Le continent américain, entre tensions et intégrations régionales Le

Le continent américain, entre tensions et intégrations régionales
Le continent américain représente un ensemble géographique clairement identifiable,
marqué par un passé commun (la colonisation européenne) et par l'hégémonie
étatsunienne. Au-delà de ces traits communs, le continent est marqué par de forts
contrastes et d'importantes tensions économiques et politiques. Cependant, des
phénomènes d'intégration régionale existent sur l'ensemble du continent. Au delà des
contrastes et des tensions, le continent américain évolue-t-il vers davantage d'intégration
régionale ? Nous verrons tout d'abord les contrastes et les tensions qui marquent le
continent, avant d'analyser les différents projets d'intégration régionale.
I. Un continent marqué par de multiples contrastes et tensions
A. Les contrastes à l’échelle continentale
1. Contrastes géoéconomiques
Le Nord du continent est riche (Etats-Unis et Canada)
IDH très élevé (>0,9), ainsi que le PIB par habitant (>40 000$)
L'économie etatsunienne est la plus puissante du continent (ils représentent les
2/3 du PIB du continent américain !). Les Etats-Unis sont le premier investisseur
sur le continent et le pays le plus attractif.
Le Canada est un pays riche en ressources naturelles, dont l'économie est
fortement intégrée à celle des Etats-Unis.
La situation de l'Amérique Latine est plus contrastée
Certains pays émergents ont un niveau de développement moyen, voire élevé
(Brésil, Mexique, Argentine, Chili)
Brésil : économie dominante de l'Amérique Latine (6e rang mondial), premier
récepteur d'IDE du sous-continent. Mais touché par de fortes inégalités
sociales.
Mexique : économie diversifiée (industrie, pétrole…) mais fortement
dépendante de l'économie étatsunienne.
Argentine, Chili, Uruguay : grands exportateurs de matières premières et
produits agricoles. IDH élevé (>0,8).
D'autres pays sont moins développés, avec des économies moins diversifiées,
plus dépendantes des exportations de matières premières :
Venezuela (dépendant du pétrole),
Colombie, Pérou.
Les autres espaces sont des périphéries en retard de développement dont l'IDH
est moyen (<0,7) et le PIB/hab faible : Bolivie, Paraguay. Ce sont des pays très
inégalitaires.
Il y a un PMA sur le continent américain : Haïti (IDH = 0,45).
L'Amérique Latine est un espace de violents contrastes socio-spatiaux :
entre les littoraux qui accueillent les métropoles et sont ouverts sur le monde
et l'intérieur des terres, souvent pauvre ;
à l'intérieur des métropoles entre les quartiers riches et les bidonvilles (ex :
favelas de Rio de Janeiro) ;
entre des classes sociales dominantes (descendants des colons européens,
métis) et des populations marginalisées et dominées (descendants des
esclaves africains, populations indigènes) ;
cela génère une forte criminalité (ex des cartels de la drogue mexicains) et
pousse les plus pauvres à émigrer (40 % des Salvadoriens vivent aux Etats-
Unis !).
2. Contrastes géoculturels
La vision traditionnelle du continent oppose
Amérique du Nord (blanche, anglo-saxonne et protestante)
et Amérique centrale et du Sud (métissée, latine, catholique).
réalité plus complexe : français parlé au Québec / anglais parlé au Bélize
Schéma brouillé par des évolutions récentes liées aux mouvements migratoires
et à la mondialisation :
catholicisme devenu religion la plus importantes aux Etats-Unis
protestantisme se diffuse en Amérique Latine (Brésil)
minorités ethniques (Latinos, Afroaméricains…) représentent 1 naissance/2 aux
Etats-Unis
au contraire, certains Argentine, Uruguay, Chili => population descendant
majoritairement d'Européens
Espagnol devenu la 2e langue la plus parlée aux Etats-Unis.
Forts échanges culturels à l'échelle du continent, liés aux forts mouvements
migratoires vers les Etats-Unis :
influence culturelle des Etats-Unis sur l'Amérique Latine // influence culturelle
latino-américaine sur les Etats-Unis.
Illustré par le succès des chanteurs latinos : Shakira, Jennifer Lopez, Ricky
Martin… qui chantent en anglais et en espagnol et dont les musiques se
vendent sur tout le continent.
Certaines villes sont de véritables hubs culturels :
New York (forte minorité haïtienne, portoricaine)µ
Miami (forte minorité cubaine).
3. Contrastes géopolitiques
La plupart des territoires du continent ont acquis leur indépendance entre la
fin du XVIIIe (Etats-Unis) et le début du XIXe (Amérique Latine). Canada =
exception : indépendant en 1931.
Certains territoires restent possessions d'Etats Européens, voire des Etats-
Unis
Guyane française, Martinique, Guadeloupe…
îles britanniques ou néerlandaises des Antilles
Iles Falklands (ou Malouines) contrôlées par le Royaume-Uni mais
revendiquées par l'Argentine.
Porto Rico, territoire appartenant aux Etats-Unis.
La stabilité et le caractère démocratique des régimes politiques sont très
inégaux. On peut opposer :
des régimes démocratiques stables : Etats-Unis et Canada
des régimes politiques instables depuis leur indépendance en Amérique Latine,
dont l'histoire a été marquée par de nombreux coups d’État militaires (au XXe
surtout) et des interventions etatsuniennes (XIXe et XXe s.).
démocraties latino américaines sont récentes (fin XXe s), le plus souvent
dirigées par des gouvernements de gauche radicale (Cuba, Bolivie,
Venezuela…) ou réformiste (Brésil, Chili, Equateur, Pérou…), rarement par la
droite (Colombie).
B. Le continent américain est un espace de tensions
1. Une hégémonie étatsunienne contestée mais bien présente
Une hégémonie ancienne
Doctrine Monroe : continent américain = « chasse gardée » des Etats-Unis
(1823)
forte domination économique des Etats-Unis sur le continent depuis la fin du
XIXe (« Républiques bananières » d'Amérique centrale comme le Honduras,
dominées par la puissance de la compagnie étatsunienne United Fruits, qui
contrôlait jusqu'à 25 % des terres).
Cela explique les multiples interventions étatsuniennes sur le continent,
notamment pendant la période de la guerre froide (financement de coups
d’États par la CIA comme au Chili en 1973)
une hégémonie toujours bien présente :
présence militaire (bases américaines à Guantanamo, en Colombie…)
économique
culturelle
une hégémonie contestée
fort sentiment antiaméricain dans les populations des pays latino américains,
incarné par des dirigeants comme Chavez (Venezuela) ou Morales (Bolivie).
Contraste entre des pays dépendants économiquement des Etats-Unis
(Canada, Mexique, Caraïbes, Amérique centrale) face à des pays sud
américains (Brésil, Argentine…) qui cherchent à affirmer leur autonomie.
2. Des tensions en Amérique latine
des frontières contestées :
Bolivie, privée d'accès à la mer par le Chili au XIXe, revendique les territoires
perdus
Argentine revendique îles Falklands britanniques
contestations sur le tracé des ZEE dans les Caraïbes
mais pas de guerre entre Etats depuis les années 40, faiblesse des budgets
militaires sauf au Brésil.
des tensions sociales internes génératrices de violences
dans les bidonvilles, parfois contrôlés par les narco-trafiquants (favelas de Rio
de Janeiro)
dans les régions rurales pauvres, souvent à fort peuplement indien (révolte des
Indiens du Chiapas au Mexique en 1994)
présence ancienne de mouvement de guérilla d'extrême gauche
guérilla du Sentier Lumineux au Pérou (1980-1990)
guérilla des FARC en Colombie, toujours active
Certaines zones échappent en partie au contrôle des gouvernements centraux
et deviennent des zones de non-droit :
région de culture de la coca en Colombie, au Pérou, Bolivie…
certaines parties de l'Amazonie brésilienne ou des Guyanes bûcherons,
orpailleurs et narcotrafiquants illégaux font régner la violence (massacre de
communautés indiennes, embuscade contre des soldats français en Guyane
en 2012)
II. Des logiques d'intégration différentes
A. De nombreuses associations régionales
1. Deux associations régionales abouties : ALENA et MERCOSUR
L'ALENA (Association de Lire Echange Nord Américaine), fondée en 1994.
associe Etats-Unis, Canada et Mexique
zone de libre échange qui permet une libre circulation des produits et des
capitaux, mais non des hommes
n'a pas pour but de mener des politiques communes (pas de politique de
développement du Mexique, par exemple)
a permis une forte hausse des échanges entre Etats-Unis, Canada et Mexique,
mais a transformé ces deux derniers pays en une périphérie économique des
Etats-Unis, qui absorbent 80 % de leurs exportations.
Le Mercosur (Marché commun de l'Amérique du Sud, 1991)
Membres : Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et le Venzuela
au départ zone de libre échanges
évolue vers un marché commun, avec la mise en place d'un tarif douanier
commun
volonté d'harmoniser les politiques économiques et les législations
les autres pays sud-américains y sont associés (sauf Guyana et Surinam, ainsi
que la Guyane Française).
Prédominance du Brésil dans cette organisation en raison de sa puissance
économique (Brésil = 2/3 du PIB du Mercosur) et démographique (70 % de la
population du Mercosur est brésilienne), qui suscite des tensions, notamment
avec l'Argentine.
Les autres organisations régionales latino-américaines sont de taille et
d'efficacité réduite :
Communauté Andine, tentée par un rapprochement avec le Mercosur
Caricom et Marché Commun Centre Américain, dont les territoires se
superposent en partie, ce qui les rend inefficaces.
2. Des organisations régionales à but politique
Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA)
rassemble les pays dirigés par la gauche radicale (Cuba, Venezuela, Equateur,
Bolivie principalement),
se distingue par son hostilité à l'hégémonie étatsunienne (fermeture de la base
américaine de Manta en Equateur en 2009)
UNASUR (Union des Nations Sud Américaines)
créée comme réplique au projet étatsunien de Zone de Libre Echange des
Amériques (aujourd'hui abandonné par Washington)
but = stabiliser les Etats membres, lutter contre les crises politiques, ancrer la
démocratie
inspirée par l'UE : projet de banque centrale, Parlement commun...
3. Pas d'intégration économique ou politique à l'échelle continentale
De nombreux différents entre les pays du continent empêchent toute
intégration de l'ensemble de l'Amérique
critique de la politique économique étatsunienne (ex : subventions aux
producteurs étatsuniens de maïs, qui ruinent les petits producteurs mexicains)
rejet de l'hégémonie de Washington
crainte de certains pays (Bolivie, Pérou…) face à la montée en puissance du
Brésil (cf cours sur le Brésil)
Les Etats-Unis , tout en renonçant à la ZLEA, ont réussi à signer des accords
de libre échange bilatéraux (Colombie, Chili, Panama)
Les pays riverains du Pacifique ont adhéré à l'APEC (Coopération Economique
pour l'Asie-Pacifique) et développent leurs liens avec la Chine (nombreux IDE).
L'Organisation des Etats Américains (OEA), créée en 1948 sous impulsion de
Washington pour coordonner la politique anticommuniste des Etats américains n'a
que peu d'influence
B. Les politiques d'intégration et leurs limites
1. De grands projets freinés par les contraintes naturelles
exemple réussi du barrage géant d'Itaipu,
construit dans les années 70 entre Brésil et Paraguay
fournit 90 % de l'électricité du Paraguay, 25 % de l'électricité brésilienne
gestion commune par les 2 pays
projets d'infrastructures de transports :
routes transandines financées par le Brésil
contraintes naturelles fortes : immensité du continent, forêt amazonienne,
Cordillière des Andes
Le continent manque d'infrastructures terrestres :
une seule route relie le N et le S du continent (Transaméricaine), mais elle est
impraticable aux poids-lourds au Panama
les tubes et rails ne forment pas un réseau, sauf aux Etats-Unis, mais des
« ponts transcontinentaux » du Pacifique à l'Atlantique
2. Des échanges qui explosent mais restent polarisés
échanges multipliés par 3 entre membres de l'ALENA depuis sa création
mais ces échanges sont essentiellement polarisés par les Etats Unis
les échanges Canada-Mexique sont faibles (32 milliards $ alors que les
échanges à l'intérieur de l'ALENA sont de 1000 milliards de $)
échanges multipliés par 10 entre les membres du Mercosur depuis sa
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