Edito
Chine_Abcis
La lettre de veille et d’analyse de l’économie
de l’élevage en Chine
中国农牧业经济情况分析杂
N° 11-12 Février 2015
SOMMAIRE
Ruptures et continuités
Vous avez entre les mains la première livraison de Chine_Abcis. Cette publication
porte le n°11-12 pour souligner la continui avec la lettre Idele_Chine,e il y
a 3 ans du constat que le géant asiatique prenait une place gémonique sur les
marchés des produits des lières ruminants. Nous écrivions alors dans l’éditorial
de ce n°1 « Qui peut encore ignorer lEmpire du Milieu ? Car la Chine nest pas
seulement latelier du monde globalisé, elle devient aussi un importateur de premier
plan pour les denrées alimentaires ». Ce poids de la Chine sur les marchés inter-
nationaux concerne lensemble des matres premières : les grains comme la pou-
dre de lait, le porc ou la volaille comme le bœuf ou lagneau. D’ailleurs, au l des
dix numéros parus en 3 ans (120 pages), tous ces marchés ont été analysés :
20 articles sur les lières laitières, presquautant sur les cultures, 13 articles sur la
politique agricole, la consommation et le commerce de matres premres d’ori-
gine agricole, 10 sur la viande bovine, 2 sur la viande porcine…
Le passage d’Idele_Chine à Chine_Abcis illustre l’interconnexion de lensemble
des marchés des produits animaux et des matières premières pour l’alimentation
animale. C’est dailleurs pour cette raison que les 3 instituts techniques animaux
(IDELE, IFIP et ITAVI) ont créé ensemble une société de service dénommée
ABCIS qui propose une offre complète et sur mesure à lensemble des entreprises,
collectivités, institutions, en France comme à l’international (voir en dernière
page).
Ce numéro double de Chine_Abcis fait donc la part belle à la diversides pro-
duits animaux et à lalimentation du tail. Il propose aussi une nouvelle rubrique,
« Grand-angle », consacrée à des réexions plus générales sur la politique agri-
cole ou la géopolitique alimentaire. Pour l’inaugurer, nous avons la chance de bé-
cier de l’éclairage de ierry Pouch, qui, outre sa responsabilité du service
Economie, Références et Prospectives de lAPCA, est aussi chercheur associé à
l’Université de Reims et auteur de nombreux ouvrages, dont un très remarq
« Agriculture et mondialisation » avec Sébastien Abis. Dans son article, il pose
la question du conit pour l’hégémonie mondiale entre les Etats-Unis et la
Chine, des négociations commerciales bilarales et régionales comme armes
dans cette nouvelle guerre économique et, enligrane, des temps longs de l’his-
toire humaine. Une illustration des ruptures et des continuités à travers lécume
de lactualité.
Bonne lecture !
Cultures
Des importations de maïs en recul p 2
Porc
Même pour le porc, le déficit commercial
se creuse lentement p 3
Volaille
Les problèmes sanitaires poussent
la restructuration de la filière avicole p 9
Une consommation de produits avicoles
qui évolue p 10
Grand angle
L’économie chinoise constitue-t-elle
une menace pour l’hégémonie américaine ? p 13
Bovin lait
Crise laitière en Chine p 6
Le développement rapide des grandes
fermes laitières p 8
Brèves p 17
Des importations de maïs en recul
En 2014, les importations chinoises de maïs ont recu
pour la deuxième année consécutive, après le pic enregist
en 2012. Près de 2,6 millions de tonnes ont ainsi été ache-
tées sur le marché international, une baisse de 20%/2013
et de moitié par rapport à 2012.
Différents facteurs peuvent expliquer cette évolution. Tout
d’abord depuis octobre 2013 la Chine a rejeté plus d’1,25
million de tonnes de maïs étatsunien au motif de la pré-
sence d’un OGM, approuvé par les États-Unis mais non
autorisé en Chine, le MIR 162 (produit par Syngenta). Ce
différend a limiles envois étatsuniens à 1 million de
tonnes et orienté les acheteurs vers d’autres exportateurs
L’Ukraine est ainsi devenue le 2ème fournisseur chinois avec
960 000 tonnes et une part de marché (37%) à peine infé-
rieure à celles des États-Unis. Cette diversication des ap-
provisionnements a également favorisé la aïlande et la
Bulgarie.
Ensuite, les importateurs chinois se sont reportés vers d’au-
tres produits. Les importations de drêches et distillats
(DDGS), d’orge et de sorgho, ont dépassé les 5 millions de
tonnes pour chacun des produits en 2014. Les progressions
d’une année sur l’autre sont considérables pour le sorgho
(x5) et l’orge (x2) et signicatives pour les DDGS (+35%).
Les importations de blé ont, elles, reculé de plus de 50% à
près de 3 millions de tonnes.
Des importations chinoises de maïs
prévues en baisse en 2015
Les importations de maïs devraient également être limitées
en 2015, étant donné les orientations de la politique agri-
cole chinoise.
Les mesures visant à soutenir les revenus ruraux et à stimu-
Page 2 Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
Cultures
Importationschinoisesdemaïsparpaysfournisseur
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsTradeMapetdouaneschinoises
0
1
2
3
4
5
6
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
EtatsͲUnis Laos Myanmar Ukraine Thaïlande Bulgarie autres
millionsdetonnes
ImportationschinoisesdecéréalesetdeDDGS
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsTradeMapetdouaneschinoises
0
1
2
3
4
5
6
7
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
DDGS Sorgho Orge
millionsdetonnes
ler la production de céréales ont d’abord consisté en un prix minimum pour le riz, couplé à des achats publics. Puis le même système
a été élargi au blé et un système de «réserves temporaires», liées à un prix public d’achat, a été mis en place pour le maïs, le soja et
le coton (lire Idele_Chine n°10). Les prix minimums de ces différents systèmes ont été augmentés année après année, creusant un
écart important entre les prix intérieurs et les prix sur le marché international. Début 2015, le prix du maïs en Chine est ainsi 2,5
fois plus élevé que celui du Chicago Board of Trade (CBOT). Alors que les prix mondiaux chutaient, les autorités chinoises ont en
effet décidé de maintenir le prix minimum du maïs au même niveau en 2015, risquant encore de creuser les écarts.
Ces écarts de prix mènent pourtant à des achats publics massifs. En 2014, les autorités chinoises ont annoncé avoir stocké près de
124 millions de tonnes de grains (céréales, soja…), dont 36 millions de tonnes de maïs. Dans le même temps, les importations chi-
noises de grains (riz, blé, maïs, soja, orge, sorgho, colza, manioc…) atteignaient les 110 millions de tonnes, dont 71 millions rien
que pour le soja. Il est intéressant de constater que ces chiffres sont en hausse parallèle depuis plusieurs années : plus 87 millions de
tonnes par rapport à 2012 pour les achats publics et plus 20 millions de tonnes pour les importations.
Pour mettre n à ces stocks vertigineux, les autorités chinoises ont décidé de mettre progressivement en place un système de
« deciency payment », dabord expérimenté sur le sucre et le soja (lire Idele_Chine n°10).
Mais dans les mois qui viennent, avec une production officielle de maïs à 215 millions de tonnes en 2014, soit seulement 3% sous
le record de 2013, les autorités chinoises sattendent encore à devoir acheter et stocker des quantités importantes de grains, notam-
ment de maïs, alors que les silos sont déjà pleins. Le Centre national d’Information sur les Céréales et les Huiles a ainsi annoncé
prévoir de porter les stocks de maïs à 120 millions de tonnes en 2015.
An de relancer la consommation de maïs, les autorités
chinoises ont cidé de rendre plus compétitives les expor-
tations d’amidon en diminuant de 13% les taxes sur les ex-
portations, sans effet notable jusquà présent.
Malgré l’écart de prix entre les origines chinoise et étatsu-
niene du maïs, et l’autorisation des autorités chinoises, an-
none n 2014, de nalement laisser entrer le maïs
génétiquement modié MIR 162 de Syngenta, les impor-
tations de maïs ne devraient pas progresser en 2015. En
effet, an de diminuer les stocks, les autorités chinoises ont
annoncén 2014 que les quotas d’importations de céréales
destinés aux entreprises privées (sauf celles qui réexportent
les produits transformés à partir de céréales importées), se-
ront accordés en fonction des volumes achetés lors des en-
chères publiques de grains en stocks. Les prix de départ
pour les enchères du maïs était xé en janvier à
370 $/tonne, soit un prix très élevé par rapport au prix in-
ternational. Les entreprises chinoises vont donc devoir cal-
culer l’opportunité de participer à de telles enchères an de pouvoir se procurer du maïs (ou du bet du riz) à l’importation.
Si le calcul ne s’avère pas rentable, cette nouvelle règle risque de limiter fortement les importations chinoises de céréales en 2015.
Page 3Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
ÉvolutiondesprixdumaïsenChineetàChicago(CBOT)
Source:GEBͲInstitutdel'Élevaged'aprèsMinistèrechinois
del'agricultureetlapêcheͲPetitMeunier
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
500
J MM J S N J M M JS N J MM JS N J M M J S N J MM J S N J MM JS N J M M JS N J
20082009201020112012201320142015
$/tonne
ChineEtatsͲUnis
Un équilibre articiel entre production et consommation
La Chine est de loin le plus important producteur de porcs dans le monde avec 56,5 millions de tonnes équivalent carcasse en 2014
(+3%/2013), d’après les données officielles. C’est une augmentation de 42,5% depuis 2000 et une multiplication par deux par rapport
au début des années 90. A titre de comparaison, la production porcine dans l’ensemble des pays de l’Union européenne s’élève à 22,7
millions de tonnes et celle de lALENA (Accord de libre-échange Nord-Américain) avoisine 13,3 millions de tonnes en 2014.
Depuis au moins deux décennies, le gouvernement chinois affiche clairement sa volonté de développer la production porcine. Le
« 12ème plan national quinquennal (2011–2015) » s’est d’ailleurs focalisé davantage sur l’agriculture, en particulier le secteur
porcin, que sur l’industrie comme cela avait été le cas dans les périodes précédentes.
Porc
Biland'approvisionnement(sansabats)
Source:IFIPd'aprèsUSDA
20000
30000
40000
50000
60000
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14
Consommation
Productiondeporc
1000téc
0
250
500
750
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14
Exportations
Importations
1000téc
Même pour le porc, le décit commercial se creuse lentement
Les politiques publiques portent principalement sur :
- la maîtrise des prix dans la lière. En effet, la production porcine a un impact important sur l’économie chinoise et sa consom-
mation une place majeure dans l’alimentation. Un approvisionnement insuffisant du pays entraîne une hausse du prix du porc, avec
des effets inationnistes sensibles. A l’inverse, une offre trop importante génère des pertes à la production et larrêt des producteurs.
Pour réguler le rapport entre offre et demande, le gouvernement contrôle ainsi les ux à l’importation sur le marché mondial et
gère des stocks d’intervention de viande.
L’intervention a éintroduite après la chute de loffre en 2007/2008, liée aux problèmes sanitaires (SDRP), suivie par les difficultés
de marché (crise économique mondiale doublée d’une faible rentabilité des élevages affectés par la hausse mondiale des prix des
matières premières). Grâce à l’intervention, une chute importante de la production a pu être évitée en 2011.
- les aides aux investissements. Elles orientent les opérateurs vers une modernisation profonde des structures des exploitations et
des abattoirs, de plus grandes tailles, en utilisant les techniques les plus actuelles, souvent importées.
Ainsi, les courbes de la production et de la consommation se superposent, mais un écart se creuse lentement : la consommation
croissante nécessite des importations de plus en plus importantes. En 2014, celles-ci ont atteint 810 000 tonnes équivalent carcasse.
(+5%/2013).
De plus en plus d’importations
et davantage de produits plus élaborés
En 2014, tous produits confondus, la Chine a importé 1,36
million de tonnes de produits de porc (dones provisoires
basées sur les échanges de 11 mois), pour une valeur de 1,64
milliard d’euros (-7%/2013). Les importations annuelles
représentent à peine une semaine de la consommation. Plus
de 60% (848 000 tonnes en 2014) sont des abats, de faible
valeur. Cependant, depuis 2007, les produits à plus forte
valeur ajoutée, en particulier les pièces de porc congelées,
gagnent en importance. Les produits transformés restent
encore peu importés. Depuis 2000, les importations de
produits porcins ont été multipliées par 5 en volume et
presque par 8 en valeur, en raison de la nature des produits,
mais aussi de la hausse mondiale des prix de la viande de
porc.
Les fournisseurs sont principalement les Etats-Unis,
le Canada et les pays européens, au premier rang l’Alle-
magne et le Danemark, suivis par l’Espagne et la France.
Encore absente en 2009, lAllemagne est devenue le premier
exportateur de l’UE vers la Chine. Depuis les problèmes
sanitaires liés à la peste porcine africaine, la Pologne a
interrompre ses expéditions vers la Chine. L’Union euro-
enne représente 50% du total et les pays de l’ALENA,
25%. Les importations via Hong Kong, plateforme de com-
merce, représentent 18 % des volumes : une multitude de
pays dans le monde, nayant pas accès direct au marché chi-
nois, passent par des intermédiaires hongkongais. Cepen-
dant, cette pratique tend à se duire à la faveur des
importations directes. Depuis n 2013, le Brésil a obtenu
un accès direct au marcchinois, mais peu de volumes ont
jusqualors été exportés. La principale raison est que Chine
contrôle étroitement les agréments sanitaires des usines po-
tentiellement fournisseuses.
Importationschinoisesdeviandes,produitsetsousͲproduits
deporcen2014*selonlesprincipauxfournisseurs
Source:IFIPd'aprèsdouanes
HongͲKong 240 250
ÉtatsͲUnis 216 329
Allemagne 207 244
Danemark 195 238
Canada 130 140
Espagne 90 118
France 61 94
Chili 47 47
PaysͲBas 46 58
Irlande 32 39
RoyaumeͲUni 29 28
Pologne 15 17
A
utres 56 36
Total 1362 1639
 
Tonnes Millierseuros
Évolutiondesimportationschinoisesdeporc
selonlesprincipauxfournisseurs
Source:IFIPd'aprèsdouanes
0
100
200
300
400
500
600
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 1
4
HongͲKong ÉtatsͲUnis Allemagne Danemark
Canada Espagne France Autres
1000tonnes
Page 4 Chine_ABCIS N°11-12 Février 2015
*données provisoires calculées sur 11 mois disponibles
Il est difficile de détecter une saisonnalité dans les échanges.
Comme mentionné précédemment, les importations per-
mettent de réguler l’offre à la demande nationale. Le seul
événement récurrent est la demande en importations plus
soutenue au dernier trimestre de chaque année, an de pré-
parer les fêtes du nouvel an chinois, qui ont lieu en
janvier/février.
La Chine est aussi exportatrice de viande de porc. Les vo-
lumes avoisinent 250 000 tonnes ces dernières années, ma-
joritairement des produits transformés. La valeur totale est
de 846 millions d’euros. Hong Kong est la principale des-
tination, suivie par le Japon. Ensemble, ces deux marchés
cumulent 72% du total exporté.
Avec une population de 1,36 milliard d’habitants en 2013,
la consommation officielle moyenne de porc par habitant
sélève à 40 kg, comme dans l’Union européenne, alors que
celle des Français est de 31 kg. Cependant, différents avis et
informations conduisent à s’interroger sur la réalides
données officielles. Une analyse réalisée par l’Ip-Institut
du Porc en 2014, laisse penser, en première approche, à une
surestimation de 20% à 25% de la production porcine. Dans
ce cas, la Chine conservera néanmoins sa première place
parmi les producteurs mondiaux de porcs. Mais selon cette
approche, la consommation par habitant se situerait à un
niveau beaucoup plus faible. La croissance potentielle de la
consommation apparait ainsi plus importante avec ces es-
timations. La modernisation de la lière chinoise permettra
sans doute de produire une partie du besoin supplémen-
taire. Au-delà, un arbitrage devra être fait entre l’importa-
tion des matières premières pour nourrir des animaux ou
l’importation de viandes de porc.
Évolutiondesimportationschinoisesdeviandesetd'abats
Source:IFIPd'aprèsdouanes
0
100
200
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600
700
800
900
00 02 04 06 08 10 12 14
Carcassesetpièces
Abats
1000tonnes
Importationsmensuelleschinoisesdeviandeetd'abatsdeporc
Source:IFIP,d'aprèsdouanes
80
90
100
110
120
130
JFMAMJJASOND
2012 2013 2014
1000tonnesdeproduit
NOTE DE METHODE : Les données du bilan d’ap-
provisionnement (la production, la consommation et les
échanges) sont exprimées en tonnes équivalent carcasse.
Ces données ne comprennent pas les abats.
Les données sur les importations et les exportations sont
extraites des bases de données des douanes : elles sont ex-
primées en tonnes de produits et intègrent les abats. Les
importations chinoises sont le cumul des exportations de
tous les pays au monde disponibles dans la base vers la
Chine. Les données de lannée 2014 sont estimées sur la
base des chiffres disponibles à ce jour des 11 premiers
mois de l’année.
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