Congrès L’approche bio-dynamique de la vigne – 10 et 11 mars 2011 – Maison de l’Agriculture Bio-Dynamique – www.bio-dynamique.org
Feuilles et fleurs et/ou vrilles alternent tout le long du sarment avec un rythme particulier. Fleurs et vrilles sont
homologues – on peut souvent avoir des organes intermédiaires mi inflorescence mi vrille. Qu’est-ce que cela
signifie ? La vrille est un organe végétatif très sensible lié à la terre dans le sens où il se fixe sur des objets solides au
lieu de s’ouvrir en surface recevant la lumière comme la feuille. Encore un geste « terrestre ». Elle reste aussi très
embryonnaire au début ce qui lui laisse cette grande souplesse et sensibilité. Et la fleur qui est homologue a donc
aussi ce geste « terrestre », ce qui est confirmé par la particularité des fleurs qui, au lieu d’être au sommet de la tige
ou d’émerger au-dessus des feuilles, restent dans le domaine foliaire. En plus, au lieu de former des organes
« dévitalisés » colorés comme les pétales colorés des fleurs s’ouvrant en coupe vers le ciel, les fleurs de vigne sont
couvertes d’un capuchon verdâtre (les pétales) qui s’ouvre à la base et tombe à la floraison laissant la fleur nue avec
seulement étamines et pistil. La fleur reste un organe fortement marqué par le caractère végétatif à l’exception de son
parfum qu’il faudrait caractériser de manière précise pour en découvrir la spécificité.
La forme des feuilles – nous l’avons vu – est plutôt typique d’une plante très végétative de milieu humide et riche.
Cependant les formes varient d’un cépage à l’autre. Ces observations peuvent être intéressantes pour comparer les
différents cépages et les porte-greffes et trouver leur adéquation aux différents climats. On constatera que de
nombreux porte-greffe américains modernes ont des feuilles très peu formées, donc très végétatives.
La formation des fruits, des baies est aussi particulière car il y a deux phases : phase de grossissement du fruit vert
puis phase de maturation. Le raisin est un fruit qui garde un caractère très végétatif, vert, par sa forte teneur en eau,
sa très brève durée de conservation. Il a tendance à pourrir déjà sur pied. Je suis aussi toujours surpris à quel point il
s’agit d’un fruit « froid » : par exemple si l’on fait une cure de raisin on constate que cela est très agréable par temps
chaud mais pas par temps froid car on a l’impression que le raison nons refroidit encore plus. Ce sont là des
caractères que l’on trouve en général plutôt sur des fruits de printemps ou d’été (cerises, prunes, fraises) qui se
forment avec le courant végétatif printanier. Au contraire en général les fruits d’automne sont plutôt marqués par le
courant floral de dévitalisation qui forme des fruits plutôt fermes, denses (marqués par le caractère ligneux) et
pérennes (en particulier les pommes, coings, etc.).
Ce caractère végétatif conservé du raisin (le raisin ne parait jamais totalement mur) permet peut-être de comprendre
le fait que souvent on le transforme soit en passant par la vinification qui est vraiment une sorte de post-maturation
qui a lieu grâce à des levures entre autres (c’est-à-dire des champignons, organismes très terrestres) qui permet de
libérer de nombreux arômes présents en potentiel dans le raisin ou sous forme de raisins secs de Corinthe, etc.
Un aspect à observer précisément et à mieux comprendre est l’aoutement qui a lieu en fin d’été : simultanément, les
raisins murissent et le bois se densifie, se lignifie ; En même temps également, les bourgeons qui donneront les tiges
de l’année suivante se forment et se condensent. C’est la phase par laquelle la vigne, plante extrêmement végétative,
toujours en pleine exubérance végétative, se condense, se concentre,… A ce stade même les vrilles deviennent
ligneuses.
Cette esquisse de geste de la vigne (qu’il conviendrait d’affiner et de développer en détail) permet de comprendre qu’il
s’agit d’une plante chez laquelle le processus végétatif (foliaire) est particulièrement puissant et non retenu par le
processus floral. On peut comprendre qu’il s’agit d’une plante très sensible aux maladies cryptogamiques qui viennent
compenser/remplacer le rôle dévitalisant de la fleur, faible chez la vigne. Les observations précises de la morphologie
de la plante, la recherche de porte-greffe et cépages adaptés peuvent permettre d’anticiper de nombreuses attaques
souvent liées à un excès de force végétative.
La plante n’est pas un objet
Ainsi, les indications de Rudolf Steiner, qui peuvent surprendre au premier abord, ne sont pas à prendre comme des
dogmes mais plutôt à utiliser comme des incitations à une observation nouvelle, plus large, avec des points de vue
différents.
Cette approche a l’ avantage de nous aider à créer un lien précis avec la plante qui n’est plus un objet – avec un
objet, on a toujours une relation uniquement utilitaire, on s’en sert et on le jette quand on n’en a plus besoin - mais
bien un être avec lequel on peut se sentir relié et qu’on perçoit dans son processus de vie au cours de l’année. C’est
justement de ce lien dont on a besoin pour comprendre la vigne et l’accompagner par les pratiques culturales au cours
de l’année. C’est en effet en anticipant, en vivant avec la vigne que l’on pourra le mieux la cultiver.
Jean-Michel Florin
ALLER PLUS LOIN
Ouvrages sur l’approche goethéenne des plantes :
- L’homme et les plantes médicinales. W. Pelikan, Ed. Triades.
- Hors-série Biodynamis 2003, comprendre le vivant.
- Plantes et paysages, J. Bockemühl et K. Jarvinen, Ed. MCBD 2010.
- Bauer D. les énigmes du végétal. Ed. MCBD 2010.
- Escriva C. et Florin J.-M. Rencontrer les plantes, Ed. Amyris (à paraitre printemps 2011)
Stages sur l’approche goethéenne des plantes :
- Mouvement de culture biodynamique 5 place de la gare 68000 Colmar tél 03.89.24.36.41 site : www.bio-dynamie.org
- Association Hélichryse, La Commanderie, 06750 Valderoure, tél./fax : 04.93.60.39.63.