abcis chine 1

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Chine_Abcis
La lettre de veille et d’analyse de l’économie
de l’élevage en Chine
中国农牧业经济情况分析杂志
N° 11-12 Février 2015
Edito
Ruptures et continuités
Vous avez entre les mains la première livraison de Chine_Abcis. Cette publication
porte le n°11-12 pour souligner la continuité avec la lettre Idele_Chine, née il y
a 3 ans du constat que le géant asiatique prenait une place hégémonique sur les
marchés des produits des filières ruminants. Nous écrivions alors dans l’éditorial
de ce n°1 « Qui peut encore ignorer l’Empire du Milieu ? Car la Chine n’est pas
seulement l’atelier du monde globalisé, elle devient aussi un importateur de premier
plan pour les denrées alimentaires ». Ce poids de la Chine sur les marchés internationaux concerne l’ensemble des matières premières : les grains comme la poudre de lait, le porc ou la volaille comme le bœuf ou l’agneau. D’ailleurs, au fil des
dix numéros parus en 3 ans (120 pages), tous ces marchés ont été analysés :
20 articles sur les filières laitières, presqu’autant sur les cultures, 13 articles sur la
politique agricole, la consommation et le commerce de matières premières d’origine agricole, 10 sur la viande bovine, 2 sur la viande porcine…
SOMMAIRE
Cultures
• Des importations de maïs en recul
Porc
p2
Le passage d’Idele_Chine à Chine_Abcis illustre l’interconnexion de l’ensemble
des marchés des produits animaux et des matières premières pour l’alimentation
animale. C’est d’ailleurs pour cette raison que les 3 instituts techniques animaux
(IDELE, IFIP et ITAVI) ont créé ensemble une société de service dénommée
ABCIS qui propose une offre complète et sur mesure à l’ensemble des entreprises,
collectivités, institutions, en France comme à l’international (voir en dernière
page).
• Même pour le porc, le déficit commercial
se creuse lentement
p3
Ce numéro double de Chine_Abcis fait donc la part belle à la diversité des produits animaux et à l’alimentation du bétail. Il propose aussi une nouvelle rubrique,
« Grand-angle », consacrée à des réflexions plus générales sur la politique agricole ou la géopolitique alimentaire. Pour l’inaugurer, nous avons la chance de bénéficier de l’éclairage de Thierry Pouch, qui, outre sa responsabilité du service
Economie, Références et Prospectives de l’APCA, est aussi chercheur associé à
l’Université de Reims et auteur de nombreux ouvrages, dont un très remarqué
« Agriculture et mondialisation » avec Sébastien Abis. Dans son article, il pose
la question du conflit pour l’hégémonie mondiale entre les Etats-Unis et la
Chine, des négociations commerciales bilatérales et régionales comme armes
dans cette nouvelle guerre économique et, en filigrane, des temps longs de l’histoire humaine. Une illustration des ruptures et des continuités à travers l’écume
de l’actualité.
p8
Bonne lecture !
Bovin lait
• Crise laitière en Chine
• Le développement rapide des grandes
fermes laitières
Volaille
p6
• Les problèmes sanitaires poussent
la restructuration de la filière avicole
p9
• Une consommation de produits avicoles
qui évolue
p 10
Grand angle
• L’économie chinoise constitue-t-elle
une menace pour l’hégémonie américaine ? p 13
Brèves
p 17
Cultures
• Des importations de maïs en recul
En 2014, les importations chinoises de maïs ont reculé
pour la deuxième année consécutive, après le pic enregistré
en 2012. Près de 2,6 millions de tonnes ont ainsi été achetées sur le marché international, une baisse de 20%/2013
et de moitié par rapport à 2012.
Différents facteurs peuvent expliquer cette évolution. Tout
d’abord depuis octobre 2013 la Chine a rejeté plus d’1,25
million de tonnes de maïs étatsunien au motif de la présence d’un OGM, approuvé par les États-Unis mais non
autorisé en Chine, le MIR 162 (produit par Syngenta). Ce
différend a limité les envois étatsuniens à 1 million de
tonnes et orienté les acheteurs vers d’autres exportateurs
L’Ukraine est ainsi devenue le 2ème fournisseur chinois avec
960 000 tonnes et une part de marché (37%) à peine inférieure à celles des États-Unis. Cette diversification des approvisionnements a également favorisé la Thaïlande et la
Bulgarie.
Ensuite, les importateurs chinois se sont reportés vers d’autres produits. Les importations de drêches et distillats
(DDGS), d’orge et de sorgho, ont dépassé les 5 millions de
tonnes pour chacun des produits en 2014. Les progressions
d’une année sur l’autre sont considérables pour le sorgho
(x5) et l’orge (x2) et significatives pour les DDGS (+35%).
Les importations de blé ont, elles, reculé de plus de 50% à
près de 3 millions de tonnes.
millionsdetonnes
6
5
4
3
2
1
0
2008
EtatsͲUnis
2009
Laos
2010
2011
Myanmar
Ukraine
2012
Thaïlande
2013
2014
Bulgarie
autres
Importationschinoisesdemaïsparpaysfournisseur
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsTradeMapetdouaneschinoises
millionsdetonnes
7
6
5
4
3
2
• Des importations chinoises de maïs
prévues en baisse en 2015
Les importations de maïs devraient également être limitées
en 2015, étant donné les orientations de la politique agricole chinoise.
1
0
2007
2008
2009
DDGS
2010
2011
Sorgho
2012
2013
2014
Orge
ImportationschinoisesdecéréalesetdeDDGS
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsTradeMapetdouaneschinoises
Les mesures visant à soutenir les revenus ruraux et à stimuler la production de céréales ont d’abord consisté en un prix minimum pour le riz, couplé à des achats publics. Puis le même système
a été élargi au blé et un système de «réserves temporaires», liées à un prix public d’achat, a été mis en place pour le maïs, le soja et
le coton (lire Idele_Chine n°10). Les prix minimums de ces différents systèmes ont été augmentés année après année, creusant un
écart important entre les prix intérieurs et les prix sur le marché international. Début 2015, le prix du maïs en Chine est ainsi 2,5
fois plus élevé que celui du Chicago Board of Trade (CBOT). Alors que les prix mondiaux chutaient, les autorités chinoises ont en
effet décidé de maintenir le prix minimum du maïs au même niveau en 2015, risquant encore de creuser les écarts.
Ces écarts de prix mènent pourtant à des achats publics massifs. En 2014, les autorités chinoises ont annoncé avoir stocké près de
124 millions de tonnes de grains (céréales, soja…), dont 36 millions de tonnes de maïs. Dans le même temps, les importations chinoises de grains (riz, blé, maïs, soja, orge, sorgho, colza, manioc…) atteignaient les 110 millions de tonnes, dont 71 millions rien
que pour le soja. Il est intéressant de constater que ces chiffres sont en hausse parallèle depuis plusieurs années : plus 87 millions de
tonnes par rapport à 2012 pour les achats publics et plus 20 millions de tonnes pour les importations.
Pour mettre fin à ces stocks vertigineux, les autorités chinoises ont décidé de mettre progressivement en place un système de
« deficiency payment », d’abord expérimenté sur le sucre et le soja (lire Idele_Chine n°10).
Mais dans les mois qui viennent, avec une production officielle de maïs à 215 millions de tonnes en 2014, soit seulement 3% sous
le record de 2013, les autorités chinoises s’attendent encore à devoir acheter et stocker des quantités importantes de grains, notamment de maïs, alors que les silos sont déjà pleins. Le Centre national d’Information sur les Céréales et les Huiles a ainsi annoncé
prévoir de porter les stocks de maïs à 120 millions de tonnes en 2015.
Page 2
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Afin de relancer la consommation de maïs, les autorités
chinoises ont décidé de rendre plus compétitives les exportations d’amidon en diminuant de 13% les taxes sur les exportations, sans effet notable jusqu’à présent.
$/tonne
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
Malgré l’écart de prix entre les origines chinoise et étatsuniene du maïs, et l’autorisation des autorités chinoises, annoncée fin 2014, de finalement laisser entrer le maïs
génétiquement modifié MIR 162 de Syngenta, les importations de maïs ne devraient pas progresser en 2015. En
effet, afin de diminuer les stocks, les autorités chinoises ont
annoncé fin 2014 que les quotas d’importations de céréales
J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J
destinés aux entreprises privées (sauf celles qui réexportent
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014 2015
les produits transformés à partir de céréales importées), seChine
EtatsͲUnis
ront accordés en fonction des volumes achetés lors des enÉvolutiondesprixdumaïsenChineetàChicago(CBOT)
chères publiques de grains en stocks. Les prix de départ
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsMinistèrechinois
pour les enchères du maïs était fixé en janvier à
del'agricultureetlaDépêcheͲPetitMeunier
370 $/tonne, soit un prix très élevé par rapport au prix international. Les entreprises chinoises vont donc devoir calculer l’opportunité de participer à de telles enchères afin de pouvoir se procurer du maïs (ou du blé et du riz) à l’importation.
Si le calcul ne s’avère pas rentable, cette nouvelle règle risque de limiter fortement les importations chinoises de céréales en 2015.
Porc
• Même pour le porc, le déficit commercial se creuse lentement
Un équilibre artificiel entre production et consommation
La Chine est de loin le plus important producteur de porcs dans le monde avec 56,5 millions de tonnes équivalent carcasse en 2014
(+3%/2013), d’après les données officielles. C’est une augmentation de 42,5% depuis 2000 et une multiplication par deux par rapport
au début des années 90. A titre de comparaison, la production porcine dans l’ensemble des pays de l’Union européenne s’élève à 22,7
millions de tonnes et celle de l’ALENA (Accord de libre-échange Nord-Américain) avoisine 13,3 millions de tonnes en 2014.
Depuis au moins deux décennies, le gouvernement chinois affiche clairement sa volonté de développer la production porcine. Le
« 12ème plan national quinquennal (2011–2015) » s’est d’ailleurs focalisé davantage sur l’agriculture, en particulier le secteur
porcin, que sur l’industrie comme cela avait été le cas dans les périodes précédentes.
1000téc
750
1000téc
60000
50000
500
40000
250
30000
0
20000
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14
Productiondeporc
Consommation
Importations
Exportations
Biland'approvisionnement(sansabats)
Source:IFIPd'aprèsUSDA
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Page 3
Les politiques publiques portent principalement sur :
- la maîtrise des prix dans la filière. En effet, la production porcine a un impact important sur l’économie chinoise et sa consommation une place majeure dans l’alimentation. Un approvisionnement insuffisant du pays entraîne une hausse du prix du porc, avec
des effets inflationnistes sensibles. A l’inverse, une offre trop importante génère des pertes à la production et l’arrêt des producteurs.
Pour réguler le rapport entre offre et demande, le gouvernement contrôle ainsi les flux à l’importation sur le marché mondial et
gère des stocks d’intervention de viande.
L’intervention a été introduite après la chute de l’offre en 2007/2008, liée aux problèmes sanitaires (SDRP), suivie par les difficultés
de marché (crise économique mondiale doublée d’une faible rentabilité des élevages affectés par la hausse mondiale des prix des
matières premières). Grâce à l’intervention, une chute importante de la production a pu être évitée en 2011.
- les aides aux investissements. Elles orientent les opérateurs vers une modernisation profonde des structures des exploitations et
des abattoirs, de plus grandes tailles, en utilisant les techniques les plus actuelles, souvent importées.
Ainsi, les courbes de la production et de la consommation se superposent, mais un écart se creuse lentement : la consommation
croissante nécessite des importations de plus en plus importantes. En 2014, celles-ci ont atteint 810 000 tonnes équivalent carcasse.
(+5%/2013).
De plus en plus d’importations
et davantage de produits plus élaborés
En 2014, tous produits confondus, la Chine a importé 1,36
million de tonnes de produits de porc (données provisoires
basées sur les échanges de 11 mois), pour une valeur de 1,64
milliard d’euros (-7%/2013). Les importations annuelles
représentent à peine une semaine de la consommation. Plus
de 60% (848 000 tonnes en 2014) sont des abats, de faible
valeur. Cependant, depuis 2007, les produits à plus forte
valeur ajoutée, en particulier les pièces de porc congelées,
gagnent en importance. Les produits transformés restent
encore peu importés. Depuis 2000, les importations de
produits porcins ont été multipliées par 5 en volume et
presque par 8 en valeur, en raison de la nature des produits,
mais aussi de la hausse mondiale des prix de la viande de
porc.
Les fournisseurs sont principalement les Etats-Unis,
le Canada et les pays européens, au premier rang l’Allemagne et le Danemark, suivis par l’Espagne et la France.
Encore absente en 2009, l’Allemagne est devenue le premier
exportateur de l’UE vers la Chine. Depuis les problèmes
sanitaires liés à la peste porcine africaine, la Pologne a dû
interrompre ses expéditions vers la Chine. L’Union européenne représente 50% du total et les pays de l’ALENA,
25%. Les importations via Hong Kong, plateforme de commerce, représentent 18 % des volumes : une multitude de
pays dans le monde, n’ayant pas accès direct au marché chinois, passent par des intermédiaires hongkongais. Cependant, cette pratique tend à se réduire à la faveur des
importations directes. Depuis fin 2013, le Brésil a obtenu
un accès direct au marché chinois, mais peu de volumes ont
jusqu’alors été exportés. La principale raison est que Chine
contrôle étroitement les agréments sanitaires des usines potentiellement fournisseuses.
Page 4
Importationschinoisesdeviandes,produitsetsousͲproduits
deporcen2014*selonlesprincipauxfournisseurs
Source:IFIPd'aprèsdouanes
Tonnes
240
216
207
195
130
90
61
47
46
32
29
15
56
1362
HongͲKong
ÉtatsͲUnis
Allemagne
Danemark
Canada
Espagne
France
Chili
PaysͲBas
Irlande
RoyaumeͲUni
Pologne
Autres
Total
Millierseuros
250
329
244
238
140
118
94
47
58
39
28
17
36
1639
11 mois
disponibles
*données provisoires
calculées
sur
1000tonnes
600
500
400
300
200
100
0
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
HongͲKong
ÉtatsͲUnis
Allemagne
Danemark
Canada
Espagne
France
Autres
Évolutiondesimportationschinoisesdeporc
selonlesprincipauxfournisseurs
Source:IFIPd'aprèsdouanes
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Il est difficile de détecter une saisonnalité dans les échanges.
Comme mentionné précédemment, les importations permettent de réguler l’offre à la demande nationale. Le seul
événement récurrent est la demande en importations plus
soutenue au dernier trimestre de chaque année, afin de préparer les fêtes du nouvel an chinois, qui ont lieu en
janvier/février.
La Chine est aussi exportatrice de viande de porc. Les volumes avoisinent 250 000 tonnes ces dernières années, majoritairement des produits transformés. La valeur totale est
de 846 millions d’euros. Hong Kong est la principale destination, suivie par le Japon. Ensemble, ces deux marchés
cumulent 72% du total exporté.
Avec une population de 1,36 milliard d’habitants en 2013,
la consommation officielle moyenne de porc par habitant
s’élève à 40 kg, comme dans l’Union européenne, alors que
celle des Français est de 31 kg. Cependant, différents avis et
informations conduisent à s’interroger sur la réalité des
données officielles. Une analyse réalisée par l’Ifip-Institut
du Porc en 2014, laisse penser, en première approche, à une
surestimation de 20% à 25% de la production porcine. Dans
ce cas, la Chine conservera néanmoins sa première place
parmi les producteurs mondiaux de porcs. Mais selon cette
approche, la consommation par habitant se situerait à un
niveau beaucoup plus faible. La croissance potentielle de la
consommation apparait ainsi plus importante avec ces estimations. La modernisation de la filière chinoise permettra
sans doute de produire une partie du besoin supplémentaire. Au-delà, un arbitrage devra être fait entre l’importation des matières premières pour nourrir des animaux ou
l’importation de viandes de porc.
Importationschinoisesdeviandes,produitsetsousͲproduits
deporcen2014*selonlesgroupesdeproduits
Source:IFIPd'aprèsdouanes
Tonnes
848
479
AbatsFRC/SSF
PiècesFRC
Saucisses/
Saucissons
Lardsetgraisses
CarcassesFRC
Préparations
Saindoux
VSSF
Total
part%
62,2%
35,2%
Millierseuros
934
649
part%
57,0%
39,6%
10
0,7%
30
1,8%
9
6
3
3
3
0,6%
0,4%
0,2%
0,2%
0,2%
6
7
5
2
8
0,4%
0,4%
0,3%
0,1%
0,5%
1 362
100,0 %
1 639
100,0 %
1000tonnes
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
00
02
04
06
08
10
12
14
Carcassesetpièces
Abats
Évolutiondesimportationschinoisesdeviandesetd'abats
Source:IFIPd'aprèsdouanes
1000tonnesdeproduit
130
120
NOTE DE METHODE : Les données du bilan d’approvisionnement (la production, la consommation et les
échanges) sont exprimées en tonnes équivalent carcasse.
Ces données ne comprennent pas les abats.
Les données sur les importations et les exportations sont
extraites des bases de données des douanes : elles sont exprimées en tonnes de produits et intègrent les abats. Les
importations chinoises sont le cumul des exportations de
tous les pays au monde disponibles dans la base vers la
Chine. Les données de l’année 2014 sont estimées sur la
base des chiffres disponibles à ce jour des 11 premiers
mois de l’année.
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
110
100
90
80
J
F
M
A
2012
M
J
2013
J
A
S
O
N
D
2014
Importationsmensuelleschinoisesdeviandeetd'abatsdeporc
Source:IFIP,d'aprèsdouanes
Page 5
Bovin lait
• Crise laitière en Chine
La Chine connait depuis le second semestre de l’année 2014 une grave crise de production laitière qui pousse de nombreux éleveurs
à vendre leurs vaches et à quitter le secteur. Les origines de cette crise sont multiples mais l’ouverture grandissante du marché chinois
aux produits importés en est sans doute la cause première.
Des importations chinoises très importantes au 1er trimestre 2014
Depuis 2008 et la crise de la mélamine, les importations chinoises de produtis laitiers n’ont cessé de progresser pour satisfaire une population dont la consommation et les
exigences qualitatives progressent alors que la défiance envers les produits nationaux est toujours présente.
En 2014, les importations chinoises de produits laitiers ont
établi un nouveau record mais avec des évolutions contradictoires selon les produits. Les achats de poudres de lait ont
progressé de 8% pour les poudres grasses (à 670 000 tonnes)
et de 7% pour les poudres maigres (à 252 000 tonnes). Alors
que les importations de préparations alimentaires pour
nourrissons sont restées stables (à 123 000 tonnes) et que
celles de poudres de lactosérum ont reculé de 7% (à 400 000
tonnes). Les importations de beurre ont doublé à 51 000
tonnes et celles de fromages ont gagné 40% à 66 000 tonnes.
La Nouvelle-Zélande a maintenu ses parts de marché à 91%
pour les poudres grasses mais a cédé un peu de terrain sur la
poudre maigre (de 52% en 2013 à 46% en 2014) au profit
de plusieurs exportateurs, dont la France, l’Allemagne et
l’Australie.
Au total, les importations chinoises de produits laitiers se
sont montées à près de 8,3 milliards de dollars, soit une
hausse de 20%/2013, en grande partie due à des cours internationaux élevés en début d’année. Les poudres grasses représentent à elles seules 40% des importations en valeur, avec
3,3 milliards de dollars.
Mais ces bilans annuels masquent un renversement en cours
d’année. Le 1er trimestre a prolongé la tendance entamée en
novembre 2013 et a concentré 50% des importations de
poudres grasses, avec un pic à 125 000 tonnes en janvier. Le
1er semestre 2014 a totalisé plus de 80% des achats de poudres grasses de l’année, avec près de 530 000 tonnes, alors
que les prix étaient élevés. La frénésie chinoise s’est progressivement calmée à partir d’avril et les importations des derniers mois de l’année ont été très sensiblement inférieures à
celles des années précédentes, alors que les prix mondiaux
étaient retombés. Le point bas a été atteint en août, avant
que les achats ne rebondissent légèrement sur la fin de l’année. Mais le dernier trimestre 2014 n’a ainsi comptabilisé
que 65 000 tonnes, soit moins que les volumes enregistrés
en 2012 et en 2013.
Page 6
1000tonnes
1000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Poudresdelait
Poudredelactosérum
Importationschinoisesdepoudresdelaitetdelactosérum
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsTradeMapetdouaneschinoises
1000tonnes
140
120
100
80
60
40
20
0
J
F
M
A
M
2012
J
2013
J
A
S
O
N
D
2014
Importationschinoisesdepoudresgrasses
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsTradeMapetdouaneschinoises
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Des prix en chute libre
L’afflux de produits laitiers début 2014 s’est produit alors
que la consommation était en recul. D’après les données du
Bureau National des Statistiques chinois, les ventes de produits laitiers sur l’ensemble du territoire ont en effet reculé
de 4% en volume au 1er trimestre 2014 par rapport à 2013
et de 3% au deuxième, avant de progresser à nouveau au
3ème trimestre.
Ce déséquilibre entre offre et demande a obligé les industriels à consentir des promotions aux consommateurs et à
constituer des stocks, en attendant que le marché se redresse.
Ces stocks de lait ainsi que la chute des prix des poudres sur
le marché international ont incité les transformateurs à faire
pression sur les prix aux livreurs de lait. Ceux-ci ont fortement chuté au 2nd semestre 2014 et début 2015. Fin janvier,
le prix moyen dans les 10 premières Provinces productrices
était de 3,48 RMB/kg (0,5 €/kg sachant que l’euro s’est fortement déprécié par rapport au RMB chinois), un recul de
19% par rapport au pic de début 2014 et de 11% depuis septembre 2014.
Certaines Provinces sont plus affectées que d’autres. Le
Shandong et le Hebei ont subi d’importantes baisses de prix
du lait collecté, tandis que des régions comme la Mongolie
Intérieure et le Heilongjiang ont pu amortir la chute. Certaines entreprises dans les Provinces les plus touchées ont arrêté de collecter tout le lait des éleveurs, leur laissant parfois
20% des volumes sur les bras. Certains exploitants ont été
forcés de jeter du lait et de décapitaliser tout ou partie de
leur troupeau. L’entreprise de production laitière « Jin Niu
Dairy Farm », qui comptait 500 vaches dans la Province du
Hebei, a dû fermer ses portes. Même dans certaines Provinces très déficitaires, où le prix du lait est plus élevé comme
le Guangdong, des éleveurs ont quitté la production laitière.
millionsdetonnes
7,5
7
6,5
6
5,5
5
4,5
4
1ertrimestre
2010
2011
3èmetrimestre
2012
2013
4èmetrimestre
2014
VentesdeproduitslaitiersenChine
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsBureauNational
desStatistiques
RMB/kg
4,5
4
3,5
3
2,5
2
1,5
J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J MM J S N J
2007
La plus grosse laiterie du Hebei affirme transformer en poudre une grande partie du lait collecté, faute de débouchés.
Les pertes s’éleveraient à 20 000 RMB/tonne de poudre
(2 300 €/tonne mi-2014), le prix de la poudre importée
étant moitié moindre que celui de la poudre locale.
2èmetrimestre
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014 2015
Évolutionduprixdulaitauproducteurdansles10premièresProvinces
productrices(RMB/kg)
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsMinistèredel'agriculturechinois
Les autorités à la rescousse
Les autorités ont été forcées d’intervenir pour freiner ce mouvement de décapitalisation. Le Ministère de l’Agriculture a publié une
note exhortant les autorités locales à prendre des mesures pour s’assurer que les éleveurs puissent vendre le lait produit. Dans le Hebei,
les autorités locales ont été officiellement chargées de « coordonner » les relations entre éleveurs et collecteurs et de s’assurer que
toutes les parties supportent une part de risque. Les entreprises semblent avoir compris le message et collectent désormais la totalité
du lait, mais à un prix en baisse.
La crainte des autorités est de revivre l’épisode 2007-2008 qui avait mené au scandale de la mélamine. Une période de prix bas et de
décapitalisation avait précédé la hausse des prix de 2007. Face à une offre insuffisante, des éleveurs et collecteurs avaient pris la décision
de « mouiller » le lait et d’ajouter de la mélamine afin de déjouer les tests de teneur en protéines. Il semble d’ailleurs, selon la presse
locale, que malgré les mesures répressives mises en œuvre après cette affaire, l’utilisation de mélamine dans le lait n’ait pas totalement
disparu.
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Montée d’une polémique concernant l’utilisation des poudres importées
Selon plusieurs médias chinois, la majorité des volumes de poudres de lait importées par les entreprises chinoises aurait servi à produire
du lait UHT. Aucune statistique n’existe sur l’utilisation des produits importés, mais les experts cités dans la presse évaluent à environ
20% le volume de poudres importées utilisées dans la fabrication de crèmes glacées, de glaces et de boissons fraîches, quelques pourcents
pour les poudres de lait pour nourrissons et adultes. La plus grande partie serait insi bel et bien passée dans la fabrication de lait reconstitué (ou recombiné) UHT. Certains experts ont estimé que ces fabrications représentaient plus de 30% de la production laitière
chinoise. Ce chiffre semble fortement surévalué, sachant que la production chinoise aurait été de plus de 37 millions de tonnes en
2014. Selon nos estimations, cette part serait plutôt comprise entre 15 et 20%.
Les griefs d’experts chinois portent surtout sur l’absence d’étiquetage des laits reconstitués. Alors que la réglementation chinoise
prévoit depuis 2005 l’obligation de mentionner l’origine reconstituée des produits, celle-ci est rarement visible. Un renforcement
de cette disposition légale pourrait mener à un changement dans les habitudes d’achats des consommateurs chinois qui préfèrent les
produits frais, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les importations chinoises.
• Le développement rapide des grandes fermes laitières
Suite à la crise de la mélamine, la structure de la filière laitière
a été orientée vers un contact direct entre producteurs et
transformateurs, éliminant ainsi les collecteurs intermédiaires. Les entreprises d’aval se sont impliquées dans le développement de la production, notamment à travers
l’intégration verticale. Ainsi, en 2008, les autorités chinoises
ont demandé aux entreprises de transformation d’assurer au
moins 70% de leur approvisionnement en lait à partir d’exploitations laitières sous leur contrôle ou de livreurs exclusifs.
Restructuration rapide de la production
50
%
45
40
35
30
25
20
15
10
5
Ͳ
Cet objectif devait être atteint fin 2011, ce qui n’a pas été
1Ͳ4
5Ͳ19
20Ͳ99
100Ͳ199
200Ͳ499
500Ͳ999
>1000
respecté par la plupart des entreprises. Pourtant, la consti2002
2008
2012
tution de grandes exploitations sous le contrôle des entreÉvolutiondelarépartitionducheptellaitierpartailled'exploitation
prises laitières ne cesse de progresser. En 2012, d’après les
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsAnnuaireStatistiquedel'Élevage
statistiques chinoises, 15% des vaches laitières étaient déteenChine
nues dans des exploitations de plus de 1 000 vaches, contre
moins de 3% dix ans auparavant. Les exploitations de plus de 100 vaches regroupaient 37% du cheptel national, contre 12% en 2002.
Cependant, le nombre de très petites exploitations reste largement prédominant (1,5 million), même s’il est en très forte baisse depuis
le pic atteint en 2007, avant la crise de la mélamine (2,1 millions).
La crise actuelle que connait la filière laitière chinoise devrait accélérer la restructuration en faisant disparaître de nombreuses petites
exploitations, même si les grandes sont également touchées.
Ces grandes exploitations appartiennent soit à des grands groupes laitiers chinois comme Yili, Mengniu, Brigth Dairy… qui développent en même temps la production et la transformation, soit à des entreprises spécialisées dans l’élevage laitier comme Modern
Dairy (liée à Mengniu) ou YuanShengTai.
Des investissements gigantesques
La concurrence féroce qui oppose les transformateurs chinois et les exportateurs étrangers, mais également les entreprises chinoises
entre elles, pousse à contrôler le maximum de production laitière : qui détient le lait maîtrise les marchés.
De nombreux investissements ont été consacrés au développement de grandes fermes laitières. Même ces derniers mois, malgré la
crise, de nombreux investisseurs ont décidé de se tourner vers ce secteur. Ainsi, le fonds d’investissement créé par la société de Jack
Ma, le fondateur d’Alibaba (la plateforme internet destinée aux commerçants), et CITIC PE, a anoncé mi-2014 consacrer 2 milliards
de RMB (environ 250 millions d’euros en 2014) à la prise de contrôle (60% des parts) de la filiale élevage du premier groupe laitier
chinois (Yili). Le fonds d’investissement asiatique RRJ Capital, basé à Hong-Kong, a investi fin 2014 dans la filiale élevage (Shanghai
Bright Holstein Co., Ltd) du 3ème groupe laitier chinois (Bright Dairy) pour 1,5 milliard de RMB (environ 190 millions d’euros).
La société Huaxia Dairy, spécialisée sur les produits frais à partir du lait issu de son exploitation de 14 000 vaches laitières, a reçu plus
de 100 millions de dollars d’Olympus Capital Asia et du fonds souverain du gouvernement de Singapour (GIC).
Ces exemples montrent l’intérêt grandissant des financiers asiatiques pour un secteur en fort développement où les besoins d’investissement sont considérables. Cette situation semble au premier abord gagnante pour les deux parties. L’investisseur, qui ne maîtrise
pas suffisamment la production laitière, rencontre une entreprise spécialisée dans l’élevage laitier qui ne possède pas forcément les
fonds pour construire de nouvelles exploitations. L’accord avec un investisseur permet donc d’augmenter rapidement la production,
tout en soulageant le fardeau financier des acteurs.
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Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Doublement des importations de vaches en 2014
Les cheptels de ces exploitations sont en grande partie
constituées à partir de vaches laitières importatées. La volonté des entreprises chinoises de développer rapidement
leur production ne leur permet pas d’attendre un renouvellement interne de leur troupeau.
En 2014, les importations de vaches laitières ont doublé à
195 000 vaches têtes (Hosltein pour la quasi-totalité), sur
les 215 000 bovins importés
Si l’Australie reste le premier fournisseur de l’Empire du Milieu, sa part de marché est descendue sous les 50%, au profit
de la Nouvelle-Zélande (37%), mais surtout de l’Uruguay
(16%).
1000têtes
250
200
150
100
50
0
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Australie
Des risques non négligeables
NouvelleͲZélande
Uruguay
Importationschinoisesdebovinsvivants
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsdouaneschinoises
Les risques de ces investissements sont importants. Les importations à bas prix et le retournement de conjoncture en
2014 pourraient avoir des répercussions importantes sur la rentabilité des groupes laitiers chinois. La marge brute de l’activité d’élevage
est souvent 2 à 4 fois inférieure à celle de la fabrication de produits laitiers selon les experts chinois. La crise actuelle va donc allonger
le retour sur investissement (ROI), traditionnellement limité à 8-10 ans par les investisseurs.
Les investissements devront raisonner sur le long terme, compte tenu des marges de progrès des exploitations laitières chinoises,
notamment dans la conduite des troupeaux et le rendement par vache.
Volaille
• Les problèmes sanitaires poussent la restructuration de la filière avicole
La Chine est devenue en 30 ans le deuxième producteur mondial de viande de volaille. La filière s’est développée rapidement au
point d’être la plus industrialisée du secteur de la viande en Chine. Mais les défis restent nombreux, avec, en tête de liste, les problèmes
sanitaires.
Une production de viande de volaille concentrée dans l’Est
La production chinoise de volaille s’est développée de façon exponentielle depuis 1985 et la libéralisation des productuions animales.
De 2 millions de tonnes alors, elle a plus que décuplé en 18 ans pour dépasser 18 millions de tonnes en 2013. La Chine est ainsi devenue le deuxième producteur
mondial de viandes de volaille
derrière les Etats-Unis.
Production de volaille en Chine
(en tonnes)
< 200 000
200 000 - 500 000
500 000 - 1 million
1 - 2 millions
> 2 millions
Répartition de la production de volaille en Chine
C
Source : GEB-Institut de l’Élevage d’après Annuaire Statistique de l’Élevage en Chine.
Carte réalisée avec Cartes & données. Copyright Articque.
e réalisée avec Cartes & Données - © Articque
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Le poulet représente environ
70% de cette production, suivi
du canard et de l’oie. Le poulet
de chair compte pour 50% de la
production nationale et les
poules de réforme pour 20%.
La production est historiquement localisée dans l’Est et le
Sud. Au fil des années, la production dans les banlieues des
grandes villes (Pékin, Shanghai,…) a fortement diminué,
sous la pression des réglementations environnementales et de
Page 9
2012
2009
2006
2003
2000
1997
1994
1991
1988
1985
1982
1979
1976
1973
1970
Une restructuration rapide
1967
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
Ͳ
1964
Aujourd’hui six Provinces (Shandong, Guangdong,
Jiangsu, Liaoning, Henan, Anhui, Guangxi) regroupent la
moitié de la production de viandes de volaille.
millionsdetonnes
1961
la hausse du coût du travail. La chaîne du froid étant encore relativement peu développée, les exploitations de
moyenne et grande taille se sont progressivement créées en
zones suburbaines, pas trop loin des villes les plus riches et
les plus consommatrices de viandes de volaille. La concentration de la production a eu lieu dans quelques Provinces
comme le Shandong et le Guangdong.
Poulet
Canard
Autres
La production chinoise de volaille de chair a longtemps été
l’apanage de petites exploitations. Après la fin des comÉvolutiondelaproductiondevolailleenChine
munes populaires et jusqu’à la fin des années 80, plus de
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsFAO
cent millions d’agriculteurs élevaient quelques volatiles, les
seules exploitations de grande taille appartenant au secteur public. Le développement de la filière et l’apparition d’entreprises de
transformation ont modifié du tout au tout le paysage avicole.
Les entreprises privées qui se sont créées ont contracté auprès de groupements d’éleveurs nommés « bases de production ». Il peut
s’agir de coopératives, ou bien de villages entiers. Un modèle « entreprise + base de production + éleveur » s’est progressivement
structuré. Cette volonté d’associer de nombreux éleveurs faisait partie intégrante de la politique de développement rural des années
80 et 90, à une époque où la main d’œuvre était abondante et peu chère.
Encouragé et soutenu par les autorités dans toutes les filières animales, ce mouvement a vu naître des leaders (entreprises « têtes de
dragon ») qui ont mis en place un système de contractualisation. Ce système a l’avantage de réduire les investissements de l’entreprise
et de limiter les démarches pour l’utilisation des terres, dont la propriété en zone rurale reste collective. Dans la plupart des cas, les
entreprises vendent les poussins, l’alimentation et les médicaments nécessaires aux éleveurs, avant de racheter les animaux et de les
abattre. Le paiement des animaux est basé soit sur le prix de marché, soit sur une marge par animal. Wen, le plus grand groupe produisant des « poulets colorés », a, par exemple, contractualisé tout son approvisionnement avec des éleveurs ou des coopératives.
Afin de diminuer les coûts de transaction, les entreprises ont
peu à peu privilégié les exploitations de grande taille ou les
coopératives. Démarrée au milieu des années 90, la phase
d’agrandissement des exploitations a produit des effets rapides. Entre 1985 et 2005, 70 millions de petites fermes ont
quitté le secteur avicole, le pays comptant encore en 2012
près de 25 millions d’exploitations produisant de la viande
de volaille.
Les fermes produisant moins de 2 000 animaux par an sont
classées par le Ministère chinois de l’agriculture dans la catégorie des « petites exploitations », qui sont vouées à être
remplacées par les exploitations « intensives», dont la production annuelle dépasse ce seuil de 2 000 animaux. Entre
2002 et 2012, le nombre des « petites exploitations avicoles » a été divisé par deux, mais on en comptait encore
plus de 24 millions. Leur poids dans la production nationale serait de 15%, en effectif d’animaux abattus d’après
les données officielles, mais certains experts l’estiment à
près de 30%.
milliards d'animauxabattus
3,5
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
Ͳ
1Ͳ 1999
2 000Ͳ
9999
10 000Ͳ
49999
2002
50 000Ͳ
99999
100 000Ͳ
499999
500 000Ͳ
999999
>
1million
2010
Répartitiondelaproductiondevolaillepartailled'exploitation
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsAnnuaireStatistiquedel'Élevage
enChine
Les fermes « intensives » ne représentent que 2% du nombre total d’exploitations mais réalisent la majorité de la production.
Néanmoins la taille des exploitations chinoises est encore loin de celles aux Etats-Unis ou en Europe. Les exploitations de très grande
taille (> 100 000 animaux/an) ne seraient que 7 500 et ne représenteraient que 20% de la production nationale. La moyenne actuelle
est une production de 30 000 animaux par an.
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Des problèmes sanitaires récurrents qui poussent à l’intégration verticale
Si le modèle contractuel d’intégration reste largement dominant, les entreprises ont peu à peu créé leurs propres élevages avec des
salariés. L’apparition de ce modèle, qui constitue une nouvelle phase dans le développement du secteur, est motivé par la volonté
de réduire les risques liés aux contrats, d’améliorer l’efficacité et la productivité, de pallier au manque d’éleveurs mais aussi de contrôler le volet sanitaire d’un bout à l’autre de la filière. Car le secteur avicole chinois est fréquemment l’objet de problèmes ou de scandales sanitaires.
Les maladies affectant le cheptel chinois se sont multipliées ces dernières années. En 2003, le SRAS et le virus H5N1 de la grippe
aviaire ont fortement impacté la consommation de viande de volaille, en Chine comme ailleurs à l’époque. En 2013 et 2014, de
nouvelles apparitions de la grippe aviaire ont mené à des pertes importantes au sein des différents maillons du secteur, malgré les
aides mises en place par les autorités locales.
Parallèlement, de nombreux éleveurs, qui supportent une partie du risque prix lié à l’alimentation et à l’énergie, ont quitté la production en 2013 et 2014. D’autres se plaignent de la répartition inéquitable des risques, les entreprises étant souvent accusées de
racheter les poulets à un prix ne leur permettant pas de couvrir leurs coûts. En outre, l’exode rural réduit le potentiel de main d’œuvre
dans l’agriculture.
Mis à part les épizooties, d’autres scandales sanitaires ont secoué la filière depuis quelques années, affectant la production et la
consommation. Le plus connu a impliqué des fournisseurs de la chaîne de restauration rapide KFC (Kentucky Fried Chicken). En
2012, des fortes doses d’antibiotiques ont été détectées dans des poulets élevés par des exploitants en contrat avec un abattoir fournissant KFC. La chaîne américaine a subi de virulentes attaques de la part de la presse chinoise qui ont impacté la fréquentation de
ses restaurants.
A la suite de cette affaire, et pour rassurer ses clients, KFC, qui possède plus de 4 000 restaurants en Chine, a décidé de rayer plus
de 1 000 éleveurs de ses fournisseurs et de réserver, dès la fin 2014, 60% de son approvisionnement à des entreprises intégrant verticalement la production. Cette solution vise à se prémunir contre les méthodes d’élevage parfois illégales de certains éleveurs ne
respectant pas les règles en vigueur. Des enquêtes ont en effet révélé que de nombreux éleveurs utilisaient jusqu’à 20 produits pharmaceutiques différents au cours de la période d’élevage. En outre, des antibiotiques comme l’ofloxacine étaient encore donnés aux
animaux 2 jours avant la vente, alors que la réglementation l’interdit dans les 28 jours précédents l’abattage. Rappelons que cette
molécule figure sur la liste OMS de « médicaments essentiels » (à réserver aux cas les plus graves pour éviter toute apparition de
résistance chez l’Homme). L’utilisation d’antiviraux bannis depuis 2005 a également été découverte dans d’autres élevages. Enfin,
les certificats sanitaires ne sont souvent pas des preuves fiables de bonnes pratiques, la corruption étant très répandue, de l’aveu
même des entreprises.
Afin de supprimer ces pratiques au sein des élevages, la création de fermes intégrées a été la solution retenue par de nombreuses entreprises pour tenter de contrôler efficacement le volet sanitaire de l’ensemble de la filière. Ce modèle est également mis en œuvre
par les entreprises à capitaux étrangers désireuses de se placer sur le marché chinois. Ainsi, le géant Tyson, qui contracte avec des
éleveurs dans de nombreux pays, dont 4 000 aux Etats-Unis, a décidé d’investir des centaines de millions de dollars dans la construction de 90 exploitations intégrées de grande taille en Chine.
Ces élevages intégrés sont plébiscités par les grandes chaînes de distribution et de restauration rapide qui recherchent de grands volumes de produits homogènes et à des prix compétitifs. Ils sont également encouragés par les autorités.
Le développement de ce modèle devrait accélérer le déclin des exploitations de petite taille dans les années à venir. Mais les experts
estiment cependant qu’il aura des difficultés à supplanter le modèle des contrats d’intégration, compte tenu d’un certain nombre
de freins existants : la difficulté d’acquérir des terres bien placées souvent réservées aux céréales, le niveau d’investissement nécessaire,
les contraintes liées au traitement des déjections et la disponibilité de salariés compétents pour gérer de tels élevages.
• Une consommation de produits avicole qui évolue
Suite à différents problèmes sanitaires affectant les volailles fraîches et les œufs, le gouvernement chinois cherche à développer la
consommation de produits transformés ou surgelés, afin de limiter les risques de pandémie.
Une consommation en subsitution du porc
La viande de poulet et les oeufs n’ont jamais fait partie du régime alimentaire traditionnel chinois. Ils étaient plutôt considérés
comme des mets de luxe, consommés au cours d’occasions spéciales. Le développement économique, la hausse du pouvoir d’achat
et l’urbanisation sont les facteurs premiers qui expliquent la forte augmentation de la consommation de viande de volaille. Mais le
développement des fast-food (avec KFC qui est la première chaîne de restauration rapide en Chine par le nombre de restaurants),
la croissance des GMS, le prix de la viande poulet…ont également eu un rôle non négligeable. De 1 kg/hab. dans les années 70, la
consommation de viande de volaille est aujourd’hui de plus de 13 kg/hab. (dont 10 kg de poulet), soit près de 20% de la consommation totale de viande des Chinois. Celle des urbains est deux fois supérieure à celle des ruraux.
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
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La consommation chinoise est notamment favorisée par
le bas prix de la viande de poulet et sa relative stabilité.
Directement concurrencée par la viande de porc, celle de
poulet bénéfie d’un avantage prix qui s’est accru au fil des
ans. Si au début des années 2000, les prix des deux viandes
étaient proches, le cours de la viande de porc n’a cessé de
progressé par à coup, conséquence du cycle du porc accenté
par différents incidents sanitaires qui ont touché la filière
porcine. Ainsi le prix de la viande de poulet est passé de
85% du prix du porc en 2008 à 65% en 2011. Elle s’est
donc progressivement substituée à celle de porc, qui reste
cepentant la viande la plus consommée en Chine (65%
toutes viandes confondues).
Quant aux viandes bovines ou ovines, elles sont totalement
hors jeu sur le terrain des prix, l’écart dépassant les 300% !
RMB/kg
35
30
25
20
15
10
5
0
Viandeporcine
Viandedepoulet
Évolutiondesprixdegrosdesviandesdeporcetdepoulet
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsMinistèrechinoisdel'agriculture
Un marché segmenté entre races locales et races importées
La production chinoise est traditionnellement orientée vers des races de poulet locales, appelées races colorées.Ces animaux ont un
cycle de production compris entre 60 et 100 jours, pour un poids d’environ 1,5 kg. Ils constituent encore la majorité de la production
et de la consomation dans le sud du pays, notamment dans les provinces du Guangdong et du Jiangsu.
Mais depuis de nombreuses années, l’importation de grands parentaux de poulets blancs a permis de le développement d’animaux
qui sont abattus à un poids de 3 kilos, après 45 jours d’élevage. Ce produit, deux fois moins cher que la viande de race locale et plus
facile à cuisiner, s’est fortement répandu dans le nord de la Chine, où les préférences des consommateurs sont moins marquées que
dans le Sud : il est devenu majoritaire dans le pays.
Si le nombre d’animaux de races locales abattus en 2012
est légèrement inférieur à celui des poulets blancs (aux environ de 4 milliards de têtes), la production de ces derniers
en volume est le double de celle des races locales (8 millions
de tonnes contre 4 millions).
Les importations de grands parentaux de poulets blancs,
essentiellement en provenance des Etats-Unis, ont fortement progressé ces dernières années, augmentant la part de
ces animaux dans la production chinoise. Elles ont atteint
un pic à 1,54 million de têtes en 2013 alors que la filière
était confrontée à des difficultés de production et de
consommation liées notamment à la grippe aviaire.
Cette surproduction a pesé sur les prix au premier semestre
2013 et a forcé les autorités à intervenir. Un accord a été
passé au sein de la filière pour limiter les importations.
Ainsi en 2014, les importations ont chuté de 23%, à 1,19
million de grands parentaux, et elles devraient passer en
2015 à moins de 1,1 million.
1,8
millionsdetêtes
1,6
1,4
1,2
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
ImportationschinoisesdegrandsͲparentauxdepouletsblancs
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèssourcesdiverses
La question sanitaire également à l’origine d’une transformation des modes de consommation
La majorité des achats des consommateurs chinois se fait sur les marchés de produits frais en plein air. Les animaux sont souvent
présentés vivants puis tués par le vendeur, permettant ainsi de satisfaire la préférence des Chinois pour les produits ultra-frais.
A Shanghai, par exemple, les deux tiers des 190 millions de poulets vendus le seraient sur les marchés. La vente en magasins (GMS
notamment) est encore très réduite (8%) et la consommation en restauration rapide, la plus importante de toutes les viandes, plafonne à 3% des volumes de volaille.
Mais les différents épisodes de grippe aviaire qu’a connu, et connait encore, la Chine ont fortement impacté les marchés traditionnels
en plein air. A Shanghai et à Canton, les autorités ont dû procéder à des fermetures pour des durées relativement longues, afin de
limiter la propagation des virus.
Page 12
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Ces lieux de vente semblent en effet être une source majeure
de contamination humaine. Pour cette raison, les autorités
chinoises cherchent à modifier les habitudes d’achat. Elles
ont donné pour consignes aux gouvernements locaux de
guider les consommateurs vers davantage de viande transformée et les médias encouragent également la consommation de produits congelés ou transformés, réputés plus sûrs
sanitairement. Mais la logistique et les outils de transformation ne sont pas encore adaptés à une forte progression des
ventes sous ces formes plus élaborées. Enfin, les habitudes
de cuisine devront également se modifier pour apprendre à
préparer les poulets congelés ou servir des produits transformés.
Magasins
8%
RHD
12%
Restaurationrapide
3%
Marchés
77%
DistributiondelaviandedepouletenChine
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsANZResearch
Grand angle
• L’économie chinoise constitue-t-elle une menace pour l’hégémonie américaine ?
Thierry Pouch, Responsable du service économie, références et prospective, Assemblée Permanente des Chambres
d’Agriculture, Direction économie des agricultures et des territoires.
La Banque Mondiale a en avril 2014 publié des chiffres qui ont provoqué de nombreux commentaires. L’institution de Washington
a en effet livré une nouvelle estimation des valeurs ajoutées exprimées en parité de pouvoir d’achat (PPA), dans le cadre de son International Comparison Program. La révision de ces calculs permettait à la Banque Mondiale d’indiquer que la Chine sera à la fin
de 2014 la première puissance économique mondiale, supplantant d’abord les États-Unis, le tour de l’Union européenne devant
venir en 2015. L’estimation du PIB (somme des valeurs ajoutées) en PPA indique que la création de richesses en Chine serait en
2014 de 16 800 milliards de dollars (en parité de pouvoir d’achat) contre 16 700 pour les États-Unis.
Une telle évolution ne surprendra pas l’économiste qui aura suivi l’évolution de ce pays sur une longue période. On sait en effet
que Deng Xiaoping, le successeur de Mao, engagea des réformes structurelles pour que la Chine poursuive un développement économique enclenché depuis le début des années 1950, mais auparavant beaucoup plus centré sur une stratégie d’autosuffisance et de
substitution aux importations. L’originalité de la période récente est à la rapidité avec laquelle ces réformes ont propulsé l’économie
chinoise au rang de grande puissance en devenir (graphique p. 14)1. La croissance économique de la Chine a ainsi fait sortir près
de 500 millions de personnes d’une situation d’extrême pauvreté.
Cette perspective ne fait que prolonger la tendance d’une économie chinoise ayant accédé depuis le début des années 2000 au rang
de première puissance exportatrice mondiale, devançant même l’Allemagne industrielle dans le domaine des biens manufacturés.
Le degré d’ouverture commerciale de l’économie chinoise n’a cessé de s’élever depuis le début des années 1980.
Le poids de la Chine dans les échanges mondiaux de marchandises dépasse 11%. Entre 1990 et 2013, la croissance
annuelle des exportations chinoises de marchandises a été
en moyenne de 18,5%, celle des importations de 17,2%. Les
exportations sont ainsi passées en valeur de moins de 14 milliards de dollars en 1979 à 2 210 en 2013 (15,7 à 1 982 pour
les importations). Jusqu’à la fin des années 1980, l’économie
chinoise dégage un solde commercial déficitaire. Depuis
1990, elle n’a cessé d’accumuler les excédents2 .
Degrésd’ouverturedesprincipaleséconomies(en%)
Source : OCDE, mode de calcul [(exportations + importations)/2] :
PIB*100
France
Allemagne
EtatsͲUnis
Japon
RoyaumeͲ
Chine
1980
22,2
22,6
10,3
13,9
26,0
6,1
1990
22,0
24,9
10,3
9,9
25,1
13,3
2000
28,3
33,2
13,0
10,1
28,6
22,0
2010
26,7
44,2
14,5
14,6
31,6
27,5
La configuration actuelle de l’économie mondiale appelle
donc deux types de questions. La première concerne la problématique de la succession d’une hégémonie par une autre. L’histoire économique de longue période a en effet montré que les
centres économiques qui dominaient le monde n’avaient qu’une durée de vie limitée, le déclin d’une puissance laissant ouverte la
1
Les historiens des faits économiques indiquent même que la Chine formait l’une des grandes puissances économiques au XVIIIème siècle et que, de ce point de
vue, le processus en cours ne traduirait qu’une ré-émergence de la Chine et non une émergence. Lire P. Bairoch (1999), Mythes et paradoxes de l’histoire économique, éditions La Découverte.
2Le positionnement de la Chine constitue un objet d’étude privilégié pour les autorités américaines et particulièrement pour le Congrès. Voir par exemple W. M.
Morrison (2014), « China’s Economic Rise : History, Trends, Challenges and Implications for the United States », Congressional Research Service, 7-5700, August 21 (www.crs.gov)
Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Page 13
voie de sa succession, selon des modalités politiques plus ou
moins violentes. À ce titre, l’un des grands thèmes de débat
entre les économistes a trait à l’évolution de la monnaie chinoise, qui pourrait être l’un des vecteurs de son hégémonie
économique dans les années à venir. La question de l’accession de la Chine au rang de puissance hégémonique et
comme successeur des États-Unis est entière et légitime.
Cette ambition semble toutefois se manifester aujourd’hui
plutôt sur une échelle régionale, en particulier au travers de
l’APEC (Asian Pacific Economic Cooperation). Son récent
Sommet a illustré le dynamisme commercial de l’Asie, emmené par la Chine. Le second type de question a trait aux
instruments dont disposent les États-Unis pour contenir
l’ambition chinoise, d’abord sur le plan régional, à plus
longue échéance sur le plan mondial. C’est sur cette
deuxième question que se concentre cet article.
en%duPIBPPAmondial2005
35
30
25
20
UE 10
UE 9
15
UE 6
10
5
0
UE 12
UE 15
UE 25
UE 27
1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 2001 2005 2009 2013
UnionEuropéenne(27)
EtatsͲUnis
Chine
UEdétaillé
ÉvolutiondespartsdanslePIBmondial
1329ͲChambresd'AgriclultureͲÉtudeéconomiques
Source:CEPIIͲCHELEM
Des relations économiques et commerciales déséquilibrées
L’ouverture économique de la Chine, dont le point culminant est atteint avec son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) en décembre 2001, a progressivement engendré des déséquilibres commerciaux successifs et chroniques avec les États-Unis.
Globalement, l’économie chinoise accumule les excédents commerciaux avec le reste du monde. Les excédents commerciaux chinois
nourrissent ainsi les réserves de change de la Banque Centrale – les exportateurs ayant obligation d’y déposer leurs devises – qui a
franchi à la fin de l’année 2014 le seuil des 4 000 milliards de dollars. On sait que de telles réserves servent en partie à financer le
déficit budgétaire américain par le biais des Bons du Trésor US. Une étroite interdépendance s’est donc créée entre ces deux entités
économiques. Le financement partiel du déficit américain par la Chine depuis de nombreuses années a obligé Washington à ouvrir
son marché aux productions manufacturières chinoises.
Comme l’indique le graphique ci-dessous, le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine n’a cessé de croître. En 2012, le
déficit bilatéral dégagé par les États-Unis avec la Chine a atteint 283 milliards de dollars, soit environ 40% du déficit commercial
global des États-Unis. Vis-à-vis de l’Union européenne à 28, l’excédent chinois s’est élevé en 2012 à près de 100 milliards de dollars.
Par contraste avec une lecture globale des échanges, une approche sectorielle des flux commerciaux bilatéraux indique que les ÉtatsUnis exportent davantage en Chine qu’ils n’importent de produits agricoles et alimentaires. Ce constat reflète assez bien la dégradation des échanges chinois en produits agricoles et alimentaires. Excédentaire sur les biens manufacturés, la Chine est désormais
très dépendante de l’extérieur pour ses approvisionnements agricoles, le déficit ayant dépassé les 50 milliards de dollars en 2013.
Vis-à-vis des États-Unis, si la Chine enregistre un excédent
conséquent, elle est déficitaire en produits agricoles et alienmilliardsdedollars
mentaires (graphique p. 15). En 2012, 83% des importa500
Exportations
desEtatsͲUnis
tions chinoises de produits agricoles et alimentaires
400
verslaChine
provenaient des industries de la transformation américaines.
300
Plus finement encore, 53% des importations agroalimen200
Importations
taires chinoises étaient constituées de graines oléagineuses,
100
desEtatsͲUnis
enprovenance
12% des fibres végétales, 10,5% des produits animaux
0
delaChine
(viande bovine, autres viandes et viandes transformées), et,
Ͳ100
enfin, près de 5% sont des achats de maïs, importations dont
Ͳ200
Soldedes
la croissance est nette depuis 2010. Une division du travail
échangesentre
Ͳ300
lesEtatsͲUniset
contre-intuitive s’est ainsi progressivement établie entre la
Ͳ400
laChine
1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012
Chine et les Etats-Unis : ces derniers fournissant des produits primaires à la Chine qui envoie des biens manufactuÉchangescommerciauxentrelesÉtatsͲUnisetlaChine(total)
999ͲChambresd'AgriclultureͲÉtudeéconomiques
rés. C'est-à-dire exactement l’inverse du rapport connu
Source:CEPIIͲCHELEM
depuis la seconde guerre mondiale entre des économies développées et des économies dites « en développement »
après la décolonisation.
Cette évolution n’est pas propre aux produits agricoles et alimentaires. La Chine est devenue en effet un grand importateur de matières premières énergétiques, à commencer par le pétrole, dont la production intérieure ne parvient plus à couvrir ses besoins. En
2013, elle en a importé près de 6 millions de barils par jour.
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Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Si la Chine accumule les excédents commerciaux et les réenmilliardsdedollars
Exportations
35
serves de change, son cheminement vers le statut de puisdesEtatsͲUnis
verslaChine
sance hégémonique sera encore long, et nécessitera d’en
30
réunir tous les attributs (production, monnaie, technologie,
Importations
25
desEtatsͲUnis
militaire, culturel). La période actuelle semble en revanche
enprovenance
20
consacrer l’accession de cette économie au rang de puissance
delaChine
15
régionale dominante. Au sein de l’APEC (Australie, CaSoldedes
échanges
nada, Corée du Sud, Etats-Unis, Japon, Chili, Pérou, Chine,
10
entrelesEtatsͲ
Vietnam, Russie…), les flux commerciaux entre les pays asiaUnisetla
5
Chine
tiques ont en effet connu une croissance régulière, passant
0
de 31 à 41% du total des échanges intra-régionaux en une
1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012
décennie. Une telle évolution s’est faite au détriment du
ÉchangescommerciauxentrelesÉtatsͲUnisetlaChine
commerce entre les économies géographiquement situées à
(produitsagricolesetalimentaires)
l’Est du Pacifique, à commencer par les États-Unis. Les pro2326ͲChambresd'AgriclultureͲÉtudeéconomiques
duits agroalimentaires ne représentent que 3 à 4% des flux
Source:CEPIIͲCHELEM
commerciaux au sein de l’APEC, et 25% sont échangés
entre les pays asiatiques de l’association, pour près de 95 milliards de dollars. Il s’agit principalement de poissons et crustacés,
d’huiles végétales, de fruits et légumes. Les produits animaux ou pour l’alimentation animale sont peu échangés dans la zone et
font plutôt l’objet de commerce avec les pays non asiatiques de l’APEC. Au sein des pays asiatiques, la Chine est le premier pays exportateur de produits agroalimentaires vers ses voisins, devant la Thaïlande, et le deuxième importateur derrière le Japon.
Dans cet ensemble, la Chine occupe depuis 2012 le rang de premier exportateur de la région APEC avec 22% du total. De plus, la
Chine entend créer une Banque Asiatique de Développement (BAD). Autant de menaces pour la suprématie américaine dans la
région. Par le jeu des rivalités régionales, l’hypothèse d’un déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale semble donc
se confirmer.
Contenir la montée en puissance de la Chine : quels leviers pour les États-Unis ?
En se constituant comme le centre de gravité de la région, la Chine s’est-elle dotée d’une force de frappe susceptible de déclencher
une guerre économique avec Washington et certains de ses alliés économiques ? Cette perspective est peu probable au regard du
haut degré d’interdépendance qui caractérise les deux géants économiques. Interdépendance commerciale d’abord, la Chine devant
préserver ses débouchés sur le marché américain, et financière ensuite, les États-Unis absorbant une partie importante des surplus
chinois pour financer une dette fédérale qui dépasse encore les 105% du PIB.
Comment dès lors contenir (containment) la puissance de la Chine ? Soulever une telle question illustre bien à quel point l’analyse
économique est de plus en plus indissociable de la géopolitique. Si le recours à des formes de protectionnisme semble écarté pour
la raison qui vient d’être évoquée, il apparaît logique que Washington, qui entend conserver la main sur les affaires économiques
mondiales d’une part, et sur la région Asie d’autre part, déploie une stratégie d’encerclement de Pékin qui passe par l’instauration
d’accords régionaux avec ses principaux partenaires.
Le principe fondamental des accords régionaux réside précisément dans ce que la théorie économique a appelé « l’effet de détournement ». Un pays non signataire d’un accord régional est par définition exclu des échanges intra-régionaux, l’incitant parfois à
adopter en contrepartie des mesures de rétorsion (tarifs douaniers, barrières non tarifaires notamment) à l’encontre des économies
qui ont été intégrées par l’accord régional.
Le premier volet de cette stratégie a trait aux négociations en cours avec une bonne dizaine de pays d’Asie, d’Océanie et d’Amérique,
pour aboutir à un accord transpacifique. Lancées en 2011, ces négociations n’ont toujours pas abouti, notamment en raison du différend persistant au sujet d’une part de l’ouverture du marché japonais aux produits agricoles américains et, d’autre part, du conflit
persistant relatif à l’automobile. Le second volet est plus récent et engage cette fois l’Union européenne dans la voie de négociations
dites transatlantiques. Là aussi, le calendrier des négociations risquent d’être perturbé par les tensions qui se manifestent autour de
la question agricole, tant sur les droits de douane que sur les barrières non tarifaires. Pacifique, Atlantique : tenter d’encercler la
Chine par deux océans, d’une part en l’excluant de ces futurs accords régionaux – si ceux-ci voient le jour – et, d’autre part, en
l’obligeant à aligner ses méthodes de production sur les normes reconnues et harmonisées par les signataires des accords transpacifiques et transatlantiques.
Poids démographique, économique, étendue des marchés, normes harmonisées, autant de paramètres pouvant préserver la suprématie des États-Unis sur l’économie mondiale face aux ambitions de la Chine. Sur ce registre, Washington détient un atout de taille,
le dollar, qui demeure encore, soixante-dix ans après la signature des Accords de Bretton Woods, la monnaie véhiculaire de l’économie
mondiale.
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En indiquant que des facteurs de blocage des négociations peuvent allonger le calendrier et repousser la perspective d’une signature
rapide des accords, on suggère que cela joue du coup en faveur de la Chine, laquelle aurait intérêt à multiplier elle aussi des accords
de libre-échange. C’est d’ailleurs une stratégie que Pékin a déjà déployée, au regard des intentions affichées dans le cadre de l’ASEAN,
mais aussi de la coopération économique lancée avec Taiwan, ou bien encore des projets d’accords bilatéraux de libre-échange avec
les États arabes du Golfe, avec la Suisse, la Norvège ou l’Union Sud-Africaine et l’Australie. L’autre moyen de déjouer les intentions
américaines en matière de containment consiste à investir massivement dans les économies européennes, afin de contrôler certains
secteurs d’activités, comme les infrastructures portuaires ou aéroportuaires, ou aux États-Unis dans le domaine de la viande de porc,
en acquérant des entreprises de la transformation de ce type de viande, à l’instar de Smithfield par Shuanghui.
Conflits latents ou perspective d’une co-direction de l’économie mondiale ?
La rupture dans les relations économiques internationales dont est porteuse la Chine depuis la fin des années 1970 interpelle l’Occident. Avec la montée en puissance de cette économie, il assiste en effet à l’érosion du pouvoir occidental sur les affaires économiques
et financières du monde. La stratégie d’encerclement de l’économie chinoise par le biais d’accords régionaux de libre-échange et
d’investissements forment l’un des contrepoids possibles aux ambitions chinoises dans la région Asie, voire sur le monde. Mais on
voit bien que se dessine alors un système de rivalités régionales, confirmant que la mondialisation est davantage une régionalisation
de l’économie mondiale qu’une véritable globalisation. Une régionalisation qui de surcroît connaît une mutation dans la mesure
où il s’agirait encore davantage de trans-continentalisation des économies.
Cette configuration suggère de reconsidérer les principes d’une « gouvernance » mondiale, calée depuis soixante-dix ans sur des
institutions internationales héritées des Accords de Bretton Woods. L’état présent des relations internationales se distingue en effet
par un haut degré de complexité des interactions entre les acteurs publics et privés, et d’instabilité entre les nations. La puissance
dominante actuelle, les États-Unis, ne parvient plus à maintenir la cohérence de l’économie mondiale, la crise de 2007 en constituant
une illustration. La Chine ne détenant pas tous les attributs pour leur succéder, se dirige-t-on vers un monde sans leadership ou
vers la formation d’un G2, d’un système bipolaire, la Chine et les États-Unis se partageant la direction des affaires du monde ?
L’histoire ne fait que commencer…
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«Brèves»
Ce recul serait dû à 2 facteurs :
Les importations de viande bovine chinoise
en légère progression en 2014
- Le renouvellement des licences des entreprises d’alimentation
animale en 2014, qui aurait mené à la fermeture de 30% des sites,
majoritairement de petite taille.
Les importations de viande bovine chinoises (y compris HongKong) n’ont que faiblement progressé en 2014, après l’envolée enregistrée en 2013.
- Des secteurs du porc et de la volaille déprimés, qui ne tirent pas
la demande. Le prix du porc ne cesse de reculer et le secteur de la
volaille a été dûrement touché par la grippe aviaire.
Le importations de la Chine continentale ont même reculé de plus
de 2%, à 378 000 téc. A l’inverse, les expéditions à destination de
Hong-Kong auraient progressé de 17% à 621 000 tonnes, majoritairement en provenance du Brésil et des Etats-Unis. Au total,
les achats de la Chine continentale et de Hong-Kong se monteraient à près d’1 million de tonnes, en hausse de 9%/2013.
La campagne en faveur des OGM se poursuit
en Chine
Après avoir refusé en août dernier le renouvellement du certificat
de biosécurité de 3 OGM, (2 variétés de riz et une variété de maïs)
le Ministère de l’agriculture chinois a finalement accepté en décembre de les prolonger de 5 ans.
Cette hausse bien moins élevée que celle connue en 2013 s’explique
notamment par un stabilisation des prix de la viande bovine sur
le marché intérieur en 2014, qui a freiné le recours aux importations.
La production d’aliments pour animaux en recul
en 2014
Deux mois plus tard, en février, une dégustation d’une des des
deux variété de riz concernées (le « Bt ShanYou 63 », l’autre étant
le « HuaHui Nº1 ») a eu lieu dans des restaurants de 23 villes
chinoises, rassemblant plusieurs centaines de personnes.
Les premières estimations disponibles font état d’une nouvelle
baisse de la production d’alimentation animale en Chine. Avec
un peu moins de 184 millions de tonnes produits, la baisse se chiffrerait à 5% d’une année sur l’autre.
Cette opération de communication s’inscrit dans le cadre de la
campagne en faveur des OGM lancée à l’automne dernier par les
autorités chinoises afin de convaincre les consommateurs de l’innocuité des OGM.
Chine_Abcis n°11 -12 Février 2015
Directeur de la publication : Michel Prugue
Auteurs : Jean-Marc Chaumet, Philippe Chotteau,
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