils peuvent notifier la survenue d’arythmies, atriales ou ventriculaires et permettent de surveiller le
rythme cardiaque normal, notamment la fonction chronotrope.
Mots clés : stimulateur cardiaque, défibrillateur, télécardiologie
Abstract. Remote monitoring of cardiac rhythm. Cardiac pacemakers and defibrillators store many technical and medical data that
may help to optimize patient care, especially if these data are quickly reported to physicians. Remote monitoring systems can transmit the data
on a daily basis, thus allowing the early detection of an abnormal event. These systems can notify the occurrence of atrial or ventricular
arrhythmias and allow to monitor the normal cardiac rhythm, in particular the chronotropic function.
Key words: pacemaker, defibrillator, remote monitoring
L
e suivi transtéléphonique repré-
sente la référence historique des
systèmes actuels de surveillance à dis-
tance des prothèses rythmiques im-
plantables, stimulateurs et défibrilla-
teurs. Le médecin réceptionnaire des
données disposait alors d’une bande
ECG de quelques secondes et de la
fréquence de stimulation après appli-
cation d’un aimant sur l’appareil im-
planté, permettant d’estimer le niveau
d’usure de la source d’énergie. Avec
le développement des fonctions de
mémorisation et des mesures automati-
ques faites par les prothèses, le déca-
lage entre la quantité des données stoc-
kées et la pauvreté des informations
transmises est apparu progressivement
inacceptable. L’idée est alors venue de
transmettre le contenu des ces mémoi-
res afin d’obtenir à distance les mêmes
données que celles que l’on collecte à
l’aide du programmateur lors d’une
consultation en face à face.
Plusieurs systèmes existent actuel-
lement, développés par 4 construc-
teurs (Biotronik, Boston Scientific,
Medtronic et Saint Jude Medical),
mais à ce jour seul Biotronik propose
en routine en France, et depuis plu-
sieurs années, son système de télécar-
diologie. Dans tous les cas, le patient
dispose d’un transmetteur à son domi-
cile capable de recevoir les données
de la prothèse et de les transmettre par
un moyen de communication courant
(ligne téléphonique fixe, GSM ou In-
ternet). La transmission se fait soit di-
rectement vers le poste du médecin,
soit vers un serveur sécurisé accessi-
ble par Internet qui assure la sauve-
garde des données, ainsi que l’accès
aux seules personnes autorisées. Les
systèmes se classent en deux types
selon la transmission :
transmission déclenchée par le pa-
tient sur un mode calendaire, permet-
tant la téléconsultation. Les jours et
heures de transmissions autorisés peu-
vent éventuellement être fixés par
l’équipe médicale qui suit le patient.
La transmission se fait soit directement
vers un ordinateur dédié au centre de
suivi, soit vers un serveur accessible
par Internet qui assure la sauvegarde
des données, ainsi que l’accès aux
personnes autorisées ;
doi: 10.1684/mtc.2008.0139
m
t
c
Tirés à part : A. Lazarus
mt cardio 2008 ; 4 (2) : 112-9
mt cardio, vol. 4, n° 2, mars-avril 2008
112
Télécardiologie
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transmission automatique et sans fil permettant une
vérification quotidienne des informations : une fois le
transmetteur installé, le patient n’a aucune action à faire
pour le fonctionnement de ce télésuivi. L’automaticité
permet de transmettre des données plus fréquemment, la
prothèse pouvant également déclencher des transmissions
supplémentaires lorsqu’elle détecte des événements pré-
définis. Le serveur accessible sur Internet devient alors
indispensable car les transmissions peuvent se faire en
dehors des heures prévues. La consultation des données
peut se faire en différé.
Les systèmes automatiques vont se distinguer par la
fréquence et le contenu de la transmission, le type d’évé-
nements détectés et par la facilité d’installation et la mobi-
lité du transmetteur.
Le premier système automatique, la Téléc@rdiologie
de Biotronik est proposé depuis 2001 (figure 1). Les pro-
thèses, équipées d’une antenne, transmettent leurs
données sur la bande radio MICS (Medical Implant Com-
munication System) dans un rayon de 3 mètres. Le trans-
metteur appelé CardioMessenger fait suivre les données
par les réseaux de téléphonie mobile sous forme de SMS
ou MMS cryptés. Les informations parviennent à un Centre
de Service situé à Berlin où elles sont automatiquement
décryptées et analysées. Ce centre conserve les données
pour la visualisation sur Internet et peut déclencher une
notification automatique (courriel, SMS ou fax) si un évé-
nement technique ou médical prédéfini pour lequel le
médecin rythmologue a souhaité être alerté survient.
La Téléc@rdiologie de Biotronik est le système le plus
utilisé en Europe, il est disponible pour les stimulateurs
double chambre, les défibrillateurs et les resynchronisa-
teurs (avec ou sans fonction de défibrillation). Depuis ses
débuts, plus de 100 000 patients dans le monde, ont reçu
une prothèse « communicante », et 25 000 patients sont à
ce jour suivis quotidiennement, dont 3 100 en France
(figure 2). Les patients français ont pour 15 % d’entre eux
un appareil resynchronisateur pour traiter leur insuffisance
cardiaque, le reste de la population se répartissant pour
moitié entre stimulateurs et défibrillateurs (figure 3).
Liste des abréviations
ECG : électrocardiogramme
GSM : global system for mobile communication
MMS : multimedia message service
SMS : short message service (texto)
Dispositif
implantable actif CardioMessenger Réseaux de téléphonie mobile
Centre de Services
de BIOTRONIK
Notification des événements
et visualisation par Internet
Figure 1.Dans la télécardiologie, la prothèse transmet ses informations à un boîtier externe, confié au patient, qui les expédie via les réseaux
de téléphonie mobile vers un centre informatique mondial sécurisé où elles sont automatiquement décryptées et mises en ligne dans le dossier
électronique du patient accessible au centre de rythmologie en charge du malade.
Patients suivis par Téléc@rdiologie en France (cumul)
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
4 000
4 500
5 000
01/12/2001
08/08/2002
15/04/2003
21/12/2003
27/08/2004
04/05/2005
09/01/2006
16/09/2006
24/05/2007
29/01/2008
Figure 2.Evolution du nombre de patients suivis par télécardiologie
en France.
Répartition des patients suivis en France
Stimulateurs
42
%
Défibrillateurs
43
%
Resynchronisateurs
15
%
Figure 3.Répartition des patients suivis par télécardiologie en
France.
mt cardio, vol. 4, n° 2, mars-avril 2008 113
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Suivi du rythme cardiaque normal
Assurer un bon suivi rythmique nécessite comme préa-
lable une excellente qualité de détection de l’activité
atriale ou ventriculaire. L’amplitude des signaux cardia-
ques spontanés est ainsi vérifiée quotidiennement par la
prothèse qui pourra générer un message d’alerte en cas de
marge de détection ou d’amplitude du signal insuffisante.
160
140
120
100
80
60
Fréquence cardiaque [cpm]
40
> 160
< 40
Temps (semaines)
43/07
45/07
46/07
47/07
48/07
49/07
50/07
51/07
52/07
01/08
02/08
03/08
04/08
05/08
06/08
07/08
08/08
09/08
10/08
11/08
12/08
13/08
14/08
15/08
16/08
25/04/08
Fréquence vent. moyenne [cpm] Fréquence ventriculaire moyenne au repos [cpm]
– Fréquence de base progr. [cpm]
Fréquence vent. moyenne
La figure affiche les valeurs moyennes par semaine pour les fréquences cardiaques, les valeurs en fin de
semaine pour la fréquence de base
Figure 4. Suivi au quotidien de la fréquence cardiaque moyenne, par 24 h, dans son intégralité (cercles) ou uniquement au repos (losanges).
70
50
60
40
30
20
10
Variabilité PP [ms]
0
Temps (semaines)
43/07
45/07
46/07
47/07
48/07
49/07
50/07
51/07
52/07
01/08
02/08
03/08
04/08
05/08
06/08
07/08
08/08
09/08
10/08
11/08
12/08
13/08
14/08
15/08
16/08
25/04/08
Variabilité de la fréquence cardiaque
La figure affiche les valeurs moyennes par semaine
Variabilité PP [ms]
Figure 5. Evolution de la variabilité de fréquence cardiaque chez un patient traité par resynchronisation et répondeur au traitement.
Suivi à distance du rythme cardiaque
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Fréquence ventriculaire moyenne
La figure affiche les valeurs moyennes par semaine
Fréquence ventriculaire [cpm]
Fréquence ventriculaire [cpm]
Temps (mois)
> 156
< 30
04/04
05/04
06/04
07/04
08/04
09/04
10/04
11/04
12/04
01/05
02/05
03/05
29/03/05
BIOTRONIK Suivi Suivi Suivi
RR activation
156
130
110
90
70
50
30
Figure 6. Incompétence chronotrope totale avec une fréquence cardiaque moyenne identique à la fréquence de base de stimulation,
programmée à 70/min. Lors d’une visite de suivi (triangles rouge), l’asservissement de fréquence cardiaque est mis en route (RR activation),
redonnant un peu de dynamique à la fréquence cardiaque moyenne quotidienne.
18/09/06
0
10
20
30
40
50
60
Nb. d'épisodes CM
> 60
0
10
20
30
40
50
60
Nb. d'épisodes CM
> 60
0
Suivi Suivi
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
CMDur
CMDur
CMDur
CMDur
Durée épis. comm. de mode [%]
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Durée épis. comm. de mode [%]
20/09/06
22/09/06
24/09/06
26/09/06
28/09/06
30/09/06
02/10/06
04/10/06
06/10/06
08/10/06
10/10/06
12/10/06
14/10/06
16/10/06
18/10/06
14/10/06
16/10/06
18/10/06
20/10/06
22/10/06
24/10/06
26/10/06
28/10/06
30/10/06
01/11/06
03/11/06
05/11/06
07/11/06
09/11/06
11/11/06
13/11/06
Suivi
BIOTRONIKBIOTRONIK
Episodes de commutation de mode Episodes de commutation de mode
Nb. d'épisodes CM / 24 h
Durée des épisodes de commutation de mode / 24 h [%]
Nb. d'épisodes CM / 24 h
Durée des épisodes de commutation de mode / 24 h [%]
Temps (jours) Temps (jours)
Figure 7. Commutation de mode de stimulation en réaction à un diagnostic de fibrillation atriale (tracé de gauche). Trois jours après,
l’instauration d’un traitement antiarythmique, en complément du traitement antithrombotique, rétablit le rythme sinusal et la télécardiologie
permet de suivre son efficacité avec absence de récidive dans les semaines qui suivent (tracé de droite).
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Pré-fin
Préclassification
VG
0 1:48:00 1:48:01 1:48:02
Témps (secondes)
Témps (secondes)
1:48:03 1:48:04 1:48:05
VD
A
VG
VD
A
mV
Vs
Vp
VGp
VGp
VGp
VGp
VGp
VG
BIOTRONIK
-6 -5 -4 -3 -2 -1 0
VD
A
mV
CM DDT
NS: 60403935
Episode: 15
ATP en TV/FV: 0
ATP One Shot: NON
Chocs: 0
As
280
AFib
A
VD
VG
352
AFib
344
VGp
VGp
VGp
Classification AMon
AFlut
367
TV1
359
Vs
375
AFlut
359
AFlut
359
AFlut
359
Vs
375
Vs
578
Vs
789
Vs
508
Vs
414
Afib
367
Afib
359
Afib
352
AFlut
352
AFlut
367
AFlut
367
Ars
280
As
295
Ars
280
As
288
Ars
280
As
288
Ars
272
As
288
As
295
Ars
264
As
375
Ars
156
As
227
As
250
Ars
219
As
664
As
742
As
1336
As
438
Ars
264
Ars
272
Ars
272
Ars
288
Ars
272
Ars
288
Ars
272
Ars
280
Ars
264
Ars
280
Ars
280
Ars
280
Ars
272
Ars
272
Ars
272
Ars
280
Ars
272
Ars
272
Ars
272
Ars
280
Ars
295
BIOTRONIK
Figure 8. Arythmie atriale identifiée et notifiée au centre de stimulation avec électrogrammes télétransmis, confirmant le diagnostic d’arythmie
dont la durée totale atteint 1 h 48 min. La fibrillation auriculaire s’est accompagnée d’une perte de la resynchronisation biventriculaire en raison
d’une conduction plus rapide par la voie nodo-hisienne (activité ventriculaire spontanée). Lignes du haut : marqueurs de détection atriaux (A),
et ventriculaires droits (VD) et gauches (VG) ; lignes du bas : électrogrammes endocavitaires atriaux (A), et ventriculaires droits (VD) et gauches
(VG).
Suivi à distance du rythme cardiaque
mt cardio, vol. 4, n° 2, mars-avril 2008
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Télécardiologie
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017.
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