Le trouble de l’adaptation avec anxiété S. Roy*, S. Renou** Le stress Le concept de stress est difficile à appréhender. On l’utilise à la fois pour désigner des menaces ou des défis, mais aussi pour décrire nos réactions physiologiques, comportementales et émotionnelles consécutives à ces dernières. On parle plus volontiers de “facteurs de stress” comme le stress de la vie quotidienne (conflits, deuil, séparation, etc.), et de “réaction de stress” comme la colère, la dépression, etc. Le stress est finalement le produit de ces deux facteurs. C’est Hans Selye (4) qui le premier étudia de façon approfondie le phénomène de stress. En cherchant à découvrir une nouvelle hormone sexuelle, Selye injecta à des rats un extrait d’hormone ovarienne. Il détecta trois effets : un élargissement du cortex surrénalien, une diminution du thymus et des ulcères perforés. Pensant être sur la trace d’une nouvelle hormone, Selye injecta d’autres extraits corporels aux rats. Quel désespoir en observant exactement les mêmes symptômes ! En soumettant des animaux à d’autres facteurs de stress (chocs électriques, lésions chirurgicales, etc.), il constata qu’il s’agissait en fait d’une réponse adaptative du corps au stress, commune à tous les individus. Selye qualifia la réponse de l’organisme aux agressions auxquelles il est soumis sous le terme de “syndrome général d’adaptation” (SGA). Le SGA se divise en trois phases : * Psychologue-psychothérapeute, centre médico-psychologique Montaigne, Garches. ** Psychologue-psychothérapeute, hôpital Robert-Debré, service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Paris. – une phase d’alarme ou d’alerte au cours de laquelle l’organisme mobilise ses ressources pour faire face à un environnement nouveau et source d’agressions. Cette phase est caractérisée par une libération de catécholamines et de glucocorticoïdes, et par une baisse momentanée de la résistance de l’organisme. Durant cette phase, le rythme cardiaque augmente et le sang est détourné vers les muscles squelettiques ; – une deuxième phase de résistance au cours de laquelle les défenses de l’organisme sont augmentées vis-à-vis de l’agent agresseur en cause, mais diminuées vis-à-vis d’autres agressions. Cette phase repose essentiellement sur l’activation de l’axe corticotrope. L’action des glucocorticoïdes permet d’augmenter le métabolisme de base de l’organisme, c’est-à-dire de faire fonctionner l’ensemble de notre corps avec une dépense énergétique accrue. Température, pression sanguine et rythme respiratoire demeurent élevés. Si le stress persiste, l’organisme s’habitue et réagit de moins en moins ; – enfin, une troisième phase d’épuisement qui correspond à la défaillance des capacités d’adaptation et qui traduit l’épuisement des surrénales en glucocorticoïdes. Cette dernière phase signe l’échec de l’organisme à s’adapter aux différents stimuli auxquels il est soumis. Elle peut conduire à de nombreuses variétés de maladies, voire entraîner le décès. Souvent discuté, très peu contesté, le principe fondamental du SGA a largement contribué à l’intérêt porté par les psychologues aux facteurs psychiques liés au stress. Ces facteurs ont un rôle très important car ils sont impliqués aussi bien dans les causes et les mécanismes de déclenchement que dans les conséquences du stress. Le stress s’exprime par toute une variété de symptômes Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n°s 8/9, novembre-décembre 2003 L e trouble de l’adaptation, sous ce libellé, est une catégorie diagnostique apparue récemment dans les classifications internationales, DSM III (1) et CIM 10 (2). Dans le DSM IV (3), il est l’un des rares troubles auxquels on reconnaît une composante pathogénique, à savoir un trouble directement consécutif à un ou plusieurs stresseurs repérables et clairement définis. Parmi les sous-types répertoriés dans le DSM IV (3), le trouble de l’adaptation avec anxiété (TAA), autrefois appelé “anxiété réactionnelle”, présente une prévalence élevée si l’on en croit les différentes sources épidémiologiques. Pourtant, cette pathologie, comparée aux autres troubles (troubles anxieux, de l’humeur, etc.), semble moins intéresser les cliniciens et les chercheurs si l’on se réfère au nombre de publications qui lui sont consacrées. Le concept “d’événement de vie” désorganisant, venant rompre l’équilibre psychologique, est au cœur du TAA. Mais c’est davantage la réaction du sujet, les stratégies adaptatives qu’il va mettre en place pour retrouver un état antérieur à l’impact du ou des stresseurs qui vont entraîner la survenue ou non du TAA. Des techniques psychothérapiques existent et ont montré, par des méthodes scientifiques, leur efficacité. Dans cet article, nous développerons l’étroite interaction qui existe entre le concept de stress, les stratégies d’ajustement (coping) et le TAA. La dernière partie sera consacrée aux méthodes comportementales et cognitives mises en œuvre pour le traitement de ce trouble. ■ 225 Mise au point Mise au point psychologiques comme l’anxiété, la tristesse, l’irritabilité, l’humeur dépressive, l’inquiétude, etc. ; et la liste est encore longue. Si le mot “stress” est couramment employé de façon négative, il est pourtant nécessaire d’éprouver un minimum cet état, ce qui nous permet de rester vigilant et de nous adapter aux facteurs environnementaux. Ce n’est pas le stress qui est néfaste à notre santé physique et psychologique mais son trop plein. Le concept d’adaptation Comme nous avons pu le voir dans le paragraphe précédent, la notion de stress est étroitement liée à celle d’adaptation. D’un point de vue biologique, l’adaptation est l’ensemble des ajustements réalisés par un organisme pour survivre et perpétuer son espèce dans un environnement écophysique donné. S’inspirant de cette définition, les psychologues définissent l’adaptation comme un ensemble de modifications des conduites qui visent à assurer l’équilibre des relations entre l’organisme et ses milieux de vie et, en même temps, des mécanismes et processus qui soustendent ce phénomène. Ces processus d’adaptation sont mis en œuvre chaque fois qu’une situation comporte un ou plusieurs éléments nouveaux, inconnus ou simplement non familiers. Pour faire face à ces éléments, l’individu fait inter- venir entre lui et l’événement perçu un certain nombre de stratégies d’ajustement ou de coping (de l’anglais to cope with, “faire face à”). Ces stratégies permettant le contrôle psychologique et physiologique face à l’action, conduisant à la fois à la réduction du degré de stress et à la maîtrise des représentations psycho-affectives liées à l’impact de l’événement. Le modèle proposé par Lazarus et Folkman (5) distingue deux grandes catégories de stratégies (tableau I) : – la première correspond à la résolution de problèmes par un ensemble de plans d’action dirigés vers une modification, un évitement ou une minimalisation de l’impact du stresseur ; les activités cognitives permettent de penser que le stresseur peut être contrôlé ; – la deuxième catégorie correspond à la capacité qu’a un individu d’éliminer les émotions négatives engendrées par le stresseur, en utilisant des mécanismes de défense comme le déni, la répression, ou l’inhibition des émotions, par exemple. Des travaux en psychologie (6) ont permis de mettre en évidence, parmi ces stratégies d’ajustement, plusieurs attitudes et réponses développées par le sujet en fonction du type d’attribution causale qui est fait de l’événement rencontré. Par définition, nous expliquons généralement le comportement d’autrui en l’attribuant à des dispositions soit internes soit externes. Face à un stresseur, un individu adoptera soit un contrôle externe sur l’événement par des atti- tudes actives de maîtrise de la réalité, de recherche de soutien social, soit un contrôle interne marqué par la maîtrise des émotions et des pensées. L’absence de contrôle se caractérise par l’évitement, la fuite et la passivité. L’impact du stress peut s’expliquer en partie par le fait que certains individus auront plutôt tendance à s’attribuer la responsabilité de ce qui leur arrive, considérant l’événement comme définitif et s’étendant à tous les domaines de la vie du sujet. Le TAA Lorsque l’individu, épuisé, surmené, n’est plus susceptible de s’adapter, le stress peut alors se traduire par une incapacité à réagir, aboutissant le plus souvent à des complications d’ordre psychiatrique. Le TAA en est un exemple. Critère diagnostique du trouble de l’adaptation Les critères diagnostiques du trouble de l’adaptation retenus par la classification américaine des troubles mentaux (DSM IV) (3) sont décrits dans le tableau II. L’irruption d’un stresseur dans la vie du sujet dépend, outre de la capacité du sujet à y faire face, de la nature de l’événement, c’est-à-dire de son intensité, de son imprévisibilité et de sa répétitivité (employé de banque victime de plusieurs hold-up) ou chronicité (harcèlement moral sur le lieu de travail). L’échelle de sévérité des facteurs psychosociaux Tableau I. Réponses psychologiques au stress (d’après [5]). Réaction au problème aux émotions Comportementale Cognitive Comportementale Cognitive Essai de contrôle Résolution du problème Recherche du problème Affrontement du problème Redéfinition de la situation Restructuration Réinterprétation positive Recherche de soutien social Recherche d’informations Expression des émotions Évitement Fuite Réaction passive Idéalisation de la réalité Distanciation Auto-blâme Déplacement Distraction Évitement de l’information Inhibition des émotions Répression Refus 226 Mise au point Mise au point Tableau II. Critères diagnostiques du trouble de l’adaptation selon le DSM IV (3). 1. Le développement de symptômes dans les registres émotionnels et comportementaux, en réaction à un ou plusieurs facteurs de stress identifiables, au cours des trois mois suivant la survenue de ceux-ci. 2. Ces symptômes ou comportements sont cliniquement significatifs et se traduisent par l’une des deux manifestations suivantes : - une souffrance marquée, plus importante qu’il n’était attendu en réaction à ce facteur de stress ; - une altération significative du fonctionnement social ou professionnel (scolaire). 3. La perturbation liée au stress ne répond pas aux critères d’un autre trouble spécifique, ni à l’exacerbation d’un trouble préexistant. 4. Les symptômes ne sont pas l’expression d’un deuil. 5. Une fois que le facteur de stress (et ses conséquences) a disparu, les symptômes ne persistent pas au-delà de 6 mois. Le trouble est dit “aigu” si la perturbation persiste moins de 6 mois et “chronique” si la perturbation persiste 6 mois ou plus. Le trouble de l’adaptation peut être caractérisé par des symptômes prédominants tels que l’humeur dépressive, l’anxiété, voire les deux, et/ou la perturbation des conduites. de stress de l’axe IV du DSM IV (3) permet d’évaluer l’intensité de la réaction au stress et de prendre en compte tous les facteurs favorisant ou aggravant le trouble (tableau III). Épidémiologie du TAA Bien que considéré comme une entité diagnostique marginale en raison de son manque de pertinence clinique suffisante pour être intégré dans les grandes études épidémiologiques menées dans le monde, le trouble de l’adaptation présente une prévalence en consultation psychiatrique variant de 5 à 20 % selon les études. Une étude récente menée par Hergueta et al. (7) montre une prévalence du TAA chez les consultants en médecine générale de 1 % et de 4,5 % chez ceux ayant une plainte d’ordre psychologique. Dans 66,7 % des cas, les patients présentant un TAA étaient des femmes. Ces chiffres sont retrouvés dans des études antérieures (8). Dans leurs études, Samuelian et al. (9) retrouvent un nombre important d’associations comorbides au TAA, principalement des troubles de la personnalité (évitante, dépendante, antisociale, passive-agressive, etc.) et des troubles addictifs. Selon Kenesi et al. (10), parmi les événements de vie stressants survenus dans les trois mois précédant l’apparition du trouble, 68 % des patients ont eu à faire face à un conflit conjugal, particulièrement chez les femmes, ou à des difficultés professionnelles chez les hommes. Enfin, ces mêmes auteurs montrent que 72 % des patients présentant un TAA n’ont pas d’antécédent psychiatrique, mais plutôt des antécédents familiaux sévères : – de troubles dépressifs ou anxieux (20 % chez le père et 30 % chez la mère) ; – d’alcoolisme (16 % chez le père et 5 % chez la mère) ; – de troubles du comportement ou de l’adaptation (17 % chez le père et 10 % chez la mère). Les différentes études mettent en avant une fréquence d’apparition non négligeable du TAA chez les consultants, d’où la nécessité d’un diagnostic précoce dans une perspective de prise en charge médicamenteuse et psychothérapique. Les facteurs de risque Le modèle biopsychosocial de la psychiatrie moderne a bien montré que nous n’étions pas tous égaux devant le stress, Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n°s 8/9, novembre-décembre 2003 ni devant la capacité à le gérer (11). Les individus présentent une plus ou moins grande vulnérabilité face aux agents source de stress. Friedman et Rosenman (12) ont notablement contribué à l’étude du stress et du rôle joué par la personnalité dans son apparition. Ces auteurs ont décrit un mode de comportement pouvant être considéré comme responsable d’une hyper-réactivité au stress : la personnalité de “type A”. Les comportements de type A se caractérisent par la célérité dans l’action, se traduisant par l’impatience ; l’investissement professionnel marqué, associé à une image de bon travailleur, perfectionniste et consciencieux ; la compétitivité et la combativité. Les individus de type A sont davantage sujets aux crises cardiaques parce qu’ils fument plus, dorment moins et consomment davantage de boissons à base de caféine. D’autre part, ils présentent un tempérament favorisant l’apparition de maladies cardiaques, leurs sécrétions hormonales, leur rythme cardiaque et leur pression artérielle s’élevant significativement plus que la moyenne lors de défis à relever ou en situation de perte de contrôle. Un autre type de comportement, pouvant lui aussi constituer un facteur de risque et de vulnérabilité dans l’apparition d’un trouble de l’adaptation, a été décrit. Il s’agit du comportement de “type C”. Ces sujets sont plutôt soumis, évitent les conflits, acceptent les contraintes du temps, inhibent leurs émotions, etc. Enfin, un dernier type de profil comportemental, le “type B” a été découvert chez des sujets cherchant à agir positivement sur les événements de vie pouvant leur arriver. Le type B, considéré comme un facteur de protection par sa capacité d’adaptation aux situations stressantes, est caractérisé par une maîtrise personnelle des événements stressants, un sens des responsabilités et un sens de la cohérence à donner à sa vie dans ses engagements successifs, une souplesse d’adaptation aux changements imprévus avec perception de l’événement comme une rupture inhérente à la vie plutôt que comme une menace. 227 Mise au point Mise au point Stratégies d’intervention cognitives et comportementales dans le TAA Comme cela a pu être le cas pour d’autres troubles (trouble panique, phobies, trouble d’anxiété généralisée, etc.), le TAA fait à son tour l’objet depuis quelques années d’un intérêt croissant de la part des thérapeutes cognitivocomportementalistes. Le modèle cognitivo-comportemental de l’anxiété Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) reposent essentiellement sur le modèle du conditionnement (13, 14). Globalement, elles sont fondées sur le principe selon lequel la réponse anxieuse a été apprise par les patients, et sur le postulat qu’il est possible de la désapprendre. Les comportementalistes considèrent que beaucoup de symptômes présents dans les troubles psychiatriques peuvent être causés ou main- tenus par le biais du conditionnement. Les comportementalistes (15) font valoir donc que l’anxiété, en tant que réponse de l’organisme à un agent stressant, agit dans trois principaux domaines : – le domaine physiologique, par l’activation ou l’inhibition du système nerveux autonome ; – le domaine comportemental, par l’évitement, l’échappement, l’inhibition ou l’agression ; – le domaine cognitif, par des erreurs d’interprétations, des distorsions, etc. Les traitements cognitivo-comportementaux agissent donc sur ces trois axes. Les stratégies thérapeutiques Les principales stratégies thérapeutiques utilisées dans le traitement du TAA sont : la relaxation (modifications des réponses physiologiques), les thérapies d’exposition et l’entraînement aux compétences sociales (modification des réponses comportementales) et les thérapies cognitives (modifications des réponses cognitives). La relaxation L’objectif principal de la relaxation est de permettre à la fois une diminution du rythme cardiaque, un ralentissement de la fréquence respiratoire et une diminution de la pression artérielle. Les méthodes de relaxation sont nombreuses dans le traitement du TAA. Nous n’en retiendrons que deux types : – le “training autogène” de Schultz (16) est une méthode d’auto-induction hypnotique fondée sur l’évocation mentale de sensations de lourdeur et de chaleur. Les exercices se pratiquent en position assise ou couchée. Les patients présentant un TAA se limitent au cycle inférieur où ils font successivement l’expérience de la sensation de pesanteur (“mon bras est lourd”), de chaleur (“mon bras est chaud”), de contrôle du cœur et respiratoire, de régulation de la région abdominale et de fraîcheur du front ; – la relaxation progressive de Jacobson (17) repose sur la détente graduelle des groupes musculaires. Elle peut se pratiquer assise ou couchée. L’objectif Tableau III. Facteurs psychosociaux de stress d’après l’échelle de sévérité de l’axe IV du DSM IV (3). Code Terme Exemple chez l’adulte Exemple chez l’enfant ou l’adolescent 1 Aucun Absence de facteur de stress apparent Absence de facteur de stress apparent 2 Minime Délit mineur, petit emprunt à la banque Vacances en famille 3 Léger Dispute avec un voisin, changement d’horaire de travail Changement de professeur à l’école, rentrée des classes 4 Moyen Nouvelle carrière, décès d’un ami proche grossesse Disputes répétées avec les parents, changement d’école, maladie d’un parent proche, naissance d’un frère ou d’une sœur 5 Sévère Maladie grave du sujet ou d’un parent, perte d’argent importante, séparation conjugale, naissance d’un enfant Mort d’un camarade, divorce des parents arrestation, hospitalisation, discipline parentale sévère en permanence 6 Extrême Mort d’un parent proche, divorce Mort d’un parent, d’un frère ou d’une sœur, traumatismes sexuels ou physiques répétés 7 Catastrophique Expérience de camp de concentration, catastrophe naturelle dévastatrice Multiples morts dans la famille 8 Non spécifique Absence d’information ou information inutilisable Absence d’information ou information inutilisable 228 Mise au point Mise au point est de contracter successivement chacun des groupes musculaires pendant quelques secondes, puis de les décontracter, en restant le plus attentif possible au contraste entre la tension et la détente. L’apprentissage de la relaxation permet de rompre le cercle vicieux qui conduit l’anxiété à la tension musculaire, qui à son tour ne fait qu’augmenter l’anxiété. Benson, l’un des auteurs qui a le plus étudié les différentes méthodes de relaxation, préconise un environnement calme, à l’abri des sources de distraction, une position confortable dans laquelle les tensions musculaires sont réduites autant que possible, une attitude passive, et la focalisation de toute l’attention sur un stimulus déterminé (son, mot ou objet, par exemple). L’exposition Les stratégies d’exposition sont un peu le noyau dur des thérapies comportementales (18). Historiquement, elles ont été les premières à être utilisées et restent particulièrement importantes aux yeux des thérapeutes, car elles sont très efficaces pour les patients. Le principe de base de l’exposition est très simple ; il s’applique surtout aux troubles anxieux : éviter ce qui fait peur accroît la peur et l’entretient. Au contraire, la confrontation à ce qui fait peur diminue la peur. Cette confrontation s’effectue selon certaines règles strictes. L’exposition doit être progressive, prolongée et complète. Il y a ainsi toute une graduation dans l’autonomisation du patient. Une exposition mal conduite peut en effet aggraver la réponse anxieuse. L’affirmation de soi L’affirmation de soi ou l’entraînement aux compétences sociales est une autre stratégie comportementale classique (19). Cette stratégie vise à entraîner les patients à maîtriser les comportements relationnels, qu’ils soient verbaux ou non, adaptés aux interactions quotidiennes. Le jeu de rôle comportemental est le principal outil thérapeutique utilisé en affirmation de soi. Une situation cible très précise est choisie. Le patient joue son propre rôle. Le comportement du patient est ensuite critiqué de façon constructive : le regard, la voix, la fermeté dans la décision, l’autorité, etc. La vidéo peut parfois être utilisée. À partir des critiques, le patient recherche ce qui pourrait être amélioré et le jeu reprend en tenant compte des changements à apporter pour un comportement plus efficace. Cette technique a pour objectif d’apprendre au patient un certain comportement, qu’il pourra ensuite choisir d’utiliser quand il se trouvera confronté au même type de situation. Cela lui donne les moyens d’adopter des comportements qui soient en phase avec ses envies ou ses pensées. En plus de ces séances, des exercices à faire dans la semaine sont prescrits, pour tester l’efficacité des séances et orienter le travail. Chez les patients présentant un TAA, divers exemples de compétences sociales peuvent être travaillés : exprimer une demande, un désaccord, faire face à l’agressivité, à l’hostilité, etc. Les thérapies cognitives Dans l’approche cognitive, trois niveaux d’intervention, identifiés par Beck (14), sont envisagés et travaillés : – les cognitions ou “événements cognitifs” correspondent aux pensées automatiques qui surviennent spontanément lorsque le patient est dans une situation anxiogène ; – les “processus cognitifs” ou distorsions cognitives donnent au patient une lecture particulière, perturbée, de son environnement. Parmi ces distorsions, on distingue : l’inférence arbitraire (tirer des conclusions sans preuve), l’abstraction sélective (ne retenir que certains éléments d’un situation), le raisonnement dichotomique (raisonner en “noir ou blanc”) ; – les schémas cognitifs représentent l’ensemble des croyances profondes et donnent la véritable vision du monde du patient. Selon Beck (14), le patient doit : – prendre conscience de ses pensées automatiques ; – reconnaître le rapport entre ses pensées, ses émotions et son comportement ; Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n°s 8/9, novembre-décembre 2003 – apprendre à questionner ses pensées automatiques et à examiner leur validité par des épreuves de réalité ; – apprendre à remplacer ses pensées automatiques par des pensées plus rationnelles ; – identifier et modifier ses schémas dysfonctionnels. Spécificités de la prise en charge cognitivo-comportementale Les TCC regroupent un certain nombre de caractéristiques, à la fois méthodologiques et relationnelles (20). Les caractéristiques méthodologiques Les TCC sont des thérapies limitées dans le temps, d’une vingtaine de séances pour le traitement du TAA. Ces thérapies se caractérisent par le fait qu’elles sont centrées sur l’“ici” et le “maintenant”. Autrement dit, elles n’utilisent pas le travail sur le passé comme levier thérapeutique majeur, même si elles en tiennent compte. Elles se concentrent beaucoup plus sur les aspects actuels des troubles. La volonté scientifique des TCC se traduit par un souci d’évaluer les résultats obtenus dans le but de faire évoluer les techniques existantes. Des résultats non satisfaisants font ainsi peu à peu abandonner certaines méthodes de soin. L’évaluation systématique des résultats permet des thérapies structurées et codifiées. Ainsi, dès le diagnostic de TAA posé, le thérapeute sait quelle stratégie adopter et quels résultats en attendre. Un style relationnel particulier Le thérapeute comportementaliste peut être qualifié à la fois d’actif et d’interactif car il participe beaucoup au déroulement de la thérapie. Il est également explicite et informatif, le début de la thérapie étant consacré à délivrer au patient des informations sur le trouble, sur les stratégies thérapeutiques employées, etc. La relation entre le patient et le thérapeute s’engage sur un mode collaboratif. Le patient, lui aussi, devra être autonome et réaliser volontairement les tâches assignées entre les séances. 229 Mise au point Mise au point Conclusion Le trouble de l’adaptation, quel qu’en soit le sous-type, reste encore un trouble marginal. Il est d’ailleurs classé dans le DSM IV comme une catégorie résiduelle. Peu de recherches se sont intéressées spécifiquement au TAA et les données recueillies ne sont encore que trop partielles et insuffisantes. Pourtant, l’adaptation, au même titre que la respiration, la digestion, la reproduction et la fonction immunitaire fait partie des grandes fonctions de l’organisme humain. Ce manque d’intérêt est probablement lié aux manifestations cliniques diffuses et hétérogènes selon les sujets et, par conséquent, à une description sémiologique manquant de spécificité dans les classifications internationales. Quoi qu’il en soit, l’aspect réactionnel du TAA ne minore en rien la gravité de ce trouble, d’autant plus qu’il peut être une première étape vers une pathologie psychiatrique plus sévère. En pratique, c’est au clinicien d’évaluer à la fois l’impact des stresseurs, la vulnérabilité du sujet (qu’elle soit psychologique, biologique, familiale ou socio-économique) et les stratégies d’ajustement qu’il met en œuvre. Enfin, outre une prise en charge médicamenteuse, il semble nécessaire d’introduire plus systématiquement un suivi psychothérapique, certaines études montrant que seulement 15 % des sujets présentant un TAA en bénéficient (7). ■ Références 1. American psychiatric association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 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