32
PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2008
Le programme Sophia de la CNAM a été réalisé avec
la collaboration de l’Association française des diabé-
tiques (AFD), première association de diabétiques
en France (130 000 adhérents), et de la Ligue des
diabétiques de France (LDF), qui anime depuis plusieurs
années les « Maisons du Diabète » au sein desquelles une
éducation thérapeutique est réalisée. De son côté, l’Associa-
tion d’aide aux jeunes diabétiques (AJD) s’intéresse au dia-
bète de l’enfant (type 1) et organise également des séjours
« d’éducation médicale ».
Scénario catastrophe
A l’heure des menaces qui pèsent sur le régime
des ALD et des velléités de remise en cause
de la prise en charge à 100 % des diabéti-
ques (qui concerne aujourd’hui huit diabé-
tiques sur dix), l’AFD lutte sur plusieurs
fronts. Contre cette remise en cause et
contre les franchises médicales, mais pour
une réflexion sur la notion de « bouclier
sanitaire » et pour une implication dans le
programme Sophia. Gérard Raymond, prési-
dent de l’AFD, se félicite d’avoir fait évoluer le
projet initial de la CNAM : « Aujourd’hui, le pro-
gramme n’est pas du tout tel qu’il nous a été présenté il y a
un an et demi. Nous l’avons fait évoluer « à la française »,
en tenant compte des offres de proximité, des spécificités et
en réfléchissant sur le quotidien du diabétique, au début de
la maladie, après cinq ans, après dix ans... » Quelles sont les
modifications qui ont été apportées au programme ? « L’ap-
proche qualité de vie n’était pas envisagée comme elle l’est
désormais, précise Gérard Raymond. Même chose pour
l’ampleur de la plateforme de services en termes de conte-
nu et de formation. De même, le comité scientifique a été
ouvert à différents professionnels de santé. Et nous avons
surtout obtenu une segmentation claire entre les types 1
insulino-traités et les types 2 complexe ou ordinaires. »
La remise en cause de la prise en charge des diabètes à
100 %, en la limitant par exemple à ceux qui présentent
au moins une complication clinique, est un scénario ca-
tastrophe pour l’Association française des diabétiques, qui
la qualifie de « non assistance à personne en dan-
ger ». L’économie ainsi réalisée ne serait que de
100 millions d’euros, estime l’AFD. Mais
cette épée de Damoclès n’est pas étrangère
à l’implication de l’association dans le
programme de « disease management »
de la CNAM. L’Association sait bien en
effet que les ALD mobilisent 60 % des
dépenses de santé, et connaît le poids du
diabète dans ces dépenses. Les projections
montrent en effet que les neuf milliards
aujourd’hui remboursés pourraient plus que
doubler à l’horizon 2015.
Querelles sémantiques
Devenues depuis quelques années « acteurs de santé », les
associations de patients sont de plus en plus associées aux
réflexions des pouvoirs publics sur les maladies chroniques.
De fait, elles n’ont pas attendu la CNAM pour faire de
Associations de patients
Entre marteau
et enclume
Les associations de diabétiques adultes apportent leur soutien
et leur contribution au programme Sophia de la CNAM.
Un engagement qui entend surtout préserver le statut d’ALD
pour les diabétiques.
Disease
management
« à la française »
GÉRARD RAYMOND, PRÉSIDENT DE
L’AFD, SE FÉLICITE D’AVOIR FAIT ÉVOLUER
LE PROJET INITIAL DE LA CNAM
l’éducation thérapeutique. Claude So-
kolowsky, président de l’Union des
maisons du diabète (UMD) et
de la LDF, soutient lui aussi le
programme Sophia : « La dé-
marche de la CNAMTS est
particulièrement novatrice,
note-il dans une tribune
parue dans Equilibre (re-
vue de l’AFD). Nous la
soutenons parce qu’elle
accorde enfin au patient la
place, et plus précisément
l’importance qui ne lui
était jusqu’alors pas suffi-
samment reconnue dans le
système de soins. Mais no-
tre soutien n’est ni aveugle ni
inconditionnel. Parce que cet
accompagnement, la CNAMTS
le stipule bien, ne constitue pas et
ne remplace pas l’éducation théra-
peutique. Or, l’éducation théra-
peutique a toujours été et reste
de plus en plus notre priorité. »
Sur ce thème, Gérard Raymond
déplore pour sa part « les gran-
des querelles sémantiques » :
« Le terme en lui-même n’est pas
important ; l’essentiel est le constat
que ce n’est pas la prescription mé-
dicamenteuse qui fait que le diabétique
est équilibré ou non. Au-delà de l’ordonnance, il y a tout
un environnement, une qualité de vie, qui font qu’on est
plus ou moins bien. L’éducation thérapeutique peut englo-
ber le social, l’économique, l’environnement, la prescrip-
tion... Tout cela doit faire partie de ce que nous avons ap-
pelé l’accompagnement du patient. Accompagnement dans
son quotidien, son environnement socio-économique, sa
qualité de vie, mais aussi dans son autonomie vis-à-vis de
son schéma thérapeutique, c’est l’éducation thérapeutique
proprement dite. »
Pas d’accès direct au patient
Mais la question clé, celle qui impacterait fortement l’in-
cidence des complications du diabète, n’est-elle pas l’ob-
servance des traitements, sur laquelle la CNAM ne semble
pas avoir réalisé d’études avant de lancer son programme ?
« Considérer d’abord la question de l’observance, c’est pren-
dre le problème par le petit bout de la lorgnette, estime
rard Raymond. L’observance doit être le résultat d’une
bonne éducation thérapeutique, elle-même réalisée dans le
cadre d’un accompagnement global du patient. » Au cœur
du dispositif engagé, le médecin traitant doit en être le coor-
dinateur. Selon Gérard Raymond, « ces expérimentations
visent autant à modifier les comportements des patients, qui
sont trop passifs, qu’à améliorer les pratiques médicales en
donnant au médecin les outils adaptés. » Le complément de
munération obtenu par les omnipraticiens dans le cadre
de Sophia préfigure selon lui « la rémunération forfaitaire
dans la prise en charge des ALD ». Quant aux entreprises de
santé, « elles ont un rôle à jouer, mais sans un accès direct
au patient ou une intervention limitant l’indépendance du
médecin. Elles ont un rôle de promoteur de la prévention et
de soutien à certaines actions comme la nôtre. C’est au légis-
lateur de clarifier », conclut le président de l’AFD. n
Jocelyn Morisson
33
AVRIL 2008 - PHARMACEUTIQUES
Diabète Dossier
L’ éducation au cœur de l’action
L’Association d’aide aux jeunes diabéti-
ques (AJD) n’est pas directement concer-
née par le programme Sophia, qui vise les
patients de plus de 18 ans et en particu-
lier les diabétiques de type 2. L’éducation
thérapeutique est en revanche au cœur de
son action depuis longtemps, comme l’ex-
plique son directeur général, le Dr. Michel
Cahané : « L’AJD organise depuis plus de
50 ans des séjours d’éducation médicale
dans des lieux de vacances qui permettent
à l’enfant de vivre son diabète au quotidien
et de pouvoir échanger avec des soignants
et d’autres enfants ». Le thème n’est donc
pas nouveau, mais les approches ont lar-
gement évolué depuis la fin du XXe siècle,
« l’on privilégiait l’information médicale
et l’apprentissage de gestes techniques », et
l’approche contemporaine qui « prend en
compte les autres dimensions et en particu-
lier la dimension sociale pour que l’enfant
vive au mieux son diabète. D’où la néces-
sité d’y associer la famille », ajoute le Dr.
Cahané. Le premier lieu d’éducation thé-
rapeutique est l’hôpital, « le diagnostic
est posé et l’on s’attache à régler les problè-
mes métaboliques, l’équilibre du diabète »,
poursuit-il, « et il faut régler en même
temps les problèmes de vie quotidienne,
la façon dont la famille va pouvoir, selon
ses habitudes, intégrer un enfant malade. »
Le second lieu s’opère l’éducation thé-
rapeutique est la consultation, l’hôpital de
jour, ou les séjours à l’AJD. « Les enfants
peuvent couper le cordon avec la famille et
gagner en autonomie, explique Michel Ca-
hané. Ça permet aussi aux parents de rede-
venir des parents. » Au final, « l’éducation
thérapeutique repose sur le lien humain,
ajoute-t-il. C’est l’affaire des soignants, de
l’entourage du patient et de la société. »
Accompagnement
n’est pas
éducation
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !