Associations de patients : Entre marteau et

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Associations de patients
GÉRARD RAYMOND, PRÉSIDENT DE
L’AFD, SE FÉLICITE D’AVOIR FAIT ÉVOLUER
LE PROJET INITIAL DE LA CNAM
Entre marteau
et enclume
Les associations de diabétiques adultes apportent leur soutien
et leur contribution au programme Sophia de la CNAM.
Un engagement qui entend surtout préserver le statut d’ALD
pour les diabétiques.
L
e programme Sophia de la CNAM a été réalisé avec
la collaboration de l’Association française des diabétiques (AFD), première association de diabétiques
en France (130 000 adhérents), et de la Ligue des
diabétiques de France (LDF), qui anime depuis plusieurs
années les « Maisons du Diabète » au sein desquelles une
éducation thérapeutique est réalisée. De son côté, l’Association d’aide aux jeunes diabétiques (AJD) s’intéresse au diabète de l’enfant (type 1) et organise également des séjours
« d’éducation médicale ».
proche qualité de vie n’était pas envisagée comme elle l’est
désormais, précise Gérard Raymond. Même chose pour
l’ampleur de la plateforme de services en termes de contenu et de formation. De même, le comité scientifique a été
ouvert à différents professionnels de santé. Et nous avons
surtout obtenu une segmentation claire entre les types 1
insulino-traités et les types 2 complexe ou ordinaires. »
La remise en cause de la prise en charge des diabètes à
100 %, en la limitant par exemple à ceux qui présentent
au moins une complication clinique, est un scénario catastrophe pour l’Association française des diabétiques, qui
Scénario catastrophe
la qualifie de « non assistance à personne en danA l’heure des menaces qui pèsent sur le régime
ger ». L’économie ainsi réalisée ne serait que de
des ALD et des velléités de remise en cause
100 millions d’euros, estime l’AFD. Mais
de la prise en charge à 100 % des diabéticette épée de Damoclès n’est pas étrangère
ques (qui concerne aujourd’hui huit diabéà l’implication de l’association dans le
Disease
tiques sur dix), l’AFD lutte sur plusieurs
programme de « disease management »
management
fronts. Contre cette remise en cause et
de la CNAM. L’Association sait bien en
contre les franchises médicales, mais pour
effet que les ALD mobilisent 60 % des
« à la française » dépenses
une réflexion sur la notion de « bouclier
de santé, et connaît le poids du
sanitaire » et pour une implication dans le
diabète dans ces dépenses. Les projections
programme Sophia. Gérard Raymond, présimontrent en effet que les neuf milliards
dent de l’AFD, se félicite d’avoir fait évoluer le
aujourd’hui remboursés pourraient plus que
projet initial de la CNAM : « Aujourd’hui, le prodoubler à l’horizon 2015.
gramme n’est pas du tout tel qu’il nous a été présenté il y a
un an et demi. Nous l’avons fait évoluer « à la française », Querelles sémantiques
en tenant compte des offres de proximité, des spécificités et Devenues depuis quelques années « acteurs de santé », les
en réfléchissant sur le quotidien du diabétique, au début de associations de patients sont de plus en plus associées aux
la maladie, après cinq ans, après dix ans... » Quelles sont les réflexions des pouvoirs publics sur les maladies chroniques.
modifications qui ont été apportées au programme ? « L’ap- De fait, elles n’ont pas attendu la CNAM pour faire de
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PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2008
Diabète Dossier
l’éducation thérapeutique. Claude Sokolowsky, président de l’Union des
maisons du diabète (UMD) et
de la LDF, soutient lui aussi le
programme Sophia : « La démarche de la CNAMTS est
particulièrement novatrice,
note-il dans une tribune
parue dans Equilibre (revue de l’AFD). Nous la
soutenons parce qu’elle
accorde enfin au patient la
place, et plus précisément
l’importance qui ne lui
était jusqu’alors pas suffisamment reconnue dans le
système de soins. Mais notre soutien n’est ni aveugle ni
inconditionnel. Parce que cet
accompagnement, la CNAMTS
le stipule bien, ne constitue pas et
ne remplace pas l’éducation thérapeutique. Or, l’éducation thérapeutique a toujours été et reste
Accompagnement de plus en plus notre priorité. »
Sur ce thème, Gérard Raymond
n’est pas
déplore pour sa part « les granéducation
des querelles sémantiques » :
« Le terme en lui-même n’est pas
important ; l’essentiel est le constat
que ce n’est pas la prescription médicamenteuse qui fait que le diabétique
est équilibré ou non. Au-delà de l’ordonnance, il y a tout
un environnement, une qualité de vie, qui font qu’on est
plus ou moins bien. L’éducation thérapeutique peut englo-
ber le social, l’économique, l’environnement, la prescription... Tout cela doit faire partie de ce que nous avons appelé l’accompagnement du patient. Accompagnement dans
son quotidien, son environnement socio-économique, sa
qualité de vie, mais aussi dans son autonomie vis-à-vis de
son schéma thérapeutique, c’est l’éducation thérapeutique
proprement dite. »
Pas d’accès direct au patient
Mais la question clé, celle qui impacterait fortement l’incidence des complications du diabète, n’est-elle pas l’observance des traitements, sur laquelle la CNAM ne semble
pas avoir réalisé d’études avant de lancer son programme ?
« Considérer d’abord la question de l’observance, c’est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette, estime
Gérard Raymond. L’observance doit être le résultat d’une
bonne éducation thérapeutique, elle-même réalisée dans le
cadre d’un accompagnement global du patient. » Au cœur
du dispositif engagé, le médecin traitant doit en être le coordinateur. Selon Gérard Raymond, « ces expérimentations
visent autant à modifier les comportements des patients, qui
sont trop passifs, qu’à améliorer les pratiques médicales en
donnant au médecin les outils adaptés. » Le complément de
rémunération obtenu par les omnipraticiens dans le cadre
de Sophia préfigure selon lui « la rémunération forfaitaire
dans la prise en charge des ALD ». Quant aux entreprises de
santé, « elles ont un rôle à jouer, mais sans un accès direct
au patient ou une intervention limitant l’indépendance du
médecin. Elles ont un rôle de promoteur de la prévention et
de soutien à certaines actions comme la nôtre. C’est au législateur de clarifier », conclut le président de l’AFD. n
Jocelyn Morisson
L’ éducation au cœur de l’action
L’Association d’aide aux jeunes diabétiques (AJD) n’est pas directement concernée par le programme Sophia, qui vise les
patients de plus de 18 ans et en particulier les diabétiques de type 2. L’éducation
thérapeutique est en revanche au cœur de
son action depuis longtemps, comme l’explique son directeur général, le Dr. Michel
Cahané : « L’AJD organise depuis plus de
50 ans des séjours d’éducation médicale
dans des lieux de vacances qui permettent
à l’enfant de vivre son diabète au quotidien
et de pouvoir échanger avec des soignants
et d’autres enfants ». Le thème n’est donc
pas nouveau, mais les approches ont largement évolué depuis la fin du XXe siècle,
« où l’on privilégiait l’information médicale
et l’apprentissage de gestes techniques », et
l’approche contemporaine qui « prend en
compte les autres dimensions et en particulier la dimension sociale pour que l’enfant
vive au mieux son diabète. D’où la nécessité d’y associer la famille », ajoute le Dr.
Cahané. Le premier lieu d’éducation thérapeutique est l’hôpital, « où le diagnostic
est posé et l’on s’attache à régler les problèmes métaboliques, l’équilibre du diabète »,
poursuit-il, « et il faut régler en même
temps les problèmes de vie quotidienne,
la façon dont la famille va pouvoir, selon
ses habitudes, intégrer un enfant malade. »
Le second lieu où s’opère l’éducation thérapeutique est la consultation, l’hôpital de
jour, ou les séjours à l’AJD. « Les enfants
peuvent couper le cordon avec la famille et
gagner en autonomie, explique Michel Cahané. Ça permet aussi aux parents de redevenir des parents. » Au final, « l’éducation
thérapeutique repose sur le lien humain,
ajoute-t-il. C’est l’affaire des soignants, de
l’entourage du patient et de la société. »
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