Comportement sécuritaire en clinique Interventions en physiothérapie Avec la clientèle à risque Gisèle Bourdeau, physiothérapeute I H Introduction Que ce soit avec les personnes âgées ou les clients en phase aiguë de chirurgie orthopédique, certaines mesures de sécurité doivent être prises par les intervenants de la santé afin d’assurer la sécurité de ces personnes et la leur par le fait même. Outre les principes du PDSB (principes de déplacement sécuritaire des bénéficiaires), une observation constante et minutieuse, une analyse rigoureuse de la situation et un bon jugement sont essentiels lors de toute intervention. Les physiothérapeutes, par la nature même de leur travail, doivent porter une attention particulière à cet aspect et régulièrement, faire de l’enseignement aux personnes concernées (patient, famille, intervenants de l’unité de soins). Situations à risque Voici une liste de situations où la vigilance doit être constante; vous trouverez un peu plus bas une description plus détaillée d’éléments plus spécifiques à considérer : 1. Lever du lit; 2. Assistance / surveillance à la marche; 3. Usage des escaliers; 4. Évaluation (tests) ou exercices; 5. Usage d’un accessoire de marche; 6. Observation et anticipation; 7. Utilisation de mobilier ou d’accessoires (fauteuil roulant, lit, civière, ambulateur); 8. Chaussures / état des pieds; 9. Vêtements; 10. Consignes. 1 1. Lever du lit : Lorsqu’on assiste quelqu’un pour se lever du lit, différentes mesures doivent être prises : o Le matériel nécessaire est-il à la portée de la main (ceinture, chaussures, fauteuil roulant, marchette)? o Le lit est-il à une hauteur adéquate pour l’activité prévue? o Le patient présente-t-il des étourdissements lorsqu’il s’assoit (attendre - réf. : hypotension orthostatique)? ATTENTION : Peut survenir même jusqu’à 3-5 minutes après le lever. o Le patient présente-t-il des problèmes d’équilibre (nécessite d’être soutenu)? o Avez-vous besoin d’une autre personne pour vous aider à protéger un membre ou pour soulever et soutenir le patient? 1. PDSB, ASSTSAS, 2004 2. Assistance / surveillance à la marche : Il ne faut jamais prendre pour acquis la capacité de votre client à marcher ou se tenir debout seul. Lorsque vous ne connaissez pas sa capacité ou que vous avez le moindre doute quant à son équilibre lors de la station debout ou de la marche, il est primordial d’utiliser une ceinture de marche afin d’assurer sa sécurité. Une fois l’évaluation faite, vous verrez à en continuer l’usage au besoin. Il va de soi que si vous jugez nécessaire le port d’une telle ceinture (pour la station debout, les transferts, la marche, les exercices debout, les escaliers), quelqu’un (vous ou un assistant) doit la tenir en cas de perte d’équilibre. Dans certains cas où les atteintes sont plus importantes, il peut être nécessaire de demander l’aide d’une tierce personne (pht, préposé ou autre). 2. PDSB, ASSTSAS, 2004 2 3. Usage des escaliers : À moins d’absolue nécessité, vous devez interdire l’usage d’une marchette dans les escaliers. L’utilisation d’une main courante assure un appui fixe et solide; elle devient alors l’appui principal. Une chute dans les escaliers peut causer des préjudices importants à la personne qui la subit; il est donc très important de prendre des mesures supplémentaires pour assurer la sécurité de votre patient et aussi la vôtre. En voici quelques unes : o Explications et démonstrations avant l’exécution. o Ceinture de marche en tout temps. o Assistance d’une autre personne en cas de doute. o Signaler votre présence à quelqu’un si vous allez dans un endroit isolé (ex : cage d’escalier). o Se tenir soit à côté du client, soit derrière ou devant lui selon qu’il monte ou descend afin de vous situer sur la marche inférieure et ainsi lui éviter de débouler s’il survenait une chute. En règle générale, les patients se sentent plus en sécurité lorsque quelqu’un est situé plus bas qu’eux. o Placer vos pieds sur deux marches afin d’élargir votre base de support et ainsi avoir un meilleur équilibre au cas où vous auriez à intervenir. o S’assurer que le patient respecte les règles pour monter et descendre les marches de façon 3. Pte en traitement, la MMS sécuritaire. o Surveiller la condition du client, lui permettre des pauses au besoin. o Garder à proximité un fauteuil où le patient pourra se reposer après l’activité. o Faire suivre l’accessoire de marche au besoin. 3 4. Évaluation (tests) ou exercices : Il arrive fréquemment que l’on doive faire tenir un client debout pour des fins d’évaluation ou d’exercices; en tout temps vous devez prévoir un appui que le patient pourra utiliser au besoin. Dans certaines circonstances (patient avec problèmes d’équilibre important ex. : AVC), vous devez rester à proximité du patient afin d’être toujours prêt à le soutenir. N’oubliez pas que les exercices ou les tests d’équilibre entraînent inévitablement le client à la limite de sa stabilité, donc à risque de chuter. 4. PDSB’ ASSTSAS’ 2004 5. Usage d’un accessoire de marche : L’usage d’un accessoire de marche signifie que le patient nécessite un appui supplémentaire afin d’assurer sa stabilité, soit en raison de problèmes d’équilibre, soit par l’obligation de diminuer la mise en charge sur un membre inférieur, soit lors d’une diminution de son état général …. Lorsque vous déterminez le type d’aide à la marche nécessaire vous devez : o En faire l’ajustement o Expliquer l’utilisation o Démontrer l’utilisation o Faire pratiquer le client : • Assurer sa sécurité • Encourager • Corriger au besoin Cependant, il arrive fréquemment que les clients se présentent à vous avec un accessoire de marche qu’ils se seront procuré ailleurs (souvent par eux-mêmes, sans ajustement ni explications). Ne prenez jamais pour acquis que le patient utilise adéquatement son accessoire. Les physiothérapeutes d’expérience ont vu passer de nombreuses histoires d’horreur dans ce domaine! 5. Pt en traitement, la MMS 4 Lorsqu’un client vous arrive avec son accessoire de marche, demandez-lui tout d’abord qui lui a recommandé et comment il se l’est procuré (emprunt, achat en pharmacie, urgence ou clinique externe…). Cette information vous guidera sur les éléments à vérifier : o Choix: • L’accessoire assure-t-il le support que nécessite le client (trop vs trop peu)? • L’accessoire convient-il au client (ex. : marchette à 4 roues, trop mobile pour les capacités du client)? o Ajustement : • L’ajustement est-il adéquat (ref. : risque de chute ou de blessure lorsque mal ajusté)? o Condition : L’accessoire est-il en bon état? : • Solidité en général • Embouts • Poignées (solide et facile à tenir; attention aux cannes artisanales, bien jolies et originales mais souvent difficiles à tenir solidement) • Verrouillage • Roues ou patins o Usage : Le client en fait-il bon usage, est-ce qu’il… • Tient sa canne du bon côté et l’avance au bon moment? • Tient et avance l’accessoire à bonne distance (pas trop près ni trop loin)? • Soulève la marchette standard à chaque pas et l’immobilise bien sur ses 4 pattes avant d’avancer (nous voyons occasionnellement des patients qui se promènent avec la marchette dans les airs ou d’autres qui la glissent sur le plancher même sans roues)? • Reste à l’intérieur du cadre de la marchette à roulettes? • Relève le pic pour la glace lorsqu’il est à l’intérieur et s’assure que l’embout soit sec lorsqu’il entre et que dehors, le sol était mouillé? • Pose bien les 4 pattes de la quadripode avant d’avancer? • Évite d’appuyer ses béquilles dans le creux axillaire (aisselle) lorsqu’il se porte dessus pour avancer la jambe saine? • Laisse l’accessoire de marche pour prendre appui sur le fauteuil lors des transferts? 5 6. Observation et anticipation L’observation du client dans ses activités, même s’il n’est pas formellement en évaluation, peut nous orienter vers des interventions préventives (ex. : le client n’a pas d’aide à la marche mais circule le long des murs et se tient aux objets qu’il rencontre; une cliente perd l’équilibre lorsque assise, elle se penche pour aller se chausser). Même si l’équilibre n’est pas le motif de la consultation, on ne peut laisser partir un client sans mesures préventives. Il en est de même dans d’autres circonstances : un client présentant un déficit visuel majeur aura, en plus d’apprendre à fonctionner différemment en raison d’un problème physique, à réajuster ses repères et ses méthodes de fonctionnement. De même, en présence d’une personne avec un déficit cognitif, il faudra s’assurer que ses déplacements soient sécuritaires car leur atteinte peut toucher le jugement, la mémoire les rendant plus à risque de chute ou d’accident. On doit toujours garder en tête que les personnes retournent à leur domicile après leur traitement ou leur hospitalisation et qu’ils auront à reprendre leurs AVQ, AVD, voire même leur travail. Nous devons donc nous assurer que leurs conditions de retour seront sécuritaires. Pour ce faire, nous devons systématiquement questionner les patients sur ces conditions (habitudes de vie, aide à domicile, éclairage nocturne, barrières architecturales, aides techniques, retour au travail…). 7. Utilisation de mobilier ou d’accessoires (fauteuil roulant, lit, civière, ambulateur) Nous utilisons souvent du mobilier ou des accessoires lors des interventions en physiothérapie. Nous devons nous assurer de leur solidité et de leur stabilité. Voici quelques exemples de situations à surveiller : o Lit barré lors de transferts (ex. : avec planche pour paraplégique) o Ambulateurs avec freins à la poignée barrés, ou appuyés sur un mur lors des transferts o Fauteuil roulant barré pour tout transfert; s’assurer que les freins sont efficaces, ce qui n’est pas toujours le cas dans les centres hospitaliers o Mêmes considérations pour les chaises d’aisance o Appui-pieds de fauteuil roulant soulevés et tournés ou même enlevés o Civière barrée lors des transferts 6. PDSB, ASSTSAS, 2004 6 8. Chaussures / état des pieds L’état des pieds ainsi que la qualité des chaussures que portent les clients sont tout aussi importants que des bons pneus sur une voiture. Les chaussures doivent donc bien soutenir le pied, être confortables, posséder un talon solide et d’une hauteur convenable. Leurs semelles doivent être antidérapantes tout en ne collant pas trop au plancher lorsque la personne avance son pied en le soulevant à peine. Les espadrilles et les souliers de marche constituent un excellent choix. Il est fréquent, chez les personnes âgées, de rencontrer des patients dont le mauvais état des pieds perturbe le patron de marche, voire même l’équilibre. Des ongles trop longs et recourbés (onychogriffose), des ongles malades (onychomycose), des ongles incarnés, la présence de cors ou d’oignons et la déformation des pieds (plat, en pronation) ou des orteils (marteau, griffe, hallux valgus) sont quelquesunes des conditions à vérifier et, éventuellement, à faire traiter par des intervenants qualifiés. N’oubliez jamais que tout le poids et la stabilité du corps reposent en tout premier lieu sur les pieds. 7. Valla J. Le Pied diabétique.http://perso.clubinternet.fr./jvalla/piediab_recon.htm 9. Vêtements À l’hôpital, les gens portent souvent de longues robes de chambre et les dames, des jaquettes qui, parfois même, traînent par terre. Il convient alors de les prévenir des risques de chutes associés au port de tels vêtements. Si vous devez malgré tout intervenir, assurez-vous de remonter le vêtement et de le faire tenir à une longueur sécuritaire (ceinture de robe de chambre, ceinture de marche). Il arrive parfois que les pyjamas pour hommes à taille élastique ne tiennent pas bien en place et qu’ils descendent un peu lors de la marche. Assurez-vous alors que le patient ne marche pas dessus et trouvez un moyen pour les retenir au besoin. De plus, méfiez-vous des escaliers. Même une jaquette de longueur acceptable pour la marche à l’étage pourra devenir problématique en montant l’escalier. Il faudra prévoir une main pour la remonter (la vôtre ou celle de la patiente). 7 10. Consignes Fréquemment, les physiothérapeutes donnent à leurs patients des consignes afin d’exécuter telle ou telle activité de façon sécuritaire (évaluation, exercice, transfert, marche). Pour qu’elles soient bien comprises, ces consignes doivent être claires (langage accessible au client) et concises. Il est parfois nécessaire d’en vérifier la compréhension et la mise en pratique auprès de nos patients. Il ne faut pas hésiter à arrêter un patient qui ne respecte pas les instructions données et met en péril sa sécurité. Conclusion La sécurité est un élément essentiel qui doit toujours s’intégrer dans toutes nos interventions thérapeutiques. Cette pratique doit s’acquérir dès les premiers contacts avec la clientèle et se développer au fil des diverses expériences cliniques. À la lumière de ces informations, il pourrait s’avérer utile de vous préparer une liste d’observations à faire au cours de vos interventions lors de vos stages en milieu clinique afin de garder en mémoire les éléments essentiels à la sécurité des personnes dont vous aurez la responsabilité. G. Bourdeau, septembre 2005 8