Chapitre 16 La monnaie et les marchés des biens et des services

Sommaire
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Aux chapitres 14 et 15, nous avons vu
comment le produit national d’équili-
bre est déterminé en distinguant l’équilibre
macroéconomique sur le marché des biens
et des services et sur le marché moné-
taire. Nous allons maintenant faire l’ana-
lyse combinée de ces deux chapitres.
À la section 1, nous découvrirons com-
ment les variations de la masse monétaire
modifi ent le revenu national. Nous étu-
dierons la manière dont les variations du
marché monétaire se diffusent au marché
des biens et des services et la façon dont
les changements monétaires infl uent sur le
produit national. À la section 2, nous adop-
terons la position inverse en examinant
l’impact du marché des biens et des servi-
ces sur le marché monétaire et le taux d’in-
térêt. Par exemple, si la demande globale
augmente et que les entreprises produi-
sent des biens supplémentaires, le marché
monétaire agit-il comme une contrainte à
ce processus ? Puis, à la section 3 du chapi-
tre 16, nous combinons l’analyse du mar-
ché des biens et des services et l’analyse du marché
monétaire pour obtenir un modèle très répandu en
économie : le modèle IS-LM. Ce modèle aide à com-
prendre comment les deux marchés agissent l’un sur
l’autre et comment un équilibre macroéconomique
global est déterminé. Enfi n, nous aborderons ces inte-
ractions qui apparaissent lorsque la banque centrale
se fi xe un objectif d’infl ation, ce qui est très courant
de nos jours.
Au l de ce chapitre, comme aux précédents, nous ver-
rons que les opinions des économistes peuvent diverger,
et nous soulignerons les principaux points d’entente et
de désaccord.
1. Les e ets des variations
monétaires sur le revenu
national
Cette section est consacrée aux effets des variations de
l’offre de monnaie et du taux d’intérêt sur l’économie :
comment cela pèse sur la demande globale et com-
ment celle-ci, en retour, infl ue sur le revenu national.
Une manière simple d’aborder ces questions est d’avoir
recours à la théorie quantitative de la monnaie.
1.1. La théorie quantitative de la monnaie
Les économistes classiques utilisent la version suivante
de l’équation quantitative de la monnaie :
MV = PY
Dans cette équation, M fait référence à l’offre de mon-
naie, V est la vitesse de circulation de la monnaie, P est
Chapitre 16
La monnaie et les marchés des biens et des services
Sommaire
Les e ets des variations monétaires
sur le revenu national . . . . . . . . 519
Les e ets sur la monnaie des variations
sur le marché des biens . . . . . . . 531
L’analyse IS-LM . . . . . . . . . . . . . 535
La prise en compte de l’in ation. . 544
Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . 551
Applications . . . . . . . . . . . . . . . 552
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520 Principes d’économie
l’indice des prix et Y le revenu national réel. MV correspond aux dépenses totales de
consommation. Ainsi, si la masse monétaire est de 100 milliards d’euros et que chaque
euro soit utilisé pour faire cinq transactions dans l’année, cela veut dire que des dépenses
d’une valeur de 500 milliards ont été réalisées. MV est donc l’équivalent de la demande
nominale puisque l’ensemble des dépenses correspond aux quatre éléments suivants :
les dépenses de consommation (C), les investissements (I), les dépenses de l’État (G)
et les dépenses d’importation moins les exportations (X – M). Tous ces éléments sont
mesurés en prix courant.
PY est la valeur actuelle des biens produits par l’économie (soit le PIB mesuré avec les
prix d’aujourd’hui).
La défi nition que nous avons retenue de MV et PY entraîne l’égalité MV = PY, puisque
MV et PY sont deux façons différentes de mesurer le PIB. MV mesure le PIB en termes
de dépenses nationales et PY en termes de produit national (voir chapitre 12 pour ces
notions).
Les e ets d’une augmentation de l’o re de monnaie. Comment une augmentation
de l’offre de monnaie (M) modifi e-t-elle les autres éléments de la théorie quantitative de
la monnaie ? Cette variation se traduit-elle simplement par une augmentation des prix P,
ou a-t-elle des effets sur le niveau réel de la production Y ? La vitesse de circulation de la
monnaie reste-t-elle constante ?
La relation entre la quantité de monnaie et les prix dépend fondamentalement des
réactions de V et de Y. Ces réactions ont été au cœur de nombreux débats entre écono-
mistes, opposant notamment les keynésiens aux monétaristes et néoclassiques. Nous
focalisons notre attention sur les effets d’un accroissement de l’offre de monnaie sur
la demande globale (dépenses globales). Une offre de monnaie plus élevée entraîne-
t-elle plus ou moins de dépenses ? Parmi d’autres termes, nous nous intéresserons à la
variation de V.
Au chapitre 18, nous étudierons les interactions entre la demande et l’offre globales ; en
d’autres termes, nous nous intéresserons à la variation de Y.
1. Si V est constant : (a) une augmentation de 10 millions d’euros de M donne-t-elle une
augmentation de 10 millions de MV ? (b) une augmentation de 10 % de M donne-t-
elle une augmentation de 10 % de MV ?
2. Si V et Y sont constants : (a) une augmentation de 10 millions d’euros de M donne-
t-elle une augmentation de 10 millions de P ? (b) une augmentation de 10 % de M
donne-t-elle une augmentation de 10 % de P ?
1.2. Le mécanisme de transmission du taux d’intérêt
Un des canaux de transmission des variations entre l’offre de monnaie et la demande
globale est le taux d’intérêt. Cette transmission se fait en trois étapes (voir fi gure 16.1).
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521Chapitre 16 – La monnaie et les marchés des biens et des services
Figure 16.1 - E et d’une hausse de l’o re de monnaie : le mécanisme de transmission
du taux d’intérêt.
L
W
I
MM
Q1
r1
Q2Y1
J1
Y2
J2
I1I2
r2
Taux d’intérêt
Quantité de monnaie Investissement Revenu national
Fuites et injections
Taux d’intérêt
OOO
Sur le marché de la monnaie, une hausse de l’offre de monnaie de M à M engendre une
baisse du taux d’intérêt de r1 à r2 lorsque la quantité d’équilibre augmente de Q1 à Q2
[voir fi gure 16.1(a)].
La relation entre l’investissement et le taux d’intérêt fait qu’une baisse du taux d’in-
térêt de r1 à r2 entraîne une augmentation de l’investissement de I1 à I2 [voir fi gu-
re 16.1(b)].
La représentation keynésienne des fuites et des injections montre qu’à une augmenta-
tion des investissements correspond une multiplication du revenu national de Y1 à Y2
[voir fi gure 16.1(c)].
La fi gure 16.1(c) ne représente pas l’augmentation fi nale du revenu national. Celle-ci
est plus faible. En effet, une hausse du revenu national crée une demande plus forte de
monnaie pour motif de transaction L1. La courbe L va coulisser vers la droite [voir fi gu-
re 16.1(a)], ce qui réduit la diminution de r. En conséquence, les investissements n’aug-
menteront pas autant, ni le revenu national.
L’impact fi nal d’une augmentation de l’offre de monnaie sur le revenu national va dépen-
dre de l’importance des effets à chacune de ces trois étapes. L’importance de ces effets est
déterminée par la forme des courbes et leur propension à se déplacer :
Si la courbe L est faiblement élastique (oblique), la modifi cation du taux d’intérêt est
plus forte.
Si la courbe I est élastique (plate), la modifi cation du taux d’intérêt entraîne un chan-
gement important de l’investissement.
Si la droite des fuites (W) est plate, l’effet multiplicateur sur le revenu national est plus
important.
Malheureusement, comme l’ont remarqué les keynésiens, les effets à court terme des
étapes 1 et 2 sont probablement faibles et diffi ciles à maîtriser.
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522 Principes d’économie
Di cultés liées à l’étape 1 : le lien entre la monnaie et le taux d’intérêt. Une demande
de monnaie élastique par rapport au taux d’intérêt. Selon les keynésiens, la demande de
monnaie pour des motifs spéculatifs varie fortement en fonction du taux d’intérêt. Si les
ménages anticipent une hausse du taux d’intérêt (et donc une baisse du prix des obliga-
tions et des autres titres), ils seront très peu nombreux à souhaiter acheter ce type d’actif
nancier. Par contre, la demande pour des actifs liquides comme la monnaie sera élevée.
C’est pourquoi elle est une fonction élastique par rapport au taux d’intérêt (la courbe est
plate) : une faible variation du taux d’intérêt entraîne une forte variation de la quantité de
monnaie. Il est même envisageable que, pour un taux d’intérêt très faible, la courbe de la
demande L soit représentée par une droite parfaitement horizontale, ce qui correspond
à la situation où tout le monde pense que le taux d’intérêt est au plus bas et, donc, préfère
avoir de la monnaie plutôt qu’un autre actif nancier.
Cette situation est représentée à la fi gure 16.2, où la courbe L est très plate. Une hausse
de l’offre de monnaie de M à M’ ne cause qu’une diminution très faible du taux d’inté-
rêt de r1 à r2. À partir d’un certain point, le taux d’intérêt ne réagit plus. Toute variation
supplémentaire à la hausse de M reste sans effet sur le taux d’intérêt. La monnaie supplé-
mentaire est perdue dans ce que les keynésiens appellent la trappe à liquidité.
Figure 16.2 - Courbe de demande de monnaie élastique.
Quantité de monnaie
Taux d’intérêt
M
r1
r2
M’ M
L
O
Keynes concevait la trappe à liquidité comme un cas particulier, correspondant à une éco-
nomie en récession profonde. Dans une telle situation, l’accroissement de la masse moné-
taire n’aurait aucun effet sur l’économie. Dans des périodes plus calmes, une expansion
de la masse monétaire a probablement des effets sur le taux d’intérêt.
Le tableau 17.2 analyse la situation du Japon, qui, pendant une période, a connu une
récession profonde. Cet exemple montre l’absence d’effets qu’une augmentation de l’of-
fre de monnaie peut avoir sur une économie.
Une demande de monnaie instable. Un problème plus récurrent pour la majorité des éco-
nomies est celui de l’instabilité de la courbe de demande de monnaie L, que de nombreux
facteurs infl uencent. La demande de monnaie pour des motifs de spéculation est la plus
volatile et dépend, entre autres :
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523Chapitre 16 – La monnaie et les marchés des biens et des services
Des changements dans le taux d’intérêt des pays étrangers. Le taux d’intérêt domesti-
que doit s’ajuster si celui des autres pays augmente sous peine que les capitaux quittent
le pays et que le taux de change se déprécie.
Des variations du taux de change. Lorsque le taux de change se déprécie, les autorités
peuvent décider d’augmenter le taux d’intérêt pour attirer des capitaux, et donc revi-
gorer la demande de monnaie domestique.
Des déclarations faites par les gouvernements.
Des nouvelles en provenance du secteur industriel.
Les derniers chiffres de l’infl ation et de la croissance de la masse monétaire. S’ils sont
supérieurs aux anticipations des ménages, ceux-ci vont s’attendre à une montée du
taux d’infl ation et une politique monétaire plus restrictive.
La courbe L est commandée par beaucoup de facteurs. Cela la rend instable, et ses mou-
vements sont diffi ciles à prévoir. On peut, pour ces mêmes raisons, critiquer une poli-
tique qui se fi xe un objectif d’offre monétaire. Une demande de monnaie volatile peut
conduire à des variations importantes du taux d’intérêt même lorsque l’offre de monnaie
est constante (voir fi gure 16.3). Ces fl uctuations créent des incertitudes supplémentaires
au niveau de l’économie, ce qui accentue encore les variations de la demande de monnaie
pour des motifs de spéculation. Se fi xer un objectif d’offre de monnaie peut ainsi accen-
tuer la volatilité et la vitesse V de circulation de la monnaie.
Figure 16.3 - E et sur le taux d’intérêt d’une  uctuation de la demande de monnaie.
Q1
r1
r2
Ms
L
L
Quantité de monnaie
Taux d’intérêt
O
Di cultés liées à l’étape 2 : le lien entre les investissements et le taux d’intérêt.
Une demande de capitaux pour des investissements inélastiques. Dans les années 50 et 60,
les keynésiens décrivaient les investissements comme indépendants du taux d’intérêt (la
courbe I de la fi gure 16.4 est quasiment verticale). Dans cette optique, une modifi cation
importante du taux d’intérêt est nécessaire pour obtenir une variation minime des inves-
tissements. Dans la vision keynésienne, les investissements dépendent essentiellement du
niveau de confi ance des dirigeants d’entreprises.
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