Dans les pas du Maître-serviteur À travers la Bible Le récit du lavement des pieds Jean 13 Un récit inédit Le récit du lavement des pieds des disciples par Jésus est propre à Jean. Cet évangile ne rapporte pas le récit de l’institution eucharistique, à la différence des évangiles synoptiques et de la première Lettre de Paul aux Corinthiens. En revanche, il rapporte l’épisode du lavement des pieds au cours du dernier repas. Et il a traité d’une manière toute particulière le récit de la multiplication des pains dans le chapitre 6, en en faisant un repas pascal (c’est la Pâque) et aux accents eucharistiques, comme le montre le long discours du pain de vie dans le même chapitre. Il mérite donc une attention toute particulière. C’est pourquoi la liturgie le retient comme l’évangile du jour du jeudi saint. Un geste d’accueil et de service Laver les pieds de quelqu’un peut paraître étonnant pour nous aujourd’hui. Mais lorsque Jésus fait ce geste, le geste comme tel est connu. On marchait souvent pieds nus dans des sandales sur des chemins poussiéreux. Lorsqu’un hôte était reçu, un esclave se précipitait pour lui laver les pieds. Ce geste était alors un signe d’accueil et de bienvenue, de respect, de bienveillance, de bien-être et de réconfort pour celui qui avait besoin de se nettoyer et de se rafraîchir. C’était une tâche souvent réservée aux serviteurs les plus remarquables et de confiance. Le geste de Jésus prend un sens inédit Réalisons l’inouï de la scène ! Jésus quitte son vêtement, se ceint d’un linge, comme on prend la tenue de service, se met à genoux aux pieds de ses disciples et leur lave les pieds : Lui, le Seigneur et le Maître à genoux aux pieds de ses disciples ! Cela renverse tout ce qu’on peut imaginer de Dieu et détruit toutes les représentations que l’homme peut se faire de la divinité. Ce geste de dépouillement, d’humilité et de service révèle la véritable identité du Seigneur et sa véritable intention. Il est venu non pas pour être en surplomb et prendre de haut les hommes, mais au contraire pour se mettre à leur service, sans conditionner ce don à l’attitude de l’homme en retour. Il n’attend pas qu’on lui rende à l’identique : ce geste est totalement gratuit, un don offert qui invite de la part des disciples une acceptation, un lâcher-prise. Le geste du lavement des pieds concrétise l’offrande de lui-même aux hommes, une offrande totale : c’est là son « heure » (verset 1), qui va déclencher la glorification, celle de lui-même et de son Père, une fois Judas sorti (verset 31). Points de repère Guide annuel 2012/2013 Formateurs / À travers la Bible 1/2 Les réactions révèlent plusieurs figures de disciples Trois réactions se dessinent. Judas, qui a pourtant bénéficié lui aussi du lavement de ses pieds par Jésus, va quitter la pièce peu après pour aller le trahir et le livrer. Pierre, lui, apparaît entier et gauche à la fois : il veut tout, tout de suite : « pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ». Cette bonne volonté un peu trop spontanée ne va pas tarder à le confondre. Dès la fin du chapitre 13, Jésus l’avertit : Pierre va le renier par trois fois. Parmi les autres disciples, il en est un qui va bientôt être repéré particulièrement : le disciple bien aimé, qui n’était pas encore apparu dans l’évangile, est signalé pour la première fois au verset 23. Il a accueilli ce don, il s’est fait proche de Jésus, puisqu’il est qualifié par un lien d’amour avec lui, un amour agapède type divin, sans avoir d’autre nom, d’ailleurs, que celui de « disciple bien aimé ». Et il est tout contre Jésus au moment du repas. Au total, ces trois disciples décrivent comme trois attitudes possibles pour tout croyant, trois modèles : celui qui trahit, celui qui, à vouloir trop en faire, est inconstant et va renier, ou celui qui s’inscrit dans une relation d’agapè avec son Seigneur. « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? » Le signe de l’amour sans mesure Le geste inédit du lavement des pieds nécessite bien une explication pour devenir parlant. Jésus le commente. Il s’agit d’un geste d’amour-agapè. L’ensemble du chapitre est encadré par cette mention : dès le verset 1, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à l’extrême », et aux versets 34 et 35, « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés pour que vous vous aimiez les uns les autres ». Autrement dit, voici la clef de compréhension : l’amour d’agapè. C’est « le commandement nouveau ». Cet extrême de l’amour, Jésus l’a montré dans ce geste. Il le manifestera encore sur la croix. Il est la source de cet amour. Il en est la mesure sans mesure, le modèle et l’exemple à suivre. L’amour mutuel devient un projet, une mission confiée aux disciples. Ce sera même le signe de reconnaissance des disciples pour tous les hommes : « à l’amour que vous aurez les uns pour les autres, tous vous reconnaîtront pour mes disciples » (verset 35). Dont acte… Père Christophe Raimbault, professeur à l’Institut supérieur de pastorale catéchétique (ISPC) - Paris Points de repère Guide annuel 2012/2013 Formateurs / À travers la Bible 2/2