côté des corticoïdes et des immunosuppresseurs,
des thérapeutiques plus adaptées aux différentes
phases physiopathologiques de la sclérose en
plaques sont maintenant proposées. Elles visent à freiner, voire
à interrompre la cascade d’événements intervenant depuis
l’ouverture de la barrière hémato-encéphalique jusqu’à la phase
de démyélinisation : les interférons βet le copolymère repré-
sentent les chefs de file de ces immunomodulateurs.
Mais la démyélinisation n’est pas isolée, car les axones sont
eux aussi affectés à des degrés différents selon les plaques.
Contrairement aux idées classiquement enseignées, elle
apparaît précocement durant la phase active de l’inflamma-
tion (1). Actuellement, cette notion est mise au premier plan
pour utiliser précocement ces immunomodulateurs afin de
freiner la survenue du handicap directement lié à cette atteinte
axonale.
RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE
SUR LA SCLÉROSE EN PLAQUES
Même si rien ne prouve qu’ils soient déterminants dans la
physiopathologie de la sclérose en plaques, les lymphocytes T,
activés par un facteur environnemental probablement viral, et
programmés vis-à-vis de certains épitopes myéliniques, vont
franchir la barrière hémato-encéphalique et contribuer aux
phénomènes inflammatoires et démyélinisants responsables de
la symptomatologie clinique. En contact avec la barrière hémato-
encéphalique, les lymphocytes ralentissent leur course et vont
d’abord “rouler” sur la paroi endothéliale. Cette première étape
est médiée par des molécules présentes à la fois sur les lympho-
cytes et les cellules endothéliales appartenant au groupe des sélec-
tines, notamment la L-sélectine. Les lymphocytes vont ensuite
s’arrêter par l’intervention du platelet activating factor (PAF) et
du C5a. Ils vont adhérer et migrer à travers la barrière hémato-
encéphalique. Cette troisième phase est due à un autre groupe de
molécules d’adhérence : les intégrines, présentes sur les lym-
phocytes comme le LFA-1 (leucocyte function associated anti-
gen-1) ou le VLA-4 (very late activation antigen-4) et la paroi
endothéliale comme l’ICAM-1 (intercellular adhesion molecule-
1) ou le VCAM-1 (vascular cell adhesion molecule-1).
La barrière hémato-encéphalique perd donc ses propriétés spé-
cifiques et devient perméable (par ouverture des jonctions ser-
rées). L’adhésion du lymphocyte à la cellule endothéliale active
cette modification par l’expression des molécules d’adhérence,
soit directement, soit, vraisemblablement, indirectement par la
production d’une ou plusieurs cytokines pro-inflammatoires
(IL-1,IFNγ,TNFα) sécrétées par les cellules mononucléées ou
endothéliales et les astrocytes. Les lymphocytes produisent éga-
lement des enzymes comme la gélatinase IV du groupe des
métalloprotéinases pour ouvrir la membrane basale et pénétrer
dans le système nerveux central. Les métalloprotéinases sont
des enzymes matricielles qui, outre leur fonction de clivage des
jonctions serrées, auraient comme rôle de faciliter la migration
des cellules immunitaires dans le parenchyme cérébral, de
potentialiser l’attaque immunitaire et de cliver la protéine
basique de la myéline. Les chémokines, cytokines chémo-
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 10 - décembre 2001
179
PHARMACOLOGIE
Immunomodulateurs dans la sclérose en plaques
Immunomodulators in multiple sclerosis
!
P. Hautecœur*
* Service de neurologie, hôpital Saint-Philibert, 59462 Lomme Cedex.
RÉSUMÉ.
La cause de la sclérose en plaques est inconnue, mais plusieurs éléments permettent d’affirmer qu’un mécanisme immunologique
est à l’origine des lésions démyélinisantes. La connaissance de plus en plus précise des événements conduisant à la démyélinisation et à la
perte axonale, résumés dans cet article, explique les stratégies immunomodulatrices actuelles dès la phase précoce de la sclérose en plaques.
Cet article passe en revue les mécanismes d’action et les résultats publiés des essais cliniques conduits avec les deux principaux immuno-
modulateurs : les interférons et le glatiramer acétate.
Abstract.
While the cause of multiple sclerosis is uncertain, several lines of evidences point toward an immunopathological mechanism
in the generation of the demyelinated lesions. Increased understanding of immunological events leading to demyelination and axonal loss,
summarized in this paper, explain the actual immununomodulatory strategies at earlier stage of multiple sclerosis. The present paper reviews
the mechanisms of action and the published results from the clinicals trials conducted with the two principal immunomodulators : interferons
and glatiramer acetate.
À
attractantes, vont également favoriser cette mobilisation des
cellules immunes vers leurs cibles. Dans la sclérose en plaques,
il existe une augmentation significative des chémokines
RANKES et MIP1αpar surexpression de leurs récepteurs
CCRT. Chémo-attractantes, elles sont également immunomo-
dulatrices en influençant le phénotype TH de type TH1 ou TH2.
L’expression des molécules d’adhérence ouvre la barrière
hémato-encéphalique aux lymphocytes T activés et aux macro-
phages potentiellement pathogènes suivis des autres cellules
inflammatoires. L’oligodendrocyte et/ou la myéline apparais-
sent comme leurs cibles privilégiées.
Trois phases vont se succéder : inflammation, démyélinisation,
cicatrisation et/ou remyélinisation.
L’inflammation intervient dans l’apparition de certains signes
cliniques et peut même parfois résumer la symptomatologie.
Durant cette phase, est notée une importante production de cyto-
kines comme l’IFNγ, l’IL-6 et le TNFα. L’action des bolus de
corticoïdes s’explique en partie par leurs effets anti-inflamma-
toires. À l’intérieur du système nerveux central, les lympho-
cytes T vont retrouver l’antigène sur les cellules microgliales,
exprimant de manière anormale des antigènes HLA de classe
II. Ces cellules vont alors libérer des cytokines qui augmentent
la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique et accélè-
rent le passage des cellules inflammatoires responsables de la
survenue de nouvelles lésions.
Le complexe trimoléculaire lymphocyte T, par l’intermédiaire
des chaînes αet βdu TCR – cellules microgliales ou cellules
présentatrices de l’antigène (CPA) exprimant les antigènes HLA
de classe II – cytokines va initier les lésions de démyélinisa-
tion (figure 1).
Les antigènes CD4 et CD3 (molécules accessoires) expri-
més sur la membrane du lymphocyte T sont indispensables
à l’adhésion du lymphocyte à la CPA (macrophage dans le
sang, cellule microgliale dans le système nerveux central).
D’autres molécules accessoires interviennent, comme l’an-
tigène B7 sur la cellule présentatrice de l’antigène et son
ligand, l’antigène CD28 sur le lymphocyte. Des anticorps
monoclonaux peuvent ainsi bloquer l’activation du lym-
phocyte T. La réaction immunitaire s’exerce sur l’oligo-
dendrocyte et/ou la myéline, soit directement par l’inter-
médiaire des lymphocytes T cytotoxiques et/ou des
macrophages, soit indirectement par l’intermédiaire des
cytokines, notamment le TNFα. Le lymphocyte T va coopé-
rer avec le lymphocyte B autoréactif pour la production
d’autoanticorps antimyéline et/ou oligodendrocyte. On peut
supposer que ce lymphocyte T va également activer la cyto-
toxicité des lymphocytes T CD8+. Le lymphocyte T auto-
réactif, par l’intermédiaire d’IFNγ,va activer des cellules
de la microglie et stimuler leur production de TNFα,pro-
téases, Fas ligand CD95, radicaux libres. La phase aiguë
s’achève, conduisant à une récupération plus ou moins com-
plète. Plusieurs hypothèses sont avancées pour l’expliquer :
la sécrétion de cytokines comme l’IL-10 ou le TGFβ,
l’apoptose des lymphocytes autoréactifs ou la stimulation
de lymphocytes T suppresseurs. La prolifération astrocy-
taire est pour une part responsable des séquelles. Or, il existe
dans le système nerveux central adulte un potentiel de
remyélinisation basée sur la sécrétion de certains facteurs
de croissance. Ces facteurs neurotropes sont sécrétés dès la
phase de l’inflammation, qui pourrait jouer un rôle béné-
fique dans la réparation. Un espoir raisonnable de manipu-
lation pharmacologique est donc envisageable, afin d’évi-
ter la sclérose par la prolifération astrocytaire en privilégiant
la survie des oligodendrocytes par le PDGF (platelet deri-
ved growth factor), le CNTF ou même l’IGF1 (insulin
like growth factor).
VERS L’IMMUNOMODULATION
Ce rappel physiopathologique permet de résumer les différentes
thérapeutiques actuelles ou en perspective dans la sclérose en
plaques.
"Modulation des lymphocytes CD4+ dans le compartiment
sanguin : IFNβ.
"Action sur la barrière hémato-encéphalique : anticorps (Ac)
antimolécules d’adhésion, IFNβ,modulateurs des chémokines
et inhibiteurs des métalloprotéinases.
"Manipulations du complexe trimoléculaire (figure 2).
– suppression sélective des lymphocytes T autoréactifs
(vaccination par manipulation de lymphocytes autoréactifs,
vaccination anti-TCR, Ac anti-Vb-TCR), neutralisation des
molécules accessoires, diminution de l’expression des antigènes
du système HLA II : IFNβ), tolérance par voie orale (myéline
bovine : étude de Weiner négative, antigènes mutés [APL]
ou compétition avec la protéine basique de la myéline :
copolymère).
"Modulation des cytokines :
– renforcer les bonnes (IL-4, IL-10, TGFβ,IFNβ,copolymère) ;
180
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 10 - décembre 2001
PHARMACOLOGIE
Figure 1. Le complexe trimoléculaire.
Démyélinisation
TCR HLA II
CD 28
IL-2 B7
NO
CD4
Lymphocyte T
Cellule microgliale
Radicaux
libres
Protéase
TNFα
IFNγ
Complément
CD3
IL-12
– réprimer les mauvaises (Rc soluble de l’IL-2, effet anti-IFNγ
de l’IFNαou β,Ac monoclonaux anti-TNFα,Rc soluble TNFα,
rolipram, anti-IL-12).
"Piéger les radicaux libres ou inhiber la NO-synthétase.
"Favoriser la remyélinisation :
– le PDGF, le CNTF ou même l’IGF1 ;
– la transplantation d’oligodendrocytes susceptibles de réparer
la myéline altérée est une approche qui reste incertaine dans
une maladie aussi diffuse que la sclérose en plaques.
"Protéger l’axone :
– l’axone est altéré très rapidement dès la phase inflammatoire
dans la sclérose en plaques, possiblement par la cascade exci-
totoxique. L’utilisation d’antiglutamates est en projet.
INTERFÉRONS (IFN)
Découverts par Isaac et Lindenmann en 1957, ils regroupent
plusieurs protéines classées en type I (IFNαet βsynthétisés
par les leucocytes et les fibroblastes) et type II (IFNγsynthé-
tisé par les lymphocytes et les NK) (tableau I). La mise en
évidence des gènes codant pour ces protéines permet de diffé-
rencier cinq variétés d’IFN : α,β,τ,ωet γ.
Les gènes des IFNα(18 gènes), ω(6 gènes) et β(un seul
gène) sont situés sur le chromosome 9 et le gène de l’IFNγ
sur le chromosome 12. L’IFNτ(provenant du trophoblaste) est
un interféron de type I, car il interagit avec le récepteur αβ,
mais sa régulation génétique est différente et encore mal
connue.
IFNαet β
Leur production est stimulée par la réplication virale (exemple
de l’IFNαdans la méningo-encéphalite herpétique), les lipo-
polysaccharides et les cytokines IL-1, TNFα,IFNγ.
Les propriétés biologiques des IFNβs’opposent globalement
à celles de l’IFNγ. Ce dernier est une cytokine délétère dans la
sclérose en plaques, favorisant les poussées (2). Il est retrouvé
en grande quantité dans les cellules des espaces périventricu-
laires au sein des lésions inflammatoires. L’IFNβ(tableau II)
inhibe la réplication virale, notamment par la production de
protéines antivirales (2’,5’-oligoadénylate synthétase, Mxa),
réprime l’expression des molécules d’adhésion (3) ainsi
que celle des Ag HLA de classe II et diminue la production de
TNFα(4) et d’IFNγ(5). Il renforce l’activité immunosuppres-
sive de l’IL-10, qu’il s’agisse de l’interféron β1a (6) ou de l’in-
terféron β1β(7). In vitro, les IFNβorientent la production de
cytokines par les cellules T autoréactives vers un profil TH2
(8). Ils inhibent l’expression du NO produit par les cellules
immunitaires et gliales. Enfin l’IFNβstimule la production
du facteur de croissance des cellules nerveuses (nerve growth
factor [NGF]).
Dans la sclérose en plaques, treize études contrôlées ont été
réalisées entre 1979 et 1993 utilisant l’IFNαou βpar voie géné-
rale ou intrathécale. Elles ont conduit à la mise au point de
formes recombinantes ou naturelles d’IFNβet aux trois études
multicentriques de phase III concernant la forme rémittente
(évoluant par poussées) de la sclérose en plaques et utilisant
l’IFNβ-1b (Betaferon®) en 1993 (the IFN
β
Multiple Sclerosis
Study Group), l’IFNβ-1a intramusculaire (Avonex®) en 1996
(Jacobs et al.) et l’IFNβ-1a sous-cutané (Rebif®) en 1998
(PRISMS Study Group).
La première a utilisé l’IFNβ-1b sous-cutané (9). Produit par
Escherichia coli, il diffère de l’interféron naturel par deux
acides aminés et par l’absence de chaîne latérale glycosylée.
Trois cent soixante-douze patients (ayant présenté deux pous-
sées au cours des deux années précédentes, handicap mesuré
par le score EDSS compris entre 0 et 5,5) ont été suivis pen-
dant trois ans (certains cinq ans). À la dose la plus élevée
(8 MUI), administrée un jour sur deux, le taux de poussées fut
réduit de 34 % par rapport au placebo. Une baisse significative
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 10 - décembre 2001
181
PHARMACOLOGIE
Figure 2. Manipulations du complexe trimoléculaire.
Microglie
TH1
AC anti-CD +
Rc soluble IL-2
Vaccination, anti-TCR
AC anti-CD 28
Piégeurs de radicaux
libres
Anti-TNFα
IFNβ
AC anti-B71
-
TH2
COP 1
Myéline
+
Tableau I. Classification des interférons.
Interférons Nom Source cellulaire
Type I IFNαet ωCellules infectées par un virus
IFNβFibroblaste
IFNτTrophoblaste
Type II IFNγLymphocytes T-cellules NK
Tableau II. Mode d’action des IFNβdans la sclérose en plaques.
MODE DACTION DES IFNβ
DANS LA SCLÉROSE EN PLAQUES :HYPOTHÈSES
"Action antivirale (inhibition de la réplication virale) ?
"Action sur la barrière hémato-encéphalique (freine l’expression
des molécules d’adhésion)
"Action sur la microglie (diminution de l’expression des Ag HLA de
classe II)
"Action sur les lymphocytes TH2 (renforce la fonction immuno-
suppressive des CD8 et stimule l’IL-10 et le TGFβ)
"Action anti-TNFα
de l’accumulation du volume des lésions observées sur les
séquences pondérées T2 par l’IRM, alors qu’elle était augmen-
tée dans le groupe placebo, et une diminution de 80 % des nou-
velles lésions prenant le gadolinium furent également consta-
tées dans le groupe traité. L’effet du traitement sur la progression
du handicap mesuré à l’échelle EDSS n’était pas significative.
La deuxième étude a utilisé l’IFNβ-1a en intramusculaire (10).
Il est produit par des cellules ovariennes de mammifères et sa
séquence d’acides aminés ou la chaîne latérale carbohydratée
sont les mêmes que pour la cytokine humaine. Cette étude a
concerné 301 patients (deux poussées dans les trois ans précé-
dant l’inclusion) traités par Avonex®30 µg/semaine versus pla-
cebo. Les patients présentaient une sclérose en plaques rémit-
tente peu sévère (EDSS : 1-3,5). Si la réduction de la fréquence
des poussées était moindre (mais significative à deux ans :
18 %), la progression du handicap était retardée dans le groupe
traité par Avonex®.
La troisième étude incluant aussi des formes rémittentes
(PRISMS) a utilisé l’IFNβ-1a sous-cutané (11). Cinq cent
soixante patients (ayant présenté deux poussées dans les deux
ans ; EDDS : 0-5) recevaient soit un placebo, soit Rebif®22 µg,
soit Rebif®44 µg en trois injections par semaine durant deux
ans. Avec la forte dose, la réduction de la fréquence des pous-
sées fut de 37 % à un an, de 32 % à deux ans et, avec la dose
de 22 µg, de 33 et 29 %. Le temps pour la progression du han-
dicap a été retardé pour les deux doses comme pour l’Avonex®
(avec un effet-dose pour les patients les plus atteints). La réduc-
tion du nombre des lésions actives en IRM a été de 78 % avec
le 44 µg et de 67 % avec le 22 µg par rapport au placebo.
Dans les trois études, l’efficacité de ces interférons est indé-
niable, mais modérée. La tolérance clinique et biologique a été
bonne. On ne peut comparer les trois molécules entre elles, car
le handicap à l’inclusion et les critères d’évaluation de la pro-
gression de ce dernier, de même que les populations étudiées,
ne sont pas identiques. Des études menées sur la forme rémit-
tente de sclérose en plaques et comparant sur une durée brève
(un an), en ouvert, pour la clinique, et en aveugle, pour l’IRM,
l’efficacité de ces interférons : Avonex®et Rebif®44 µg (EVI-
DENCE) ou Betaferon®et Avonex®(INCOMIN) fourniront des
informations intéressantes, mais elles ne sont pas encore
publiées.
D’autres études ont été réalisées au décours de ces trois essais
principaux à d’autres stades de la maladie. Concernant les
formes secondairement progressives, le Betaferon®a fait l’ob-
jet d’une étude européenne contrôlée en 1998 (12) chez
718 patients. Il était prescrit à la posologie de 8 MUI sous-
cutané, versus placebo, en une injection tous les deux jours
durant trois ans. À deux ans, la probabilité de progression du
handicap mesurée à l’échelle EDSS a été globalement retardée
d’un an dans le groupe traité comparé au groupe contrôle. Une
réduction de 32 % du nombre des patients au fauteuil roulant
fut également mise en évidence. À trois ans, le pourcentage de
patients avec progression du handicap était de 40 % dans le
groupe traité et de 50 % dans le groupe placebo. Là encore, les
résultats cliniques sont confortés par l’analyse des données
IRM : volume lésionnel total T2, nombre de nouvelles lésions
actives… Ces résultats ne sont pourtant pas retrouvés dans
l’étude nord-américaine (13) utilisant le même interféron et le
même protocole. Cependant, les patients avaient un handicap
plus sévère à l’inclusion, et la forme secondairement progres-
sive évoluait depuis plus longtemps (quatre ans aux États-Unis
contre deux ans en Europe). Le taux de poussées dans les deux
ans précédant l’inclusion était inférieur (0,82 contre 1,75 dans
l’étude européenne). La comparaison des deux études amène à
penser que les formes secondairement progressives avec pous-
sées répondent mieux au Betaferon®et que le traitement est
d’autant plus efficace que la forme secondairement progressive
est récente.
Les résultats de l’étude SPECTRIMS (14) utilisant le Rebif®
22 et 44 µg dans ces mêmes formes secondairement progres-
sives ne sont pas concluants, et l’étude utilisant l’Avonex®
(IMPACT Study) ne montre pas d’effet sur la progression de
l’EDSS (uniquement sur le score composite).
L’interféron a aussi été étudié, plus récemment, dans les formes
très précoces de la maladie, notamment après un premier épi-
sode central démyélinisant. Deux études ont été réalisées :
CHAMPS et ETOMS.
L’étude CHAMPS (15) a comparé l’Avonex®30 µg (une
intramusculaire par semaine) à un placebo administré durant
trois ans à 383 patients ayant présenté un premier épisode
central démyélinisant (névrite optique, myélite…) avec une
IRM anormale (au moins deux lésions T2 de plus de trois
millimètres, dont une ovoïde et une périventriculaire), autre-
ment dit, une première manifestation évocatrice de sclérose
en plaques. Cette primo-manifestation était traitée par trois
bolus de méthylprednisolone, puis, 15 jours plus tard, l’Avo-
nex®était prescrit chez 193 patients et un placebo chez
190 patients. À 18 mois, les résultats sont déjà significatifs
en faveur de l’Avonex®,capable de réduire de 43 % le risque
d’avoir un deuxième épisode. Seulement 18 % des patients
sous placebo n’avaient pas de nouvelles lésions en IRM à
18 mois, contre 47 % dans le groupe traité, soit une réduc-
tion de 57 %.
L’étude ETOMS (16) a utilisé le Rebif®22 µg sous-cutané, une
injection par semaine versus placebo, durant deux ans chez
308 patients ayant présenté également un premier épisode cen-
tral démyélinisant traité par méthylprednisolone. Le traitement
par Rebif®versus placebo était prescrit dans les trois mois
suivant l’épisode. Là encore, l’IRM devait être fortement
suggestive de sclérose en plaques. Le risque de développer une
sclérose en plaques définie cliniquement est ici diminué de
24 % (48 % développent une sclérose en plaques dans le
groupe placebo, contre 34 % dans le groupe traité). Sur les
deux ans, 95 % des patients sous placebo ont développé des
lésions nouvelles en IRM, contre seulement 18 % dans le
groupe Rebif®.
182
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 10 - décembre 2001
PHARMACOLOGIE
Que l’effet ait été moins marqué avec le Rebif®qu’avec
l’Avonex®peut s’expliquer par la dose plus faible d’interfé-
ron βdans l’étude ETOMS (22 µg sous-cutané une fois par
semaine, alors que ce produit est reconnu comme efficace à
trois injections par semaine), par la différence des popula-
tions dans les deux études (patients plus atteints dans l’étude
ETOMS, 27 % d’entre eux avaient un tableau plurisympto-
matique à l’inclusion) et la plus grande brièveté du délai
d’instauration de l’interféron dans l’étude CHAMPS après
le premier épisode.
Les interférons peuvent donc être prescrits actuellement aux
différents stades de la maladie, mais ils semblent beaucoup plus
efficaces lorsque les phénomènes inflammatoires sont très
présents, c’est-à-dire durant les premières années, avant que le
processus “dégénératif” ne prenne le pas sur la réaction
dysimmunitaire.
Mais, à côté de la question concernant le meilleur moment
pour instaurer un traitement par interféron, le débat est
actuellement ouvert sur celle de l’effet-dose des interférons
(étude PRISMS à quatre ans, étude OWIMS, étude BIOGEN
comparant Avonex®30 et 60 µg montrant des résultats dif-
férents). En revanche, le problème des anticorps neutrali-
sants est au second plan, de par la fluctuation temporelle de
leurs taux sériques chez un même patient et les techniques
de dosages différents selon les interférons β,pourtant non
comparables.
GLATIRAMER ACÉTATE (GA) OU COPOLYMÈRE (COP1)
Origine du copolymère
La théorie auto-immune suggère que les lymphocytes TH1-CD4+
orchestrent la réaction inflammatoire et ouvrent la barrière hémato-
encéphalique à de nombreuses cellules participant à l’agression de
la myéline. Dans cette hypothèse, les protéines majeures de la myé-
line jouent le rôle d’autoantigènes et déclenchent la réaction immu-
nitaire, comme le fait la protéine basique de la myéline dans le
modèle de l’encéphalite allergique expérimentale (EAE).
C’est dans cet esprit que le copolymère, ou COP1 (ou GA) fut
initialement synthétisé à l’Institut Weizmann par Sela et Arnon
en 1967. Mais, au lieu d’induire l’EAE, il s’est révélé avoir un
effet inverse en prévenant ses manifestations cliniques et ses
lésions neuropathologiques. Administré à des animaux exposés à
nouveau à des émulsions de moelle épinière hétérologue, il évite
l’apparition de la maladie.
Mécanismes d’action
(figure 3)
Au moment des premières études cliniques, la place du com-
plexe trimoléculaire, essentielle dans la réponse immunitaire,
n’était pas affirmée. Mais la structure du copolymère, mélange
aléatoire de polypeptides de synthèse de 4 700 à 13 000 dal-
tons composés de quatre acides aminés (L alanine, L glutamine,
L lysine, L tyrosine) semblait suffisamment proche de celle de
la protéine basique de la myéline pour évoquer une réaction
croisée.
!Cette réaction antigénique croisée peut être à l’origine
d’une immunosuppression par induction de lymphocytes T
suppresseurs TH2 (bystander suppression). L’immunosup-
pression est un des mécanismes intervenant dans l’auto-immu-
nité. Dans le modèle de l’encéphalite allergique expérimentale,
la résistance naturelle de certaines races de souris et l’induction
d’une tolérance orale par la protéine basique de la myéline ont
été attribuées à la présence de lymphocytes CD8+ suppresseurs.
Les lymphocytes T anti-GA pourraient inhiber l’activation des
lymphocytes T, auxiliaires spécifiques de la protéine basique
de la myéline. L’action sur les lymphocytes TH1 peut se faire
par la sécrétion de cytokines par les lymphocytes T suppres-
seurs, se différenciant préférentiellement en TH2 : effet anti-
IFNγdu copolymère et de l’IFNβ. La production de ces cyto-
kines a été étudiée chez des sujets présentant une sclérose en
plaques et traités par le GA à la posologie de 20 mg/jour (17).
Après traitement, les cellules mononucléées produisent plus de
TGFβet d’IL-4 et la sécrétion de TNFαest réduite. L’hypo-
thèse confortée par l’étude de Gran (18) est donc bien celle
d’une immunosuppression réprimant la réponse TH1 et acti-
vant la réponse TH2. Les lymphocytes T anti-GA, une fois la
barrière hémato-encéphalique traversée, pourraient être réacti-
vés par la protéine basique de la myéline et, dans le système
nerveux central, sécréter localement des cytokines TH2 : IL-4,
IL-5 à faible dose de GA, IL-10, IL-13 réprimant localement
les cellules autoréactives (bystander suppression) et induisant
une tolérance immunitaire.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 10 - décembre 2001
183
PHARMACOLOGIE
Injection de GA
Liaison aux molécules HLA II
par forte affinité
Activation
des lymphocytes T
anti-GA
passant la barrière
hémato-encéphalique
Compétition
avec la protéine
basique
de la myéline…
blocage de HLA II
Réactivation
par la protéine
basique de la myéline
et sécrétion
de cytokines TH2
Inhibition
fonctionnelle
des lymphocytes T
autoréactifs
Figure 3. Mécanismes d’action du copolymère (hypothèses).
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