L. VILLEMIN «Éléments théologiques fondamentaux de Vatican II pour une articulation entre théologie des ministères ordonnés et mission des laïcs» 1 Les éléments théologiques que l’on trouvera dans le concile Vatican II pour une meilleure articulation entre théologie des ministères ordonnés et mission des laïcs ne peuvent être que fondamentaux. En effet, on ne pourra pas y trouver des éléments qui répondent concrètement aux situations actuelles. La vie de nos sociétés et la vie ecclésiale ont, en effet, considérablement changé. De plus, les pratiques ecclésiales et les textes qui les organisent ont connu un large développement. On pense par exemple au code de droit canonique, à Christifideles laici, où à des décrets de droit particulier. Pourtant il nous semble qu’il peut être précieux de relire les textes du concile Vatican II pour éclairer les situations actuelles et permettre une meilleure articulation entre théologie des ministères ordonnés et mission des laïcs, sans pour autant revenir à des éléments que chacun d’entre vous connaît déjà et qui, même s’ils sont importants, n’ont pas être rappelé devant une assemblée telle que la vôtre. J’essaierai d’abord d’établir une typologie des ministères confiés à des laïcs. Dans un deuxième temps, je m’appuierai sur la nature de la mission de l’Eglise pour en tirer des éléments éthiques pour la collaboration entre ministres ordonnées et mission des laïcs. I. Pour une typologie des ministères confiés à des laïcs. Mieux articuler la missions des ministres ordonnés et celles des laïcs suppose de ne pas considérer la catégorie de « laïc » comme une catégorie monolithique. On ne peut penser aujourd’hui les ministères laïcs comme un tout uniforme qui ferait l’objet d’un traitement commun. Il faut tenter une typologie pour éviter de tout mélanger et de tomber dans la confusion. Nous nous trouvons ici encouragés par les distinctions qui sont à l’œuvre dans l’exhortation post-synodale de Jean-Paul II christifideles laici, spécialement en sont numéro 23. Mais nous allons voir que les prémisses sont largement présentes dans les textes du concile Vatican II. Je vous propose de distinguer trois types de missions confiées à des laïcs que je ne nommerai d’ailleurs pas tous ministères. Le langage canonique est plus sensible aux ministères qu'aux ministres, c'est-à-dire plus soucieux de la fonction que de son titulaire. Ceci est justifié théologiquement : le ministère est une réalité au service de la communauté ecclésiale plutôt qu'une affaire ayant trait à la sainteté du ministre. A. La mission générale des laïcs. Cette mission générale des laïcs se trouvent mentionné à plusieurs endroits dans les textes du concile Vatican II. On la trouve au numéro 2 de Apostolicam Actuositatem où elle est fondée dans la mission de l’Eglise tout entière : « Il y a dans l’Église diversité de ministères, mais unité de mission. Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son pouvoir. Mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans l’Église et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier (LG 31). Ils exercent concrètement leur apostolat en se dépensant à l’évangélisation et à la sanctification des hommes ; il en est de même quand ils s’efforcent de pénétrer l’ordre temporel d’esprit évangélique et travaillent à son progrès de telle manière que, en ce domaine, leur action rende L. VILLEMIN 2 clairement témoignage au Christ et serve au salut des hommes. Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes ; ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien ». Il est intéressant que l’on retrouve la détermination fondamentale de LG 31 à qui le texte renvoie d’ailleurs explicitement et qui rappelle la nécessité pour les laïcs de s’engager dans les différents domaines de la vie de la société. Cependant la formulation montre qu’il ne s’agit pas ici d’une exclusive : « Mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans l’Église et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier » et que ce qui est fondamentale est bien plus la participation à la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ que le lieu de leur engagement (même si ce dernier n’est pas à négliger »). Il n’y a d’ailleurs pas d’opposition dans ce texte entre une mission dans l’Eglise et une mission dans le monde. Cela sera explicitement repris dans Christifideles laïci au n° 23 : « La mission salvifique de l'Église dans le monde est réalisée non seulement par les ministres qui ont reçu le sacrement de l'Ordre, mais aussi par tous les fidèles laïcs : ceux-ci, en effet, en vertu de leur condition de baptisés et de leur vocation spécifique, participent, dans la mesure propre à chacun, à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ. B. Les laïcs qui reçoivent des ministères, des offices ou des fonctions. C’est dans le décret sur l’Apostolat des Laïcs Apostolicam Actuositatem que l’on retrouve à nouveau, cette fois au numéro 10, une participation active et spécifique de certains laïcs à la vie de l’Eglise : « Participant à la fonction du Christ Prêtre, Prophète et Roi, les laïcs ont leur part active dans la vie et l’action de l’Église. Dans les communautés ecclésiales, leur action est si nécessaire que sans elle l’apostolat des pasteurs ne peut, la plupart du temps, obtenir son plein effet. À l’image des hommes et des femmes qui aidaient Paul dans l’annonce de l’Évangile (cf. Ac 18, 18-26 ; Rm 16, 3), les laïcs qui ont vraiment l’esprit apostolique viennent, en effet, en aide à leurs frères, et réconfortent aussi bien les pasteurs que les autres membres du peuple fidèle (cf. 1 Co 16, 17-18). Nourris par leur participation active à la vie liturgique de leur communauté, ils s’emploient avec zèle à ses œuvres apostoliques ; ils acheminent vers l’Église des hommes qui en étaient peut-être fort éloignés ; ils collaborent avec ardeur à la diffusion de la Parole de Dieu, particulièrement par les catéchismes ; en apportant leur compétence ils rendent plus efficace le ministère auprès des âmes de même que l’administration des biens de l’Église. » A nouveau, il faut constater que Christifideleslaici 23 reprend et développe cet aspect : « Les pasteurs, en conséquence, doivent reconnaître et promouvoir les ministères, les offices et les fonctions des fidèles laïcs, offices et fonctions qui ont leur fondement sacramentel dans le Baptême, dans la Confirmation, et de plus, pour beaucoup d'entre eux, dans le Mariage ». Comme l’a précisé Alphonse Borras, la collaboration se fait ici ex mandato Ecclesiae. Un laïc peut avoir le charisme de consolation et être particulièrement disposé à visiter les malades. Il le fera au nom de sa foi, en vertu de sa vocation baptismale et des charismes reçus, jusqu'au jour où son curé l'appellera et lui demandera de le faire au nom de la communauté paroissiale. Dans l'une et l'autre hypothèse le fondement est la condition de baptisé coresponsable de la mission de l'Église. Dans la première, c'est au nom de sa foi, que le baptisé se mettra au L. VILLEMIN 3 service des autres. Dans la seconde, c'est au nom de 1'Église qu'il sera envoyé au service des autres. L'expression « au nom de l'Église » (ex mandato ecclesiae) a un sens juridique précis. Elle signifie tout d'abord que ce n'est pas uniquement en son nom propre comme individu, que le baptisé agit. Elle signifie surtout que l'individu engage autrement l'Église. Désormais, ce n'est plus sous sa responsabilité personnelle exclusive qu'il s'engage et qu'il engage l'Église. C'est avec la caution officielle, de manière autorisée. On peut distinguer dans cette catégorie de charges ou de missions confiées à des laïcs, celles qui concernent l’office. Moyennant un léger anachronisme, on peut également en trouver une trace dans Apostolicam Actuositatem au n°24 : « Ainsi la hiérarchie, organisant l’apostolat de diverses manières selon les circonstances, unit plus étroitement à sa propre charge apostolique telle forme d’apostolat sans toutefois altérer la nature propre et la distinction des deux tâches, et par conséquent sans enlever aux laïcs la nécessaire faculté d’agir de leur propre initiative. Cet acte de la hiérarchie a reçu le nom de « mandat » dans divers documents ecclésiastiques ». Le lieu n’est pas ici de revenir au débat sur la nature du fameux « mandat », mais plutôt d’y reconnaître ce que le code de 1983 appellera un office. Regardons la définition de l’office que donne le code de droit canonique : « Can. 145 - § 1. Un office ecclésiastique est toute charge constituée de façon stable par disposition divine ou ecclésiastique pour être exercée en vue d'une fin spirituelle. § 2. Les obligations et les droits propres à chaque office ecclésiastique sont déterminés par le droit qui le constitue ou par le décret de l'autorité compétente qui, tout ensemble, le constitue et le confère ». Certains offices comportent la pleine charge d’âmes, c’est ce qu’on appelle la cura pastoralis. Pour remplir ce genre d’office, il faut être ordonné prêtre. D’autres offices ne comportent pas cette pleine charge d’âmes et ne nécessitent pas l’ordination. Sans entrer ici dans une réflexion technique de droit canonique, on s’aperçoit que la notion d’office recoupe celle de ministère telle qu’elle était définie par l’Assemblée plénière des évêques de France en 1973. Les ministères sont des services précis, qui sont qualifiés à la page 55 de la Note théologique no 5 : - des services précis, c'est-à-dire qui ont un objet, par exemple la catéchèse d'un lycée; - des services d'importance vitale, c'est-à-dire nécessaires à la vie de l'Église et, en tout cas, au bene esse ou au melius esse de la vie de l'Église. Il est évident que l'Église ne peut pas vivre sans catéchèse, sans liturgie, sans diaconie, sans service des pauvres, des malades, etc.; - comportant une vraie responsabilité, c'est-à-dire que ce n'est pas seulement une sorte de sous-location d'un service assuré comme responsable par un autre. Quelqu'un est chargé d'un service, et ceci d'une façon relativement stable, en sorte que l'on peut compter dessus, parce que cela comporte une réelle responsabilité. On abuse beaucoup, en ce moment, du mot de responsabilité, parce qu'on ne lui donne pas son sens plénier. Responsable, cela signifie : qui doit et peut répondre de quelque chose à quelqu'un. Actuellement, on emploie souvent responsable pour dire : « Vous êtes libre, cela vous regarde » Non, au contraire : on a à répondre, on assume une charge devant quelqu'un, ici devant l'Église de Dieu et donc devant le Christ et son Saint Esprit; - reconnus par l'Église locale. Évidemment, si un service est reconnu par l'Église locale, il l'est aussi par d'autres Églises qui sont en communion avec cette Église locale. Reconnu, cela signifie qui a été institué. Par exemple, par un acte liturgique : cela est assez traditionnel, on L. VILLEMIN 4 voit cela dans les Actes, chapitre 6. C'est ce qu'a affirmé Ministeria quaedam. Mais, ce décret est trop étroit pour notre sujet car il n'envisage que deux ministères, tout en laissant d'ailleurs aux conférences épiscopales la possibilité, et sans doute le devoir même, d'en proposer d'autres. Mais le service peut être reconnu aussi simplement par une désignation, par une nomination : par exemple, que l'on sache que M. Untel, Mme Unetelle sont catéchistes pour tel lycée, ou bien assurent l'animation liturgique, le conseil conjugal, l'aide aux jeunes fiancés, etc.; - enfin, comportant une certaine durée. Il est évident que quelque chose de tout à fait occasionnel, passager, qui n'a pas beaucoup de consistance, est un service plus qu'un ministère. » On gagnerait à partir de la réalité pastorale actuelle pour identifier ce qui, de fait, est un office ou un ministère. C’est à notre avis le cas pour des missions comme celles d’aumônier de prison, de lycée, ou d’hôpital; ou de responsable d’équipe d’accompagnement des familles en deuil. C’est là des nouveaux ministères qui apparaissent grâce à la vie de l’Église et prennent consistance. C. Les laïcs qui participent à l'exercice de la charge pastorale. Apostolicam Actuositatem en son numéro 24 évoque des cas où « certaines charges touchant de plus près aux devoirs des pasteurs » sont confiées à des laïcs : « Enfin il arrive que la hiérarchie confie aux laïcs certaines charges touchant de plus près aux devoirs des pasteurs : dans l’enseignement de la doctrine chrétienne, par exemple, dans certains actes liturgiques et dans le soin des âmes. Par cette mission, les laïcs sont pleinement soumis à la direction du supérieur ecclésiastique pour l’exercice de ces charges ». Le Code de Droit Canon l’intégrera canon : « Là où les nécessités de l'Église le conseillent, et à défaut de ministres sacrés, des laïcs peuvent, même sans être lecteurs ou acolytes, remplir en suppléance telle ou telle de leurs fonctions : ministère de la parole, présidence des prières liturgiques, administration du Baptême, distribution de la Sainte Communion, suivant les normes du droit ». Christifideles laici le reprend à son compte dans le même numéro 23 : « En outre, lorsque la nécessité ou l'utilité de l'Église l'exigent, les pasteurs peuvent, selon les normes établies par le droit universel, confier aux fidèles laïcs certains offices et certaines fonctions qui, tout en étant liés à leur propre ministère de pasteurs n'exigent pas cependant le caractère de l'Ordre ». Le reste du passage que nous ne pouvons reprendre ici précise et encadre ce genre de missions. Pour conclure cette première partie, j’aimerais souligner l’intérêt de cette distinction en trois types de responsabilités confiées à des laïcs : • Elle permet de voir - si nécessaire - qu’on ne résoudra pas les questions qui se posent dans une catégorie avec les outils aussi bien pastoraux que théoriques d’une autre. Par exemple, la question de savoir comment palier le manque de prêtres est spécifique. Cela signifie qu’elle ne pourra jamais être résolue par les ministères laïcs mais d’autre part, qu’il faut arrêter de poser la question des ministères confiés aux laïcs uniquement par rapport au manque de prêtres. L. VILLEMIN 5 • Elle se centre sur les ministères plus que sur les ministres. Même s’il faudrait développer ici le lien entre certains ministères et les états de vie. Il y a des offices qui nécessitent une ordination celui d’évêque, de curé. Ce sont des offices réservés. Pourquoi ne pas penser des ministères réservés aux laïcs étant donné justement leur état de vie, ou aux diacres permanents ? • Elle permet de ne pas focaliser sur un type de ministère confié à des laïcs et ainsi d’entrer dans une pluri-ministérialité, et donc dans une heureuse collaboration de type synodal. II. Cohérence entre nature de la mission et organisation de la mission. Cette deuxième partie voudrait attirer l’attention sur la cohérence profonde entre la nature de la mission et l’organisation de la mission, en l’occurrence sur notre manière de vivre l’articulation entre la mission des ministres ordonnés et la mission des laïcs. On peut le formuler de manière générale en affirmant que, pour annoncer l’Evangile, la mission doit être vécue de manière évangélique. On peut encore l’affirmer de manière plus savante mais non moins pertinente : le message que nous annonçons comporte des implications éthiques directes sur nos collaborations ecclésiales. Il est d’ailleurs intéressant que Ad gentes au numéro 5 propose l’exemple de la vie des chrétiens comme un chemin vers le Christ : « La mission de l’Église s’accomplit donc par l’opération au moyen de laquelle, obéissant à l’ordre du Christ et mue par la grâce de l’Esprit Saint et la charité, elle devient effectivement présente à tous les hommes et à tous les peuples, pour les amener par l’exemple de sa vie, par la prédication, par les sacrements et les autres moyens de grâce, à la foi, à la liberté, à la paix du Christ, de telle sorte qu’elle leur soit ouverte comme la voie libre et sûre pour participer pleinement au mystère du Christ ». Sans méconnaitre aucunement la vérité ces principes généraux, on peut douter qu’ainsi énoncés ils ne fassent que susciter l’adhésion générale mais sans provoquer d’effets pratiques réelles. C’est la raison pour laquelle il peut être intéressant de scruter le concile Vatican II à la recherche de principes éthiques qui pourraient guider la collaboration dans l’Eglise. C’est ce que j’aimerais amorcer succinctement dans cette partie en énonçant quatre axes qui se veulent à la fois pratiques et fondamentaux. A. Une synodalité constitutive. Le premier d’entre eux peut s’intituler une « synodalité constitutive ». Il résulte de l’invitation du numéro 26 du décret Apostolicam Actuositatem portant sur les moyens utiles à la coopération mutuelle. « Au plan des diocèses il faudrait autant que possible qu’il y ait des conseils qui soutiennent le travail apostolique de l’Église tant sur le plan de l’évangélisation et de la sanctification que sur le plan caritatif, social et autre : les clercs et les religieux y collaboreront de manière appropriée avec les laïcs. Ces conseils pourront aider à la coordination mutuelle des diverses associations ou initiatives des laïcs en respectant la nature propre et l’autonomie de chacune. Des conseils semblables, autant que faire se peut, devraient être constitués au plan paroissial, interparoissial, interdiocésain, voire même au plan national et international ». La fonction de ces conseils est, bien sûr, la meilleure collaboration entre les différentes instances mais aussi, plus fondamentalement, le discernement en commun de l’Esprit de Dieu et le mouvement dynamique de nature trinitaire entre les différentes instances. Beaucoup de nos situations de blocages et de conflits ne sont-elles pas liées à des L. VILLEMIN 6 oppositions binaires (clercs-laïcs par exemple) dont seule l’introduction d’une altérité par l’introduction d’une instance tierce aura des chances de nous faire sortir ? Les axes suivants sont extraits de la constitution pastorale Gaudium et Spes, et notamment de la première partie sur l’Eglise et la vocation humaine. Les Pères du concile se proposent d’y regarder les valeurs largement répandues dans la société et de souligner leur origine évangélique. Ce faisant ils entendent les promouvoir dans un acte évangélisateur. La démarche qui est la mienne est de considérer que ce qui est évangélisateur pour la société doit aussi l’être pour l’Eglise et que ce qui est mis en avant pour toute la société vaut aussi et d’abord pour nos collaborations en Eglise. C’est ce qui me permet de distinguer les trois axes qui viennent : la dignité de la personne humaine, la communauté humaine et la valeur de l’activité humaine. B. La dignité de la personne humaine. Il n’est pas question de faire un exposé ici sur la dignité humaine mais d’en rappeler le fondement tel qu’il apparaît dans le numéro 12 de Gaudium et Spes : C’est pourquoi Dieu, lisons-nous encore dans le Bible, « regarda tout ce qu’il avait fait et le jugea très bon » (Gn 1, 31) ». La dignité de la personne humaine repose donc essentiellement sur la bonté du créé. On peut se demander si les relations que nous entretenons entre acteurs de la pastorale respectent toujours la dignité de ces mêmes acteurs, la dignité de leur action pastorale ? Mon opinion est que, même si elles sont rares, il y a parfois une négation de la dignité de la personne humaine dans certaines pratiques de collaborations pastorales et ce, que l’on soit ministre ordonné, ou laïc. C. La communauté humaine. La communauté humaine est ainsi décrite dans le numéro 23 de Gaudium et Spes : « 1. Parmi les principaux aspects du monde d’aujourd’hui, il faut compter la multiplication des relations entre les hommes que les progrès techniques actuels contribuent largement à développer. Toutefois le dialogue fraternel des hommes ne trouve pas son achèvement à ce niveau, mais plus profondément dans la communauté des personnes et celle-ci exige le respect réciproque de leur pleine dignité spirituelle. La Révélation chrétienne favorise puissamment l’essor de cette communion des personnes entre elles ; en même temps elle nous conduit à une intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale, que le Créateur a inscrites dans la nature spirituelle et morale de l’homme ». La question qui nait ici est celle du respect de la communauté fraternel des nos instances pastorales et de l’origine profonde qu’en souligne les Pères du concile : « la communauté des personnes et celle-ci exige le respect réciproque de leur pleine dignité spirituelle ». D. Valeur de l’activité humaine L. VILLEMIN 7 Le dernier axe sur lequel j’aimerais insister est la valeur de l’activité humaine mise en lumière au numéro 34 de cette même constitution Gaudium et Spes : « 1. Pour les croyants, une chose est certaine : considérée en elle-même, l’activité humaine, individuelle et collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer leurs conditions de vie, correspond au dessein de Dieu. L’homme, créé à l’image de Dieu, a en effet reçu la mission de soumettre la terre et tout ce qu’elle contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice et, en reconnaissant Dieu comme Créateur de toutes choses, de lui référer son être ainsi que l’univers : en sorte que, tout étant soumis à l’homme, le nom même de Dieu soit glorifié par toute la terre ». Le travail pastoral est, d’un certain point de vue, une activité humaine. Il participe à ce « gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer leurs conditions de vie ». Avons-nous suffisamment d’estime pour notre propre action pastorale, pour celle de ceux avec qui nous collaborons, pour nos collaborations pastorales en général ? Osons-nous mettre les mots pour dire la valeur de cette action pastorale, pour la reconnaître, pour de ne pas la disqualifier ? L’activité humaine est souvent aujourd’hui l’objet d’une managérisation grandissante et de l’application de process. Il serait dommage que, dans l’Eglise, l’activité humaine de type pastorale suive ce même chemin. Cela est de notre responsabilité. Il en va de la valeur de l’activité humaine, de l’annonce de l’Evangile, de l’Evangile lui-même et de notre bonheur. Professeur Laurent Villemin Institut catholique de Paris