Jaurès et
l’attentat de
Sarajevo
NOTE n° 24 - Fondation Jean-Jaurès / 2014 année Jaurès - 1erjuillet 2014 - page
jeunes nationalistes qui souhaite la naissance d’une grande nation rassemblant tous les
Serbes et les Slaves du sud des Balkans. L’auteur des coups de feu meurtriers est un jeune
étudiant originaire de Bosnie-Herzégovine, Gavrilo Princip. Il est immédiatement arrêté,
ainsi que ses complices. Rapidement, les autorités austro-hongroises soupçonnent le
royaume de Serbie d’être à l’origine de cet attentat. En effet, ce royaume, qui est allié à la
Russie et qui bénéficie du soutien de la France, revendique la Bosnie-Herzégovine, car une
majorité serbe y habite. Pourtant, ce territoire, autrefois dépendant de l’Empire ottoman, a
été annexé en 1908 par l’Empire austro-hongrois, et les autorités de Vienne, redoutant la
constitution d’une grande nation serbe, utilisent volontiers la force dans cette région. Jean
Jaurès explique dans son article que « la politique de l’archiduc s’employait à mater l’esprit
d’indépendance des éléments slaves, pour les plier à ses desseins et les faire entrer dans
le cadre artificiel de la domination jésuitique des Habsbourg3». L’archiduc François-
Ferdinand, fervent croyant, souhaitait en effet privilégier dans cet ensemble les
catholiques, qui étaient minoritaires en Bosnie. Cela ne pouvait que renforcer le
nationalisme serbe4, d’autant que l’héritier du trône était l’inspecteur général de l’armée
impériale, et qu’il se rendait à ce titre dans la région de Sarajevo. Jaurès craint que l’attentat
n’entraîne des représailles contre la Serbie. En effet, ses auteurs ont reçu de l’aide des
milieux militaires serbes, en particulier de l’organisation nationaliste la Main noire, ce
qu’une enquête détermine rapidement. La veille de la publication de l’article de Jaurès,
l’Humanité, à l’instar des autres journaux français, s’arrête longuement sur l’événement ; on
y découvre l’analyse de la SFIO à propos de l’Empire austro-hongrois et de la situation
balkanique. L’auteur du long article expliquant les faits, le Catalan Antonio Fabra Ribas5,
désigne la famille impériale comme principale responsable de cette situation conflictuelle.
Incriminant l’archiduc, il explique plus précisément : « Ces tendances militaristes et
impérialistes, et l’esprit ultra-clérical qui les inspirait, constituaient un des plus grands
dangers pour la paix de l’Europe6. » Bien que Jean Jaurès partage cette analyse, ce dernier
souhaite surtout que le conflit soit réglé grâce au droit international que les puissances
européennes doivent mettre en place.
2
www.jean-jaures.org
3. Ibid.
4. La Bosnie-Herzégovine a une population majoritaire de Serbes orthodoxes. Deux autres communautés
sont présentes : des Croates catholiques et des musulmans, souvent des Serbes islamisés lors de la
domination ottomane.
5. Après des études à Barcelone, Antonio Fabra Ribas (1879-1958) s’est établi à Paris, où il est un des
rédacteurs de l’Humanité, plus particulièrement chargé de l’actualité internationale. Il participe à ce titre aux
réunions de la IIeInternationale, où il côtoie fréquemment Jean Jaurès.
6. Antonio Fabra Ribas, « L’archiduc héritier d’Autriche et sa femme meurent, victimes d’un attentat, à
Sarajevo », l’Humanité, 29 juin 1914, p. 1 (en ligne : gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k253869c).