SUISSE
12
SAMEDI 21 MAI 2016LE MATIN
SUISSE 13
SAMEDI 21 MAI 2016 LE MATIN
DES VILLES D’HOMMES
INÉGALITÉS Une association fait le tour
du monde pour trouver des espaces urbains
mieux adaptés aux femmes, aujourd’hui
grandement discriminées.
Womenability a commencé
sa quête. L’association
française, financée en
grande partie par la fondation
suisse Pro Victimis, s’est mise à
parcourir le monde à la recherche
d’inspiration. Ce qu’elle veut
glaner? Des idées afin de rendre
les villes plus accueillantes pour
les femmes. Son périple a
d’ailleurs passé par Zurich en
avril dernier. Son analyse n’a pas
encore été publiée. «Nous som-
mes parties de nos expériences
personnelles de l’espace urbain»,
explique la cofondatrice de l’or-
ganisation Charline Ouarraki.
«Travaillant en Seine-Saint-De-
nis, nous nous sommes rendu
compte que nous faisions des dé-
tours pour aller au bureau et très
attention à notre habillement.»
Selon Marylène Lieber, profes-
seure associée au Département de
sociologie et à l’Institut des études
genre à l’Université de Genève, les
pratiques spatiales sont sexuées.
«La mobilité des femmes dans la
ville est différente de celle des
hommes. En journée, elles font les
courses, travaillent, s’occupent
des enfants. Mais le soir, notam-
ment pour les loisirs et les activités
festives, leur présence dehors est
moins tolérée», développe-t-elle.
Pendant longtemps, les sorties des
filles ont été très étroitement con-
trôlées par la famille. Il n’était pas
imaginable qu’elles aillent et vien-
nent sans chaperon.
Question de sécurité
Aujourd’hui encore, les femmes ne
peuvent pas rester immobiles dans
l’espace public, elles vont d’un
point A à un point B, sans se per-
mettre de flâner. «Elles ont cons-
cience que certains comporte-
ments seront perçus comme des
preuves de disponibilité.»
La question du genre dans l’es-
pace public émerge surtout sous
l’angle de la sécurité, autour par
exemple du harcèlement de rue. Or
Un rééquilibrage est nécessaire entre
les sommes allouées par les politiques
publiques aux hommes et celles qui
reviennent aux femmes.
le bien-être des femmes est, lui,
encore laissé de côté. «Le sujet
rencontre des résistances», re-
marque Yves Raibaud, chercheur
au CNRS et auteur du livre «La
ville faite par et pour les hommes»
paru aux Editions Belin.
A la gloire des hommes
Pourtant, les inégalités dans l’es-
pace urbain sont criantes. La qua-
si-totalité des rues, statues et mo-
numents est érigée à la gloire des
hommes. Les infrastructures de
loisirs sont très majoritairement
conçues pour des garçons: terrains
de foot, de basket, pétanque, ska-
teparks… «Ces espaces sont occu-
pés de 90 à 100% par les hommes.
On estime que trois quarts des
budgets des infrastructures spor-
tives ont pour seule bénéficiaire la
gent masculine.»
Dans les réflexions accouchant
des politiques publiques, la réfé-
rence reste bien souvent l’homme.
Alors que les décideurs locaux ont
l’impression que leurs choix sont
neutres. Exemple: «La plupart du
temps, on dimensionne les diffé-
rentes constructions pour une
personne de 1,80 m. Les
femmes peuvent avoir
des difficultés à at-
traper les poignées pour se tenir
dans le bus», observe Marylène
Lieber. Les toilettes n’échappent
pas à la règle. «On conçoit le même
nombre de WC. Par conséquent, la
file est toujours plus longue chez
les femmes car, techniquement,
aller aux toilettes leur prend plus
de temps. Mais on ne prend pas en
considération cette différence.»
S’il est clair que certaines infra-
structures ne sont pas adaptées
aux filles, qu’est-ce qui les empê-
che d’utiliser un terrain de basket,
par exemple? «On apprend aux
garçons à occuper l’espace public,
au niveau physique et sonore, à
jouer à l’extérieur, s’engager phy-
siquement, s’entraîner à la con-
frontation dans des jeux de ballon.
Contrairement aux filles qui ont
une attitude d’effacement à l’exté-
rieur», répond Yves Raibaud.
L’une des solutions est donc de li-
miter ce genre d’infrastructures et
de privilégier des espaces plus
neutres comme des pelouses, où
toutes sortes d’activités peuvent
avoir lieu. «La ville de Vienne est
un bon exemple. Elle a limité les
espaces clos et opté pour la fluidité
et l’éclairage.»
● CLÉA FAVRE
Laurent Guiraud, DR
Cyril Zingaro/Keystone
SACRÉ
CROCO
Pour voir les crocodiles,
il faudra patienter jusqu’à
l’ouverture de l’Aquatis
au printemps 2017.
Le bébé crocodile
sacré mâle mesure
28 cm et pèse 42 g.
Adulte, il peut
atteindre 3,40 m.
Cinq petites femelles
devraient rejoindre leur
aîné ces prochains jours.
PETIT MIRACLE
Un crocodile sacré mâle
a vu le jour au Vivarium
Aquatis de Lausanne.
Six œufs devraient éclore
ces prochains jours. Cinq
femelles sont attendues,
en revanche l’arrivée d’un
second mâle est encore
incertaine. Ces naissances
sont rarissimes en Europe
et dans le monde, où
l’espèce a fortement
diminué. ● LE MATIN
gNous nous
sommes rendu
compte que nous
faisions des détours
pour aller au bureau»
Charline Ouarraki, cofondatrice
de l’association Womenability
PROCÈS Fabrice A. le meur-
trier présumé de la jeune socio-
thérapeute Adeline M. est for-
mellement accusé d’assassinat,
de séquestration, de contrainte
sexuelle et de vol.
Le procès se tiendra «vraisem-
blablement en octobre», a fait
savoir le porte-parole du Minis-
tère public genevois, Henri della
Casa, hier. Les débats dureront
au moins une semaine.
Le prévenu, Fabrice A., est ac-
cusé d’assassinat, c’est-à-dire
un meurtre commis en l’absence
particulière de scrupules. Cette
circonstance aggravante a été
déduite d’après la préméditation
particulièrement détaillée, et la
cruauté de l’acte, ainsi que des
buts poursuivis par le prévenu
afin de faciliter son évasion et de
satisfaire un fantasme sexuel,
précise le ministère public.
L’auteur présumé se voit éga-
lement reprocher un acte de sé-
questration. Il aurait entravé la
liberté de mouvement d’Adeline
M. sous la menace d’un couteau.
Fabrice A. est accusé de con-
trainte sexuelle pour avoir forcé
la jeune femme à subir un baiser,
alors qu’elle était ligotée. Le mi-
nistère public reproche aussi à
l’ancien résident du centre de La
Pâquerette d’avoir volé le véhi-
cule de service conduit par la vic-
time, ainsi que de l’argent et di-
vers effets personnels apparte-
nant à cette dernière.
La disparition d’Adeline M.
avait été constatée le 12 septem-
bre 2013. L’auteur présumé du
meurtre avait été arrêté trois
jours plus tard par la police polo-
naise, avant d’être extradé vers la
Suisse le 12 décembre de la même
année. Pour des raisons de sû-
reté, il se trouve depuis en déten-
tion provisoire. ● ATS
L’assassin d’Adeline
sera jugé en octobre
Il a agi avec un manque
particulier de scrupules, ce qui
lui vaut le terme d’assassin.
Police cantonale genevoise
SANTÉ L’Alliance pour une loi
efficace sur les produits du tabac
présente une nouvelle étude sur
la publicité pour le tabac, qui
montre que l’interdiction de la
promotion du tabagisme en Bel-
gique, Finlande, France, Irlande
et au Royaume-Uni a entraîné
une diminution de la consomma-
tion chez les jeunes. En Finlande
et en Belgique, le tabagisme a
même été réduit de moitié après
l’introduction de l’interdiction.
Une prohibition totale de la
publicité ne nuit pas aux kios-
ques. Les médias, les festivals et
les événements sportifs peuvent
continuer d’exister sans elle, ré-
vèle encore l’étude.
La Suisse a signé la Conven-
tion-cadre de l’OMS sur le tabac,
qui exige une limitation efficace
de la publicité pour le tabac et du
sponsoring. Elle fait toutefois
partie des sept derniers pays à ne
pas l’avoir encore ratifiée, alors
que 161 Etats l’ont déjà entérinée.
Le Conseil des Etats se pen-
chera sur la question dans deux
semaines. Le Conseil fédéral veut
restreindre les formes de publi-
cité facilement accessibles aux
enfants et aux jeunes. Il sera dès
lors prohibé de faire la promotion
pour les produits du tabac au
moyen d’affiches, dans les ciné-
mas, dans la presse écrite et sur
supports électroniques. La pu-
blicité exerce une grande in-
fluence sur les jeunes et peut les
inciter à commencer à fumer,
précise l’OFS. ● ATS
Bannir la pub pour
le tabac, ça fonctionne
Le Vivarium Aquatis
de Lausanne est
un des seuls à posséder
des crocodiles sacrés.