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Moïse,  à  qui  la  tradition  attribue  la  rédaction  de  la  Torah  (le  Pentateuque), et  qui  aurait  vécu  au 
temps de la XVIIIème dynastie égyptienne, n'est pas un personnage historique, mais un personnage 
de mémoire.7 Il n'est ni un fondateur de religion, ni l'inventeur du monothéisme, mais un appelé de 
Dieu, et un descendant, par le corps et l'esprit, d'Abraham, le Père de tous les Croyants en Dieu et en 
l'Alliance. Il est un appelé, sa vocation est sa vie, sa vie est son œuvre. Le destin de Moïse, jusqu'à sa 
mort qui est la douleur de ne pouvoir atteindre son but, la Terre promise, est un destin terrestre, et 
l'identité du plus grand des Prophètes se définit en premier lieu par ses côtés humains, ses faiblesses, 
notamment sa pusillanimité, ses hésitations, ses coups de sang et ses colères, et son humilité, puis 
aussi par sa fidélité et son écoute à l'appel de Yahvé. "L'homme Moïse était très humble, plus que 
tout homme sur la face de la terre."8  
Dieu lui parle et, sans autre, sans transe, sans exaltation ni extase, aussitôt, comme à un égal, dans la 
simplicité  du  face-à-face,  il  répond  :  "Me  voici."  Dieu  l'appelle  à  sa  vocation  et  lui  donne  ses 
instructions. Moïse insiste pour ne pas donner suite, avance des excuses, mais il finit par obtempérer. 
Il n'est pas un homme d'initiative et n'en prend point. Sa mort n'est, au contraire de ce qu'elle est 
pour les destins-phares, ni aboutissement, ni accomplissement, mais un arrêt. C'est l'arrêt du mortel 
dans  sa  condition  naturelle  de  finitude.  Moïse  est  révélé  comme  un  modèle,  un  modèle  à  notre 
portée. "Par la mort, Moïse fut rivé à l'ici-bas, et c'est elle qui, éclairant à rebours le sens de la vie de 
Moïse,  l'érige  en  symbole  de  la  condition  terrestre."9  En  bref,  comme  nous  l'avons  développé 
auparavant10, Moïse est celui dont la puissance est dérivée. Sa force, qu'il tire de sa faiblesse même, 
n'est en rien la sienne, mais bien celle de Dieu. C'est que Moïse est un modèle de Foi, qui, comme tel, 
entre dans la matrice abrahamique.11 
Humble  au  point  de  figurer  un  nouvel  Adam  fait  de  poussière  et  de  boue,  au  fondement  de  la 
création de l'Humain, nous dirons homme «authentique» par excellence, Moïse se présente, dans sa 
simplicité et avec ses travers, comme un modèle d'être humain avant tout, et qui le reste malgré son 
rapport  avec  Dieu  de  Premier  des  Prophètes.  Abraham,  nous  l'avons  vu12,  est  le  modèle  de  tout 
croyant,  Moïse  est  le  modèle  de  tout  appelé.  Le  premier,  Patriarche  de  l'humanité  et  le  second, 
Prophète des Prophètes, se complètent dans leur identité, pour nous révéler ce qu'est l'identité de 
tout  être  humain,  de  «vous  et  nous»,  dans  la  vocation  (l'appel)  de  l'être  créé  à  l'image  divine  et 
appelé à passer13, avec la Grâce de Dieu et dans la Foi, le mystère de la finitude.  
L'homme «authentique», celui qui se fait assez petit, ou humble, pour laisser toute sa place à Dieu, 
pour répondre à sa vocation, à son appel, et laisser agir à-travers lui son Créateur, sans perdre rien 
de sa personnalité avec ses forces et ses faiblesses, comme le prophète qui ne parle jamais en son 
nom, nous tous nous sommes appelés, tous nous avons la vocation de Dieu ou du prophète, chacun 
selon le profil et les attentes qui nous sont propres.  
   
                                                           
7 Cf. notre contribution 3.3.5 
8 Nb, 12,3 
9 NEHER, André. MOÏSE et la condition juive, Paris, Editions du Seuil, 1958 
10 Cf. Notre contribution 3.3.5 
11Cf. Notre contribution 8.1.4 
12 Cf. notre contribution 9.1 
13 Cf. notre contribution 9.1 : Ivri : l'Hébreu, le passeur, le diasporique.