Mise au point
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La Lettre du Psychiatre - Vol. II - n° 6 -7 - novembre-décembre 2006
LES BASES DE LA PRISE EN CHARGE
La prise en charge d’un refus scolaire impose dans la plupart des
cas de travailler non seulement avec l’enfant, mais aussi avec sa
famille, son médecin traitant généraliste et/ou pédiatre et l’école
(enseignants, médecin scolaire, infirmière scolaire, psychologue
scolaire). C’est une action concertée et coordonnée avec ces
différents partenaires qui permet la réussite du traitement et
la rescolarisation.
Les objectifs thérapeutiques principaux sont une reprise de la
scolarité, une prise en charge des troubles anxieux sous-tendant
le refus scolaire et la prévention des complications.
Une fois le refus scolaire identifié, il faut évaluer précisément
les mécanismes qui le sous-tendent. Il faut donc déterminer
si l’enfant ne veut pas se rendre à l’école parce qu’il ne peut
quitter sa maison ou sa famille sans que survienne une détresse
importante ou si son refus vient de ce qu’il redoute le contact
avec ses pairs (les deux troubles pouvant aussi coexister). C’est
l’exploration détaillée des situations de séparation (sommeil,
séjours hors de la maison, etc.) et des situations sociales (jeux,
relations avec les pairs, avec les adultes connus ou non, etc.)
qui permet d’orienter le diagnostic. Il est aussi important de
rechercher à titre systématique la présence éventuelle d’autres
troubles anxieux et l’existence d’une dépression. Il faudra égale-
ment évaluer le degré de collaboration de l’enfant et le contexte
familial, et dépister les troubles anxieux et dépressifs chez les
parents de ces enfants.
La prise en charge du ou des troubles anxieux dépistés chez
l’enfant doit être initiée rapidement, de façon contemporaine à
la démarche de rescolarisation.
Il est nécessaire de favoriser le retour à l’école le plus précocement
possible. La qualité et la rapidité des interventions thérapeu-
tiques sont déterminantes pour l’évolution et le pronostic. Il
faut proscrire les certificats de déscolarisation avec inscription
au Centre national de l’enseignement à distance (CNED), qui
permettent à l’enfant d’éviter le retour en milieu scolaire. Ce
retour doit être progressif, et suivre une stratégie qui sera adaptée
à chaque situation. On peut par exemple commencer par une
heure de scolarisation en fin de journée pour minimiser, dans les
cas d’anxiété de séparation, les ruminations concernant la venue
ou non d’un parent pour récupérer l’enfant à l’école.
Il existe au niveau de l’Éducation nationale des dispositifs qu’il
ne faut pas hésiter à utiliser pour faciliter ce retour.
Le projet d’accueil individualisé (PAI) et le contrat d’intégration
permettent de mettre en place des aménagements scolaires pour
les enfants ou les adolescents présentant une maladie. On peut
ainsi fixer contractuellement avec l’enfant, sa famille et l’école
un emploi du temps ou des exigences pédagogiques adaptés à
chacun, dont les modalités, régulièrement réévaluées, doivent
permettre à l’élève de progresser et d’aller vers une scolarité à
temps plein. Cela a l’avantage, par exemple, “d’officialiser” une
reprise des cours à temps partiel.
Le Service d’aide pédagogique à domicile (SAPAD) a été mis en
place après la circulaire de 1998 relative à “l’assistance pédago-
gique à domicile en faveur des enfants et des adolescents atteints
de trouble de santé évoluant sur une longue période”. Il prévoit la
possibilité pour l’élève, lorsque son état de santé ne lui permet pas
d’assister aux cours, de bénéficier d’un enseignement à domicile,
dispensé par ses professeurs, après avis du médecin de l’Éducation
nationale. Ce dispositif est intéressant par exemple en cas de
phobie sociale, car il permet une reprise de contact progressive,
d’abord avec les adultes enseignants, puis avec les pairs.
Ces outils, offerts par l’Éducation nationale, offrent l’avantage
d’une souplesse dans la mise en œuvre du processus de rescola-
risation. Ils permettent d’organiser, officiellement et avec l’accord
de tous les partenaires, des temps de prise en charge.
Cette prise en charge en réseau a différents avantages. Elle
contractualise le projet de rescolarisation. Elle permet à l’enfant
de percevoir la cohérence de ce projet, dont les différents inter-
venants sont garants. Elle lui offre des personnes “ressources” sur
lesquelles s’appuyer au sein de l’établissement scolaire (infirmière
scolaire, enseignants, etc.). Elle minimise le risque de “passage à
l’acte” de l’un ou l’autre des intervenants, par méconnaissance des
stratégies de soins ou par pression trop forte et isolement face
à une situation difficile (par exemple, la rédaction intempestive
d’un certificat de déscolarisation).
Le soin du ou des troubles anxieux et/ou dépressifs doit être
mené en parallèle. Il s’appuie sur un abord psychothérapique et
sur un travail avec la famille. Parfois, un recours au traitement
médicamenteux peut s’avérer nécessaire (6).
Les psychothérapies d’inspiration analytique peuvent être un
recours. La plupart des auteurs dans ce champ considèrent que
la base du traitement est un travail sur la relation de dépendance
mère-enfant, auquel le père doit être associé.
LES PSYCHOTHÉRAPIES
COGNITIVOCOMPORTEMENTALES
Elles s’appuient ici sur quatre techniques : la désensibilisation
systématique, l’exposition graduelle aux stimulus anxiogènes,
la restructuration cognitive et l’autocontrôle, techniques qui
sont adaptées en fonction du trouble anxieux dominant et des
caractéristiques individuelles du patient (âge, capacités de mobi
-
lisation, etc.) (5).
LES TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX
L’utilisation d’un traitement médicamenteux est exceptionnelle
et n’est envisagée que dans des cas particulièrement sévères et
résistants. Elle vient toujours en complément d’autres modalités
thérapeutiques et doit être soigneusement pesée.
Il existe quelques études concernant l’utilisation des tricycliques
dans le refus scolaire, dont les résultats sont contradictoires
et qui posent de nombreux problèmes méthodologiques. Les
études en ouvert et en double aveugle plaident pour l’efficacité
des sérotoninergiques dans les troubles anxieux (7).
Quelques rapports de cas étayent l’intérêt du propranolol dans
cette indication (8).
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