La Chauve–Souris en version française de la Fledermaus de Vienne à la Chauve–Souris de Paris Le 10 septembre 1872, Henri Meilhac et Ludovic Halévy représentaient avec succès au Théâtre du Palais-Royal leur comédie : le Réveillon, inspirée d’une pièce allemande de Röderich Benedix, intitulée Das Gefängnis (La Prison). Le Réveillon reposait sur la machination ourdie par le notaire Duparquet pour se venger d’un ami qui avait profité de son ébriété pour lui faire traverser Paris dans son costume de carnaval représentant un oiseau bleu. Max Steiner, directeur du Theater an der Wien, confia la traduction et l’adaptation du texte à Karl Haffner qui supprima la notion de réveillon et transforma l’oiseau bleu en chauve-souris. Dans la Chauve-Souris, Strauss vit tout d’abord un reflet fidèle d’un certain milieu social viennois. Comme l’écrit justement Hans Fantel : «(…) le livret fustige d’une manière parfaitement évidente les nouveaux riches de Vienne (…) elle montre une classe moyenne aisée qui n’est plus en rien contrainte par l’ancien cadre rigide de la monarchie absolue… » La création de l’ouvrage eut lieu au Theater an der Wien, le 5 avril 1874. Les viennois étaient encore sous le coup du désastre boursier survenu le 9 mai 1873. La fièvre spéculative s’empara de la Bourse de Vienne, provocant une hausse excessive et irréaliste du cours des actions. La fête fut anéantie par un double coup du sort : une terrible épidémie de choléra et le krach boursier du 9 mai 1873. Le soir de la création de La Chauve-Souris, ces plaies n’étaient pas refermées et les Viennois n’avaient toujours pas le coeur à rire. Il fallut le retirer de l’affiche après seize représentations seulement. L’ouvrage s’installa, par contre, durablement à Berlin, dès juillet 1874, avec près de trois cents représentations, avant de connaître le même engouement à Hambourg… Il fallut attendre, octobre 1877, pour voir apparaître l’opérette de Strauss sur une scène parisienne, sous le nouveau titre de La Tzigane. Présenté comme un opéra-comique en trois actes, La Tzigane eut quatre-vingts représentations et tint l’affiche jusqu’au 22 janvier 1878. Strauss eut la joie de voir sa Chauve-Souris entrer triomphalement à l’Opéra de Vienne, le 28 octobre 1894. Le musicien s’éteignit le 3 juin 1899 et ne pu assister à l’éclatant retour parisien de sa Chauve-Souris au Théâtre des Variétés le 2 avril 1904. Le directeur de ce théâtre, Fernand Samuel, avait demandé pour la circonstance un nouveau livret à Paul Ferrier. Cette Chauve-Souris parisienne eut cinquante-six représentations. La Chauve-Souris entraîne toujours le public du monde entier dans le tourbillon de ses valses. La pérennité d’un tel succès confirme le jugement porté par Richard Wagner sur son auteur « Johan Strauss à la tête la musicale de notre époque » Extraits des textes d’André Segond Descript ion de l'Œuvre Troisième opérette de Johann Strauss, Die Fledermaus, est un chef d’œuvre du genre, unanimement apprécié tant pour ses qualités musicales exceptionnelles que pour l’intelligence de son livret. Le raffinement et les trouvailles musicales en font une des œuvres les plus populaires du répertoire et demande des chanteurs lyriques capables de jouer la comédie. Son ouverture fascinante, le trio de l’acte I, la valse de l’acte II entre autre, conduisirent au succès éclatant et à la célébrité de cette joyeuse farce. Source : Opéra Online - https://www.opera-online.com/fr/items/works/die-fledermaus-haffner-strauss-ii-1874 Résumé L’histoire rocambolesque commence peu avant le lever du rideau, lorsque Gabriel Gaillardin a piégé son ami, le notaire Duparquet, en cachant ses vêtements à la fin d’un bal masqué. Duparquet a dû traverser la ville revêtu de son déguisement de chauve-souris. Humilié, il a juré de se venger. Analyse L’opérette se situe à Paris dans les années 1900 et se déroule pendant une nuit de folie. Elle raconte la vengeance minutieusement organisée de Duparquet envers son ami Gaillardin… Acte I Gabriel Gaillardin a insulté un policier. Il est condamné à huit jours de prison. Duparquet vient lui proposer de passer ses dernières heures de liberté en joyeuse compagnie, chez le Prince Orlofsky. Gaillardin, enthousiaste, s'y rend, à l'insu de sa femme Caroline. Celle-ci, avertie par la soubrette Adèle, décide d'y aller aussi de son côté, mais en est empêchée par l’arrivée inopportune d'un ancien soupirant, Alfred. Survient Tourillon, le directeur de la prison, qui, croyant arrêter Duparquet, emmène Alfred, ce qui permet à Caroline et à Adèle de se rendre chez Orlofsky. Acte II Entre temps, Gaillardin, arrivé chez le prince, est présenté sous le nom du marquis de Valengoujar à Tourillon, qui, lui, se fait passer pour le baron de Villebouzin. Tourillon est en réalité le nouveau directeur de la prison. Arrivée de Caroline masquée, à laquelle Gaillardin fait une cour assidue sans réaliser qu'il s'agit de se femme. Elle lui subtilise sa superbe montre, en gage d'amour. Mais minuit sonne : Gaillardin et Tourillon s'enfuient, chacun de leur côté, vers la prison, où les attend un triste devoir. Acte III Les deux hommes se rencontrent dans le bureau de Tourillon, mais ce dernier ne peut croire que Gaillardin est Gaillardin, puisqu'il soupait avec sa femme ! Tout finit par s’éclaircir. Fureur de Gaillardin, qui se déguise en avocat, pour surprendre Alfred et Caroline, laquelle est arrivée sur ces entrefaites. Il baisse le ton lorsque sa femme lui remet la montre qu'il avait donnée à une belle inconnue chez le prince. Ce dernier surgit avec tous les invités, dont Duparquet, qui révèle à son ami qu'il a été victime d'une farce : c'est la revanche de la Chauve-Souris. Les personnages Gabriel Gaillardin, Caroline, épouse baryton de Gabriel soprano Adèle, soubrette, servante du couple Gaillardin soprano Duparquet, Alfred, soupirant notaire qui de Caroline souhaite se ténor venger de son ami Gaillardin baryton Tourillon, directeur Orlofsky, jeune de la prison prince russe baryton-basse mezzo-soprano Bidard, avocat ténor Flora, sœur d’Adèle mezzo-soprano Yvan, page du prince / Léopold gardien de prison, ténor Le Chœur constitue l’ensemble des invités du Prince Orlofsky. Pour le rôle du Prince Orlofsky, Johann Strauss propose une alternative. On peut confier le rôle à une femme (mezzo-soprano) ou un homme (ténor). À la création de l’œuvre, c’est Irma Nittinger, mezzo-soprano qui fut choisie. Le rôle s’enrichit alors d’une donnée théâtrale : le travesti. Il permet à l’interprète de laisser cours à son talent de comédienne. La Chauve-Souris explore un topos de la dramaturgie de la deuxième moitié du XVIIIe siècle : le lien entre maître et valet à travers des couples qui se recomposent au gré du masque et du déguisement. La relation dominant/dominé est inversée. Cela dit, « à la différence […] du modèle classique, les limites sociales sont ici franchies à l’intérieur de chaque couple, autrement dit : le parallélisme ne fonctionne que sur la base du quiproquo » (Gottfried Marschall). Le jeu avec les comportements des classes sociales permet une satire, qui reste toujours, chez Strauss, « bon enfant ». C’est la gaieté et la légèreté de la musique qui prime. Par ailleurs, la musique de Strauss enrichit le dessin psychologique des personnages : Adèle gagne en noblesse, Caroline en pouvoir de séduction, Duparquet en aristocratie et nostalgie… Source : dossier pédagogique La Chauve-Souris – Opéra comique.com/fr/mediatheque/dossier-pedagogique-chauve-souris Comique - http://www.opera- Entretien avec Jean-Louis Grinda, metteur en scène La Chauve-Souris, opérette viennoise ou vaudeville parisien ? C’est tout d’abord un vaudeville parisien, Le Réveillon de Meilhac et Halévy. Tellement parisien qu’il se passe à Pontoise ! Son intrigue, bien qu’arrangée à la mode viennoise par Haffner et Genée, est du pur théâtre de boulevard. C’est ce qui m’a décidé à traiter cette opérette comme une pièce de Feydau. L’oeuvre est viennoise bien sûr par sa musique, superbement élégante. Musique non seulement séduisante mais aussi déstabilisante : la valse met en danger, elle fait tourner les têtes ! La Chauve- Souris, c’est pour moi un mariage parfait entre deux univers. Le choix des interprétes découle-t-il de ce constat ? Il faut des interprètes capables de jouer la comédie sur un vrai rythme de comédie. Et ils ne sont pas si nombreux que ça ! Cette oeuvre demande l’excellence dans tous les domaines. Si certaines opérettes ont fonctionné et fonctionnent à merveille sans le concours de grandes voix – je pense par exemple à La Vie parisienne du couple Renaud-Barraud – il en va tout autrement de La Chauve-Souris. L’écriture vocale brillante, périlleuse de Johann Strauss exige des chanteurs de premier plan. Pour rendre justice à La Chauve-Souris, il faut tout ! Vous avez choisi Rudy Sabounghi comme décorateur. Pourquoi ce choix ? Je le considère comme un des plus grands décorateurs de notre temps. J’ai déjà travaillé avec lui, tout récemment pour une nouvelle production du Mefistofele de Boito. Son univers théâtral impertinent et décalé me plaît beaucoup. Né en Égypte, il a été élevé en Principauté où il réside toujours bien qu’il soit invité toute l’année par les plus grandes scènes mondiales. La Chauve-Souris a été sa première invitation à travailler sur la scène de l’Opéra de Monte-Carlo en 2007. Comment lors de votre travail de mise en scène avez-vous abordé La Chauve-Souris ? J’ai abordé le travail de la mise en scène de La Chauve-Souris en essayant de redonner une cohérence au livret. Il ne faut pas oublier qu’au départ c’était une pièce de théâtre qui s’appelait Le Réveillon d’Henri Meilhac et de Ludovic Halévy, et qui fut adaptée en opérette par Johann Strauss fils pour l’Opéra de Vienne. Cependant, l’opérette a essuyé quelques modifications par rapport à l’oeuvre originale : l’action se déroulait à Vienne et non plus à Paris, et les tenants et les aboutissants de l’histoire s’étaient vu chamboulés. À mon sens, il me semblait que l’on perdait un peu le fil, même si l’histoire dramaturgique n’est pas le point essentiel que l’on retient lorsque l’on vient voir La Chauve-Souris pour se distraire. En tant que metteur en scène, je souhaitais retravailler le texte afin de faire une version qui rende acceptable l’histoire telle que l’avait voulu Meilhac et Halévy tout en respectant également l’oeuvre de Johann Strauss. À travers le rythme soutenu du spectacle et un seul entracte, j’ai essayé d’accentuer la grande différence entre l’univers petit bourgeois de la grande banlieue parisienne (de Pontoise plus exactement) que l’on retrouve chez les époux Gallardin et l’univers de la fête du Prince Orlovsky à Paris. C’est donc un monde de différences, surtout à l’époque où se déroule l’action, c’est-à-dire dans les années 1900. Avec Rudy Sabounghi, scénographe, nous avons cherché à avoir une progression dans le spectacle avec des changements à vue qui sont, nous l’espérons, spectaculaires. Nous avons intégré dans le dernier acte, qui se passe en prison et pour rendre justice à l’ivresse des protagonistes, une mise en scène mettant en place des éléments flottants rappelant les décors des actes précédents. J’ai également rajouté des musiques de changement, une grande Polka au deuxième acte et également un ballet final. Enfin, j’ai créé un salut final qui n’existait pas à l’origine où je rends hommage aux décors de ce spectacle avec un moment très virtuose notamment pour tous les techniciens. Ce sont tous ces éléments que j’ai essayé de maîtriser lorsque j’ai décidé de mettre en scène La Chauve-Souris. Vous êtes originaire de notre région, vous travaillez à l’Opéra de Monte-Carlo et aux Chorégies d’Orange, de plus vous êtes déjà venu à Marseille pour assurer les mises en scène notamment de La Gioconda en 2014 et de Falstaff en 2015. Quels rapports entretenez-vous avec le public méridional et en particulier marseillais ? J’entretiens un rapport de coeur avec le public de la région, car j’ai débuté ma carrière à l’Opéra d’Avignon et aux Chorégies d’Orange en 1981. Lorsque j’ai commencé ma carrière de metteur en scène, l’un des premiers coproducteurs à avoir travaillé à mes côtés fut Raymond Duffaut à l’Opéra d’Avignon pour la production Chantons sous la pluie. Ces spectacles ont été joués à Nice, Toulon, Monte-Carlo, Marseille. J’entretiens donc un rapport affectif avec tous ces théâtres, étant entendu que les publics que l’on rencontre dans sa vie apportent toujours quelque chose de différent. Je n’ai pas de recette spécifique lorsque je fais un spectacle en région Provence Alpes Côte d’Azur. Par contre, ce que j’apprécie beaucoup à Marseille, outre le théâtre en lui-même et les équipes présentes à mes côtés, c’est d’avoir un public qui réagit beaucoup, qui aime s’amuser et applaudir, qui montre quand il a du plaisir ou quand il n’est pas satisfait, ainsi que cette chaleur humaine que l’on retrouve dans tous les théâtres du midi ainsi qu’aux Chorégies d’Orange dont j’ai pris la direction il y a peu. Les réactions du public font partie intégrante de notre métier. Si on ne veut pas avoir de mauvaise surprise avec le public, il ne faut pas faire de théâtre. Mais je préfère savourer les succès, comme celui de Falstaff en juin 2015. JEAN-LOUIS GRINDA, décembre 2016 Bio express - Johann Strauss (fils) 1825 - 1899 On ne peut pas parler du compositeur de La Chauve- Souris sans évoquer sa famille. Johann Strauss fils (ou Johann Strauss II) naît à Vienne (Autriche) le 25 octobre 1825 d’un père musicien et chef d’orchestre (Johann Strauss père, ou I) qui jouissait déjà d’une bonne renommée. Deux de ses frères seront également compositeurs. À la suite de son père qui a popularisé la valse, Johann devient musicien et se produit dans plusieurs orchestres, cela en dépit de l’interdiction paternelle. Johann Strauss père ne souhaitait pas voir ses enfants devenir musiciens. Sa mère qui a décelé en lui un grand talent le soutient dans son projet. En 1844 il remporte un immense triomphe avec ses propres compositions à l’occasion d’un concert. À l’âge de dix-neuf ans il devient le plus grand rival musical de son père. Johann Strauss fils, après le décès de son père en 1849 est le compositeur de valse préféré des viennois. Le Beau Danube bleu, sans aucun doute la plus célèbre de ses valses est jouée à Paris en 1867 à l’occasion de l’Exposition Universelle. C’est un succès immense. Il compose également des Polkas dont la célèbre TritschTratsch-Polka de 1858. C’est sa première femme, « Jetty », et le compositeur français Jacques Offenbach qui le poussent à composer de l’opérette. Toute sa carrière est ponctuée par des succès qui lui donnent une grande aisance financière. Il meurt à Vienne le 3 juin 1899. Source : dossier pédagogique La Chauve-Souris – Opéra comique.com/fr/mediatheque/dossier-pedagogique-chauve-souris Comique - http://www.opera-