BASES BIOLOGIQUES DE LA CARDIOLOGIE
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1. Tournant historique : les racines
de la physiologie cardiovasculaire
Il est important en matière scientifique de ne pas trop faire le malin. Les
découvertes contemporaines n’ ont été rendues possibles que parce que depuis
plus de 2 000 ans des scientifiques de toutes disciplines ont travaillé et résolu
une foultitude de problèmes qui nous semblent évidents maintenant. S’ il a fallu
1 000 ans pour trouver le vrai sens de circulation du sang, c’ est que la découverte
d’ Harvey supposait résolues non seulement d’ autres équations scientifiques, mais
aussi d’ innombrables préjugés religieux ou culturels. Y avait qu’ à ! Facile à dire…
après ! Ce chapitre fait un point rapide et forcément incomplet sur l’ histoire de
la physiologie cardiovasculaire. La dernière partie délimite les pistes suivies par
la science physiologique en 2004, le lecteur notera que cette partie ne comporte
pas de noms propres… à dessein, il est toujours dangereux d’ immortaliser des
personnes vivantes !
1.1 LA PÉRIODE ANATOMOPHYSIOLOGIQUE :
DÉCOUVERTE DE LA « CIRCULATION »
La circulation et le rôle du cœur étaient connus bien avant le mouvement
scientifique du e siècle. Pendant longtemps, les physiologistes scolastiques et
ceux de la Renaissance avaient adopté comme un credo, au sens presque théo-
logique du terme d’ ailleurs, le schéma de Galien (tableau I.1) [Rothschuh 1973,
Vignais 2001]. Pour comprendre ce schéma surprenant, il faut se souvenir qu’ à
l’ époque l’ oxygène et le rôle du poumon étaient inconnus, que l’ énergie était un
« flux vital » et que, détail important, pour Galien le septum était perméable.
Le sang est fabriqué dans le foie d’ où il diffuse vers la périphérie qu’ il nourrit.
Une portion du sang va vers les poumons, l’ autre va vers le cœur gauche grâce
au flux transseptal. Le sang gauche réchauffé et rempli d’ « esprit vital » atteint
la périphérie et communique avec les veines grâce à des anastomoses. Galien
connaissait les deux circulations, la contraction automatique du myocarde, dont il
avait déjà identifié la nature musculaire, mais il se trompait sur le sens de la circu-
lation qui était, pour lui, majoritairement excentrique par rapport au myocarde.
C’ est à un Égyptien, Ibn an-Nafis (1205-1288), que l’ on doit la découverte de
la petite circulation et de l’ imperméabilité du septum, laquelle fut confirmée par
l’ Espagnol Michael Servetus, une des victimes de l’ Inquisition, et par l’ Italien
Matteo Colombo. Les capillaires furent découverts par Malpighi en 1661 et les
valves veineuses par Canano en 1546. Le mot « circulatio » fut inventé en 1571 par
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