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INTRODUCTION
Depuis maintenant deux décennies, le Rapport de l’UNESCO
sur la science dresse à intervalles réguliers le tableau de la
science, de la technologie et de l’innovation (STI) dans le
monde. Comme la STI n’évolue pas en vase clos, cette dernière
édition fait le point des évolutions survenues depuis 2010
par rapport aux tendances socioéconomiques, géopolitiques
et environnementales qui ont influé sur les politiques et la
gouvernance actuelles en la matière.
Plus de 50 experts ont contribué au présent rapport, chacun
couvrant sa région ou son pays. Un rapport publié tous les
cinq ans offre l’avantage de se concentrer sur les tendances
à long terme, plutôt que de s’enfermer dans des descriptions
de fluctuations annuelles à court terme qui, s’agissant des
politiques et des indicateurs de la science et de la technologie,
sont rarement éclairantes.
PRINCIPAUX FACTEURS INFLUANT SUR
LES POLITIQUES ET LA GOUVERNANCE
DE LA STI
Les événements géopolitiques ont remodelé la science
dans nombre de régions
Les cinq dernières années ont été marquées par des
changements géopolitiques majeurs qui ont eu des
incidences importantes pour la science et la technologie:
pour n’en citer que quelques-uns, le printemps arabe en 2011,
l’accord sur le nucléaire avec l’Iran en 2015, et la création de
la Communauté économique de l’Association des nations de
l’Asie du Sud-Est (ANASE) en 2015.
À première vue, bon nombre de ces événements n’ont que
peu de rapports avec la science et la technologie, mais
leur impact indirect a souvent été significatif. En Égypte, la
politique scientifique a évolué considérablement depuis le
printemps arabe. Le nouveau gouvernement considère la
poursuite de l’économie du savoir comme étant le meilleur
moyen de s’atteler à un moteur de développement efficace.
La Constitution adoptée en 2014 prescrit à l’État d’allouer
1% du PIB à la recherche-développement (R&D) et dispose
que «l’État garantit la liberté de la recherche scientifique et
encourage ses institutions, considérées comme un moyen
de consolider la souveraineté nationale et de construire
une économie du savoir qui soutient les chercheurs et les
inventeurs» (chapitre 17).
Les scientifiques tunisiens jouissent de libertés académiques
accrues et s’emploient à nouer des liens internationaux
plus étroits. La Libye, au contraire, est confrontée à une
insurrection partisane, n’offrant guère d’espoir d’un
relèvement rapide de la science et de la technologie. La
Syrie est en proie à la guerre civile. La porosité des frontières
politiques résultant des soulèvements du printemps arabe
a, dans le même temps, permis à des groupes terroristes
opportunistes de prospérer. Ces milices d’une extrême
violence menacent la stabilité politique, mais compromettent
aussi les aspirations nationales à une économie du savoir, car
elles sont intrinsèquement hostiles à l’éducation en général,
et à l’éducation des filles et des femmes en particulier. Cet
obscurantisme étend aujourd’hui son emprise jusqu’au
Nigéria et au Kenya au sud (chapitres 18 et 19).
Dans le même temps, des pays sortant d’un conflit armé
modernisent leur infrastructure (chemins de fer, ports, etc.)
et promeuvent le développement industriel, la durabilité à
l’égard de l’environnement et l’éducation afin de faciliter la
réconciliation nationale et de relancer l’économie, comme on
le voit en Côte d’Ivoire et à Sri Lanka (chapitres 18 et 21).
L’accord sur le nucléaire conclu en 2015 pourrait être un
tournant pour la science en Iran mais, comme le note le
chapitre 15, les sanctions internationales ont déjà incité
le régime à accélérer la transition vers une économie du
savoir, afin de compenser la perte de revenus du pétrole
et l’isolement international en développant les produits
et processus locaux. L’apport de capitaux résultant de la
levée des sanctions devrait offrir au gouvernement une
opportunité de renforcer son investissement dans la R&D, qui
ne représentait que 0,31 % du PIB en 2010.
L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) entend
pour sa part transformer cette vaste région en un marché et
une base de production communs avec la création à la fin de
2015 de la Communauté économique de l’ANASE. La levée
prévue des restrictions aux mouvements transfrontières des
personnes et des services devrait favoriser la coopération
scientifique et technologique et renforcer ainsi le pôle de
connaissances Asie-Pacifique en train d’émerger. La mobilité
accrue du personnel qualifié devrait être un bienfait pour
la région et accroître le rôle du Réseau d’universités de
l’ANASE, qui compte désormais 30 membres. Dans le cadre
du processus de négociation relatif à la Communauté
économique de l’ANASE, chaque État membre peut marquer
sa préférence pour un champ de recherche particulier. Le
Gouvernement de la République démocratique populaire du
Un monde en quête d’une stratégie de
croissance efficace
Luc Soete, Susan Schneegans, Deniz Eröcal, Baskaran Angathevar et Rajah Rasiah