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Mise au point
Le trouble de l’adaptation, sous ce
libellé, est une catégorie diagnostique
apparue récemment dans les classifica-
tions internationales, DSM-III (1) et
CIM-10 (2). Dans le DSM-IV (3), il est
l’un des rares troubles auxquels on
reconnaît une composante pathogé-
nique, à savoir un trouble directement
consécutif à un/des stresseur(s) repé-
rable(s) et clairement défini(s).
Parmi les sous-types répertoriés dans le
DSM-IV (3), le trouble de l’adaptation
avec anxiété (TAA), autrefois appelé
“anxiété réactionnelle”, présente une
prévalence élevée si l’on en croit les dif-
férentes sources épidémiologiques. Pour-
tant, cette pathologie, comparée aux autres
troubles (troubles anxieux, de l’humeur,
etc.), semble moins intéresser les clini-
ciens et les chercheurs si l’on se réfère au
nombre de publications qui lui sont
consacrées.
Le concept d’“événement de vie” désor-
ganisant, venant rompre l’équilibre psy-
chologique, est au cœur du TAA. Mais
c’est encore plus la réaction du sujet et
les stratégies adaptatives que celui-ci va
mettre en place pour retrouver un état
antérieur à l’impact du/des stresseurs qui
vont entraîner la survenue ou non d’un
TAA.
Des techniques psychothérapiques exis-
tent et ont montré par des méthodes
scientifiques leur efficacité.
Dans cet article, nous développerons
l’étroite interaction qui existe entre le
concept de stress, les stratégies d’ajuste-
ment (coping) et le TAA. Un dernier
point sera consacré aux méthodes com-
portementales et cognitives pour le trai-
tement de ce trouble.
Le stress
Le concept de stress est difficile à appré-
hender. On l’utilise à la fois pour dési-
gner des menaces ou des défis, mais
aussi pour décrire nos réactions physio-
logiques, comportementales et émotion-
nelles. On parle plus volontiers de “fac-
teurs de stress” comme le stress de la vie
quotidienne, et de “réaction de stress”
comme la colère, la dépression, etc. Le
stress est le produit de ces deux facteurs.
Le syndrome général d’adaptation
C’est Hans Selye qui le premier étudia
de façon approfondie le phénomène de
stress. En cherchant à découvrir une
nouvelle hormone sexuelle, Selye injec-
ta à des rats un extrait d’hormone ova-
rienne. Il détecta trois effets : un élargis-
sement du cortex surrénalien, une dimi-
nution du thymus et des ulcères perforés.
Pensant être sur la trace d’une nouvelle
hormone, Selye injecta d’autres extraits
corporels aux rats. Quel désespoir en
observant exactement les mêmes symp-
tômes ! En soumettant des animaux à
d’autres facteurs de stress (chocs élec-
triques, lésions chirurgicales, etc.), il
constata qu’il s’agissait en fait d’une
réponse adaptative du corps au stress
commune à tous les individus. Selye
qualifia la réponse de l’organisme aux
agressions auxquelles il est soumis sous
le terme de “syndrome général d’adapta-
tion” (SGA). Le SGA se divise en trois
phases :
– une phase d’alarme ou d’alerte au
cours de laquelle l’organisme mobilise
ses ressources pour faire face à un envi-
ronnement nouveau et source d’agres-
sions. Cette phase est caractérisée par
une libération de catécholamines et de
glucocorticoïdes, et une baisse momen-
tanée de la résistance de l’organisme.
Durant cette phase, le rythme cardiaque
s’emballe, le sang est détourné vers les
muscles squelettiques ;
– une deuxième phase de résistance au
cours de laquelle les défenses de l’orga-
nisme sont augmentées vis-à-vis de
l’agent agresseur en cause, mais dimi-
nuées vis-à-vis d’autres agressions.
Cette phase repose essentiellement
sur l’activation de l’axe corticotrope.
Température, pression sanguine et ryth-
me respiratoire demeurent élevés. Si le
stress persiste, l’organisme s’habitue et
réagit de moins en moins ;
– enfin, une troisième phase d’épuise-
ment qui correspond à la défaillance des
capacités d’adaptation, et qui traduit
l’épuisement des surrénales en gluco-
corticoïdes. Cette dernière phase signe
l’échec de l’organisme à s’adapter aux
différents stimuli auxquels il est soumis.
Elle peut conduire à de nombreuses
variétés de maladie, voire à la mort.
Souvent discuté, très peu contesté, le
principe fondamental du SGA a large-
ment contribué à l’intérêt porté par les
psychologues aux facteurs psychiques
liés au stress. Ces facteurs ont un rôle
très important, car ils sont impliqués
aussi bien dans les causes et les méca-
nismes de déclenchement que dans les
conséquences du stress. Le stress s’ex-
prime par toute une variété de symp-
tômes psychologiques comme l’anxiété,
la tristesse, l’irritabilité, l’humeur dépres-
sive, l’inquiétude, etc., et la liste est
encore longue.
Si le mot “stress” est couramment
employé de façon négative, il est pourtant
nécessaire d’en éprouver un minimum,
afin de rester vigilant et de s’adapter aux
facteurs environnementaux. Ce n’est pas
le stress qui est néfaste à notre santé phy-
sique et psychologique, mais son excès.
Le trouble de l’adaptation
avec anxiété
S. Roy*, S. Grau*, P. Lascar*
* Centre Montaigne, Garches.
Mise au point
251
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 9/10, novembre/décembre 2004
Le concept d’adaptation
Comme nous avons pu le voir dans le
paragraphe précédent, la notion de
stress est étroitement liée à celle
d’adaptation. D’un point de vue biolo-
gique, l’adaptation est l’ensemble des
ajustements réalisés par un organisme
pour survivre et perpétuer son espèce
dans un environnement écophysique
donné. S’inspirant de cette définition,
les psychologues définissent l’adaptation
comme un ensemble de modifications
des conduites visant à assurer l’équilibre
des relations entre l’organisme et ses
milieux de vie, et qui sont sous-tendues
par des mécanismes et des processus.
Ces processus d’adaptation sont mis
en œuvre chaque fois qu’une situation
comporte un ou plusieurs éléments
nouveaux, inconnus ou simplement non
familiers. Pour faire face à ces éléments,
l’individu fait intervenir entre lui et
l’événement perçu un certain nombre
de stratégies d’ajustement ou de coping
(de l’anglais to cope with : faire face à).
Ces stratégies ayant valeur de contrôle
psychologique et physiologique face à
l’action, elles permettent à la fois de
réduire le degré de stress et de maîtriser
les représentations psychoaffectives liées
à l’impact de l’événement. Le modèle
proposé par Lazarus et Folkman (4)
distingue deux grandes catégories de
stratégies (tableau I) :
la première correspond à la résolution
de problèmes par un ensemble de plans
d’action dirigés vers une modification,
un évitement ou une minimalisation de
l’impact du stresseur : les activités
cognitives permettent de penser que le
stresseur peut être contrôlé ;
la deuxième catégorie correspond à la
capacité qu’a un individu d’éliminer les
émotions négatives engendrées par le
stresseur, en utilisant des mécanismes de
défense comme le déni, la répression, ou
l’inhibition des émotions par exemple.
Des travaux en psychologie (5) ont permis
de mettre en évidence, parmi ces straté-
gies d’ajustement, plusieurs attitudes et
réponses mises en œuvre par le sujet en
fonction du type d’attribution causale
conférée à l’événement rencontré. Par
définition, nous expliquons générale-
ment le comportement d’autrui en l’at-
tribuant à des dispositions soit internes
soit externes. Face à un stresseur, un
individu adoptera soit un contrôle externe
sur l’événement par des attitudes actives
de maîtrise de la réalité, de recherche de
soutien social, soit un contrôle interne
marqué par la maîtrise des émotions et
des pensées. L’absence de contrôle se
caractérise par l’évitement, la fuite et la
passivité. L’impact du stress peut s’ex-
pliquer en partie par le fait que certains
individus auront plutôt tendance à s’at-
tribuer la responsabilité de ce qui leur
arrive, considérant l’événement comme
définitif et s’étendant à tous les
domaines de la vie du sujet.
Le trouble de l’adaptation
avec anxiété (TAA)
Lorsque l’individu, épuisé, surmené,
n’est plus apte à s’adapter, le stress peut
se traduire alors par une incapacité à
réagir, aboutissant le plus souvent à des
complications d’ordre psychiatrique. Le
TAA en est un exemple.
Critère diagnostique du trouble
de l’adaptation
Les critères diagnostiques du trouble de
l’adaptation retenus par la classification
américaine des troubles mentaux : DSM-IV
(3) sont décrits dans le tableau II.
Tableau I. Réponses psychologiques au stress, d’après Lazarus et Folkman (4).
1. Le développement de symptômes dans les registres
émotionnels et comportementaux, en réaction à un
ou plusieurs facteur(s) de stress identifiable(s), au
cours des trois mois suivant la survenue de celui-ci
(ceux-ci).
2. Ces symptômes ou comportements sont clinique-
ment significatifs et se traduisent par l’une des
deux manifestations suivantes :
une souffrance marquée, plus importante qu’il
n’était attendu en réaction à ce facteur de stress,
une altération significative du fonctionnement
social ou professionnel (scolaire).
3. La perturbation liée au stress ne répond pas aux cri-
tères d’un autre trouble spécifique, ni l’exacerba-
tion d’un trouble préexistant.
4. Les symptômes ne sont pas l’expression d’un deuil.
5. Une fois que le facteur de stress (et ses consé-
quences) a disparu, les symptômes ne persistent
pas au-delà de 6 mois.
Le trouble est dit “aigu” si la perturbation persiste
moins de 6 mois et “chronique” si la perturbation
persiste 6 mois ou plus.
Le trouble de l’adaptation peut être caractérisé
par des symptômes prédominants tels que l’humeur
dépressive, l’anxiété, voire les deux, et/ou la pertur-
bation des conduites.
Tableau II. Critères diagnostiques du
trouble de l’adaptation selon le DSM-IV (3).
Réaction
Au problème Aux émotions
comportementale cognitive comportementale cognitive
Essai de contrôle Redéfinition Recherche de soutien Expression des
Résolution du de la situation social émotions
problème Restructuration Recherche
Recherche du Réinterprétation d’informations
problème positive
Affrontement du
problème
Évitement Idéalisation Déplacement Inhibition
Fuite de la réalité Distraction des émotions
Réaction passive Distanciation Évitement de Répression
Auto-blâme l’information Refus
Mise au point
Mise au point
252
Mise au point
L’irruption d’un stresseur dans la vie du
sujet va dépendre, outre de la capacité
du sujet à y faire face, de la nature de
l’événement. C’est-à-dire de son inten-
sité, de son imprévisibilité et de sa répé-
titivité (employé de banque victime de
plusieurs hold-up) ou chronicité (harcè-
lement moral sur le lieu de travail).
L’échelle de sévérité des facteurs de stress
psychosociaux de l’axe IV du DSM-IV
(3) permet d’évaluer l’intensité de la
réaction au stress et de prendre en compte
tous les facteurs favorisant ou aggravant
le trouble (tableau III).
Épidémiologie du TAA
Bien que considérée comme une entité
diagnostique marginale en raison de son
manque de pertinence clinique suffisan-
te pour être intégré dans les grandes
études épidémiologiques menées dans
le monde, le trouble de l’adaptation pré-
sente une prévalence en consultation
psychiatrique variant de 5 à 20 % selon
les études.
Une étude récente menée par Hergueta et
al. (6) montre une prévalence du TAA
chez les consultants en médecine générale
de 1 %, et de 4,5 % chez ceux ayant une
plainte d’ordre psychologique. Les
patients présentant un TAA étaient, dans
66,7 % des cas, des femmes. Ces chiffres
sont retrouvés dans des études antérieures
(7). Dans leurs études, Samuelian et al.
(8) retrouvent un nombre important
d’associations comorbides au TAA,
principalement des troubles de la per-
sonnalité (évitante, dépendante, antiso-
ciale, passive-agressive, etc.), et addic-
tifs. Selon Kenesi et al. (9), parmi les
événements de vie stressants survenus
dans les trois mois précédant l’appari-
tion du trouble, 68 % des patients ont eu
à faire face à un conflit conjugal (parti-
culièrement les femmes) ou à des diffi-
cultés professionnelles chez les hommes.
Enfin, ces mêmes auteurs montrent que
72 % des patients présentant un TAA
n’ont pas d’antécédent psychiatrique,
mais plutôt des antécédents familiaux
sévères :
de troubles dépressifs ou anxieux
(20 % chez le père et 30 % chez la
mère) ;
d’alcoolisme (16 % chez le père et
5 % chez la mère) ;
de troubles du comportement ou de
l’adaptation (17 % chez le père et 10 %
chez la mère).
Les différentes études mettent en avant
une fréquence d’apparition non négli-
geable du TAA chez les consultants,
d’où la nécessité d’un diagnostic précoce
dans une perspective de prise en charge
médicamenteuse et psychothérapique.
Les facteurs de risque
Le modèle biopsychosocial de la psy-
chiatrie moderne a bien montré que nous
n’étions pas tous égaux devant le stress,
ni devant la capacité à le gérer. Les indi-
vidus présentent une plus ou moins
grande vulnérabilité face aux agents
source de stress. Friedman et Rosenman
(10) ont notablement contribué à l’étude
du stress et du rôle joué par la personna-
lité dans son apparition. Ces auteurs ont
décrit un mode de comportement pou-
vant être considéré comme responsable
d’une hyperréactivité au stress : la per-
sonnalité de “type A”. Les comporte-
ments de type A se caractérisent par une
célérité dans l’action se traduisant par
l’impatience ; l’investissement profes-
sionnel marqué associé à une image de
bon travailleur perfectionniste et conscien-
cieux ; la compétitivité et la combativité.
Les comportements de type A sont davan-
tage sujets aux crises cardiaques parce
qu’ils fument plus, dorment moins et
consomment davantage de boissons à
base de caféine. D’autre part, ils présen-
tent un tempérament favorisant l’appa-
rition de maladies cardiaques, leurs
sécrétions hormonales, leur rythme car-
diaque et leur pression artérielle s’élevant
significativement plus que la moyenne
lors de défis à relever ou en situation de
perte de contrôle. À l’inverse, un autre
type de comportement, pouvant lui aussi
constituer un facteur de risque et de vul-
nérabilité dans l’apparition d’un trouble
de l’adaptation, a été décrit. Il s’agit du
comportement de “ type C ”. Ces sujets
sont plutôt soumis, évitent les conflits,
acceptent les contraintes du temps, inhi-
bent leurs émotions, etc. Enfin, un dernier
Code Terme Exemple Exemple chez l’enfant
chez l’adulte ou l’adolescent
1Aucun Absence de facteur de stress apparent Absence de facteur de stress apparent
2Minime Délit mineur, petit emprunt à la banque Vacances en famille
3Léger Dispute avec un voisin, Changement de professeur à l’école,
changement d’horaire de travail rentrée des classes
4Moyen Nouvelle carrière, décès d’un ami proche, Disputes répétées avec les parents,
grossesse changement d’école, maladie d’un parent proche,
naissance d’un frère ou d’une sœur
5Sévère Maladie grave du sujet ou d’un parent, Mort d’un camarade, divorce des parents,
perte d’argent importante, arrestation, hospitalisation, discipline
séparation conjugale, naissance d’un enfant parentale sévère en permanence
6Extrême Mort d’un parent proche, divorce Mort d’un parent, d’un frère ou d’une sœur,
traumatismes sexuels ou physiques répétés
7Catastrophique Expérience de camp de concentration, Multiples morts dans la famille
catastrophe naturelle dévastatrice
8Non Absence d’information ou information Absence d’information ou information
spécifique inutilisable inutilisable
Tableau III. Facteurs de stress psychosociaux d’après l’échelle de sévérité de l’axe IV
du DSM-IV (3).
Mise au point
253
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 9/10, novembre/décembre 2004
type de profil comportemental, le “type B”,
a été découvert chez des sujets cherchant
à agir positivement sur les événements de
vie pouvant leur arriver. Le type B, consi-
déré comme un facteur de protection par
sa capacité d’adaptation aux situations
stressantes, est caractérisé par une maîtrise
personnelle des événements stressants ;
un sens des responsabilités et un sens de
la cohérence à donner à sa vie dans ses
engagements successifs ; une souplesse
d’adaptation aux changements imprévus
avec perception de l’événement comme
une rupture inhérente à la vie plutôt que
comme une menace.
Stratégies d’intervention
cognitives et comportementales
dans le TAA
De la même manière que les troubles
anxieux (trouble panique, troubles pho-
biques, trouble obsessionnel compulsif,
anxiété généralisée, états de stress post-
traumatique) répertoriés dans le DSM-IV
(3), le TAA connaît à son tour un intérêt
croissant de la part des thérapeutes cogni-
tivo-comportementalistes.
Le modèle cognitivo-comportemental
de l’anxiété
Les thérapies comportementales et cogni-
tives (TCC) reposent essentiellement sur le
modèle du conditionnement. Globalement,
elles sont fondées sur le principe selon
lequel la réponse anxieuse a été apprise
par les patients, et qu’il est donc possible
de la désapprendre. Pour les comporte-
mentalistes, beaucoup de symptômes
présents dans les troubles psychiatriques
peuvent être causés ou maintenus par le
biais de trois grandes familles de condi-
tionnement.
Le conditionnement classique
ou pavlovien
Les états de stress post-traumatique en
sont un exemple : une patiente ayant été
agressée par un homme a une crise d’an-
goisse huit jours après, dans le métro,
déclenchée par la présence d’un homme
à côté d’elle ayant la même lotion
d’après-rasage que son agresseur.
L’intensité du choc est tellement grande
dans le stress post-traumatique que ce
type de phénomène est fréquemment
observé : tous les stimuli présents au
moment de l’agression peuvent ensuite
être associés à l’état anxieux qui était
présent au moment de l’agression. Il a,
en effet, été montré que le conditionne-
ment est dépendant de l’intensité du sti-
mulus déclencheur. Des stimuli de faible
intensité doivent être répétés pour
déclencher un phénomène de condition-
nement, alors qu’un seul stimulus de
grande intensité, comme une agression,
peut suffire. Rappelons que le retentis-
sement d’une situation stressante dépend
de la nature de l’événement, qui se dis-
tingue par son intensité, son imprévisibi-
lité, sa répétitivité ou sa chronicité.
Le conditionnement opérant
Il permet de rendre compte des conduites
d’évitement rencontrées chez les pho-
biques. L’évitement de l’objet anxiogène
permet une diminution de l’angoisse. Le
comportement de fuite se trouve ainsi
renforcé par les effets positifs qu’il
produit, la diminution de l’angoisse. Ce
comportement entraîne alors le patient
dans un cercle vicieux dont il devient
prisonnier, puisque, plus il fuit la situation
angoissante, moins il est capable de l’af-
fronter et plus son angoisse de la situation
augmente. Les phobiques deviennent ainsi
prisonniers de leurs propres conduites
(refus de sortir, auto-enfermement, etc.).
Le conditionnement social
Il repose sur le principe selon lequel il est
possible d’apprendre un comportement
sans forcément l’avoir expérimenté par
soi-même, sans en avoir testé ni les
avantages ni les inconvénients, mais par
la simple observation d’une personne
ayant ce comportement.
Les thérapies comportementales se sont
enrichies peu à peu de l’approche cogni-
tive, en ne s’intéressant plus seulement
aux comportements, mais aussi aux
“cognitions” (les contenus de pensée).
Cette approche repose sur la notion de
traitement de l’information. En effet,
lorsqu’un sujet reçoit une information, il
ne la reçoit pas de manière passive mais
il l’interprète, l’évalue, et la déforme.
Dans une situation donnée, la conduite
du sujet dépend autant de la manière
dont il interprète la situation que de la
situation elle-même. L’approche cogni-
tive est dite “socratique” car elle ne
cherche pas à convaincre le patient mais
plutôt à l’amener, par questionnement, à
découvrir par lui-même sa façon de per-
cevoir le monde et à la relativiser.
Les comportementalistes considèrent
donc que l’anxiété, en tant que réponse
de l’organisme à un agent stressant, va
agir dans trois principaux domaines :
– le domaine physiologique, par l’acti-
vation du système nerveux autonome ;
le domaine comportemental, par l’évi-
tement, l’échappement, l’inhibition ou
l’agression ;
le domaine cognitif, par des erreurs
d’interprétation, des distorsions, etc.
Les traitements cognitivo-comporte-
mentaux vont donc modifier ces trois axes.
Les stratégies thérapeutiques
Les principales stratégies thérapeutiques
utilisées dans le traitement du TAA sont :
la relaxation (modifications des réponses
physiologiques), les thérapies d’exposition
et l’entraînement aux compétences sociales
(modification des réponses comporte-
mentales), et les thérapies cognitives
(modification des réponses cognitives).
La relaxation
L’objectif principal de la relaxation est
de permettre à la fois une diminution
du rythme cardiaque, un ralentissement
de la fréquence respiratoire et une
baisse de la pression artérielle. Les
méthodes de relaxation sont nombreuses
Mise au point
Mise au point
254
Mise au point
dans le traitement du TAA. Nous n’en
retiendrons que deux types :
Le “training autogène” de Schultz est
une méthode d’auto-induction hypno-
tique basée sur l’évocation mentale de
sensations de lourdeur et de chaleur. Les
exercices se pratiquent en position assi-
se ou couchée. Les patients présentant
un TAA se limitent au cycle inférieur, où
ils font successivement l’expérience de
la sensation de pesanteur (“mon bras est
lourd”), de chaleur (“mon bras est
chaud”), de contrôle du cœur et de la
respiration, de régulation de la région
abdominale et de fraîcheur du front.
La relaxation progressive de Jacobson
repose sur la détente graduelle des
groupes musculaires. Elle peut se prati-
quer assis ou couché. L’objectif est de
contracter successivement chacun des
groupes musculaires pendant quelques
secondes, puis de les décontracter, en
restant le plus attentif possible au
contraste entre la tension et la détente.
L’apprentissage de la relaxation permet
de rompre le cercle vicieux qui conduit
l’anxiété à la tension musculaire, qui à
son tour ne fait qu’augmenter l’anxiété.
Benson, un des auteurs à avoir le plus
étudié les différentes méthodes de
relaxation, préconise, par ailleurs, un
environnement calme à l’abri des
sources de distraction, une position
confortable dans laquelle les tensions
musculaires sont réduites autant que
possible, une attitude passive, et la foca-
lisation de toute l’attention sur un stimulus
déterminé (son, mot ou objet, par exemple).
L’exposition
Les stratégies d’exposition sont un peu
le noyau dur des thérapies comporte-
mentales. Historiquement, elles ont été
les premières à être utilisées, et restent
particulièrement importantes pour les
thérapeutes, car particulièrement effi-
caces pour les patients. Le principe de
base de l’exposition est très simple, et
s’applique surtout aux troubles anxieux :
éviter ce qui fait peur accroît la peur et
l’entretient. Au contraire, la confrontation
à ce qui fait peur va diminuer la peur.
Cette confrontation s’effectue selon cer-
taines règles strictes. L’exposition doit
être progressive, prolongée et complète.
Il y a ainsi toute une graduation dans
l’autonomisation du patient. Une expo-
sition mal conduite peut en effet aggra-
ver la réponse anxieuse. Différents types
d’exposition sont proposés aux patients
(tableau IV).
L’affirmation de soi
L’affirmation de soi ou l’entraînement
aux compétences sociales est une autre
stratégie comportementale classique.
Cette stratégie vise à entraîner les patients
à maîtriser les comportements relation-
nels, qu’ils soient verbaux ou non, adaptés
aux interactions quotidiennes.
Le jeu de rôle comportemental est le
principal outil thérapeutique utilisé en
affirmation de soi. Une situation cible
très précise est choisie. Le patient joue
son propre rôle. Le comportement du
patient est ensuite critiqué de façon
constructive : le regard, la voix, la fer-
meté dans la décision, l’autorité, etc. La
vidéo peut parfois être utilisée. À partir
des critiques, le patient recherche ce qui
pourrait être amélioré, et le jeu reprend
en tenant compte des changements à
apporter pour avoir un comportement
plus efficace.
Cette technique a pour objectif d’ap-
prendre au patient un certain comporte-
ment, qu’il pourra ensuite choisir d’uti-
liser quand il se trouvera confronté au
même type de situation. Cette approche
donne au patient les moyens d’adopter
des comportements qui soient en phase
avec ses envies ou ses pensées. En plus
de ces séances, des exercices à faire dans
la semaine sont prescrits, pour tester
l’efficacité des séances et orienter le
travail. Chez les patients présentant un
TAA, divers exemples de compétences
sociales peuvent être travaillés : expri-
mer une demande, un désaccord, faire
face à l’agressivité, à l’hostilité, etc.
Les thérapies cognitives
Dans l’approche cognitive, trois niveaux
d’intervention, identifiés par Beck (12),
sont envisagés et travaillés :
les cognitions ou “événements cogni-
tifs”, qui correspondent aux pensées
automatiques survenant spontanément
lorsque le patient est dans une situation
anxiogène ;
les “processus cognitifs” ou distorsions
cognitives, qui donnent au patient une
lecture particulière, perturbée, de son
environnement. Parmi ces distorsions,
1. Désensibilisation systématique
Le sujet relaxé suit une présentation hiérarchisée de stimuli imaginaires de plus en plus intenses. Il est invité à affronter
dans la réalité les situations désensibilisées (ayant perdu leur caractère anxiogène).
2. Désensibilisation in vivo
Le sujet relaxé affronte par étapes la situation redoutée en réalité.
3. Exposition graduée in vivo
Le sujet qui n’est pas relaxé affronte par étapes la situation redoutée en réalité.
4. Modeling de participation
Le thérapeute précède le sujet dans la situation réelle, il lui sert de modèle, puis le guide et le renforce dans son
affrontement de la situation.
5. Implosion (flooding)
Le sujet est confronté en imagination à la situation anxiogène au niveau maximum d’intensité jusqu’à ce que son
angoisse s’éteigne. Durée : trois quarts d’heure au moins.
6. Immersion in vivo
Le sujet est immergé en réalité dans la situation anxiogène au niveau maximum d’intensité jusqu’à ce que son angoisse
s’éteigne. Durée : trois quarts d’heure au moins.
Tableau IV. Principales techniques d’exposition (11).
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