La Cnam met Sophia sur orbite

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La CNAM met
Sophia sur orbite
La première phase expérimentale du programme de la CNAM
pour l’accompagnement des patients diabétiques est lancée.
Objectif : dépenser plus en amont pour réduire les coûts en aval.
Au-delà, l’assurance-maladie ne veut plus être un payeur passif.
D
epuis mars dernier, les patients diabétiques de
type 1 et 2 (en ALD) des dix départements pilotes choisis par l’assurance-maladie 1 bénéficient
d’une partie du service « Sophia », c’est-à-dire
l’envoi d’information et d’une demande d’adhésion. Le
service sera généralisé à partir de septembre avec la mise
en place de services Internet et d’un accompagnement téléphonique par des professionnels de santé formés. Au total,
136 000 patients sont visés dans le cadre de cette expérimentation qui sera évaluée jusqu’en juin 2010. Pourquoi
un lancement sur dix départements pilotes ? Frédéric van
Roekeghem, directeur de la CNAM, explique en février
qu’il est « souhaitable de s’assurer de la qualité du
service, voire de le faire évoluer », avant de
le généraliser. L’objectif est d’améliorer la
prise en charge et l’état de santé des paNeuf milliards
tients, et surtout de prévenir les complications. Le directeur de la CNAM (et
d’euros
de l’UNCAM) estime ainsi que « rendre les patients plus acteurs de leur
remboursés
pathologie devrait permettre d’y parveaux diabétiques nir
». Le programme Sophia a vocation
à s’étendre à d’autres pathologies chroniques comme l’hypertension ou l’asthme
et il est d’ailleurs présenté comme « un service
d’accompagnement de l’assurance-maladie pour les
personnes atteintes de maladies chroniques ». Si le diabète
a été choisi comme première cible, c’est qu’il est en forte
augmentation, avec un nombre de malades qui a doublé
en dix ans. Il est aussi au 2ème rang des affections de longue
durée (ALD).
Actuellement, huit diabétiques sur dix sont pris en charge
à 100 % dans le cadre du régime ALD, mais certaines voix
s’élèvent pour remettre en cause cette prise en charge. La
ministre de la santé, paradoxalement, a laissé entendre que
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PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2008
le diabète, parmi les ALD, était une maladie « moins grave » que d’autres ! Connaît-elle vraiment son dossier. Certains y voient la volonté de revenir sur cette classification.
La Haute autorité de santé (HAS) indique des pistes de réflexion pour sortir le diabète de type 2 des ALD. Roselyne
Bachelot vient d’annoncer qu’une réforme des modalités
de prise en charge des soins est prévue pour le premier trimestre 2009. Le diabète de type 2, dit « diabète gras », est
en effet lié au mode de vie et soulève des questions de responsabilité individuelle. L’Association française des diabétiques (AFD) dénonce une «hiérarchisation des maladies»
et explique qu’une remise en cause de la prise en charge à
100 % entraînerait une diminution du respect des schémas
thérapeutiques, donc de l’observance des traitements et par
là même davantage de complications. La CNAM rappelle
que la rétinopathie diabétique est la première cause de cécité avant 65 ans en France ; les lésions du pied sont la première cause d’amputation non traumatique ; la moitié des
amputations des membres inférieurs concernent des diabétiques ; des complications cardiovasculaires sont également
possibles ; tout comme l’insuffisance rénale avec 30 % des
7 000 nouveaux dialysés par an, qui sont diabétiques.
Prise en charge conditionnée
Les complications du diabète sont dramatiques du fait de
leur gravités. De plus, ce sont près de neuf milliards d’euros
de soins et de traitements qui sont remboursés chaque année aux patients diabétiques en ALD, soit 5 910 euros par
personne, avec un coût des traitements médicamenteux qui
a doublé en cinq ans.
Le concept de « disease management » est assumé, mais on
précise toujours « à la française », ce qui signifie qu’il n’y a
– pour l’instant ? – aucune contrainte pour le patient. En
effet, là où les programmes américains de « gestion de la maladie » sont depuis l’origine assortis à de meilleures condi-
Dossier Diabète
FRÉDÉRIC VAN
ROEKEGHEM,
DIRECTEUR DE
L’UNCAM, VEUT FAIRE
ÉVOLUER LE SERVICE.
tions de prise
en charge et
de remboursement
pour leurs membres,
l’assurance-maladie se contente
de « proposer » son service Sophia aux patients majeurs
en ALD. L’adhésion s’opère sur la base du volontariat, le
patient peut sortir du programme à tout moment, sans
aucune incidence sur ses conditions de remboursement. Si
l’expérimentation est un succès, permettant d’infléchir les
courbes, on imagine facilement que la prise en charge à
100 % pourrait à l’avenir être conditionnée à l’adhésion à
un tel programme. Dans la mesure où la démonstration est
apportée de son intérêt pour les patients et pour les dépenses du régime général, cette évolution serait plus pragmatique qu’idéologique, et pourrait recueillir l’assentiment
de la majorité des assurés.
Le côté « expérimental » du dispositif serait alors le
moyen de faire évoluer les esprits vers une responsabilisation croissante du patient. L’AFD le reconnaît (voir
pages suivantes), le patient diabétique est souvent passif.
Dans le cadre de Sophia, il va bénéficier d’une première
consultation avec son médecin traitant qui va permettre
un état des lieux de sa maladie et une évaluation de ses
besoins. Cette consultation sera facturée 2C (44 euros)
à l’assurance-maladie, puis le suivi annuel du patient rapportera 1 C (22 euros) au médecin traitant, en plus de sa
rémunération spécifique. 6 000 médecins traitants sont
concernés par la phase expérimentale. Pourquoi cette prise
en charge ne peut-elle être réalisée dans le cadre du parcours de soins ? C’est pourtant simple : pour que le patient
soit davantage acteur de sa maladie, donc plus autonome,
donc plus responsable, il lui faut un soutien personnalisé
qui va l’inciter, ni plus ni moins, à mettre en pratique les
recommandations de son médecin. Logique. n
Jocelyn Morisson
(1) Ariège, Gers, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne, Tarn,
Sarthe, Loiret, Puy de Dôme, Alpes Maritimes, Seine Saint Denis.
Michel Combier,
« C’est un dispositif expérimental, y compris
pour l’aspect
rémunération
des médecins.
Nous verrons comment les médecins vont
le recevoir. A l’heure actuelle, une partie de
cette prise en charge n’est pas effectuée et il
y a une demande des patients. La prise en
charge complémentaire sera adaptée à leurs
besoins et la première étape correspond à
l’évaluation de ces besoins. Ensuite, on entre dans du « disease management », qui
va reposer sur les professionnels de santé :
médecins, infirmiers, kinés, pharmaciens,
dentistes... La prise en charge devient plus
complète et plus complexe. Sont-ils prêts à
président de l’UNOF
la faire, et dans quelles conditions ? L’édu- certains cas, c’est justement parce qu’on
cation thérapeutique demande davantage n’a pas cette prise de conscience que l’on
d’investissement de la part des profession- est malade. Les médecins français, pour la
nels libéraux ; il faut donc une rémunéra- plupart, ne sont pas investis dans ce type de
tion en conséquence. Nous allons voir les démarche. Par exemple, l’étude ENTRED*
progrès qui seront permis par Sophia. C’est a montré une progression, mais nous sombien que l’assurance-maladie
mes loin de la prise en charge idéale. A
prospecte dans ce sens, car
l’heure où l’on promet de nous noter
elle a tôt fait de culpasur Internet, la meilleure réponse
biliser les médecins
que nous puissions apporter est
sur les résultats sans
la pertinence globale de la proLa prise
se rendre compte
fession en termes de résultats
de conscience
des réalités du teret de prise en charge : aller vers
rain. Or, obtenir
le mieux, mais ça ne sera pas à
n’est pas
des résultats et une
coût constant. »
prise de conscience
facile
sur son état de santé
(*) Échantillon National Témoin Représentatif des pErsonnes Diabétiques
n’est pas facile. Dans
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