Le yacht royal Mahroussa amarré devant le palais de la Compagnie

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Le yacht royal Mahroussa amarré devant le palais de la Compagnie du Canal de Suez.
L’ ÉGYPTE
Dames de la Société musulmane assistant, des balcons, au passage du cortège royal,
4 sur les quais.
Le
roi
d
’E gypte
a
P o r t -S a ïd .
QUI
R E N A IT
Le 20 janvier dernier, dans la soirée, le roi Fouad,
venant du Caire, arrivait à Port-Saïd au milieu des
acclamations et de l’enthousiasme de la population.
Les jours suivants, il faisait, tout le long du canal de
Suez, un voyage littéralement triomphal.
Fait caractéristique : à chacun de ses arrêts, c’est aux
établissements d'enseignement que le roi témoignait sa
première et plus vive sollicitude. Il les visitait avec
soin, puis, au moment de les quitter, annonçait très
simplement aux directeurs que la Khassa royale leur
verserait par son ordre un certain capital dont le
revenu servirait à constituer une bourse annuelle des­
tinée à récompenser leur élève le plus méritant.
Quelques jours plus tard, dans sa capitale, le roi
s'entendait à nouveau acclamer par son peuple massé
sur l’immense place qui s’étend devant le palais
d ’Abdine. Mais alors, dans les acclamations mille fois
répétées au long d’une journée, après son nom en venait
un autre : celui de Saad pacha Zaghloul.
C ’est que le ministère Yéhia Ibrahim pacha avait
démissionné à la suite des élections qui avaient con­
sacré le triomphe des zaghloulistes. Et le peuple,
logique jusqu'au bout, venait demander au souverain,
qui a toute son affection, d’appeler Saad à la présidence
du Conseil.
Puis Saad devenu premier ministre, le peuple, der­
rière les enfants des écoles et les étudiants, manifesta
hautement et très dignement, en même temps que sa
joie, toute sa confiance dans les deux hommes qui
mènent ses destinées.
Ces faits, pour simples qu’ils puissent paraître à
— Fouad Ier, visitant une des écoles, est salué par les élèves en tenue de boy-scouts
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M
ars
1924
L’ I L L U S T R A T I O N
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— 2.47
première r ue, sont cependant extrêmement importants
et très significatifs, non point seulement pour l’Egypte,
mais plus encore peut-être pour l’Islam tout entier
— qui représente 300 millions d'individus — et par
conséquent pour le monde lui-même.
Aimés du peuple égyptien, le roi et Saad pacha
Devant le palais royal d'Abdine, au Caire : la foule venue acclamer le roi et Saad pacha Zaghloul.
c’est un grand pas de fait vers le développement de
l'école populaire, par laquelle on atteint au perfection­
nement du peuple, par laquelle aussi l'on peut agir
efficacement sur lui.
Le roi Fouad le sait bien, et c'est pour cela que.
tout en subventionnant sur sa cassette privée des explo­
rateurs égyptiens étudiant les déserts libyens, il crée
des bourses dans les écoles populaires. Et Saad pacha
Zaghloul, l'un des Egyptiens les plus cultivés d'aujour­
d'hui, ancien élève de la célèbre université musulmane
d’El Azhar, partage entièrement les idées du sou­
verain.
Or, le développement du goût de l’étude et de
l’instruction dans le peuple a un résultat normal : il
augmente le nombre des enfants et des jeunes gens
qui veulent se perfectionner et qui, pour ce faire,
s’inscrivent à El Azhar.
Là, ils fréquentent des milliers d’autres jeunes gens
musulmans, venus de toutes les parties de l’Islam, du
Maroc et de la Chine. Et, pendant dix-sept ans que
durent les études, sous la direction de maîtres et de
cheikhs égyptiens, ou de formation égyptienne, les
Zaghloul ont sur lui, grâce à cette affection, une action ! jeunes gens de la vallée du Nil apprennent à connaître
et à aimer leurs coreligionnaires proches ou lointains
facile et naturellement profonde.
qui étudient à côté d’eux, et réciproquement.
Or, le roi est avant tout un homme d ’étude, un
Une mentalité nouvelle s’élabore en cette fréquen­
souverain travailleur. Grâce à lui, de nombreuses
tation prolongée, mentalité cependant dont les. bases
sociétés savantes ont pu naître, se développer et con ­
profondes et solides ont bien leur origine au Caire.
naître une belle prospérité dans le jeune royaume. Le
Le roi Fouad et Saad pacha Zahgloul sont aimés dans
goût de l’étude se répandant dans les classes dirigeantes.
lH .
g
le pays. L'un comme l’autre s'intéressent tout parti­
culièrement à l’enseignement du peuple aux destinées
duquel ils président.
Le roi aime à faire ses dévotions du vendredi à la
mosquée d'El Azhar, au milieu des étudiants qui,
chaque fois, l’acclament. Saad ne cache point sa prédi­
lection pour l'université où il fit toutes ses études.
Or, chaque année, depuis bien longtemps, des milliers
de jeunes gens, une fois diplômés, s’en vont à travers
tout l’Islam faire rayonner l’esprit, la méthode et la
doctrine qui sont à la base de l’enseignement d ’El
Azhar.
Il est facile de comprendre, des lors, pourquoi et
comment la popularité égyptienne du roi Fouad et
de son premier ministre doit dépasser de beaucoup
les limites de l ’Egypte, pourquoi aussi et comment,
grâce à El Azhar, elle peut leur donner à tous deux
dans le monde musulman une place importante.
El Azhar les aime tous deux et ne demande qu’à
accepter leurs directives. -— qui tout aussitôt et auto­
matiquement rayonneront du Caire sur tout l ’Islam.
Ainsi, la nouvelle Egypte du roi Fouad et de Saàd
pacha Zaghloul peut, dès aujourd'hui, jouer un rôle
international de tout premier plan.
Et il. ne serait donc pas étonnant — il faut même
s’y attendre — que la question du califat ne lui pro­
curât avant peu une première occasion de se manifester
de la sorte.
J ean L e ü n e .
t:
M a n i f e s t a t i o n s n a t i o n a l e s a u ’ C a i r e . — Dans les rues du quartier arabe : entraînée par les cheikhs et les étudiants
reconnaissables à leur turban blanc, la foule fait une démonstration ce loyalisme en l'honneur de Saad pacha Zaghwdl. — Photographie: Frank Wade.
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