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*** 47
1973
1790 1 8 80
2ème partie
Comment vivaient les écoliers entre 1790 et 1880 ?
On a du mal à imaginer à quel point l’école a évolué !
Cette étude s’appuie avant tout sur les souvenirs de quelques auteurs : Stendhal, Erckmann et
Chatrian, Balzac, Vallès, Lavisseavant de proposer au lecteur des commentaires, et des pistes
de réflexion et de recherche.
1ère partie : la vie matérielle des écoliers
2e partie : l’organisation de la scolarité
Mots-clés :
Châtiment corporel, condition sociale, collège, compétition, dortoir, école primaire, émulation, discipline, écolier,
éducation, instituteur, instruction, internat, Jésuites, lecture, lycée
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SOMMAIRE
LE RETOUR DES HUMANITES
I. Un nouveau départ : les lycées impériaux
Document 11 : LE LYCÉE NAPOLÉON VU PAR CHARLES DE RÉMUSAT
a) avant l'entrée au lycée : l'éducation dans la famille
b) de la grammaire avant tout: les méthodes du premier cycle
c) bilan du système: un travail qui exerce plus l'intelligence que la plupart des taches courantes
d) humanités ou enseignement scientifique ?
e) formation de l'intelligence ou de la sensibilité ?
f) la découverte de la philosophie
g) un professeur d'un style nouveau
h) la philosophie du xvllle siècle et les idées de la révolution
FICHE DE TRAVAIL
Sur le document 11
2. Un établissement au goût du jour
Document 12 : SAINT-NICOLAS DU CHARDONNET
FICHE DE TRAVAIL
Sur le document 12 : Ernest Renan : SOUVENIRS D'ENFANCE ET DE JEUNESSE
3. Prestige de la rhétorique
Document 13 : UN PROFESSEUR MÉTICULEUX
FICHE DE TRAVAIL
Sur le document 13 : Ernest Lavisse : SOUVENIRS
Document 14 : LES HUMANITÉS : JULES VALLÈS AU COLLÈGE ROYAL DE NANTES VERS 1848
FICHE DE TRAVAIL
Sur le document 14 : Jules Vallès : JACQUES VINGTRAS, L’ENFANT
4 . Ecole et socié
Document 15 : PROCÈS DE L'ECOLE PAR ERCKMANN-CHATRIAN
FICHE DE TRAVAIL
Sur le document 15
Document 16 : UN BACHELIER
FICHE DE TRAVAIL
Sur le document 16
FICHE-GUIDE : les méthodes de l’enseignement littéraire - LA RHÉTORIQUE
LE BACCALAUREAT
Document 17 : JULES VALLÈS PASSE SON BACCALAURÉAT À LA FACULTÉ DE RENNES
FICHE DE TRAVAIL
Sur le document 17
FICHE-GUIDE : le baccalauréat
ADULTES ET ENFANTS
Document 18 : Jules Renard : POIL DE CAROTTE
FICHE DE TRAVAIL
Sur le document 18
FICHE-GUIDE : sur le texte de Jules Renard : rapports parents-enfants
FICHE-GUIDE : l’œuvre scolaire de la Révolution
FICHE-GUIDE : sur les institutions scolaires de 1802 à 1830
FICHE-GUIDE : sur les institutions scolaires de 1830 à 1880
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AUTEUR : Geneviève DURAND
COLLABORATEURS :
les classes de Mesdames JAFFÉ, LEGROS, et SIMON ; de MM. BOURCART, COUSTIER et GROSSO.
Iconographie : archives A.Dhénin
Maquette : A.Dhénin juiller 2007
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LE RETOUR DES HUMANITES
I. Un nouveau départ : les lycées impériaux
Document 11
LE LYCÉE NAPOLÉON VU PAR CHARLES DE RÉMUSAT
a) AVANT L'ENTRÉE AU LYCÉE : L'ÉDUCATION DANS LA FAMILLE
J'avais de la facilité et de la paresse, de la moire et peu d'attention. Je ne savais pas prendre de
peine ni travailler seul... Je suivais les leçons de l'abbé Halma avec peu de goût... Mon père qui avait
conservé un bon souvenir du collège de Juilly, m'en parlait souvent et me faisait de la vie scolaire des
peintures qui me plaisaient beaucoup. Cependant je ne savais pas même si j'irais au collège. Je ne
savais me pas il y avait des collèges. Les institutions de l'instruction publique étaient de date
récente, encore informes à certains égards et à peu près inconnues dans le monde. On en avait assez
mauvaise idée ; on les regardait comme l’œuvre des philosophes de la Révolution. Une ou deux
institutions privées, celle d'un M. Lemoine, celle d'un M. Loiseau, avaient été d'abord les seules maisons
d'éducation les gens comme il faut consentissent sous la République, à envoyer leurs enfants.
Fourcroy qui était encore à la tête de l'Instruction publique était facilement taxé de jacobinisme ou de
matérialisme. Quand je pensais que j'entrerais un jour au collège, j'étais donc dans le vague, et cela me
semblait encore loin. Mes parents avaient été, je crois, longtemps dans la même ignorance; mais enfin,
mon re avait reconnu l'insuffisance de mes études. Il était évident qu'à continuer ainsi je ne ferais
jamais de progrès solides. A tous égards, la vie m'était trop douce et trop facile. Je ne puis m'empêcher
de croire que la plupart des éducations particulières qu'on donne aux enfants du beau monde doivent
ressembler à celle par laquelle j'avais commencé; tout ce qui ressemble à celle-ci m'apparaît si propre à
faire des hommes médiocres, je dis trop peu, à ne pas faire des hommes que je m'étonne qu'il n'y ait
pas une plus grande distance des élèves de l'instruction publique aux victimes de l'éducation
particulière.
b) DE LA GRAMMAIRE AVANT TOUT: LES MÉTHODES DU PREMIER CYCLE
(Rémusat entre au lycée en 1807 comme interne: après l'enthousiasme des premiers jours, il doit
vaincre les difficultés imposées par le régime de l'internat et la vie collective. Il ne peut s'empêcher de
comparer la culture familiale et la cuistrerie de son premier maître.)
C'était un cuistre, n'ayant ni érudition, ni goût, ni littérature mais sachant à fond les humanités
élémentaires. C'était un excellent maître de rudiment, un véritable instrument de collège... J'appris ainsi
le latin en moins de six semaines. C'était le latin de Lhomond, c'est-à-dire un latin qui n'est pas le vrai ;
et l'on a prouvé depuis, par des citations des Anciens, que la plupart des gles sont inexactes. Mais
c'étaient celles de l'ancienne Université, du latin classique, du latin français...
(Ce maître) ne s'occupait absolument que de ses thèmes latins. A peine nous faisait-il apprendre un peu
d'histoire, en nous donnant à lire les Eléments de l'abMillot avec une ou deux cartes sous les yeux.
Point d'autres lectures d'ailleurs pendant trois ans que je suis ressous ses ordres. Ce que je pouvais
avoir de culture littéraire était sans prix à ses yeux. Il ne voyait que distraction frivole et mondaine et
m'en faisait honte comme d'un mauvais divertissement. Tout ce qui n'était pas thème et version était
traité de même...
c) BILAN DU SYSTÈME: UN TRAVAIL QUI EXERCE PLUS L'INTELLIGENCE
QUE LA PLUPART DES TACHES COURANTES
Une telle étude exerce l'esprit et forme le goût. La difficulté, fort grande vraiment, d'appliquer exactement
ces connaissances aux devoirs de classes développe nos facultés de travail. Notre intelligence y devient
laborieuse au point que la plupart des besognes du reste de la vie paraissent légères en comparaison,
car peu demandent autant d'efforts. C'est assurément là ce que nous rapportons de meilleur du collège.
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d) HUMANITÉS OU ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE ?
Mais enfin, ces objets sur lesquels on nous exerce, sont, pour ainsi dire, des accidents de la langue et
de la littérature. Les vérités des mathématiques sont éternelles et nécessaires. Les rités de l'histoire
naturelle sont universelles et permanentes. Celles qui composent la science des humanités sont
particulières, contingentes, de pure forme en quelque sorte et n'intéressent que le petit nombre. On me
dira que l'expression suppose toujours une pensée et qu'on n'apprend pas une langue sans apprendre
ce dont elle parle. Sans doute, et je n'ai pas dit qu'il ne nous restait absolument rien des idées
exprimées dans nos auteurs. Mais ce gain se faisait par-dessus le marché. On ne nous le recommandait
nullement, on nous parlait des mots, non des idées.
e) FORMATION DE L'INTELLIGENCE OU DE LA SENSIBILITÉ ?
Jamais un jugement sur la valeur d'une maxime, sur la moralité d'une action. Nos professeurs
d'humanités ne nous exprimaient pas une opinion religieuse, politique, morale me, et c'est, je crois,
qu'ils n'en avaient aucune. Il n'y avait pas de cours d'histoire alors; tout ce qu'on nous disait de l'histoire,
c'est que la narration devait être claire, rapide, animée, qu'il fallait que l'historien fût le peintre... Si l'on
nous avait demandé la différence de la morale de Cicéron à celle de Sénèque, nous n'aurions rien su
dire, sinon que le style de l'un était plus coulant que celui" de l'autre, trop haché. Les beautés mêmes de
la poésie dès qu'elles s'élevaient au-dessus d'une épithète qui fît image, ou d'une coupe de vers
imitative, passaient inaperçues dans l'explication littérale ou philosophique. Le commentaire manquait
au texte et la faculté de l'admiration, cette faculté qui ressemble à une vertu, était à peine cultivée. De
cet enseignement froid et sec résultait une jeunesse d'une intelligence aiguisée, d'un goût difficile,
propre à la critique des détails, mise en garde contre l'entraînement et l'enthousiasme, défiante,
indifférente, dénigrante, se connaissant aux phrases, et portée à croire que tout était phrasé. Elle était
libre d'esprit, c'était son plus grand mérite...
Je résistais au desséchement de notre éducation par un peu d'imagination rêveuse, par une certaine
sensibilité à l'harmonie de la parole, par l'amour des beaux vers, par l'admiration pour Racine et Virgile,
par un goût d'ignorant pour la peinture, par un goût un peu plus éclairé pour le théâtre, car celui qui ne
sait pas les procédés des arts ne peut les goûter que dans leurs rapports avec la nature et avec l'âme,
et la représentation des chefs-d'œuvre de la scène produit une impression plus émouvante qu'une leçon
de littérature.
f) LA DÉCOUVERTE DE LA PHILOSOPHIE
L'Université organisée depuis deux ans s'était peu à peu développée, en complétant les études selon
l'ancien système. Un de ces compléments était un cours de philosophie qui n'était pas obligatoire et qui
pouvait être suivi indifféremment par les élèves de rhétorique et de seconde. Dans la semaine qui suivit
la rentrée, on vint nous prévenir un matin que ce jour-là me, le professeur de philosophie
commencerait son cours immédiatement après notre classe.
Sans trop de réflexion, par désœuvrement ou vague curiosité, je me décidai d'assister à cette ouverture
de cours, sans me douter le moins du monde de ce que ce pouvait être. Cette résolution tout à fait
fortuite, que ni mon père, (...) ni personne ne m'aurait suggérée, est peut-être la plus importante que j'ai
prise de ma vie...
g) UN PROFESSEUR D'UN STYLE NOUVEAU
Je compris donc mieux ce que c'était que cette philosophie du XVlIIe siècle, dont je n'avais longtemps
ouï-dire que du mal et que maintenant j'apprenais à distinguer de ses abus et de ses erreurs. Il me serait
resté à lier la philosophie à la politique et à poursuivre le mouvement de l'esprit moderne jusque dans la
Révolution française. Mais ce pas, je ne le franchis point. Les convenances restrictives de
l'enseignement sous l'Empire et les opinions personnelles de notre professeur, qui était fort timoré en
politique, ne permettaient pas qu'on nous fît même entrevoir ces conséquences, et les préjugés de mon
éducation m'en éloignaient. Je m'en tins à la philosophie pure.
Charles de RÉMUSAT moires de ma vie
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h) LA PHILOSOPHIE DU XVllle SIÈCLE ET LES IDÉES DE LA RÉVOLUTION
M. Fercoc était un ancien prêtre, quoiqu'il n'en eût pas l'air... Il avait, je crois, commencé par les
mathématiques. Il en avait le goût et paraissait bien les savoir. Il en avait conservé le goût de la
précision dans l'enseignement et l'habitude d'exprimer souvent sur le tableau des idées scientifiques par
des diagrammes et des symboles de son invention... A une connaissance exacte de la science comme il
la comprenait, il unissait une riche mémoire, une certaine chaleur d'âme, une sensibilité qui passait
jusque dans ses leçons. Il mêlait à ses déductions des récits, et plus souvent des citations empruntées
aux philosophes, aux orateurs, aux poètes. Les belles choses le touchaient; il ne pouvait les redire de
sang-froid ; j'ai vu ses yeux se rougir quand il prononçait certaines paroles. Un pareil ton dans la chaire
nous était bien nouveau et singulier. Il semble que cette sentimentalité (car il allait jusque là) aurait dû
nous paraître ridicule. Elle ne le fut jamais.
FICHE DE TRAVAIL
Sur le Document 11
Charles de Rémusat, né à Paris en 1797 ; sa famille appartient à la noblesse parlementaire à la fin de l'Ancien
régime. Sous le Consulat, ses parents eurent une fonction auprès de Napoléon et de Joséphine. musat fit
ses études au lycée Napoléon de 1807 à 1813.
Homme politique, ministre sous Louis-Philippe, proscrit après le 2 décembre, Rémusat digea ses Mémoires
à partir de 1858. Ils furent publiés en 1958.
VOCABULAIRE
CUISTRE: Pédant vaniteux et ridicule - pédant qui manque de savoir-vivre (Robert).
RUDIMENT: Notions élémentaires de quelque science ou de quelque art (Robert).
Se disait, en particulier, des premiers éléments du latin: on appelait classes de rudiment, par opposition à la
rhétorique, ce qu'on a appelé quelque temps classes de grammaire et que nous appelons aujourd'hui
premier cycle par opposition au second cycle.
NOTES
Lhomond (1727-1794), latiniste et grammairien, auteur des ouvrages par lesquels commençait
l'apprentissage du latin: Deviris, Epitome, Eléments de la grammaire latine (1779).
Millot (1726-1785), auteur de Eléments d'Histoire de France (1767) et des éléments de l'Histoire
d'Angleterre.
THEMES DE REFLEXION
a) L'éducation dans la famille : avantages et inconvénients.
L'éducation reçue dans la famille est-elle, pour vous, plus importante ou moins importante que celle reçue à
l'école ?
b1) Le mépris de la culture littéraire chez le maître de rudiment.
Notez la différence avec l'Ecole centrale: Stendhal avait un cours de Belles-Lettres où il avait un panorama
des auteurs français jusqu'à Voltaire. Au lycée, la littérature fraaise a disparu au profit de l'Antiquité selon
l'usage des collèges d'Ancien gime l'étude exclusive des Anciens, expurgés, idéalisés, permettait de ne
présenter que de nobles et vertueux exemples.
b2) Le mépris de l'histoire: il n'y aura pas de cours d'histoire à proprement parler avant 1826, l'agrégation
d'histoire est créée en 1830. Auparavant l'histoire est considérée comme une annexe des Humanités. On
donne à lire un livre d'histoire comme une détente, car l'histoire apparaît futile par son caractère anecdotique,
les Humanités ne visent qu'à ce qui est intemporel et permanent (cf. Snyders, « La pédagogie en France aux
XVlle et XVIIIe siècles », pp. 89, 90).
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