
dable en pratique actuellement. Une étude multicentri-
que française devrait démarrer prochainement pour
tenter de répondre à cette question. Dans l’attente de
ses résultats, cette stratégie semble mériter d’être dis-
cutée au cas par cas dans le cadre d’une approche
multidisciplinaire.
Patients ayant une maladie psychiatrique
L’existence de troubles psychiatriques préexistants est
une raison fréquemment invoquée pour ne pas initier le
traitement antiviral et la conférence de consensus fran-
çaise qui s’est tenue en 2002 [33] est restée très
prudente à cet égard. Plusieurs études [34-36] ont
pourtant rapporté la possibilité de traiter par interféron
des malades atteints de troubles psychiatriques, sans
risque accru de développer des complications neurop-
sychiatriques ou d’interrompre le traitement. Ainsi
Schaefer et al. [35] ont comparé l’observance et les
effets secondaires psychiatriques d’un traitement par
interféron et ribavirine chez des malades ayant des
contre-indications psychiatriques classiques à l’interfé-
ron (maladies psychiatriques sévères : dépression,
anxiété majeure, schizophrénie, toxicomanie active ou
récente) par rapport à des patients contrôles (aucun
trouble psychiatrique actuel ou passé). Les résultats en
termes de réponse virologique et d’incidence de
dépression ne différaient pas entre les groupes. Cepen-
dant, dans le groupe des malades psychiatriques,
l’utilisation d’antidépresseurs était significativement
plus fréquente. Aucun malade n’a été obligé d’inter-
rompre le traitement en raison d’une aggravation de
son état psychiatrique. En revanche, dans le groupe
des malades ayant des antécédents de toxicomanie,
les taux d’arrêt de traitement étaient significativement
plus élevés (43 % versus 13 à 18 % dans les autres
groupes). Cependant, dans une étude rétrospective
américaine [30], les malades ayant une affection psy-
chiatrique préalable au traitement avaient significative-
ment plus d’effets secondaires que les autres (68 %
versus 29 %, p = 0,02). Des effets secondaires psy-
chiatriques majeurs étaient observés chez 24 % des
malades, avec une fréquence accrue, bien que non
significative, dans le groupe de malades ayant une
affection psychiatrique préalable. L’ensemble de ces
données suggère qu’un traitement antiviral est envisa-
geable chez les malades ayant des antécédents psy-
chiatriques ou une maladie psychiatrique évolutive. Le
traitement antiviral devrait cependant être réservé en
priorité aux malades dont la sévérité de la maladie
hépatique le justifie. Il est bien sûr nécessaire dans ces
cas, de s’assurer au préalable de la stabilité de la
maladie psychiatrique, d’informer le malade et son
entourage des risques encourus et d’effectuer une sur-
veillance psychiatrique régulière pendant toute la
durée du traitement antiviral dans le cadre d’une col-
laboration multidisciplinaire étroite entre hépatologue,
psychiatre et médecin généraliste.
Quelle surveillance psychiatrique
au cours du traitement antiviral ?
Nécessité d’une prise en charge
pluridisciplinaire
Le traitement de l’hépatite chronique C est un traitement
long et pénible mais son initiation est rarement urgente.
Sa mise en route nécessite donc au préalable une
bonne coordination entre les différents acteurs impli-
qués : hépatologue ou interniste, addictologue et
médecin généraliste. Le recours à un psychiatre doit
être discuté lorsqu’il existe des symptômes préoccu-
pants justifiant un traitement spécifique, à condition
que le patient en accepte le principe et que le rendez-
vous proposé ne soit pas trop lointain.
Rythme et nature
La vigilance doit être maximale durant les trois pre-
miers mois de traitement. Une consultation systémati-
que avec le spécialiste 1 mois après le début du
traitement antiviral semble souhaitable car elle permet
de faire le point avec le patient (et son conjoint ou son
entourage, si possible) sur l’existence de symptômes
d’alerte (irritabilité importante, insomnies, idées noi-
res) et le cas échéant d’adapter les doses du traitement
antiviral en fonction de la tolérance clinique mais aussi
biologique (neutropénie ou anémie). Une nouvelle éva-
luation au troisième mois de traitement nous semble
indispensable. La survenue de troubles, passée cette
période, est encore possible mais beaucoup moins
probable (moins de 15 % dans notre expérience). En
outre, la connaissance de la réponse virologique pré-
coce est un élément clé de la motivation du patient pour
la poursuite du traitement antiviral. L’absence de
réponse virologique précoce peut conduire dans cer-
tains cas à l’arrêt du traitement antiviral chez un patient
ayant été préalablement préparé à cette éventualité
lors de l’initiation. Dans l’intervalle, un suivi mensuel
par le médecin généraliste est souhaitable. Celui-ci doit
bien sûr être informé des symptômes d’alerte (irritabi-
lité importante, insomnies, idées noires) qui peuvent
conduire à prendre un avis spécialisé.
Situations psychiatriques
nécessitant une modification
ou un arrêt du traitement antiviral
En cas de survenue de troubles de l’humeur, le traite-
ment antiviral, en particulier l’interféron, peut être
poursuivi en l’absence de signes de sévérité
(tableau 2). Une diminution des doses peut être propo-
Hépato-Gastro, vol. 13, n° 2, mars-avril 2006 95
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